Notre monde, notre société

Chapitre 1 : Regarde

Chapitre final

2767 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 14/05/2020 21:19

Par Violette Baudelaire


Gram




Notre monde, Notre société




La vie était à présent différente. Les règles avaient changés.


On avait des nouvelles règles, nos règles. Cassandra les avait imposé pour maintenir la sécurité, ou au moins, s’en donner l’impression. Le soir du bal de promo, elle fut assassinée. Mais dans nos cœurs, la présidente des élèves n’avait pas disparu, elle vivait encore à travers ses règles et celles appliquées par Allie, sa sœur.


On s’était tous mis à bosser. Moi, Grizz, je faisais partie de la garde, chargée de protéger Allie, notre cheffe, et toute la ville. On partageait les maisons, pour économiser au maximum l’électricité. On vivait en collocation, pour ne pas rester seul. On mangeait à la cafétéria, pour gérer la nourriture. Tous participaient à la vie commune. Pour le travail, il y avait des roulements et chacun finissait autant par préparer à manger qu’à ramasser les poubelles. Évidemment, les règles ne plaisaient pas à tout le monde, et Campell adorait le rappeler, mais grâce à elles, on survivait seuls depuis près de 6 mois.


On se débrouillait seuls, sans parents, sans personne. Tout avait débuté lors d’une sortie scolaire avec tous les élèves du lycée. On était sensés partir pour une semaine dans une réserve naturelle, et on était pas sensés faire demi-tour. Tout comme les événements qui ont suivis n’étaient pas sensés avoir lieu. Mais les cars nous ont ramené chez nous.

Enfin, pas vraiment chez nous.


Selon Gordie, qui est un peu notre scientifiquement à tous, nous sommes dans un univers parallèle. Car de retour à West Ham, il y avait exactement la même ville, le même lycée et les mêmes bâtiments. On avait pas encore réalisé qu’une forêt immense encerclait notre ville et rendait inenvisageable tout départ. On a retrouvé nos maisons, nos chambres, nos ordinateurs. Mais pas nos parents, eux, on les a jamais retrouvés.

On pense qu’ils sont restés dans notre monde, notre ancien monde. Pour certains, puisqu’il régnait dans notre ancienne ville une odeur insupportable, et que selon des lettres retrouvées à la mairie les parents ont refusé de payer pour s’en débarrasser, ils les ont fait payer en nous enlevant. Pour d’autres, au contraire, les inconnus du car ont fait du mal à nos parents et nous ont sauvés, nous amenant dans un tout nouveau monde.


Moi, j’en sais trop rien. Je pense que ce nouveau monde, c’est une chance de commencer quelque chose de nouveau, et il ne tient qu’à nous d’en faire un monde meilleur.

Je sais juste que j’irai jamais à la fac et que c’était là-bas que j’avais prévu de faire mon coming-out. Parce que cela me semblait être la meilleure option, il ne m’avait jamais été difficile de faire comme les autres garçons, de jouer au football américain parce que ma mère m’avait inscrit, de paraître normal. Luke, Clark, Blake, qui sont pourtant mes meilleurs amis, ne savaient rien de mon homosexualité. Je n’avais envie d’assumer, pas au lycée.


Pourtant, j’admirais un garçon. Sam Elliot.


Il avait certes, un frère horrible qui causa bien des ennuis à la communauté, mais surtout, ce garçon, il assumait son homosexualité et pour ça, je l’admirais.


Au lycée, Sam passait son temps collé à sa meilleure amie, et quand je les croisais dans les couloirs, Becca et lui communiquaient toujours avec de grands signes. Sam était sourd, suite à une maladie dans son enfance. Il parlait d’une voix faible, mais n’entendait aucun son. Pour les autres, il lisait sur leurs lèvres, mais sa meilleure amie elle, avait appris le langage des signes, spécialement pour pouvoir communiquer avec lui.

Et ensemble, ils discutaient et ils riaient. Ils étaient si heureux, et il n’y avait que eux pour partager tant de bonheur. Ils avaient crée un monde n’appartenant qu’à eux deux grâce à la langue des signes. Secrètement, je rêvais que moi aussi, un jour, je pourrais rendre Sam heureux.


Des fois, je m’imaginais prendre une petite feuille de papier, attraper mon crayon jaune et noir et lui écrire un petit mot, pour ensuite le glisser dans son casier, à la fin de la journée, ou dans son cahier, en cours de littérature. Un petit mot où la formule me permettant peut-être d’accéder au bonheur était inscrite.

« Cher Sam, est-ce que Grizz te plaît ? Oui ou Non »


Au final, il n’y aura pas eu besoin d’un petit mot. Juste d’une sortie scolaire ratée et d’un univers parallèle.

La première fois que j’ai osé l’approcher, c’était durant notre bal de promo. Organisé sous la proposition de Kelly, pour se changer les idées. On avait tous besoin de se changer les idées. Alors, oui, dans ce monde inconnu, où les règles avaient changés, où on se battait chaque jour pour survivre, on a fait la fête.

Je portais une tenue totalement ridicule. Un nœud papillon à la couleur indéfinissable, mais tirant tout de même vers l’orange, associé à une chemise pomme, et un pantalon gris bien trop grand avec des tâches de couleurs, et d’affreuses lunettes de soleil qui cachaient tout mon visage.

Ce soir là, rassemblant tout le courage que j’avais pu trouver, je suis allé m’asseoir à côté de Sam. Honnêtement, je ne sais plus trop de quoi on a bien pu parler. Juste que lui ait montré la seule chose que j’arrivais à signer et qu’en se moquant, qu’il m’a appris que s’était une insulte.

On avait beaucoup ris, et quand je suis rentré ce soir là, j’étais sûr d’une chose, j’adorais son rire, et que définitivement, Sam me plaisait.


Allie avait décidé de fêter Thanksgivings. Le même matin, les gardes et moi étions allés dans une bijouterie, avec Luke, pour trouver une bague pour sa bien-aimée. Clark lui a dit qu’il ne comprenait pas pourquoi il tenait tant à la bague, puisque de toute manière, il n’allait même pas la payer. Luke lui répondu que la bague n’étant pas importante en elle-même, mais qu’il voulait qu’Héléna se sente aimée, parce qu’elle était capable de le voir tel qu’il était réellement.

Et au moment même où il eut choisit la bague, Luke a relevé la tête et m’a regardé droit dans les yeux. Ses mots m’ont fait prendre conscience d’énormément de choses. Moins de dix minutes plus tard, j’étais à la bibliothèque.

« Quand on te regarde comme ça, on a pas envie que ça s’arrête. »


Perdu au milieu de tous les livres, j’ai trouvé Sam, et il m’a accueilli avec un grand sourire. J’étais tout fier de moi, je venais d’apprendre une phrase en langue des signes, tout seul, aidé d’un livre trouvé à la bibliothèque. J’ai accompli les gestes à la perfection, mais il n’avait pas l’air de comprendre. J’ai fini par lui faire remarquer qu’il n’avait pas l’air très impressionné par mon essai, et il m’a demandé s’il était sensé comprendre ce que je venais de faire.

J’ai sorti le manuel de mon sac, où le titre blanc prenait toute la couverture : langages des signes britanniques. Sam a éclaté de rire, et j’avais la légère impression qu’il se moquait de moi. Il m’a avoué que mon livre n’allait pas servir à grand-chose, il utilisait les signes américains. J’ai lâché le bouquin, déçu, car c’était le seul que j’avais trouvé.

Sam m’a fixé, puis m’a demandé pourquoi j’apprenais la langue des signes. Je lui ai répondu que je voulais être capable de parler, enfin, de signer avec lui. Il m’a rappelé qu’il arrivait parfaitement à lire sur les lèvres. Je l’ai regardé dans les yeux.

« Je sais, mais j’avais envie de discuter avec toi, dans ta langue à toi. »


Tout le monde s’affairait à préparer la fête, Sam et moi, on mettait aussi la main à la pâte. On récoltait des carottes pour le repas. Je lui montrais comment en sortir une de terre lorsqu’il m’a demandé s’il fallait en ramasser plus, car on risquait de louper le dîner.

En remontant ma mèche, mes cheveux bruns mi-courts me tombant toujours les yeux, je lui ai répondu que j’en savais un peu trop rien. J’aimais perdre la notion du temps. Puis, une citation de Cicéron m’est venue « Si tu as un jardin et une bibliothèque, tu as tout ce qu’il te faut. »

Il m’a complimenté sur ma culture qu’il trouvait incroyable et ma connaissance hors normes des auteurs. Il faut dire que j’adorais la littérature. Ensuite, il m’a demandé, si moi, j’avais ce qu’il me fallait. Je l’ai regardé, lui et son sourire, et je lui ai répondu, que oui, en partie.

Sam, si tu savais à quel point j’avais besoin d’un jardin, d’un bibliothèque et de ton sourire.


Nous ne sommes pas allés à l’église, pour le repas de Thanksgivings. À la place, nous étions dans ma chambre, occupés à discuter de tout... et de tout. L’enfance de Sam, la mienne. J’ai appris qu’il était devenu sourd à 3 ans, suite à une méningite. Comme sons, il se souvenait de sa voix, enfant. Il m’a dit que lorsqu’il rêvait, il y avait des sons, mais pas des nouveaux.

Je lui demandé ce que serait un nouveau son. Il m’a répondu que ce serait d’entendre ma voix, qu’il aimerait tant pouvoir l’entendre.

J’avais les yeux brillant d’émotions, et ma pomme d’Adam ne cessait de remonter à chaque respiration. Lorsque j’ai enfin osé lui demander ce que mon cœur espérait depuis tant de temps, je ne le regardait pas les yeux. Je regardais ses lèvres.

« Tu peux m’apprendre … encore une phrase en langue des signes ? Comment on dit, embrasse moi ? »


Je n’arrivais toujours à y croire, il ne m’avait pas répondu. À la place, il m’avait embrassé. Il y a eu beaucoup trop de sentiments qui sont réveillés à la l’intérieur de moi.

Mais désormais, j’étais certain d’une chose, si Sam me reposait la question, s’il me demandait à nouveau j’avais ce qu’il me fallait, je lui répondrais en l’embrassant, encore et encore.

On était couché dans mon lit, nus, nos peaux découvrant le corps de l’autre. Nous n’avions que fait nous embrasser et nous caresser, mais j’étais au paradis. Enfin, j’étais celui que j’étais vraiment. J’étais enfin le vrai Grizz. J’étais gay et alors ? La tête du garçon dont j’étais fou amoureux reposait sur ma poitrine, et je n’avais jamais été aussi heureux.

On se tenait la main et on se confiait l’un à l’autre. Je lui ai raconté mon histoire de mot, où je lui demanderai, si oui ou non, je lui plaisais. Il m’a regardé avec un immense sourire, avec la question qu’il me posa, juste avant de m’embrasser langoureusement, je sus que j’étais définitivement tombée en amour de lui.

« T’es obligé de demander ? »


Après la fête, nos responsabilité sont revenues à nous. Avec le comité de retour à la maison, et sous l’approbation d’Allie, une expédition avait été organisée. Je la dirigeais. On rationnait la nourriture depuis quelques temps, mais elle commençait tout de même à se faire rare. Les provisions dureraient jusqu’en janvier. Il avait été décidé que dans la forêt qui encerclait désormais de toutes parts notre ville, se plaçait notre unique chance de survie. La mission était de trouver un champ, ou du moins une clairière, où nous pourrions apprendre à cultiver.

Pour cette deuxième expédition dans la forêt, nous étions bien plus équipés et préparés que pour la première. Un immense sac dos allait m’accompagner, et attendait seulement que je le mette sur mon dos. Isolé des autres, je m’apprêtais à le faire, lorsque Sam apparut d’entre les broussailles.

Nous nous étions disputés. Une sombre histoire à propos de sa meilleur amie, que moi ainsi que toute la ville allions comprendre quelques temps plus tard. Cela m’avait fait du mal, et j’avais beaucoup souffert.

Pourtant, malgré notre dispute, j’étais si heureux de voir Sam avant de partir en expédition. Je n’ai eu que le temps de lui adresser un timide salut, que déjà, il m’embrassait. Après quelques secondes bien trop courtes, ses lèvres ont quitté les miennes et alors, je l’ai embrassé. Il m’a pris dans ses bras, et je l’ai serré du plus fort que j’ai pu.

Quand enfin, le groupe d’exploration pris le départ et que je fus le premier à entrer dans la forêt, j’aperçus une dernière fois Sam, un grand sourire aux lèvres.


Après deux jours de marche, le groupe avait enfin trouvé une clairière. J’ai laissé tombé mon sac au sol, et avec les autres, j’ai couru. J’ai couru, vers la clairière, j’ai couru, vers la Terre cultivable, j’ai couru, vers la survie, j’ai couru, vers la bonne nouvelle que nous apporterons à Allie et à tous les autres. J’ai couru, vers l’espoir.


Après un coup d’état raté de Lexie et de Henry, qui étaient eux-même manipulés par Campell, Allie qui fut désignée à la quasi unanimité maire de notre nouvelle ville, un conseil municipal qui écoutait tous et toutes, les règles ont encore changés. Désormais, c’était nos nouvelles règles, pour notre nouvelle communauté, pour notre nouvelle ville.

On avait accepté que désormais, monde parallèle ou deuxième chance, nous devions apprendre à vivre, tous ensemble, pour fonder notre propre monde.



Il fut un jour où tous et toutes vinrent à la clairière, à notre espoir. Les adolescents courraient, criaient, riaient, étaient heureux. Allie était émue de voir des premières règles mises en place par Cassandra porter leurs fruits. Sa sœur n’était peut-être plus là pour constater d’elle même, mais elle vivait à travers ses efforts. Allie pleura, et elle fut vite suivie par Gordie, Will, Kelly, par tous ceux et celles qui avaient participé à ce que notre monde ressemble à celle-ci.


Luke et Héléna étaient un peu à part, observant le ciel, et discutant à voix basse de trucs d’amoureux. Leurs visages étaient éclairés d’immenses sourires. Leur mariage avait eu lieu une semaine auparavant, et depuis, ils nageaient dans un océan de bonheur.


Je détachai mon regard d’eux, et fixai à nouveau celui qui à mon cœur appartenait. Sam souriait lui aussi. Peut-être qu’un jour, nous aussi, nous nous marierions, après tout, dans ce monde, il n’y avait de normes, ni les interdits d’autrefois, c’était à nous de récréer notre monde. Notre société.


Il me regarda et je le regardais. Nos visages se rapprochèrent et nous embrassâmes. Lorsque nos lèvres se quittèrent, en se promettant silencieusement de se retrouver encore et encore, nous restâmes longtemps à nous regarder droit dans mes yeux, les pupilles remplies d’amour.


D’un signe, je lui indiqua la clairière « Regarde »


Sam, regarde cette clairière, notre espoir, notre monde. Notre monde où nous pouvons nous aimer, ce monde, où Sam, je t’aime.



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