Aveuglante Amertume

Chapitre 1 : Aveuglante Amertume

Chapitre final

4022 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 06/11/2024 22:00

[Aveuglante Amertume]

Il était une fois, enfoui dans le poussiéreux et lugubre passé de Nirn, l’Aetherius.

Ce lieu ne s’attachait pas directement et physiquement à la planète, il faisait partie intégrante de son univers. Nul besoin de vous rappeler une énième fois les étapes de la grande création de Nirn et des autres plans de cet univers. Non pas que ce récit soit dénué d’éléments passionnants ou intrigants, bien au contraire. Toutefois, votre aimable conteur désirerait conserver l’ensemble de votre attention. Bien, que disais-je ?

Oh, bien sûr, l’Aetherius. Pour comprendre son existence, il me faut tout de même vous rappeler quelques éléments concernant sa création. Tandis que les Et’Ada avaient pris conscience du plan élaboré par Lorkhan, certains d’entre eux estimèrent que la fuite constituait leur unique échappatoire. Je peux les comprendre, nul ne serait satisfait de se résoudre à devenir l’outil d’un seigneur des ténèbres. Cela ne me paraît guère excessivement charmant, enfin bon.

Nourrissant malgré tout le désir de créer la planète Nirn, certains se sacrifièrent. Huit d’entre eux offrirent leur existence pour cette cause et s’élevèrent au rang de grandes divinités. D’autres suivirent Lorkhan, troquèrent leur immortalité pour devenir des ehlnofeys, les premiers mortels peuplant Nirn. Enfin, ceux désireux de conserver leur immortalité après la création du Mundus se dirigèrent vers un autre plan : l’Aetherius. Guidés par le puissant Magnus, le plus imposant d’entre tous, ils percèrent le toit de la voute céleste afin d’aller se loger dans un plan de l’univers bien au-delà de Nirn.

De là vient donc ce fameux Aetherius. Ce phénomène explique également l’apparition ainsi que l’existence des étoiles et du Soleil. Pardon, vous l’ignoriez ? Oh…

Pourquoi les constellations scintillent chaque nuit ? Pour quelle raison pouvez-vous observer la Dame ou le Guerrier sur cette toile nocturne ? Oui, car elles représentent les ouvertures, les déchirures entre l’Aetherius et Nirn, lors du passage des Et’Ada. Plus l’étoile semble briller, plus la déchirure est large. Pouvez-vous donc deviner l’origine du Soleil ? Il s’agit simplement du passage de Magnus, projeté à une célérité effrénée. Il causa la plus importante brèche, offrant à Nirn un maigre fragment de la lumière et de la chaleur de l’Aetherius.

Bien, désormais, tout est limpide pour vous concernant l’histoire de ce lieu. Je peux le constater à vos airs hébétés, vos sourcils froncés et vos bouches tordues. Je plaisante, ne vous inquiétez pas, il s’agit d’un pan obscur de notre histoire. Il le demeurera certainement.

Attardons-nous à présent sur une histoire bien moins connue, un récit qui, j’en suis certain, n’est jamais parvenu à n’importe lequel d’entre vous, pas même les plus curieux ni les plus cultivés. Elle est secrète, croyez-moi. Si vous connaissez, au point d’avoir rempli de nombreux ouvrages, une partie non négligeable des plans et terres daedriques, avez-vous ouï l’existence d’écrits explicatifs quant à l’Aetherius ?

Je ne désirerais même pas attendre vos réponses, je sais d’avance leur nature négative. Pas dans la moindre bibliothèque de Nirn, ni dans la plus fournie, ni dans la plus cachée. Alors, faites-moi l’honneur de m’écouter, s’il vous plaît.

Les Et-Ada installés dans l’Aetherius se nommaient dès lors Aedra. Curieux choix de mot lorsque nous savons qu’Aedra signifie « nos ancêtres » et qu’ils le sont dès lors bien moins que les ehlnofeys. Vous suggérez que je juge cette situation sémantique ? Haha, bien sûr que je me permets d’avoir un esprit critique développé quant aux faits historiques ! N’hésitez pas à en faire autant.

Les Aedra siégeaient donc, tels des êtres divins inconnus de tous, au-delà du plan des mortels. Ils ne s’intéressaient d’ailleurs guère à celui-ci, se contentant de leur propre existence. Ils ne s’inquiétaient pas non plus des Daedra et de leurs occupations en Oblivion ou de leurs invasions de Nirn. Leurs pensées les emplissaient dans cet environnement d’une blancheur et d’une chaleur absolues.

Magnus y régnait en dirigeant, un chef qui n’eut jamais à prononcer un seul ordre. Jamais, excepté une seule et unique fois. Ce chef, cet être démesuré, représentait également l’unique parent de nombreux enfants, tous ayant demeuré à ses côtés durant les années, les ères qui s’écoulèrent.

Ces enfants divins demeuraient ainsi des enfants, constituant l’unique partie de la population de l’Aetherius qui ne pouvait se contenter d’exister et de méditer. Ils constituaient en réalité une sororité. Toutes filles du grand Magnus le Soleil, toutes l’ayant suivi telle la queue d’une comète.

De tous ces enfants, Mundus bénéficia grandement. Ces Magna-Ge, comme elles étaient communément dénommées, influèrent donc grandement la vie sur Nirn, indirectement. Pour votre bien-être j’omettrai de toutes les énoncer. Sachez néanmoins que chacune démontra son importance, même la moins connue de toutes. Chacune était liée à un élément, d’une puissance colossale. Le feu, l’air, la terre, voire la chair même.

Je ne m’attarderai pas sur l’aînée, voyez, je ne souhaite pas de représailles ; prononcer son simple nom pourrait me coûter bien plus que ma propre vie. N’ayez crainte, on ne se débarrasse pas de moi aussi aisément. Je vous apprendrai simplement que son nom était Ithélia, que l’univers n’avait jamais connu pareil pouvoir et ne le connaitra jamais à nouveau, si bien qu’elle troqua son statut de Magna-Ge pour celui de Daedra, avant d’être anéantie. Voilà tout ce que vous devez connaître à son propos, car c’est à sa cadette, Merid-Nunda, que nous allons nous intéresser.

Ce nom pourrait ne rien vous évoquer, ce qui serait compréhensible. Il s’agit d’un nom relativement oublié de nos jours. Nonobstant, elle faisait partie des figures imposantes et respectées au cœur de la mythologie Ayléide et du vieux tribunal des Khajiits.

On rapporte que Merid-Nunda affectionnait son père Magnus, mais qu’elle ne fut point aimée de lui. Chacune des Magna-Ge se voyait traitée avec la même froideur, avec cette glaciale distance imposée par le grand Magnus. La seule affection portée par Magnus en son cœur se dirigeait vers lui-même. Ses filles se réduisaient à des créations, pour lui, des créations emplies de son essence. Utiles et rayonnantes, à son image.

Seulement, Merid-Nunda ne se plaisait à ce désir qu’à contrecœur, cette existence n’était pas celle à laquelle elle était vouée. Les seules occupations des Eta-Ada ou même des Magna-Ge l’ennuyaient. Pour tromper cet ennui, elle se divertissait à contempler Nirn depuis l’Aetherius. Elle interrogeait ses sœurs quant à leurs influences sur les vies mortelles, se renseignait sur les sphères de pouvoir. Durant bien des années, elle poursuivit cette existence avec diligence, tout en se pliant aux exigences de Magnus.

Finalement, Merid-Nunda finit également par découvrir le domaine de ses pouvoirs qui s’éveillaient. Quel ne fut pas son effroi de constater que son pouvoir était intrinsèquement lié à ce lieu et, bien pis, à son père. Elle s’y résigna, certainement de la meilleure des manières. La Magna-Ge se résolut à adopter ces pouvoirs liés à la lumière-même et à les façonner comme elle le désirait. Si ses sœurs semblaient enchantées, Magnus demeura fermé et inaccessible, ce qui contribua à encore davantage meurtrir les sentiments déjà écorchés de la Magna-Ge.

Son enthousiasme parvint finalement à dominer l’ensemble de ses émotions tant elle était curieuse à propos de cette lumière qu’elle pouvait manier elle aussi. Elle dédia de longues années à assimiler cet élément tandis que le manque de son aînée grandissait en elle.

Le domaine de sa sœur aînée s’étendait bien plus largement que le sien. Ses capacités dévoraient des trames même de l’espace-temps. Oh, je commence à en dévoiler plus que je ne le devrais. Merid-Nunda ressassait les souvenirs de cette sœur qu’elle admirait tant, qui lui apportait cette affection dont l’avait privée son père.

La Magna-Ge se satisfaisait de sa progression au cours de son apprentissage. Sa maîtrise de la lumière parvenait désormais à lui procurer une sensation de plaisir, de félicité, voire de fierté parfois.

Tandis qu’elle en apprenait davantage quant à la vie et à l’humanité en observant le monde des mortels, elle décela un certain ravissement dans le passage du jour à la nuit et inversement. Elle se laissa aller à la contemplation, du bleu profond de ses iris. Chose peu commune pour un Et-Ada. Merid-Nunda fut alors saisie du désir de créer, d’offrir comme ses sœurs quelque chose à ces vies au temps décompté et lui semblant si succinct.

Les mortels disposaient de toute la lumière nécessaire à leur vie et aux conditions de culture des vivres. La nature même arborait les plus belles couleurs. Les étoiles se reflétaient dans les lacs, le Soleil accordait des danses à la pluie pour faire poindre des arcs-en-ciel.

La Magna-Ge choisit alors de décorer cet état d’entre-deux qu’elle appréciait tant savourer. Comment moduler sa lumière comme elle le souhaitait ? Une idée s’était dessinée dans son esprit et elle demeura à l’état de concept tant que Merid-Nunda n’avait pas élaboré de processus de réalisation.

Cette réflexion s’étala sur de longs mois nirniens, peut-être même une ou deux années. Une réalisation fulgurante en somme, pour un être éternel. Quoi qu’il en fût, cette inspiration soudaine lui provint tandis qu’elle songeait à son aînée. Tordre cette lumière somptueuse, cet éclat aussi rigide que pouvait l’être Magnus, constituait l’obstacle qui l’empêchait de progresser. Désormais, elle savait comment la modeler à loisir et bien plus encore. Il lui fallait suivre les chemins empruntés par sa grande sœur.

Ce ne fut pas sans appréhension que la Magna-Ge pénétra dans les plans de l’Oblivion. Elle n’imaginait pas que ce genre d’émotions pouvait envahir son être. Les dompter lui imposa une difficulté supplémentaire. À cette appréhension se joignaient son intense curiosité naturelle ainsi qu’une grande excitation. Elle n’avait pas imaginé l’Oblivion ainsi. L’avait-elle déjà même imaginé ? Elle ne se souvenait pas, ça ou ses souvenirs s’évanouissaient devant la découverte d’un plan unique, aux paysages diamétralement opposés à ceux de l’Aetherius. Ils n’apparaissaient pas non plus semblables à ceux de Nirn, non. Ce charme obscur, cette tension sous-jacente, tout cet inconnu provoqua en elle un élan d’énergie.

Merid-Nunda ignorait où elle se situait précisément. Les formes semblaient vagues, obtuses, changeantes parfois. Les couleurs différaient de celles de Nirn, elle ne parvenait pas à les identifier. Le sol avait l’air de se mouvoir, se dérober ou se gonfler sous ses pas. Sa marche la mena à une étendue plane et immobile, elle-même cessa alors de bouger, n’osant qu’à peine respirer. Cette étendue semblait d’un noir absolu, d’une surface uniformément lisse. La Magna-Ge s’agenouilla. Quelques mèches de sa longue chevelure blonde suivirent son mouvement et se dérobèrent à sa parfaite coiffure. Peut-être était-ce là sa solution ? Tenter ne lui coûtait rien : elle était déjà ici, autant poursuivre jusqu’au bout de son élan d’audace.

Ses mains se rapprochèrent, s’arquèrent en un fin mouvement. Ses paumes ainsi que le bout de ses doigts se faisaient face. Merid-Nunda conserva ses yeux ouverts, elle fixa l’infini vide de cette étrange noirceur, cessa même de fermer ses paupières. Toute sa concentration se réunit en ce point, ce point de néant pur. Une nitescence naquit au creux de ses mains, à peine perceptible au départ pour se renforcer et s’intensifier. Son éclat se stabilisa ensuite. La Magna-Ge, sans trembler, plongea ses mains et la boule de lumière qui disparurent immédiatement au cœur de la noirceur opaque. Elle ne parvenait pas à caractériser la sensation que celle-ci lui procurait en touchant sa peau tant cela lui semblait sordide. Dans un premier temps, elle entreprit d’étendre la lumière. Merid-Nunda s’appliqua, dédiait toute sa concentration à étirer ce faisceau. Ce fut lorsqu’elle parvint enfin à son but que son visage tressaillit subrepticement de surprise.

Entre ses mains, une forme insolite de lumière émergea à la surface, elle avait réussi ce qui habitait ses pensées : elle l’avait tordue. La fille de Magnus n’avait jamais pu observer en Aetherius une telle silhouette éclatante, déformée. La lumière de son père lui ressemblait en tout point, sa droiture l’épousait. Dure, ferme, inflexible, exactement à son image. Merid-Nunda fut absolument époustouflée par cette découverte. Sa sœur avait-elle connaissance de cela avant sa disparition ? Je l’ignore moi-même. Tout ce que je sais, c’est que la Magna-Ge décida de prolonger quelque peu sa visite ainsi que ses expérimentations. Sous ses yeux se révélèrent des teintes dont elle ne soupçonnait pas l’existence, des changements saugrenus survinrent. De fait, la lumière qu’elle connaissait depuis toujours arborait des apparences nouvelles qu’elle n’aurait jamais pensé possible.

Avec une grande hâte, une fois qu’elle se fut divertie à son loisir avec les ondes, elle s’en retourna en Aetherius. Son émoi caché avec peine, elle rêvassait déjà de la mise en application du processus auquel elle avait réfléchi et qui avait finalement vu sa concrétisation devenir envisageable. Rêvasser… Ce fut à ce moment précis qu’elle ressembla le plus à ce qu’on attendait d’elle. Elle se fondait effectivement dans cette population de l’Aetherius, paisible, méditative et calme.

Comme vous le savez, un rêve a pour singularité sa fragilité, son caractère fugace et fuyant. N’est-ce pas ? C’est ce dont s’aperçut également Merid-Nunda, à ses dépens. Dans la pure contemplation de ses pensées, elle ne perçut pas immédiatement le danger qui, tapi au cœur de cette éblouissante clarté, l’épiait.

Elle se permit de s’amuser librement avec cette lueur pliée qu’elle considérait dès lors comme son nouveau jouet, sa source de divertissement. Elle se voyait déjà offrir aux mortels de magnifiques spectacles, de grands moments d’émerveillement. Elle s’interrogea alors : comment nommer cela ? Comment auriez-vous décidé de nommer, vous, une douce fulgurance rutilante parcourant le ciel en ondulant ? Comme vous le savez, pour elle, ce furent des aurores, aurores polaires plus précisément. Elle en vint même à se réconforter, se disant qu’elle avait peut-être finalement trouvé sa place au sein de l’Aetherius.

Toutefois, les choses ne se révélèrent point aussi simples, sinon je ne vous conterais sans doute pas cette histoire. Absolument pas, bien au contraire. Peu de temps après, Merid-Nunda fut convoquée auprès de son père, Magnus le Soleil. Cela faisait des années nirniennes, certainement même presque des siècles qu’une telle réunion s’était déroulée pour la dernière fois. La Magna-Ge, quoique légèrement contrariée de devoir se présenter à son père avant la réalisation de son œuvre, se pressa d’aller le retrouver.

Seulement, son désarroi fut lancinant. Lorsque Magnus posa les yeux sur Merid-Nunda, cette dernière devina dans un frisson d’effroi que son sort ne lui serait pas favorable. La lumière de l’Aetherius lui brûla les rétines tandis que la chaleur environnante l’étouffait, et ce, de mal en pis. Sans attendre sa première parole, elle releva les yeux sur lui. Sans défi, sans interrogation dans le regard. Elle désirait uniquement percevoir ses propres émotions lorsqu’il allait prononcer ses prochains mots.

Magnus le Soleil n’éleva pas la voix. D’un timbre grave et d’un ton glacial implacable qu’elle lui connaissait, sans la saluer, sans autre forme de procès, il la condamna. Il la condamna à un exil pur et simple, définitif, lui ôtant son statut de Magna-Ge par la même occasion. Magnus avait tout vu des agissements de Merid-Nunda, il avait connaissance de l’ensemble de ses expériences. Il ne le toléra aucunement. Il la qualifia de traîtresse, considéra sa curiosité comme une abomination répugnante au même titre que sa création. Magnus ne voyait plus rien de lui en elle, par conséquent, elle n’avait plus sa place à ses côtés.

Ne vous êtes-vous jamais posé de questions, si vous avez déjà lu le même ouvrage dédié aux Daedra que moi ? Que signifiait réellement la page rédigée à propos de Méridia ? Elle, bannie de l’Aetherius pour avoir joué avec des spectres de lumière illicites. Voilà, vous savez dorénavant la malheureusement histoire de notre déchue Merid-Nunda, devenue Méridia, passée de son statut de Magna-Ge à celui de Daedra.

Un cheminement à la fois tragique et légèrement ironique pour elle que de rejoindre l’Oblivion, cet endroit lui-même source de son exil. Si Magnus observait le monde à travers son spectre d’un blanc immaculé, aussi profond que l’était le noir de l’Oblivion découvert par sa fille, peut-être cette dernière était-elle plutôt d’une nuance grise, à mi-chemin des deux, de tout. À la croisée des chemins, ceux dont sa sœur changeait les tracés. Il n’était en revanche plus possible de changer le chemin qu’allait suivre la nouvelle Daedra.

Quelle fut son erreur ? Fondamentalement, pourquoi méritait-elle une telle sentence ? Elle était étrangère à n’importe quel lieu elle se trouvait désormais, faisait à moitié partie de tout, entièrement partie de rien. N’avait-elle pas droit à une seconde chance, un brin de tolérance ? Son geste fut-il si grave qu’elle devait éternellement vivre avec un tel fardeau désormais ? Celui de la culpabilité et de l’ensemble des émotions qui s’accrochaient à elles comme d’avides sangsues. Le manque de compréhension, le manque d’amour, le désespoir, tout s’entêtait à lui tourner autour dans un ballet infernal et incessant.

Cela nécessita du temps, beaucoup de temps pour se relever de cette soi-disant forfaiture. Après tout, nous sommes bien d’accord que seul l’égrainement des secondes permet de panser de telles plaies béantes. Aucun autre remède ne peut contrer une douleur si aigüe mes chers amis. Méridia permit à ses pensées de voguer, elle n’avait plus grand contrôle dessus après tout. Elle demeura longtemps dans un état second, comme éteinte.

Un jour, elle entreprit de se relever. Esseulée, ce fut à grande peine qu’elle puisa en elle la force de bâtir en Oblivion son nouveau royaume. Un royaume au cœur duquel la fraîche princesse Daedra ne serait plus jamais source d’aucune peine. Comme certains le savent peut-être, il porte le nom de Chambres colorées. On y raconte, et je me permets de vous l’affirmer, que Méridia aurait bâti ce royaume en puisant dans la lumière de Magnus. Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, leurs sphères de pouvoirs étant intrinsèquement liées, rien n’empêchait la Daedra de continuer à utiliser la lumière. Elle entreprit donc de la courber, de la tordre autant que possible. Une nouvelle fois, quelle douce ironie dont elle fit preuve. Une menue puissance pourtant dévastatrice, au même titre que sa lumière.

Les Chambres colorées baignaient ainsi dans une douce lueur blanche, néanmoins il semblait faire sombre simultanément. Partout où le regard se posait, il pouvait rencontrer des structures coralliennes, dont de nombreuses flottaient librement çà et là, tout comme certains champs de rochers. Au sol se trouvait une eau luminescente dans laquelle étaient immergés certains arbres et autres impressionnantes végétations, inconnus des terres mortelles. Cette eau était d’une densité telle qu’il était possible de marcher à sa surface…

Qu’en pensez-vous ? Ne s’agit-il pas ici d’une parfaite création, d’un mariage à la lisière de ses deux origines ? De mon côté, je le pense, en effet. Ce royaume était donc habité par la princesse Daedra mais aussi par de nombreux Daedra dits inférieurs, à son service, répondant au nom d’auroriens.

Eh oui ! Auroriens, comme les aurores polaires dont rêvait la daedra. Malgré cette épreuve, Méridia ne renonça jamais à son projet. Ce fut sous ce nouveau patronyme qu’elle finalisa la réalisation de ses aurores polaires. Plus rien ne pouvait l’en empêcher, de fait, elle ne devait plus rien à personne. Alors que ses pouvoirs continuèrent de croître en Oblivion, elle put finalement offrir aux mortels le présent qu’elle leur destinait, ce si charmant sillon céleste que nous apprécions tant lorsque qu’il se distingue dans ses couleurs vives.

Si certains la trouvent inaccessible, si d’autres éprouvent des difficultés à la comprendre, je vous confierai ainsi ceci. Nous sommes la somme des évènements que nous avons vécus, la résultante de multiples variables. Son statut d’être immortel ne l’épargna pas de cette vérité, comme nous, elle s’adapta aux aléas bousculant son for intérieur.

Elle accorde difficilement sa confiance et sa gentillesse n’est pas aveugle. Pour autant, est-il bien sensé de la catégoriser sans la différencier de Hermaeus Mora par exemple ? Je l’ignore. Elle offre une protection sans faille aux mortels contre les morts-vivants. Certes, elle incarne à travers cette mission la droiture extrême dont elle a hérité de son père… N’est-ce pas là ce qui la rend proche de nous, ce singulier mélange de qualités et de défauts ?

Je crois que nous sommes parvenus à la fin de l’histoire de Merid-Nunda devenue Méridia ce soir. Regardez, d’ailleurs, le feu a faibli et les braises souffrent. Est-ce que cette histoire est véridique, c’est ça que tu me demandes Morwen ? Parole de Skaal, je me suis toujours engagé à ne vous raconter que la vérité dans tous les récits que je vous ai contés. Celui-ci ne fait pas exception à cette règle en plus de me tenir particulièrement à cœur. Même si j’ai conscience que les Daedra représentent un sujet difficile pour nous, celle-ci me sera toujours particulière.

Toutefois, je ne peux pas vous demander de croire cette histoire à partir de mes paroles seulement… J’ai bien conscience qu’il faut voir, vivre certaines choses pour les croire.

Passez une bonne nuit, mes amis. Que le Créateur veille sur vous.

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