Contre le vent
Chapitre 1 : Contre le vent
1632 mots, Catégorie: K+
Dernière mise à jour 05/01/2021 14:00
Contre le vent
Cette fanfiction participe aux Défis d'écriture du
forum Fanfictions . fr : Houston, on a un tas de neige.
( décembre 2020 – janvier 2021 )
Le vent rugit, sifflant au milieu des branches d'arbres aux alentours et Aramis m'embrassa. Mais ses lèvres n'étaient pas aussi chaudes que de coutume. J'aurai même dû les qualifier de froide.
Puis, comme d'épuisement, il me laissa tomber et malgré l'épaisseur de sa veste et celle de sa chemise, j'entendis son cœur battre avec une violence et une rapidité clairement inhabituelle.
Aramis était mousquetaire. Il ne redoutait nullement les exercices physiques, au contraire, il s'en amusait. Surtout lorsqu'il pouvait battre un ou deux prétentieux et impressionner les plus jeunes recrues, qui courraient ensuite lui demander des conseils qu'il donnait aussitôt, ravi de pouvoir rendre service.
Même après une longue course-poursuite plus que contraignante au milieu des rues parisiennes, jamais son cœur ne s'était emballé de la sorte.
Ceux qui ne connaissaient pas le jeune homme comme j'ai moi-même appris à le connaître, auraient sans doute pu croire, l'espace d'une seconde, que c'était la vue voire même la pensée d'une femme qui lui faisait beaucoup d'effet. Mais c'était presque toujours les femmes qui agissaient de la sorte tandis que le doux mousquetaire les achevait d'un sourire charmeur.
Pour ne pas faire de tort à mon ancienne maîtresse Anne d'Autriche, reine de France et, pour dire vrai également, Aramis avait un don naturel avec la gent féminine. Mais aussi, même si cela restait moins flagrant, avec l'humain en général. Et, il n'y pouvait rien. C'était le genre de personne apprécié de tous sans qu'il ne fasse d'efforts, si ce n'est celui d'être toujours bienveillant et de sourire très souvent. Ce qui était plus que naturel pour le jeune homme.
Ce qui était étrange dans ce qui venait de se produire, ce n'était pas qu'il m'ait lâché mais c'est qu'il ne s'était pas appliqué, comme il le faisait pourtant chaque fois, à me mettre sous ses vêtements tout contre sa poitrine pour me protéger.
Au contraire, je tanguais maintenant au-dessus du vide, au milieu du vent particulièrement violent et d'une sorte d'épaisse poudre blanche qui tombait du ciel comme une pluie battante.
Au moment où je pensais cela, je me mis à tanguer de plus bel puis à presque tourner d'une façon tout à fait effrayante et je compris, que mon porteur venait de chuter.
Encore aujourd'hui, je ne sais pas comment j'ai réussi à ne pas fondre de panique.
Je me suis simplement dit tel un des idiots de ses satanés gardes cardinalistes : " Eh bien, peut-être qu'avec ça je vais avoir une explication. Et puis, adopter un nouveau point de vue doit être une bonne expérience. "
Mais mon nouveau point de vue ne m'aidait pas. Et je commençais lentement à me sentir particulièrement lourd. Je veux dire, je ne suis pas du genre à ne pas me faire remarquer, que ce soit par la taille ou par la brillance, bien que depuis qu'Aramis était entré dans ma vie, où plutôt son entré dans la mienne, je passais le plus clair de mon temps dans le noir complet. Bref, je ne me sentais pas particulièrement rassuré et j'avais très, mais alors, très, très froid loin du contact de la peau d'Aramis.
A présent, j'avais un nouvel angle de vue sur le paysage qui nous entourait mais il n'y avait rien d'extraordinaire à voir. Ça ne ressemblait même pas à une prison.
Vous ai-je dis que j'adore les aventures surtout lorsqu'elles ont lieu dans des cellules sombres et humides ?
En fait, le sol était recouvert de blanc, bien loin de l'esthétique que j'espérais nous sommes bien d'accord. Et cette couleur était partout. Elle envahissait tout. Elle venait d'abord du ciel, avec une très légère teinte grisâtre, comme un blanc pur taché de sui, ce sont les nuages. Ensuite, entre eux et le sol sur lequel, comme je l'ai déjà dis, elle finissait sa course folle, la chose est un peu plus délicate à décrire.
Une multitude de blancs se mélangeaient, et c'était un véritable tourbillon de flocons innombrables et de toutes formes qui s'agitaient sans aucun ordre au-dessus de nous.
Enfin, ce n'est pas vraiment ce que je voyais pour être honnête. Cette couche était complètement blanche, un mélange de différentes nuances, et grouillait de toutes parts, agité par le vent. Elle grouillait même plus que le palais du roi et ce, à n'importe quelle heure de la journée.
En clair, ce que je voyais été fade et n'était pas vraiment jolie à regarder, en tout cas, pas trop longtemps. Une peinture complètement blanche, quel en serait l'intérêt ?
Peut-être que, près d'un bon feu, quand mes beaux reflets deviennaient le merveilleux cadeau du bois qui se consume, j'aurais pu apprécier un peu la chose. Quoiqu'une légère touche de vert et de brun et un petit croissant de lune auraient grandement amélioré le tout.
Vous ai-je déjà dit qu'Aramis et moi avions une passion commune pour les arts ? Je l'ai découvert durant une banale mission l'hiver précédent. Aramis avait observé, chez un homme accusé de meurtre, un des nombreux tableaux accrochés aux murs. En moins de quelques minutes, il avait déniché la perle rare. L'homme fut ainsi arrêté à la fois pour le meurtre mais aussi pour le vol du tableau. Aramis avait évidemment été félicité, mais quand en plus on remarqua qu'il s'agissait là de l'unique tableau de maître, le reste n'étant que de la pacotille sans aucune valeur marchande, Aramis fut félicité plus chaleureusement encore.
Je coupais soudain cours à ma réflexion, qui aurait dû se poursuivre en expliquant qu'Aramis avait détesté que l'on mette le rôle de ses amis de côté, lorsque j'entendis un petit bruit, à mi-chemin entre un grognement et un gémissement.
C'était Aramis !
Je patientais un bon moment. Puis, je sentis le sol s'éloigner de moi en tremblotant et je devinais qu'il s'efforçait de se relever. Une fois assez stabilisé à son goût, il commença à faire de petits pas prudents qui crissaient dans l'épais manteau humide. Puis, nous nous sommes éloignés, privés de la plus infime note de couleur. Si ce n'est le blanc.
Je voyais les jambes de mon ami bougées lentement, très lentement; je sentais qu'il vacillait presque à chaque pas et je pouvais entendre son souffle légèrement sifflant. Il était sans doute malade.
Je n'avais vu qu'une fois Aramis malade. Et, croyez-moi, je l'avais su bien avant tout le monde. Il avait fait semblant que tout se passait pour le mieux et avait acquiescé par monosyllabes à chaque phrase de d'Artagnan. Il n'en avait pas fallut plus à Athos pour comprendre.
Je me souviens que je fixais avec insistance l'interlocuteur de mon porteur pour essayer de lui faire comprendre l'état d'Aramis, sans aucun résultat. Bon sang ! Aramis qui ne parlait que par monosyllabe c'était plus qu'un signe. C'était comme si un cheval vert débarquait de nulle part. Ce n'était pas du tout normal.
J'étais en train de me faire cette réflexion quand brusquement, après un regard entre lui et Porthos, Athos s'était levé et était allé se placer deux pas devant Aramis. Puis, il lui avait demandé à quel point la douleur était importante. Face à l'interminable silence et aux yeux étonnés de ses deux amis, Athos avait posé une main ferme sur le front d'Aramis et avait grimacé. Il avait ensuite fait signe à d'Artagnan de chercher un médecin et aidé par Porthos, ils avaient ramené le malade dans sa chambre. Ensuite, chaque fois qu'on lui avait adressé la parole, même lorsque sa voix était malgré lui teintée de douleur, il avait toujours réussi à dire, à un moment où un autre de la conversation qu'il allait bien.
S'il y a bien une chose que j'ai apprise et dont je suis certain le concernant c'est que, pour lui, il va toujours bien. Même quand il est cloué au lit à cause de la fièvre. Oui, même dans ce cas là, il affirmera sans sourciller qu'il va bien.
Au fur et à mesure, les flocons de neige tombèrent moins serrés et moins vite. Et, le bois sombre de quelques arbres s'esquissait devant nous bravant la neige épaisse. Le pas d'Aramis était de plus en plus mal assuré et, il finit par se figer, à bout de forces, au milieu de l'étendue blanche, vacillant plus violemment.
Je vis sa main gantée et tremblante me saisir et il se laissa tomber à genoux, épuisé.
Je me mis à paniquer cette fois. Nous ne pouvions pas rester encore dans ce froid mordant, au milieu du vent déchaîné et de toute cette neige qui tombait encore.
Je scrutais devant moi avec je ne sais quel espoir sans fondement quand soudain, j'aperçus trois silhouettes qui couraient vers nous, faces contre le vent, laissant trois cheveux au pelage sombre se détachaient sur les arbres toujours entièrement couverts de neige.
Même à cette distance, je reconnus que c'était ses trois amis de presque toujours : Athos, Porthos et d'Artagnan.
A leur vu, je fus tout de suite immensément soulagé.
Je compris qu'Aramis les avait également vus lorsque toujours tremblant, il me porta jusqu'à ses lèvres bleutées et qu'il me murmura un merci d'une voix faible mais pleine de reconnaissance.