Régis est le patron d'une taverne à Toussaint
- 20 ans déjà, imagine ça Régis ! Quelle histoire ! Qui aurait cru que tu deviendrais un patron de taverne célèbre dans tout presque tout Toussaint
Jaskier était d’une belle couleur rouge à rendre jalouse les pommes du verger voisin. Sa démarche peu assurée témoignait de son ivresse.
- C’est d’autant plus drôle que presque personne ici n’avait de doute sur la question à part toi, Régis » rappela Geralt, en descendant une nouvelle gorgée de la désormais célèbre Vodka.
- Qui aurait parié qu’après 20 vingt ans tu aurais réussi à conserver les bonnes grâce de la Duchesse » commenta Zoltan Chivay, en passant plusieurs fois sa main dans son épaisse barbe blanche. - Aucun de nous ne donnait cher de ta peau, le barde ».
- Le mystère reste entier » dit Geralt avec un sourire moqueur.
- J’ai bien failli me retrouver pendu par mes parties intimes ou écarteler une fois deux pendant toutes ces années cela dit » Jaskier regardait tristement le fond de son verre, à nouveau vide.
Régie se résolu à le remplir à nouveau, pour la troisième fois dans la dernière demi-heure. A bientôt 60 ans, Jaskier accomplissait l’impossible, avoir toujours l’air d’un enfant. Son expression de petit malheureux était inimitable, et même le vampire, qui connaissait pourtant par cœur l’énergumène, se laissait encore parfois amadouer.
- De mes souvenirs, cela s’est produit au moins une bonne dizaine de fois. Peut-être que ta mémoire te joue des tours. Tu devrais faire attention à ta consommation tu n’es plus tout jeune » dit le vampire avec un sourire malicieux.
- C’est le début de la vieillesse » remarqua Zoltan, en insistant sur ce dernier mot et en acquiesçant des yeux. Il donna une grande tape dans le dos du poète. - Elle nous prendra tous, même toi ».
La simple mention du mot vieillesse semblait avoir atteint le barde comme si une impitoyable lance l’avait transpercée de part en part. Son regard apeuré se tourna soudainement vers le vampire.
- Non pas Régis, les vampires n’ont pas ce problème » dit-il comme s’il s’agissait d’une révélation.
- Non pour lui le problème est différent » fit remarquer Zoltan. Il a toujours été vieux dans sa tête, c’est une certitude.
Tous les compagnons rirent de bon cœur, sauf Régis qui esquissa seulement un sourire.
- N’imagine pas une seconde que je vais te transformer » répondit le vampire tout bas. Le barde prie une moue boudeuse.
Régis n’avait jamais été rancunier, mais il était attaché à la vérité. Avant qu’il ait le temps de rappeler à chacun les frasques de sa jeunesse une nouvelle fois, Zoltan enchaina :
- Même jeune et fringant, notre ami tavernier usait surement d’un vocabulaire riche pour décrire ses ébats avec des donzelles à crocs pointus. Peut-être même qu’il tenait un carnet de ses exploits au lit..
Régis leva les yeux au ciel alors que Zoltan fit de son mieux pour imiter la voix si particulière du Vampire
- Jour 3724, je me suis saisie de la jeune Ilda par les hanches, et ait commencé un mouvement de va et vient plutôt tonique. Je suis extasié par la beauté saisissante des deux sphères roses qui rebondissent en rythme contre mon bas ventre. Je suis saisie d’une envie pressante de fesser la demoiselle". Après quelques grognements amusés de l’auditoire, Régis répondit :
- J’ignorais que tu savais faire si bon usage de tous ces mots, Zoltan, tu es fort habile dans ta pratique du verbe ».
- Je vois que la conversation est toujours aussi subtile par ici » fit remarquer Yennefer en jugeant du regard les différents hommes en présence. Aucun d’entre eux ne sembla s’en offusquer, à part le sorceleur, qui s’empressa de remplir le verre de la sorcière, principale raison de sa venue au comptoir.
- Il est presque minuit et Ciri n’est toujours pas là, nous devrions la chercher
- Elle est rarement à l’heure.
- Ne te cherche pas des excuses pour pouvoir jouer au Gwent, Geralt, tu vaux mieux que ça !
- Ne t’inquiète pas, nous l’avons chacun formé du meilleur de notre capacité et personne dans ce bas monde ne saurait vraiment la mettre en danger si elle fait un tant soit peu attention.» Yennefer l’embrassa doucement et retourna à sa table avec Triss.
- Messieurs, il est temps de jouer ! » s'exclama Jaslier. Chacun d’entre eux, sauf Régis, se dirigea en direction d’une vaste table ronde qui leur était réservée.
Il les regarda d’un air attendri. Il aimait cette vie, ce métier. Il avait même réussi à arrêter de penser à la mort de Dettlaff, son vieil ami. La vie à Toussaint était douce, et la proximité de ses amis s’était révélée être une contribution non négligeable à son bonheur personnel.
Il remarqua alors un jeune homme qui venait de passer la porte de la taverne. Il avait un air familier, sans que Régis puisse comprendre d’où lui venait cette impression.
Il était de bonne taille, d’une solide constitution et avait un visage puissant et expressif. Il devait avoir 25 ans tout au plus. Il s’approcha doucement du comptoir en scrutant l’auberge.
- Est-ce qu’il vous reste des chambres et de quoi souper ? Je meurs de faim et j’aurais besoin d’une bonne nuit de sommeil.
- Sans problème jeune homme, j’imagine que tu as de quoi payer ? » Régis n’en doutait pas, le jeune homme portait une cape et des habits de bonne fabrique. Il répondit en posant une bourse pleine qui tinta sur le bar.
Le jeune avait remarqué le regard scrutateur du vampire, et fronça les sourcils. Son expression s’était durcie. Régie détourna les yeux et se concentra sur le nettoyage de la chopine qu’il avait dans les mains. Son dos fut parcouru d’un frisson lorsqu’il réalisa où il avait déjà vu.
- Ma tête ne vous revient pas, tavernier ? Ce ne serait pas la première fois qu’on me ferait la remarque »
- Vous m’avez rappelé quelqu’un, quelqu’un d’effroyable » dit Régis en montrant un sourire mauvais, qu’il espérait assez effrayant pour convaincre le jeune homme de la réalité de sa menace.
Il ne voulait pas verser de sang, pas ici, pas après tous ce qu’il avait construit. Il s’apprêtait pourtant à bondir au premier signe, mais s’arrêta en voyant l’expression apeurée du jeune homme. Il sentit alors l’odeur de la peur sur la peau de ce dernier et fut pris d’un doute. Il y avait certaines choses que même la plus puissante magie ne pouvait faire mentir.
- Quel est votre nom, jeune homme ? » demanda Régis pour apaiser l’atmosphère, devenue très lourde en l’espace d’un court instant.
- Viktor, Viktor de Roggeveen » Régis inspira lentement pour se calmer après cette réponse.
- Installez-vous à cet table ».
Cette bataille là avait été gagnée il y a bien longtemps, et qui que fut ce Viktor, il était un homme bien différent de son géniteur. Régis fit le choix de ne rien dire à ses compagnons, chacun ayant connu assez de violence et de doute pour une vie. Quel que fut le secret de la naissance de cet homme, il méritait aussi cette paix.