Une rose violette

Chapitre 1 : Une rose violette

Chapitre final

3477 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 29/05/2021 20:20

Une rose violette


Le vent se déchaînait avec une violence si inouïe qu’on pourrait croire que les arbres allaient se déraciner. Le ciel était recouvert d’une nappe de nuages grisâtres, sans parler de la brume qui peignait l’atmosphère d’une aura chagrine. Peut-être qu’un Brumelin se dissimulait dans le brouillard, guettant un voyageur imprudent comme pitance. Pourtant, dans ces lieux, se trouvait un homme aux cheveux roux flamboyant et aux yeux vert profond comme une mer déchaînée. Il se tenait droit, stoïque comme une statue, devant ce vieux portail de fer rouillé envahie de plante grimpante. La mine affligée, il tenait dans sa main droite une rose violette à la sombre beauté. La fleur était si belle qu'on l’aurait cru fraîchement cueillie. La vérité c’est qu'il la trimbalait avec lui depuis des années. Jamais elle n’avait fané ou perdu ne serait-ce qu’un seul de ses pétales. La magie était derrière tout ça, l’amour de sa tendre et défunte épouse l'avait gardée aussi fraîche que la rosée du matin. Cette rose cache une bien triste histoire, l’histoire d’un homme fou amoureux, prêt à tout pour garder l’élu de son cœur auprès de lui. Il eut la bêtise de faire appel à Maître Miroir. Il signa un pacte et le démon exhaussa ses souhaits les plus ardents, mais faites attention à la formulation de vos demandes, car toute chose à un prix et Maître Miroir ne le savait que trop bien. Vous lui appartiendrez jusqu’à la fin des temps…

 Le jeune fou qu’était Olgierd von Everec en a subi les conséquences, la richesse, un domaine et la main de sa bien-aimée il récupéra, mais son cœur était devenu aussi dur que la pierre, il ne ressentait plus aucune douleur, peur, chagrin et amour… Pauvre femme qu’était dame Iris von Everec, de voir son époux dont elle était si éperdument amoureuse devenir un monstre immortel dénué de sentiments et d’endurer sa cruauté… Elle rendu l’âme de chagrin, sans crier gare, elle s’était juste étendue sur son lit. La mort n’avait apaisé son tourment. Jusqu’à l’arrivé du sorceleur qui l’avait libéré de son monde de souffrance en récupérant ladite rose violette qui était le dernier cadeau de son époux et la belle Iris put enfin trouver la paix. Cette rose était, malgré les années, toujours imprégnée de son amour pour Olgierd. Geralt de Riv ne s’arrêta pas là, après avoir réussie avec brio à réaliser les trois demandes de von Everec, il défia le Maître Miroir qui se croyait si malin, après tout il allait se délecter de l’âme du sorceleur en plus de celle d'Olgierd, mais Geralt piégea le démon à son propre jeu et libéra Olgierd de son maléfice. Le rouquin récupéra son cœur et sa courte vie de simple humain mais fut consumé par le regret d’avoir tout perdu et sa punition était de vivre avec ce sentiment pour le restant de ses jours…

Olgierd avait voyagé dans moult contrée en passant par le Nilfgaard et en profitant du vin et de la chaleur de Toussaint pour fuir son passé, mais ses sentiments refoulés n’ont jamais disparu et le consumaient chaque jour un peu plus. Ses pérégrinations l’avaient ramené chez lui, au domaine von Everec, là où jadis tout avait commencé. Faire face à ce portail rouillé ne faisait que remuer davantage le couteau dans la plaie. Regret, tristesse et tourment faisait rage en lui. Olgierd tendit une main hésitante et tremblante pour ouvrir le portail mais ce dernier ne bougea pas d’un pouce. C’était presque un prétexte suffisant pour fuir encore une fois la réalité. Depuis que le pacte avec l’Homme de Verre rompu, le rouquin n’avait jamais demandé pardon à la femme de sa vie, sa tendre et douce Iris, et elle n’avait jamais quitté son cœur. Après tout, c’était par amour pour elle qu'il avait vendu aussi bêtement son âme à la pire des engeances. Quelle tragédie. Dans cette mésaventure, n’est-ce pas Iris la victime ? N’est-ce pas elle qui avait payé de sa vie et qui, même en tant que spectre, n’avait jamais cessé de l’aimer, malgré les horreurs qu’il lui avait fait vivre. Elle a grandement mérité que l’homme qui lui avait causé tant de tords et de souffrance lui demande pardon. Sans le nier, l’homme aux cheveux de feu avait également besoin de se recueillir sur sa tombe. Il soupira. Non, cette fois, il ne fuira point, Il ne pouvait rester dans les ténèbres éternellement. Sa douce Iris ne lui souhaiterait guère, du moins, il l’espérait sincèrement.

Olgierd prit son courage à deux main. Ne pouvant pénétrer dans le domaine par le portail, il contourna les remparts de pierre qui entouraient le domaine et trouva un trou où il se faufila avec aisance. Lorsque ses yeux se posèrent sur le jardin autrefois ordonné et entretenu, il se remémora. Olgierd l'avait tant parcouru, étant enfant, avec son jeune frère et plus tard, avec sa tendre épouse. Ces souvenirs l’emplissaient d’une peine immense. La nature avait repris ses droits, des fleurs sauvages poussaient absolument partout, sans parler des mauvaises herbes recouvrant les sentiers dont il ne voyait même plus les pierres qui les pavaient. Olgierd fut surpris d’apercevoir le manoir encore debout, il faisait tout de même peine à voir. Les murs de pierres blanches étaient couverts de moisissure et de lierre et la toiture était enfoncée à certains endroits.

Le rouquin caressa du bout de ses doigts les herbes hautes, se remémorant de vieux souvenir joyeux ; les combats d’épée en bois avec Vlodemir et les parties de cache-cache. La coupe de vin près de la fontaine, lorsque Iris avait emménagé dans son domaine. Ce vieux banc de fer blanc ouvragé lui rappelait toutes les fois où il regardait sa tendre peindre le paysage. Qu’est-ce qu’elle aimait peindre, c’était une artiste de génie et elle avait toujours ce petit sourire quand elle avait le pinceau en main. Ces souvenirs étaient douloureux, il secoua la tête pour les en chasser et continua sa route. Le Sorceleur Geralt de Riv, où avait-il enterré la dépouille d’Iris ? Olgierd se sentait honteux de ne pas lui avoir offert une sculpture décente, n’était-il pas son époux ? C’était son devoir. De toute façon, il n’avait cessé de tout faire de travers, enchaîner mauvaise décision sur mauvaise décision.

 Il monta une série de marche pour se retrouver devant un grand arbre. Sur sa droite, Olgierd remarqua un vieux chevalet pourrissant avec une vieille toile en lambeaux. La peinture c’était effacée depuis belle lurette, on ne pouvait guère en deviner le dessin. À ses pieds se trouvait une tombe. Le rouquin s’approcha doucement et mit un genou à terre pour en déchiffrer le nom : “Iris von Everec“.

L’homme était pris de spasme et les larmes déferlèrent en torrent sur ses joues. Il se laissa tomber à terre. Il regretterait presque de ne plus posséder son cœur de pierre. Ressentir à nouveau les émotions étaient une chose terrible, en sachant de surcroît que tout était de sa faute. Maudit soit le jour où il a invoqué le Maître Miroir, maudit soit le jour où il a prononcé ses vœux ! Certes, Olgierd avait récupéré fortune, domaine et main de sa bien-aimée, mais à quel prix !? Les conséquences furent terribles pour lui mais surtout pour elle, elle avait tellement souffert par sa faute…

•        Pardonne-moi, mon amour, si je pouvais… Olgierd se tue un instant, il savait la puissance des mots, il ne voulait guère faire un autre souhait contre son grès, il savait trop bien le malheur que ça pouvait engendrer. Mon amour, ma tendre Iris, j’espère que tu as enfin trouvé la paix. Je ne méritais pas une femme comme toi, tu méritais mieux que de mourir de chagrin, seule, dans ce vieux manoir. Tu méritais de vivre une vie de joie et de plaisir et de peindre toutes les merveilles de ce monde. Pardonne-moi d’avoir tout gâché, je t’aimais tellement, je…

Olgierd von Everec ne savait qu’ajoutait de plus. Il pourrait pleurer tous les regrets du monde mais ça ne la ramènerait pas et ça ne le soulagerait pas d’avantage. Il resta là, planté, à genoux dans la boue, sans bouger et cela pendant une bonne heure. Il ne savait guère pourquoi il faisait ça. Attendait-il que le spectre d'Iris apparaisse et le punisse ? Mais Geralt n’avais pas chassé son fantôme de la maisonnée ? Quelle importance après tout, être ici auprès de sa belle n’avait rien changé. Les remords ne le quitteraient point tout comme son amertume. Les ténèbres habiteraient son cœur de chair éternellement… Etait-ce sa punition pour avoir péché ?

 Des gouttelettes venaient lui caresser le visage. Il leva sa tête vers le ciel grisâtre, fermant les yeux et appréciant la fraîcheur de l’eau, lorsque soudain, un éclair transperça le voûte céleste. Son regard fut attiré par une ombre à une des fenêtres du premier étage. Intrigué, il se releva, observant avec attention, mais il n’y avait rien. C’était peut-être son imagination.

Von Everec voulait quitter ce lieux maudit au plus vite. Ne voulant s’attarder plus que de raison, le rouquin partit en direction du trou dans le mur mais se stoppa net, ne sachant pourquoi. Quelque chose en lui disait farouchement de rentrer dans son ancienne demeure. Olgierd combattit cette pensée avec fouge, en vain. L’homme revint sur ses pas et poussa la porte du manoir qui grinça avant de faire irruption en son sein.

Tout était totalement délabré. Les meubles tombaient en poussière, des toiles d’araignées dans les moindres recoins, les tableaux étaient tombés des murs, la tapisserie, il n’en restait que de petit morceaux et une affreuse odeur de pourriture et de moisie embaumait l'endroit. Autrefois, les lieux étaient chaleureux, c’était quand ? Pour lui, il avait l’impression que ses souvenirs remontaient à des siècles. Sur l’un des murs, un vieux portrait d’un homme familier trônait. Il avait son visage mais, pour Olgierd, ce n’était plus lui, il n’a plus rien à voir avec ce qu’il était autrefois.

Olgierd von Everec avait envie de faire le tour des lieux, mais cette idée disparue instantanément quand des bruits de pas provenant de l’étage attira son attention. Sans perdre plus de temps, il gravit les marches de bois avec précaution. À chacun de ses pas, elles grinçaient, le menaçant à tout moment de le faire passer à travers. Il n’avait pas perdu son immortalité pour mourir d’une façon aussi stupide.

 Le toit s’était effondrait, détruisant une partie de l’étage, mais l’escalier suivant était presque intacte. Il avala sa salive en posant son pied dessus, des sueurs froides traversèrent toute son échine. Il se questionna sérieusement sur pourquoi il perdait son temps à courir après un bruit. C’était, peut-être, juste un rat, ou pire, un monstre, un vampire. Si c’était effectivement le cas, il ferait mieux de prendre ses jambes à son cou mais son instinct le poussa à continuer.

À l’étage, tout le côté droit était condamné alors que du côté gauche, seul une porte avait l’amabilité de s’ouvrir pour lui. Sur un des murs reposait un vieux tableau de sa femme et lui, ils avaient l’air tellement heureux sur cette peinture, c'est à se demander comment tous ces malheurs s’était abattue sur eux… Olgierd passa par le balcon pour gagner l’autre partie du manoir et poussa une porte pour se retrouver dans une chambre d’ami si poussiéreuse qu’il en toussa à s’en détruire la gorge. Il sortit un mouchoir de soie pour cracher à l’intérieur et continua de se frayer un passage dans son vieux manoir. Il était dans un long couloir et une petite voix vint lui chatouiller les tympans. Il s’approcha doucement d'une porte et entendit clairement la voix d’une enfant en train de chanter sur un air sinistre.

•        Son visage est doux, ses mots vous ensorcellent.

L’engeance du démon n’en est pas moins cruelle.

Il exaucera vos vœux les plus ardents.

Vous couvrira d’argent, d’or et de diamant.

Le prix à payer, et un grand sacrifice.

Une vie de peine de souffrance et de vice.

Votre raison, votre âme et vos tourments.

Lui appartiendront jusqu’à la fin des temps.

Qu’est-ce qu’une enfant viendrait faire dans son manoir ? Olgierd, au court de ses voyages, avait ouï-dire qu’une créature intelligente à l’apparence enfantine et inoffensif qui prenait souvent de vieux bâtiments abandonnés comme tanière. Il se trifouilla l’esprit pour se souvenir du nom, un Célicole ! Il poussa les battants de la porte pour faire face à l’intruse. L’enfant se tourna vers l’homme, apeurée. Le visage du rouquin prit une couleur blafarde et ses yeux s’écarquillèrent de stupéfaction. L’enfant était bien humaine, elle était le portrait craché de sa bien-aimée. Des cheveux de jais, ses prunelles d’une belle teinte ambrée aussi douce que le miel, sans parler de la pâleur de sa peau de porcelaine. Identique à l’exception que la petite devait avoir dans les huit printemps. Quel était cette sorcellerie ? Un monstre ? Une illusion cruelle ? L’enfant glissa du lit, effrayée, serrant sa vieille poupée de chiffon contre elle. Olgierd secoua vivement la tête, essayant de reprendre son sang-froid et s’approcha doucement de l’enfant. Tout en gardant une certaine distance, il s’agenouilla à sa hauteur.

•        N’est pas peur, petite, je ne te veux aucun mal. Essaya-t-il de la rassurer. Que fais-tu ici toute seule ? Où sont tes parents ? 

•        Ma maman et mon papa sont mort et c’est ma maison ici. Répondit-t-elle sur une petite voix.

•        Cette endroit est sinistre pour une enfant, tu es si maigre tu dois avoir à peine de quoi manger.

L’enfant se mit à gigoter dans le coin de la pièce avant de faire un pas vers lui mais se rétracta aussitôt.

•        Dans le jardin, il y a des bais sauvages et je chasse les rats et puis ici je suis à l’abri du froid et de la pluie.

Olgierd fouilla dans sa poche, il lui restait un sachet de friandise, il raffolait particulièrement du sucré. Il l’agita devant la petite fille dont les yeux étaient devenus aussi rond que des galets.

•        Vas-y prends les, c’est pour toi. Dit-il avec un sourire amusé de la réaction de l’enfant.

La petite avança avec précaution, avait-elle si peur qu’il lui fasse du mal ? Un von Everec ne fera jamais de mal à une enfant ! Oh, ça non ! Elle saisit le paquet de papier avant de l’ouvrir comme une sauvageonne avant d'en renverser quelques chanceux sur le sol poussiéreux. Les autres, elle les goba avec une rapidité incroyable.

•        Ta chanson est sinistre, tu ne devrais plus la chanter. Pourquoi tu n'entonnerai pas des chanson plus joyeuse comme des chansons paillardes ! Exlama Olgierd avec spontanéité, se remémorant le jour où sa douce lui en chanter pour le faire rire alors qu’ils trempaient leurs pieds dans l’eau du quai.

L’enfant le regarda avec curiosité, ne comprenant pas ce que l’homme lui disait et Olgierd se rendit compte de ses paroles. C’est une gamine, elle n’avait pas l’âge de chanter ce genre de chose. Elle ressemblait à si méprendre à son épouse, s’en était troublant mais ce n’était qu’une orpheline qui s’était égarée.

•        Laisse-moi me présenter, je suis Olgierd von Everec. Et toi, petite, quel est ton nom ? Demanda alors le rouquin.

•        Violette, mais l’homme dans le miroir me surnomme Iris. Dit-elle du tac au tac tout en mâchouillant un bonbon.

•        L’homme dans le…

D’un coup, un froid glacial lui gela les os et une aura malsaine imprégna les lieux. Il se sentit oppressé. Les yeux d'Olgierd von Everec se levèrent vers la glace et il crut y voir une silhouette qui l’observait. Il bondit et brisa le miroir en mille morceaux de la lame de son sabre. Il devait fuir et fissa ! Ses prunelles vertes se posèrent sur l’enfant et, sans réfléchir, il la souleva pour la prendre dans ses bras. Ni une ni deux, il se précipita vers la sortie. Dans sa course effrénée, tous les miroirs explosèrent sous les cris d’effroi de l’enfant. Il crut entendre un rire, un rire sinistre qui l’avait hanté bien trop longtemps. Une fois à l’extérieur il posa l’enfant sur la selle de sa jument et sauta sur sa croupe avant de la lancer à toute allure et sans ménagement vers Oxenfurt.

Le feu crépitait dans la cheminée, un bol de soupe à moitié mangé sur une table de chevet et l’enfant qui dormait à poings fermés, enroulée dans les grosses et chaudes couvertures. Olgierd était assis sur une chaise et ne cessait de cogiter à ce qui s’était produit la veille. Était-ce bien le maître miroir ? n’avait-il pas été banni dans une autre dimension lorsque Geralt le piégea à son propre jeu ? Cette enfant, sa ressemblance frappante avec Iris était une coïncidence ? Un piège ? S’était-il condamné en la prenant avec lui dans sa fuite ou bien était-elle la réincarnation de sa douce épouse ? La petite Violette était peut-être un présent, une chance de rédemption au mal qu’il avait perpétré ? Le rouquin fut sorti de sa réflexion par l’enfant qui venait de s’éveiller. Ils s’échangèrent un regard, avant que Olgierd ne décide enfin de se lever pour aller s’installer près d’elle. Il farfouilla dans sa besace et en sortie sa précieuse rose violette et non sans une certaine hésitation la tendit à l’enfant.

•        Cette rose est la promesse que moi, Olgierd von Everec, je te protégerai et prendrai soin de toi, Violette. Exclama Olgierd de façon solennelle.

La petite Violette saisit la tige de la rose sans vraiment comprendre le serment de l’homme aux cheveux de feu, mais une chose était sûr, jamais la fleur n’avait été aussi belle qu'à cette instant précis.

 Ainsi se termina la triste histoire d’Olgierd von Everec, un homme qui vécut comme si demain n’existait pas, festoyant comme s’il n’avait jamais connu la joie et aimant si fort qu’il était prêt à sacrifier son âme. Il trouva réconfort et pardon auprès d’une enfant qu’il chérit comme sa propre fille. 



/ J'espère que ce petit os sur Olgierd vous aura plus, en tout cas je suis contente de l'avoir enfin publié. Merci beaucoup à ceux qui auront prit le temps de le lire/

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