L'ombre du Mal

Un flash de lumière m'aveugle pendant quelques secondes. J'entends un sifflement strident et soudain je me retrouve plongée dans l'obscurité. Autour de moi l'air a changé, je le sens. Je me sens différente également. Et  je ne sais pas où je suis. Puis j'entends des voix près de moi, mais je ne comprend pas ce qu'elles disent.

  Je sens quelqu'un m'attraper par le poignet. Instinctivement, je recule.

- Calme-toi, ce n'est que moi! me dit la voix du sorcier.

- Je ne vois rien! criai-je au bord de la panique.

Ma voix me semble différente.

- Ne t'inquiète pas. Dans quelques minutes, tu verras clair de nouveau. C'est à cause du portail. Tu vas bien? me demande-t-il ensuite.

-heu...oui, je crois, répondis-je.

- Tu en es sûre?

- Heu...

   Je commence a voir de nouveau. Mais, chose étrange, malgré la pénombre, je vois de mieux en mieux, presque comme en plein jour. Autre chose étrange: malgré ma myopie, je distingue des détails très fins sur les murs, ainsi que les visages des gens qui se tiennent à quelques pas de là. Quand je regarde à nouveau le sorcier, il me fixe avec inquiétude. Et plus frappant encore: ses traits sont comme plus marqués, légèrement différents. Je remarque une légère cicatrice au niveau de son arcade sourcilière droite. Elle n'était pas là avant, je l'aurai juré.

- Lena...murmure-t-il.

-Oui? demandai-je.

- Tu as changé en franchissant le portail... C'est...

- Arnael? appelle soudain la mage thalmor.

-Nous sommes là! répond le sorcier en continuant de me fixer.

Gênée par son regard, je regarde mes mains. Est-ce la lumière ou ma peau à légèrement doré ? Je commence vraiment à m'inquiéter. Un autre thalmor arrive. La mage nous rejoint également.

- Arnael? demande le nouveau venu. Ça va?

-Moi oui, répond le sorcier.

- Lena, c'est toi? demande la mage avec étonnement.

-Mais qu'est-ce que j'ai? demandai-je, au bord de la crise de nerf.

- Tes oreilles...commence la mage.

Je passe le bout des doigts sur mes oreilles et hurle de surprise. Elles sont devenues pointues!

- Mais qu'est-ce que c'est que ça? m'écriai-je.

- Tu ressemble à une elfe...me dit le sorcier.

- Mais c'est impossible... Je suis humaine, pas elfe!

-Il a dû se passer quelque chose quand tu as franchi le portail... réfléchit la mage.

- Vous avez un miroir quelque part? demandai-je.

-Oui, mais pas ici. Avant, quelqu'un veut te parler.

-Oui, intervient le thalmor inconnu. C'est donc toi qui vient de l'autre monde.

- Heu...oui, répondis-je.

- C'est elle qui est censée nous aider? demande-t-il aux autres. Elle m'a l'air un peu jeune et...

- Elle connaît l'autre monde, lui assure le sorcier. Elle peut nous aider à nous y retrouver, dans ce monde étrange.

-Hmm... fait l'autre, dubitatif. Cette gamine?

- Je suis pas une gamine! m'écriai-je.

- Et insolente, en plus... Vous m'avez habitué à mieux. Elle est trop jeune pour rester ici. Tout ce qu'elle gagnera, c'est un aller simple pour l'oblivion.

- Depuis quand les thalmors servent-ils les daedras ?  demandai-je.

- Nous ne les servons pas, répond le thalmor, mais c'est ce que tu risque en errant dans ce monde-ci!

- Je n'ai pas peur des daedras, répondis-je d'un ton agacé.

Il rit.

- Tu devrais, pourtant!

Il se tourne vers moi et me regarde droit dans les yeux.

- Ernaelle m'a parlé de ce qu'il s'est passé quand elle a ouvert le portail. Tu ressens vraiment l'énergie magique?

- Apparemment.

- Tu as étudié la magie?

- Non. Dans mon monde, ce n'est qu'une légende. Mais j'y croyais avant que vous ne veniez.

- Un monde sans magie?

- Chez moi plus personne ou presque n'y croit. La technologie à remplacé la magie.

- La technologie?

- La magie des dwemers, expliquai-je. Leurs automates par exemple. Nous en avons aussi dans notre monde, mais ils ne ressemblent pas à ceux des dwemers. Et ils font beaucoup plus de choses.

- Comme?

- Heu... Presque tout, en fait. On s'en sert pour se déplacer, conserver  et cuire la nourriture, se chauffer, nettoyer...

-Ton monde serait celui où se sont installés les dwemers après leur disparition que ça ne m'étonnerait pas.

Je ris.

- Il n'y a aucune chance à cela! répondis-je. Dans notre monde, les seules créatures dites"magiques" sont les esprits et encore, peu de gens croient en leur existence!

- Quel monde étrange...

- Ça, je suis bien d'accord.

- Excusez-moi, intervient la mage du nom de Ernaelle, mais pour le moment nous devrions nous concentrer sur le parchemin.

- J'aimerais le voir, dis-je.

- Très bien,  cède le thalmor.

  Il lance un ordre aux soldats, qui s'en vont dans un couloir. Puis il parle avec Ernaelle et Arnael dans une langue inconnue, sans doute de l'elfique. Puis Arnael hoche la tête et quitte la pièce à son tour. Ernaelle reste près d'une espèce de machine étrange, en attendant ses explications à propos de quelques chose.

   Pendant qu'ils parlent, je regarde autour de moi. La pièce dans laquelle nous nous trouvons est immense. Le plafond est assez haut, l'architecture étrange, mais je reconnais le style dwemer. Du métal orne les colonnes. Au loin on entend les bruits de pistons géants, ainsi que le bruit de métal qui entre en collision avec du métal. Tout a l'air très géométrique. Il n'y a pas beaucoup de gravures.

  Puis au bout d'un moment, Ernaelle s'en va par un couloir. L'autre thalmor me dit alors:

-Suis-moi.

Puis il s'engage dans un couloir différent. Je le suis. Il me dit alors:

- Décris-moi ton monde. C'est si perturbant de savoir qu'il existe et sans aucune magie...

- Heu... commençai-je. Je ne sais pas trop quoi en dire...

- Ressemble-t-il à Tamriel ?

- Ben...pas vraiment...

-Est-il si différent que ça?

- Déjà, il n'y a pas...

  Je suis interrompue par un bruit dans un tuyau suivi de l'ouverture d'une espèce de hublot dans le mur. Une sorte de sphère de métal en surgit et se déploie à quelques mètres de nous. Une autre suit par un autre hublot, ainsi que deux araignées métalliques. Le thalmor s'arrête net, me tenant derrière lui, et fait apparaître un atronach de feu.

-Reste derrière moi, m'ordonne-t-il.

  Il fait apparaître des flammes dans ses mains et attaque les automates dwemers, qui finissent désintégrés. Alertés par le bruit, des falmers arrivent à leur tour. Le thalmor semble avoir un peu de mal à tous les retenir. Puis, dans un vacarme infernal, un centurion dwemer se fraye un chemin à travers le couloir.

- Sauve-toi! me hurle le thalmor en voyant l'automate arriver.

 Il est entouré de falmers. Vu le combat, le thalmor n'a aucune chance. Je cherche une solution pour l'aider, mais la peur me bloque, jusqu'à ce que  j'aperçoive une arc derrière une grille. Je cours vers lui, ouvre la grille et le prends. Il est noir avec des runes gravées dessus. La forme me fait penser à un artefact daedra, tout comme les reflets rouges le long du manche de l'arme.  Il y a un carquois du même style rempli de flèches juste à côté. Je les saisis. J'en prend une et bande l'arc. Il semble facile à manier, et je vise l'un des falmers près du thalmor. La flèche l'atteint à l'épaule. Il me regarde et fonce vers moi. Je sens un courant d'air autour de moi. Je tend la main. Une flamme en jaillit, brûlant le falmer. Ce dernier panique et brûle certains de ses camarades. Le thalmor les achève à coup de rayons électriques, entre deux coups de dague. Le centurion dwemer se rapproche. Je tire une autre flèche vers un falmer. Cette fois, je le touche en plein coeur. Il tombe au sol avec un gargouillis étrange. Un autre se prend une flèche dans le cou. Étrangement, tuer ces créatures ne me fait rien. Les automates dwemers tombent comme des mouches autour du thalmor. Malgré le fait que je n'aie jamais utilisé d'arc dans la réalité, je me débrouille plutôt bien, ici. Et quand je ne tue pas les falmers, je les amoche suffisamment pour que le thalmor les réduise en poussière.

  Soudain ce dernier disparaît dans un nuage de poussière ou de vapeur. Le centurion dwemer est juste derrière lui, sur le point de le tuer. Sans pouvoir m'en empêcher, je hurle de peur. Le thalmor est au sol, visiblement inconscient.

  Je ressens une énergie étrange monter en moi. Je dois sauver ce thalmor, même si je ne le connais pas. Il ne peut pas mourir comme ça, tué par un automate dwemer! Trois mots résonnent dans mon esprit, ne demandant qu'à être prononcés. Je sens un hurlement violent monter dans ma gorge et hurle ces mots:

-TIID, KLO, UL!

Le centurion se retourne vers moi avec une lenteur anormale. Trois autres mots, hurlés également, sortent de ma gorge:

- YOL, TOOR, SHUL!

Un souffle de feu brûle le centurion, qui bouge toujours au ralenti. Je cours vers le thalmor, ramasse une épée à côté de lui, saute sur le centurion et enfonce l'arme dans ce qui semble être le centre de commande de la machine. Aussitôt, l'automate  arrête de bouger. Je saute au sol, le temps toujours ralenti, et regarde la machine infernale s'effondrer sur le sol dans un fracas assourdissant. Une fois à terre, le temps semble retrouver son cours normal.

  Je me tourne vers le thalmor. Ce dernier me regarde, à moitié assommé.

-Impossible, murmure-t-il. Tu l'as tué...

Je m'agenouille à côté de lui. Il a plusieurs plaies au niveau des bras et du visage. Un morceau de métal dépasse légèrement de sa tunique, dans une tache sombre au niveau de sa poitrine. Je lui dis:

- Ne bougez pas. Je peux vous aider.

Il rit, ce qui le fait grimacer de douleur. Aurait-il une côte cassée?

- Laisse moi faire... murmure-t-il.

  Une lumière blanche l'enveloppe. Je vois ses lèvres bouger légèrement, comme s'il murmurait des mots étranges. Au bout d'un moment, elle s'éteint doucement. Il semble en meilleure forme physique, malgré une soudaine fatigue évidente. Il me dit:

- Laisse-moi. Tu ne peux rien faire... Puissent les divins te protéger...

-Non.

Il me regarde avec étonnement et résignation. Je retire le morceau de métal enfoncé dans sa chair en lui arrachant un hurlement (et une fontaine de sang) au passage. Je pose ma main sur la blessure, malgré ses protestations.

-Nahl, soufflai-je.

Sous nos yeux, la blessure se referme doucement. Mais le thalmor n'est pas encore tiré d'affaire: il a perdu beaucoup de sang et sa vie ne tient qu'à un fil.

- Où est la sortie? demandai-je.

Il pointe le couloir d'où nous venions.

- Su, Ven, viing, murmurai-je.

Le thalmor quitte doucement le sol, en suspension dans l'air. Je le dirige par mes pensées. De temps en temps, je lui demande une direction, qu'il m'indique avec difficulté. Au bout d'un moment nous finissons par arriver à l'extérieur, dans un camp au pied des ruines. Dès que nous sortons des ruines, une dizaine de soldats thalmors arrivent en courant, encerclant leur chef. Quelques-uns me menacent, d'autres demandent ce qu'il s'est passé.

- Écartez-vous! crie une voix que je connais.

  Arnael apparaît parmi les soldats. Il me regarde, stupéfait, puis ordonne à un mage:

-Occupe-toi de lui. Il n'a pas l'air bien.

Puis, en se tournant vers moi:

- Quand à toi...

-Arnael...

Tout le monde sursaute. Le chef des thalmors parle, avec difficulté, les yeux remplis de souffrance, mais également d'admiration.

- Sans elle, je ne serai pas la. Elle m'a sauvé. Ne lui fais rien.

Puis il se tourne vers moi, son regard  exprimant ce qu'il n'a pas la force de dire. Il finit par fermer les yeux et sombrer dans le sommeil(ou l'inconscience?). Arnael ordonne au mage d'emporter leur chef puis me demande de le suivre. Mais à l'instant où deux thalmors posent les mains sur leur chef dans l'intention de l'emmener dans sa tente, je sens une fatigue incroyable s'abattre sur moi. Mes jambes lâchent et je manque de tomber. Quelqu'un me rattrape de justesse. J'entends une voix me parler, mais je ne comprends pas ses mots. Je suis trop fatiguée pour cela. Je ne veux qu'une chose: fermer les yeux et m'endormir... Je perçois l'agitation autour de moi, un visage devant mon nez, mais mes yeux se ferment tout seuls et je sombre dans un sommeil profond et sans rêves.