Brisée

Chapitre 1 : Cassure.

Chapitre final

793 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 06:40

Je suis tout ce qu'une goule peut être. Mauvaise. Belliqueuse. Intenable et insoutenable. Pourquoi t'ai-je rencontré ?

Pourquoi a-t-il fallu que notre rencontre et la séparation qui s'ensuivit brise le peu d'humanité qui restait en moi ?

Pourquoi, toi qui étais si pur, si innocent, aies pu m'entraîner dans le gouffre sans fond qu'est devenue mon âme ?

Pourquoi es-tu pur ?

Pourquoi suis-je maudite ?

 

On était amis ! Comment nos natures si différentes aient pu nous anéantir ? Pourquoi suis-je vide ? Pourquoi mon cœur pleure et mes yeux saignent ?

 

Pourquoi donc les humains normaux tiennent-ils tant à mon anéantissement ?

 

S'il te plaît, réponds-moi !

 

Pourquoi tiens-tu autant à m'oublier ?

 

Suis-je trop incomplète à tes yeux ?

 

Parce que je suis une goule ? Sanguinaire, incapable de ressentir autre chose que la haine ?

 

Je ne te porte aucune haine !

 

Tu veux mon mal, et je veux ton bien. Ton bien ! Pourquoi m'ignores-tu ? Pourquoi pars-tu, sans trace autre que la déchirure en moi ?

 

Je m'en arrache les cheveux ! Chaque soir, je te pleure ! Oui, chaque soir !

Chaque soir, les larmes coulent sur la plaie que tu as laissée sans le savoir ! Tu es la pièce manquante d'un tout. Un tout que je pleure et tente de cacher à ces humains qui veulent me détruire !

 

Mais je ne mange pas.

 

Il y a longtemps qu'une chair n'a pas effleuré mes lèvres.

 

Je ne plus bouger.

 

Pourquoi suis-je si faible ?

 

Pourquoi ma vie se retire ?

 

Pourquoi mes yeux se ferment-ils une dernière fois ?

 

Pourquoi te tiens-tu là, une fleur à la main, comme pour me dire ''adieu'' ?

 

M'estimes-tu morte à tes yeux ?

 

Suis-je un monstre, pour toi ?

 

Pourquoi mes yeux se ferment ?

 

Dans un dernier sursaut d'espoir, je crie ton nom.

 

Le blizzard emporte mes paroles. Tu ne les entends pas.

 

Pourquoi caches-tu tes oreilles de la peine qui m'envahit ?

 

Tu caches les oreilles qui ne veulent pas entendre. Entendre quoi ? Ma voix faible qui t'appelle.

 

Tu caches les yeux qui ne veulent pas voir. Voir quoi ? Ma dépouille.

 

Tu caches les mains qui ne veulent plus sentir. Sentir quoi ? Mes doigts froids.

 

Tu caches la bouche qui ne veut plus goûter. Goûter quoi ? Mon étreinte salée autour de ton cou.

 

Tu caches le nez qui ne veut plus sentir. Sentir quoi ? Hein ? L'odeur de cadavre, moisi de l'intérieur ?

 

Tu renies le mal qui me ronge depuis que nous sommes partis chacun de notre côté !

 

Tu mérites bien ton nom de goule borgne. Tu caches tes yeux vairons d'un drap que tu ne peux plus retirer.

 

Mais moi, je te vois. Je te vois t'éloigner.

 

Et je cède, enfin.

 

Je cède au vide qui me tend les bras.

 

Je cède à ton absence.

 

Je cède à ma nature de monstre de foire.

 

 

 

 

Mais nous ne sommes pas des goules. Pourtant, nous réagissons comme telles. La goule borgne est l'enfant. Tu te comportes comme un vulgaire enfant. Mais toi au moins, malgré le fait que tu aies la même année de naissance que moi, la goule, la sans-cœur, tu es pur, et je souhaites que tu le restes. Les adultes sont humains. Ce sont eux qui veulent nous séparer, et qui maintiennent le drap sur tes yeux.

Malgré le temps qu'il te faudra pour y arriver, bats-toi toujours pour retirer ce voile blanc, et tu pourras ainsi voir le rouge de mon sang qui ne t'atteint pas.

 

Je vois la fleur que tu poses sur ma poitrine.

 

J'ai été du mauvais côté de la barrière.

 

Sois du bon.

 

Alors seulement, le drap s'enlèvera, et je partirais.

 

Mais au moins, j'aurais vu le vert vairon de tes yeux briller.

 

Une dernière fois.

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