L'amour en enfer.
Mon second réveil fut moins périlleux, la douleur était toujours insoutenable mais je parvenais à rester éveillé. J'étais dans une tente et nous étions toujours sur le front. Quel jour étions-nous à présent ? Je n'en avais pas la moindre idée. Mes pensées n'étaient pas encore toute a fait mise en place. Je voulais me relever mais la douleur venant du ventre revient et je dus me rallonger respirant par accoue.
Je fermais les yeux un instant quand l'infirmier vient me voir.
« - Eugène Sledge ? Vous allez mieux ? La blessure que vous avez n'est pas belle... Vous avez également une brûlure au troisième degré sur un côté. Il faut juste que je m'en occupe et que l'on vous rapatrie rapidement à l'hôpital.
_ Partir... Non, je ne veux pas... Abandonner mes amis... Non. Parviens-je à dire entre deux crises de tiraillements.
_ Vous ne les abandonnerait que pendant un certain moment, le temps que vous vous remettiez d'aplomb. Vous ne pouvez pas continuer à combattre avec cette blessure.
_ Mais...
_ Reposez-vous Monsieur Sledge, reposez-vous. Vous pouvez vous lever qu'en cas d'urgence. Mais évitez à tout prix, vous allez rouvrir votre blessure et ce pourrait avoir de lourdes conséquences sur vous. J'ai déjà peur que vous ayez des problèmes lors du trajet, alors restez couché. Je viendrais vous voir dans un petit moment, le temps de régler deux ou trois choses pour que vous puissiez partir. Les autres hommes sous cette tente, partiront avec vous également. »
Je n'eus pas le temps de répliquer quoi que ce soit, avant qu'il ne s'en aille. J'en profitais pour regarder ma blessure. Du moins le bandage. J'étais torse nu avec ma veste militaire déboutonnée. Je transpirais à grosses gouttes. Une large bande de tissu blanc maculée de sang, de sueur et d'un peu de boue couvert tout mon ventre. Non je ne voulais pas aller à l'hôpital, je ne voulais pas laisser mes camarades et dans la galère, seul, et ne pas être auprès d'eux, si par malheur ils leur arrivaient quelque chose. Mais je savais que mon corps me lâcherait d'ici peu si je persistais à vouloir aller sur le front. Je n'avais donc guère le choix. Mais partir alors que nous venions d'arrivée sur l'archipel depuis 3 semaines me laisser un goût amer.
Autour de moi se trouvaient des hommes allongés sur des brancards, tout comme moi par ailleurs. Certains avaient leur bras ou leurs jambes complètement atrophiées, ou avaient des brûlures sur le visage qui avait entamé leurs yeux. Mon estomac faillit me lâcher en voyant ça, alors je jetai un coup d'œil rapide dehors, du moins ce que je pouvais apercevoir de mon lit. On entendait toujours ce ronronnement permanent des véhicules de guerre qui passaient au loin. L'air était humide et chaud et je sentais un étau se fermer dans ma gorge à cause de la chaleur particulièrement forte aujourd'hui. Mais j'avais tout de même froid, beaucoup trop froid pour que ce soit normal.
Snafu m'aperçut au loin et vient dans ma direction en courant. J'appréciais énormément cet homme, bien qu'il soit cependant désagréable quelquefois. Snafu de son vrai nom Merriell Shelton, était du genre antipathique, mystérieux..
Il montrait rarement ses sentiments à l'égard de ce que l'on vivait à présent, comme s'il avait une carapace qui ne laissait rien paraître. Quand il disait qu'il était content, sa voix avait la même monotonie que s'il nous disait qu'un soldat était mort. Cependant, il avait des bons côtés qui rattrapait allègrement tout ça. C'était inévitable.
Je me souviens notamment de la première fois que j'ai combattu avec lui. Son manque de sentiment face à ses horreurs m'avaient choqués. Snafu m'avait démontré, dès le début, la barbarie que l'on pouvait encore infligé aux cadavres. Et tout cela en n'ayant aucun sentiment de dégoût. Le passe temps de ce dernier était de récupérer les dents en or des Jap'. Je n'arrivai pas à comprendre comment l'on pouvait devenir comme ça. Mais peu à peu la guerre me l'appris.
« - Bon sang Sledgehamme! Non mais tu sais que tu m'as fait une peur bleue. Comment te sens-tu ? La frousse que tu m'as fait bordel ! Quand j'ai vu ce connard de Jap foncer sur toi avec sa putain de lame et te l'enfoncer dans le ventre, alors que tu t'étais pris un souffle d'une bombe, qui t'a valu ta brûlure. Le seul réflexe que j'ai eu c'est de vider ¾ de mon chargeur sur sa sale face de rat. Mais tu es tiré d'affaire n'est-ce pas ?
_ Merci Snafu... Je n'en sais rien. L'infirmier m'a dit de pas me lever sinon je risque de rouvrir ma liaison. Il espère que le trajet se passe sans problème mais... »
Chacun de mes mots prononcés était accompagné par un pic de souffrance, alors j'arrêtai de parler quelques instants, pour respirer du mieux possible. La douleur faillit encore arracher un cri.
« - C'est bon, arrête de parler Eugene. Je n'ai pas envie que tu meurs là. Surtout que tu vas aller à l'hospice. C'est un peu comme des vacances. Certes pas toujours agréable mais bon. »
Je sentais dans sa voie une certaine touche de tristesse. C'était bien la première fois d'ailleurs que je parvenais à savoir ce qu'il ressentait. D'un certain côté, cela me faisait peur. Si Snafu était aussi triste, cela voulait dire que ma blessure était plus importante qu'il n'y paraissait. Il finit par partir à contre-cœur, en m'expliquant que le sergent les demandait.
Je regardais ensuite, un infirmier s'occuper d'un blessé. Une fois qu'il eut fini, il vient me voir. Il toucha mon front brûlant, et jeta un rapide coup d’œil à mon bandage puis s'exclame :
« - Vous avez beaucoup de fièvre, restez bien allongé, ne bougeait que peu. Et parlez le moins que vous pouvez. Ils vont venir vous chercher Sledge. »
Il partit s'occuper d'un autre homme un peu plus loin qui
Je ne pouvais pas imaginer le fait de quitter, même pendant quelque temps, cet endroit. Je n'y avais passé certes que trois semaines, mais c'était pour moi une éternité. Comment pouvais-je me dire que j'allais m'en aller quelques jours ?
« - Monsieur Sledge ? » Me dit l'infirmier de tout à l'heure en rentrant dans la tente.
Je secouai la tête pour dire oui.
_ J'ai vos dossiers, tout est bon, vous partez dans un quart d'heure. Le Caporal viendra vous chercher.
_ D'accord, merci. » Réussis-je à prononcer. Mais le fait de dire ces quelques mots me faisait souffrir atrocement.
Il me fit un salut militaire, et il partit. Je n'avais pas la force de répondre à mon tour.
Bill Leyden, un autre camarade passa me voir rapidement, car il était aussi convoqué.
« - Alors Sledgehamme, mon vieux, tu te sens comment ? »
Un soldat lui dit que je ne pouvais pas parler, car il fallait que j'économise mon énergie pour le voyage.
_ Si tu pars à l'hospice, tu regarderas bien les nanas pour moi hein . »
Je lui fis un clin d'œil pour toute réponse, il comprit et partit à son tour, après un signe de la main.
Quinze minutes plus tard, un véhicule vient me cherche, on me transporta de la meilleure manière possible, avec 5 autres blessés. Snafu me regardait partir de loin.
La voiture roula un long moment à travers les paysages détruit par la guerre, ou pas encore entamé par celle-ci. Le contraste était parfois terrifiant. Cette jungle qui nous avait avalés pendant tant de temps, ce coin parfois paradisiaque, me semblait tout à coup si fragile. Elle non plus ne pouvait pas résister aux bombes de ces sales niakoués.
La sueur tombait dans mes yeux, et ma vision devenait floue. Cette chaleur écrasante ne nous lâchait pas, continuant à nous suivre. J'entendais le fracas des bombes au loin. À force, ce bruit était devenu pour moi synonyme de la vie quotidienne.
Pendant tout le trajet qui dura 1 heure, l'infirmier s'activait à s'occuper de nous. Je ne fermais pas l’œil une seule fois, tenue éveillée par la douleur et par ce froid qui me faisait trembler tout mon corps.
J'arrivai enfin à l'hôpital, après un voyage interminable. On me transmit directement aux médecins comme les 5 autres blessés. La morphine coulait à flots, et j'entendais des gémissements, des infirmiers donner des ordres et s’agitaient dans tous les sens. On s'occupait enfin de moi. Le doc' enleva mon bandage. Je tremblais toujours à cause de ma fièvre qui devenait de plus en plus forte.
« - Il a eu de la morphine ? » Demande-t-il.
Un infirmier lui répondit que non. Le doc' se chargea alors de m'en mettre et il s'exécuta à sa tâche.
Tout se termina enfin, et je fus placé dans l'hôpital du côté psychiatrique car il n'y avait plus de place dans le général. La morphine dans mon sang calmait un peu ma douleur. La fièvre était un peu redescendu grâce à un médicament qu'un médecin m'avait passé. J'étais allongé dans mon lit, étant condamné à cela pendant un moment. À côté de moi, se trouvait un homme qui lisait un livre. Le tire était : l'Atlantique. Et cet homme je le connaissais.
« - Eugene ? Eugene Sledge ? Qu'est-ce que tu fous là ?
_ Leckie... Répondis-je avec beaucoup d'effort.
_ Eh oui. Toi le croyant, tu te retrouves ici. Blessure non ? »
J'hochais la tête, et Robert de son surnom Bob, s'assit sur le rebord de son lit fermant son bouquin. Je l'avais rencontré, lors de mon arrivé au paradis, comme disent tout les soldats. Philipps mon meilleur ami était parti sans avoir eu le temps de me dire en revoir, et j'avais récupérer quelque affaire à lui qu'il avait laissé sur place. Il combattait dans le même bataillons que Robert, et partageait le même abri. C'est donc ainsi, lorsque je récupérais les quelques livres de Sid, je rencontra Bob. Leckie était content de ne pas être le seul à lire des livres. Il avait ensuite compris que je faisais parti de ce qui garder espoir en un dieu. Et Leckie n'étant pas chrétiens, on se mit à débattre sur ce sujet.
Aujourd'hui nous étions tout les deux à l'hôpital.
« - Toi, tu as de la fièvre, tu trembles ! Ils t'ont pas loupé ces enflures ! »
L'infirmier qui était de garde vient me voir.
« - Monsieur Sledge ? »
Je fis un signe de la tête pour dire oui.
« - Demain, vous pourrez parler mais pas vous levez.
_ Dans combien de temps le pourra-t-il ? Questionne Bob.
_ Sûrement après demain. Nous préférons qu'il reste allongé aujourd'hui et demain pour éviter toute complication.
_ Pour les repas ?
_ Nous lui apporterons. »
Leckie le remercia et il partit. Il tourna son regard vers moi.
« - J'ai posé toute les questions que tu voulais ?
_ Oui merci. Soufflais-je. »
Robert fit un signe de tête et replongea dans la lecture. Il me demanda si je désirais qu'il lise à voie haute. Je répondis que oui. Je n'avais pas grand chose à faire d'autre, et je n'avais jamais lu ce livre.