ET SI Titanic avait été plus explicite ?

Il était à peine 6 heures du matin lorsque Rose ouvrit les yeux, réveillée par les ronflements stridents de Cal, son fiancé.

"Heureusement que la communauté bourgeoise exclut les rapports charnels avant le mariage !", pensait-elle.

Elle décida de s'extirper précautionneusement de son lit afin de ne pas réveiller Cal. Passer une heure de plus dans la journée en sa compagnie serait un fardeau impossible à porter. Elle se mit dans l'autre pièce de sa grande suite et admira les tableaux qu'elle avait fait mettre là pour égayer l'endroit. Elle scrutait avec une avidité folle les jeux de lumières opérés par le peintre et touchait les cadres anciens afin d'en sentir les aspérités, même petites.

Elle s'arrêta un instant pour penser à sa folle rencontre de la nuit passée. Ou était cet inconnu ? Allait-il venir ce soir au diner ? Elle repensa à ses belles mains puissantes qui avaient pu la rattraper d'une mort certaine. Qu'il était beau ce garçon avec ses beaux yeux océan. Elle avait remarqué hier qu'il la regardait d'une manière très spéciale et tout compte fait elle avait aimé ça. Ce regard de désir, ce goût de l'interdit, il fallait qu'elle le revoie seul à seul d'une manière ou d'une autre et quelque soit le prétexte. Elle était devenue en un instant, hier soir, dépendante du regard de Jack.

Elle entendit du bruit dans la chambre à coucher. Il était déjà 7 heures et Cal ne mettrait pas longtemps avant de se réveiller. Elle appela la domestique chargée de sa toilette et demanda à ce qu'on lui apporte ses habits pour le déjeuner. Rose détestait qu'on l'infantilise de la sorte mais elle exécrait encore plus le regard choqué de ses domestiques lorsqu'elle s'occupait seule d'elle même. Une fois suffisamment habillée et coiffée pour prétendre à un petit déjeuner mondain, elle sortit sur le pont supérieur ou se trouvaient déjà sa mère et une de ses amies :

"Vous vous levez tôt dis donc ! Quelle mouche vous a piqué ma fille !", esquissa Ruth, la mère de Rose, avec un sourire en coin qui ne faisait pas deviner clairement l'état d'esprit dans lequel elle se trouvait.

"J'avais beaucoup d'énergie ce matin", répondit Rose, le regard fixé sur les œillets disposés délicatement au centre de la table pour lui donner une teinte plus champêtre.

"Pourtant avec ce que vous avez vécu hier soir, je pensais que nous ne vous verrions pas du matin. Quelle chance qu'un jeune homme ait été là juste au bon moment..." répondit Ruth avec cette fois un sourire narquois très franc.

Rose fut mine de ne pas voir cet affront. Le reste du petit déjeuner se déroula sans un mot de cette dernière. Elle observait tous les détails de cet endroit qui avait été conçu pour reproduire la vie qu'elle avait toujours vécue. Ces fleurs, ces fausses barrières blanches de décoration, le faux parfum de printemps vaporisé sur tout le pont supérieur et même les fioritures ornant toutes les portes de l'endroit rendait encore plus risible à ses yeux la superficialité de cet instant. Qu'allait-elle faire de sa journée ? Comment allait-elle occuper ce temps interminable ? Elle n'en pouvait plus d'écouter ces vrais bourgeoises élucubrer ces fausses démonstrations de joie et sourire presque en continu simplement là pour donner l'impression qu'elles sont des femmes comblées. Elle voulait de l'aventure, du frisson, ne pas savoir ce qui allait se passer. Jack représentait à ses yeux maintenant l'imprévu le plus doux qu'il lui ait été donné de voir. C'est décidé. Elle allait rechercher Jack aujourd'hui, contempler l'objet de ses frissons durant une journée.

Quand elle eut fini de manger, elle se pressa de prendre congé et prétexta qu'elle avait une nouvelle amie à rencontrer sur le pont supérieur. Elle contourna la suite dans laquelle siégeait son fiancé et pris le petit escalier à l'opposé pour descendre sur le pont inférieur. Qu'allait-elle pouvoir prétexter ? L'excitation montait à mesure qu'elle se rapprochait de Jack. L'idée de le voir à nouveau poser ses yeux sur elle retournait en elle ses instincts alors jusque-là les plus muets. Elle arriva donc sur le pont inférieur, déterminée à retrouver l'homme qui la rend fébrile.

Il était là, au loin, assis sur un banc, un carnet de notes à la main. Quand il vit Rose s'approcher de lui, il ferma son calepin d'un coup sec et se leva pour saluer cette superbe femme qui lui avait offert le plaisir de sa visite. Il remarqua également qu'elle dénotait avec le paysage avec sa démarche princière et sa peau qui avait l'air aussi douce et aussi claire que de la porcelaine de de chine. Il remarqua un grain de beauté au dessus de sa lèvre supérieure et il ne pût s’empêcher de se demander si elle ne avait un sur la fesse également. Il repris ses esprits en espérant ne pas s'être égaré trop longtemps. Il balbutia :

"B..Bonjour Madame. Ou... puis-je encore vous appeler Mademoiselle ?"

"Mademoiselle... Je.. je ne suis pas mariée"

"Alors Mademoiselle Rose, que fait une aussi jolie femme sur le pont des pestiférés ?"

"Je.. hum... déjà ce n'est pas le pont des pestiférés mais un lieu comme les autres et je pense que j'ai le droit comme quiconque de me déplacer où bon me plaît dans le bateau."

"Vous me cherchiez ?", répondit Jack avec un sourire en coin.

"NON ! ... Pas du tout ! Je... et puis qu'est ce que tu faisais avant avec ton calepin ?".

Rose était tellement paniqué à ce que les véritables raisons de sa présence sur le pont inférieur soient révélés qu'elle pris des mains le calepin de Jack et se mis à le feuilleter frénétiquement. Il y avait bon nombre de dessins dans ce carnet, des esquisses de très bonne qualité.

"Tu as du talent, Jack. Tu le saisz?", ajouta Rose en regardant Jack avec ses grand yeux pleins de tendresses.

Jack ne put résister à ce regard et s'approcha de Rose sur le banc, feignant de vouloir lui montrer plus d'esquisses. Il posa une main sur le genou de Rose et, avec l'autre main, il feuilletait les pages de son calepin en racontant diverses anecdotes.

"Là, c'est des dessins que j'ai fait en France. Les françaises sont beaucoup moins farouches que les anglaises et se mettent dans leur plus simple appareil pour trois fois rien. J'ai beaucoup amélioré ma technique pendant [...]"

Rose ne l'écoutait plus qu'à moitié. Jamais un jeune homme n'avait eu l'audace de poser sa main ainsi sur elle. Dans un autre contexte, elle aurait immédiatement fait retirer la main, mais elle était tellement assaillie de toutes les émotions possibles et imaginables qu'elle n'avait aucune envie que cela s'arrête. Elle se contenta donc de contempler les dessins de Jack, muette. Elle sentait une sorte de torsion dans son bas-ventre, une sensation qu'elle n'avait jamais ressenti auparavant. Elle avait envie qu'il remonte sa main un peu plus pour remonter sur la peau de ses cuisse, elle avait envie qu'il l'embrasse, elle voulait qu'il la déshabille avec autant de ferveur que possible.

Elle se senti tout à coup un peu gêné par ce désir qu'elle ne devrait pas avoir. Elle était fiancée, de bonne famille. Pourquoi cet homme encore hier étranger lui faisais ressentir de pareilles choses ? Elle n'avait aucune envie de le quitter et pour couper court à cet échange presque charnel, elle se leva d'un bond et proposa. :

"Bon, j'ai fort envie de me dégourdir les jambes. Que dirais-tu de venir avec moi sur le pont de la première classe ? Je te ferai visiter."

"Très bonne idée. Mais.. je ne sais pas si je suis assez habillé pour prétendre à le visiter.."

"Ne t'en fais pas. Je me chargerai de quiconque aura quelque chose à dire la dessus."

Les deux jeunes gens se dirigèrent donc vers le pont supérieur. Il faisait beau, les rayons ocres du soleil donnaient une couleur encore plus particulière aux yeux de Rose. Jack avait remarqué qu'elle était belle. Mais à chaque fois qu'il posait à nouveau ses yeux sur elle, c'est comme si il découvrait un nouvel aspect de sa beauté et son attirance ne faisait que croitre. Etait-il en train de tomber amoureux ? Il n'avait jamais connu ce sentiment-là auparavant et peinait à réellement le définir. Ce qu'il savait, c'est qu'il avait la chance de côtoyer la femme la plus belle intérieurement et extérieurement qu'il lui ait été donné de rencontrer.

Rose voyait que Jack l'observait d'un air grave et ne disait rien. Et sourit et dit d'un ton enjoué :

"Mais ! Qu'est-ce que tu as à me regarder comme ça ? On dirait que tu as vu un fantôme"

"Euh... Non... c'est que... c'est spacieux le pont supérieur.", répondit Jack un peu décontenancé.

Jack eut envie de s'amuser un peu de la situation et proposa à Rose un défi :

"On dit que les gens du pont supérieur sont un peu coincés."

"Quoi ? Coincé moi ? Certainement pas !"

"Alors prouve-le"

"Comment est-ce que je peux le prouver ?"

"Mmmh... est-ce que les gens du pont supérieur osent faire ça ?". Jack sortit un énorme crachat qui s'écrasa au loin dans l'immensité de la mer.

"Pouah, c'est degueulasse", ajouta ensuite Rose qui était assez étonnée du défi qui lui était demandé.

"Tu vois, vous êtes coincés", répondit Jack sur un ton joueur.

"Mmmh, alors j'essaie.", Rose essaya de sortir un aussi gros crachat que Jack mais elle n'arriva pas à lancer son projectile à plus de 10 cm.

"Mais... comment tu fais ? Apprend moi"

"Alors regarde. Tu respires bien, tu rassemble toute la salive que tu as dans ta bouche et tu sors tout d'un coup, comme ça"

Jack n'avait pas fini sa démonstration qu'il fut interrompu par une voix féminine :

"Rose, vous nous présentez à votre charmant ami ?".

C'était Ruth, la mère de Rose, accompagnée de ses amies, visiblement estomaquée de la situation dans laquelle sa fille se mettait. Elle regardait Jack avec un sourcil plus haut que l'autre. Elle méprisait tout ce qu'elle ne connaissait pas et tout ce qui pouvait nuire à la réputation de sa fille et, par extension, à la sienne. Jack représentait tout ce qu'elle détestait et surtout, il entraînait sa fille dans des pratiques qu'elle jugeait rustres.

"Maman, je vous présente Jack. C'est lui qui m'a sauvé hier sur le pont. Sans lui je ne serais sûrement plus de ce monde.", répondit Rose à l'affront de sa mère.

"Ha oui j'ai entendu parler de vous", dit la mère de Rose d'un ton sec en scrutant ce nouvel invité de haut en bas.

"Vous ne devriez pas être sur le pont inférieur ?"

"Maman ! C'est moi qui l'ai invité à venir ici. Puis ce soir il se joint à nous pour le dîner sur l'invitation de Cal"

"Cela promet d'être..uhm...animé. J'espère que vous avez de quoi vous habiller jeune homme...", répondit Ruth en observant à nouveau minutieusement les habits quelque peu démodés et complètement délavés de Jack.

"Je..euh.."

Jack n'eut pas le temps de terminer sa phrase que Ruth et son cortège étaient déjà loin. Seul Madeleine resta vers les jeunes gens car elle savait ce que cela faisait de n'être pas accepté par la haute société. Elle-même était issue de la classe ouvrière et avait dû s'adapter aux us et coutumes de la "haute" lorsque son mari fit fortune dans le pétrol. Aujourd'hui elle n'était encore considérée que comme une parvenue malgré son travail acharné pour pouvoir y parvenir.

"Vous faites quelle taille ? 1m80 ? Je pense que les habits de mon fils pourraient très bien vous aller pour ce soir", déclara Madeleine avec un ton enjoué.

"Mais je pensais y aller comme ça !"

"Vous n'y songez même pas ! Vous allez être l'animal de foire de ces messieurs si vous faites cela. Venez avec moi, nous allons faire les essayages"

Madeleine tira Jack par la manche de son costume délavé pour le diriger vers ses appartements. Il jeta un dernier regard à Rose. Qu'elle était belle tout de même avec ses grands yeux verts ! Après-tout, peut-être que de nouveaux habits seront plus aptes à éveiller les faveurs de cette femme qui le hantait déjà.

LA SUITE AU PROCHAIN ÉPISODE