Le Rouge et le Remords.

Chapitre 1 : Le Rouge et le Remords

Chapitre final

3774 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 29/02/2024 20:59

[Le Rouge et le Remords]


Cette fanfiction participe au Défi d’écriture du forum Fanfictions .fr : Chroniques d’antan (janvier – février 2024).


Il y avait de ça fort longtemps, tandis que Nirn portait de nombreuses vies en ses terres fertiles, l’orgueil divin vint interférer au cœur du quotidien des mortels.

C’était un somptueux automne où chacun semblait charmé par les rayons enjôleurs du si bien nommé Magnus le Soleil. Âtrefeu tentait de se montrer agréable cette année, et avait en effet su conquérir les Mens et les Mers de Tamriel. Tout le continent jouissait d’une douceur aussi inhabituelle que bien accueillie.

Un cri sonore fit écho sur les collines verdoyantes portant avec vaillance et résistance un petit village. Celui-ci venait d’apercevoir le premier signe d’une nouvelle venue, une nouvelle présence en ces terres fertiles. Les citoyens se réjouissaient de cette naissance sous les meilleurs auspices que pouvait offrir âtrefeu. Ses parents, un messager et une maroquinière, inondaient leur enfant tant attendue sous leurs larmes d’allégresse. Quel superbe présage ! La journée orageuse, où régnait une lourde chaleur, obtempéra devant la puissance de son arrivée et plia pour chasser foudre et tempête du plafond céleste. Pour tous, cette enfant si particulière apportait célébrations et ravissement.

Seulement… En d’autres plans, bien plus loin que là où l’esprit mortel était capable de se rendre, bien au-delà du temps qu’il pouvait concevoir s’égrainer infiniment, avait eu lieu une autre tempête. Dans cette dimension parallèle inatteignable du Mundus, dans un plan inconnu de l’Aurbis, deux Daedra avaient engagé un combat véhément.

Des cendres se voyaient propulsées parmi nombre de nuages fumants rouge carmin. Une chaleur étouffante s’engouffrait, desséchant sur son passage âme et poumons. La colère de Méhrunes Dagon, Prince Daedra dont les domaines s’étendaient aux champs de la destruction et du changement brutal, embrasait son être même. Il devenait le foyer ardent de sa propre rage. Ses quatre mains soulevèrent ensemble des volcans entiers, eux qui recouvraient le sol de son plan désolé, les Terres Mortes. Ses cornes elles-mêmes semblaient rougir sous le joug du Prince. Face à lui, son adversaire ouvrait un portail pour rejoindre son propre plan de l’Oblivion.

Une longue chevelure châtain ornée de quelques tresses fines, une peau claire parsemée d’inscriptions tatouées d’un bleu clair, l’autre Prince Daedra s’envolait de ses ailes de cristaux. Quelques fils tirés entre ses doigts, Ithelia avait nonchalamment emprunté le portail qui s’était alors refermé derrière elle. Sa colère était contenue, son visage portait davantage les teintes de l’agacement. Ce que Méhrunes pouvait l’incommoder… Son geste se révélait inhabituel. Interférer dans les plans de ses collègues, transformer la trame du destin, elle le faisait constamment. Son nom de Maîtresse des Chemins Inexplorés, Changeuse des Destinées, lui seyait tel qu’il semblait ciselé pour elle. Néanmoins, jamais elle n’était intervenue dans l’avenir d’un seul être mortel. Troquer des victoires de guerre pour des défaites, métamorphoser la création d’êtres vivants, de plantes, de continents, telle était l’étendue de ses pouvoirs. Aujourd’hui, en ce jour d’âtrefeu, sa bénédiction atteignit un être humain. Était-ce de la pitié ou fut-elle simplement désireuse de contrer la malédiction que Dagon lui avait infligée pour faire de lui son pion ?

Qu’allait-il donc advenir de ce nouveau-né, empli par les volontés de deux Daedra avant même de l’être par sa première bouffée d’air ? Ses larmes ruisselaient le long de ses joues, les fins filets cascadaient.

Eadille était le nom de cette enfant marquée par les désirs des Princes. Ses pupilles fixèrent ses parents qui lui rendirent ce long regard, fascinés par cette singularité si cinglante. Eadille portait l’infini néant de l’Oblivion conjugué aux rayons perçants de Magnus. Son œil gauche révélait un rouge intense, le droit dévoilait une pupille d’un noir absolu.

Au sein de ce petit village, Eadille connut une enfance des plus paisibles. Aimée de ses parents, entourée par ses amis, la vie suivait son cours. Toutefois, les particularités de la jeune fille ne se limitaient guère à ses pupilles hétérochromiques. Au contraire, tandis qu’elle grandissait, de curieux phénomènes se produisaient. Ses plaies coagulaient puis cicatrisaient en un bref instant, les malades recouvraient la santé à ses côtés.

Eadille semblait dotée de dons de guérison d’une puissance incongrue. Ce fut au fil des années qui s’écoulaient qu’elle en prit conscience, qu’elle apprit à contrôler ce talent. Elle s’habitua également à le conserver précieusement, à ne pas en faire usage à outrance. Fort heureusement, ce pouvoir ne créait point d’obstacle entre ses amis et elle. Tous grandissaient en harmonie, comblés par les ressources que Nirn avait à leur offrir.

Si Eadille tentait de limiter l’utilisation de son don, c’était aussi parce qu’il l’inquiétait. Elle percevait son œil rouge s’illuminer d’une vive lueur chaque fois qu’elle apaisait des maux douloureux, une lueur puissante qui la poussait à refouler ses capacités. Nonobstant, la jeune fille se révélait d’une précieuse aide pour le village et son cœur s’égayait de chaque sourire qui apparaissait lorsque que s’éclipsait la douleur.

En outre, une mésaventure renforça ses craintes déjà établies. Un été, quelques années auparavant, tandis que la chaleur et l’humidité harassaient les habitants, Eadille revenait chez elle les bras chargés d’un lourd panier de fruits. Quel ne fut pas son agacement lorsque tout son être vint épouser la terre sèche du chemin qu’elle empruntait, ainsi que tout ce qu’elle transportait avec elle. Quand elle comprit qu’elle avait chu à cause d’un piège manigancé par deux autres enfants, son agacement se transforma en colère. Une corde tendue ? N’avaient-ils rien de mieux à faire ?

Elle leur adressa un regard empli de mépris. Simultanément, les enfants hurlèrent de peur. Eadille fut d’abord fière d’avoir provoqué autant de peur d’un simple regard quand les deux farceurs se mirent à pointer du doigt. Seulement, ils ne la pointaient pas elle, mais bien quelque chose qui semblait derrière elle. Elle se retourna, n’aperçut rien. Lorsqu’elle les entendit pousser des cris de terreur évoquant des squelettes avant de prendre la fuite, son incompréhension crût. Néanmoins, les picotements qui provenaient de son œil droit lui fournirent assez d’éléments pour tenter de formuler son hypothèse…

D’autres incidents mineurs similaires la surprirent à plusieurs reprises. Eadille conclut que son œil noir constituait la source de ces évènements saugrenus. Il lui arrivait de songer que cette hypothèse l’était tout autant, saugrenue, mais les coïncidences semblaient bien trop imposantes…

 

La bataille vint. Toute paix qui fut a connu sa guerre, les habitants du village d’Eadille également. Ils découvrirent la bataille froide, sombre. Une bataille sale, un massacre. Magnus dérobait doucement ses rayons du regard des villageois quand une étoile traversa le ciel en illuminant leurs terres. Une étoile de mauvais présage, annonciatrice de désastre. Une boule de feu destinée à les prévenir : ils devaient périr.

Ce fut à l’entrée du village qu’ils purent être distingués, une horde de nécromanciens s’avançait, menaçante, chargeant leurs sorts. Leur but se dessinait, aussi limpide que la silhouette de Masser sur le plafond céleste. Ils avaient besoin de cadavres, ils rongeraient la moindre vie humaine afin d’obtenir suffisamment de corps pour mener leurs sombres expériences. De l’empathie, de la préciosité de la vie, les nécromanciens ignoraient tout, leur cervelle ravagée par l’emprise de la servitude. Qui dirigeait qui, qui pensait diriger quoi ? Il n’existait plus de logique pour ces pantins avides.

Eadille demeura interdite, livide. Trois maisons fondaient déjà dans une combustion nauséabonde. Les cris stridents résonnaient dans son esprit. Où fuir ? Ils ne possédaient rien qui ne fut pas ici. Pourquoi posséder un espoir d’exil quand l’ailleurs n’existait point ? Eadille ne bougeait pas. Ses parents devaient certainement se trouver chez eux, elle l’espérait. Elle, sans qu’ils échangeassent une parole, restait auprès de ses deux amis les plus proches. Plus un rire n’avait éclaté entre eux.

Ses yeux rencontrèrent ceux d’un homme confus, haletant. Elle le connaissait bien, tout le monde se connaissait très bien. La jeune fille se doutait qu’il recherchait activement sa fille. La petite qui avait perdu sa mère plus tôt dans l’année se promenait sans doute dans le village. Eadille n’eut pas le temps de lui proposer son aide. Ses yeux restèrent ancrés dans ceux de l’homme que la vie venait de quitter, électrocuté par un nécromancien qui l’avait aperçu et ainsi condamné.

Glacée, elle se retourna pour saisir ses amis, s’enfuir, retrouver la petite orpheline. À nouveau, elle n’en eut pas le temps. C’est le corps calciné de son ami d’enfance qu’elle découvrit en se retournant, visé par ce même nécromancien.

C’en fut trop. Ses larmes naquirent bien qu’elle se fût promis désormais de contenir ses émotions. Ses pleurs libérèrent un tourbillon, un cyclone. Cette tempête se déchaînait en elle, sa détresse l’inondait, son désespoir la consumait.

De son œil noir s’échappa un vif éclair coruscant. Une seconde s’écoula, un cri retentit. À ses pieds gisait maintenant le nécromancien ayant soustrait la vie à deux innocents. Le cyclone hurlait en Eadille, il déchirait des parts de son être. Sa puissance renfermée ôta la vie au nécromancien ? Non… Non pas ça, elle ne voulait plus de ça ! Son hypothèse fut donc avérée pour son plus grand effroi. Ses pensées se faisaient de plus en plus floues, elle ne parvenait plus à distinguer les contours de la réalité, sa conscience s’éteignait.

Autour d’elle se forma alors un réel cyclone. De toute sa hauteur, elle s’était entourée de cette tornade grise et rougeâtre qui s’élevait tel un rempart. Son amie restée à ses côtés s’éloigna, effrayée, tandis que de nouveaux éclairs surgissaient çà et là. Leur véhémence atteignait une force fiévreuse, le ciel semblait aussi clair qu’en plein jour. Tout le village paraissait rugir ce soir.

 

Quand Eadille revint à elle, Masser avait disparu. Elle cligna des yeux plusieurs fois, ne parvenait guère à se resituer dans l’espace et dans le temps. La jeune fille avait comme l’impression de se réveiller d’un très long sommeil, d’une importante commotion cérébrale. Dans son lit, son premier réflexe fut d’essayer de se lever. Cette tentative se solda par un échec tant elle fut surprise par l’intensité des douleurs qui se réveillaient au moindre mouvement. Alors, tout lui revint, et elle inspira un « Ah ! » de réalisation avant de fondre en larmes. Ses parents se précipitèrent à son chevet, aussi soulagés de la voir éveillée qu’inquiets de ses pleurs.

Elle se souvint de tout. Les nécromanciens, l’attaque, les morts… Par quel miracle ses parents avaient-ils survécu ? Pourquoi et comment sa maison tenait-elle encore sur ses fondations ? Eadille se mordit la lèvre jusqu’au sang. Son pouvoir fulmina jusqu’à tuer un nécromancien. Peut-être cela l’avait-elle sauvée, seulement, elle n’avait jamais désiré ce meurtre, commis par elle-même en dépit de sa volonté même. La jeune fille se traîna hors de son lit avec difficulté, ses jambes la faisaient souffrir.

Les images lui revinrent en mémoire. Cette odeur de carbonisation, ce regard échangé figé pour l’éternité, les stigmates de son ami calciné… Une forte nausée s’empara d’elle et la poussa à se rendre à l’extérieur, s’emplir les poumons d’un air plus frais. Sa porte s’ouvrit sur des débris encore fumants. Eadille ne reconnaissait plus rien de son village. Quelques bâtiments avaient résisté à l’affront de la veille, certains villageois s’affairaient d’ores et déjà à la restauration. Fébrile, la jeune fille recula. Elle devait savoir, il fallait qu’elle posât cette question qui lui brûlait les lèvres.

Comment s’était terminée la bataille de la veille ? Ses parents lui répondirent, le cœur saignant abondamment. Ils évoquèrent les attaques sournoises des nécromanciens, les nombreuses pertes matérielles, et principalement les vies volées, les êtres chers tombés sous leurs yeux. De mystérieux éclairs avaient surgi et les nécromanciens tombèrent sous leurs coups. Comme ils s’étaient sentis soulagés d’avoir retrouvé Eadille, inconsciente mais en vie, indemne des attaques funestes des nécromanciens barbares. Ils échangèrent un regard avant de lui révéler, avec toute la précaution et la délicatesse qu’ils possédaient, que ses amis avaient malheureusement péri lors de l’envahissement.

Ses deux amis ? Elle se souvenait clairement du corps calciné mais… Non. La douleur s’empara de son être entier. Quand elle apprit que le deuxième corps avait été retrouvé près d’elle, son esprit se déchira. Eadille ne put que se résoudre à accepter cette idée. Elle était sa meurtrière.

Les éclairs qui jaillissaient de toutes parts constituèrent la lame qui trancha sa vie, elle n’en doutait aucunement. Elle les ressentait à nouveau, d’une reviviscence extrême. Non… Elle ne pouvait s’y résoudre… Son regard s’égara à l’extérieur. Là-bas, combien d’autres vies avait-elle fauchées ? Une multitude de nécromanciens certainement, ainsi que celles d’autres innocents peut-être ?

Elle ne pouvait pas rester ici. Cette vie lui était désormais interdite. Comment survivre avec ce fardeau sur sa frêle conscience ? Si jamais ses émotions, sa colère, osaient resurgir, comment pouvait-elle accepter de mettre ses parents au cœur d’un tel péril ? Tout se fissurait. Dorénavant, ils seraient protégés, elle le pensa sans en douter. Bien sûr, cette décision risquait de les heurter définitivement. Il s’agissait même là d’une certitude… Cependant, Eadille préférait les blesser ainsi plutôt que d’être coupable de leur fin. Peut-être allaient-ils trouver la force d’avancer malgré cette plaie béante, adopter la petite fille orpheline, si celle-ci avait été retrouvée en vie…

Il n’y avait pas de temps à perdre. Il ne fallait pas qu’elle passât une minute de plus ici, les risques lui semblaient immenses. Elle enfila ses souliers, revêtit un long manteau, dissimula sa chevelure châtain sous le châle de sa mère. Eadille s’autorisa ce larcin en tant que dernier crime, elle ne pouvait pas partir sans emporter avec elle un peu de son bonheur.

La neige avait commencé à tomber. Eadille s’enfuit, aussi silencieusement que les flocons chutaient. S’ils se montraient coopératifs, peut-être l’aideraient-ils à disparaître discrètement, l’enveloppant de son brouillard blanc. Encore fallait-il qu’ils recouvrissent ses empreintes de pas dirigées vers l’inconnu qu’elle approchait, le cœur en berne, l’esprit en deuil. La jeune fille ne se retourna pas une seule fois. Elle se remémorait les sourires de tous ceux qu’elle aimait, bagage si précieux et accablant. Elle le portait sur ses épaules, il lui permettait chaque nouveau pas tout en le rendant d’une lourdeur insoutenable. Pourtant, Eadille ne le réprimait pas. Ses mèches se collaient à son front, trempées par la neige qui la frappait continuellement.

Elle n’avait aucune idée d’où elle se rendait. Pourquoi faire ? Où était-elle à présent ? Sans s’interroger, elle poursuivait son chemin, posait un pied devant l’autre. Un simple protocole, répété mécaniquement, poursuivi inlassablement. Un épais manteau blanc avait recouvert les plaines. Il lui paraissait si pur, immaculé. Ses larmes lui brouillèrent la vue.

Eadille chuta. Cette tendre amie givrante l’avait donc trahie ? Sa perception chamboulée la trompa, elle n’avait pas pu distinguer qu’elle s’était dirigée vers le lit vide d’une rivière, empli seulement de poudreuse. Elle ne réprima plus ses pleurs. Elle libéra sa colère. Qui heurter, esseulée, avec le ciel pour seul confident ? Comme pour lui indiquer qu’il se montrait disponible pour l’écouter, il se tut. Le blizzard cessa, la neige semblait chuter de manière timorée. Elle ne tenta pas de se relever. Eadille demeura immobile, accueillie au centre de cette étendue qui regrettait désormais ses rires moqueurs à son égard. Du moins, elle aimait le croire, elle pensait le distinguer. Elle, elle ne voulait plus jamais trahir personne.

Elle considéra son œil gauche. Cet œil qui lui avait si souvent rendu service, ce pouvoir divin qui l’avait tant aidée. Il avait rendu la santé à sa famille, aux habitants de son village. Pourquoi lui avait-il été accordé un tel don ? Maintenant, tout son potentiel était gâché. Lier deux pouvoirs dans une seule personne… Eadille n’avait rien désiré de tout cela. Elle n’avait pas désiré non plus devoir fuir ainsi, se percevait d’une lâcheté avilissante. Il lui fallait rendre ce présent à Nirn. Cherchant le plus adapté de tous, elle se saisit d’un morceau de roche suffisamment pointu à sa convenance. Dans des éclairs rouges, le don d’Eadille se dissipa. Il semblait épouser les arbres, les oiseaux, les lapins qui passaient par là. Sur ses joues deux filets, un rouge, l’autre translucide, se réunissaient à son menton pour goutter dans la neige.

La jeune fille, écroulée, laissa libre cours à ses pleurs. Ils ne s’interrompirent pas, ils se poursuivirent bien après que la neige eut cessé de tomber, bien après que la nuit fut de retour pour tapisser le plafond qui la dominait. Ils continuèrent, si bien qu’ils se mêlaient à cet écoulement brunâtre qui fondait. Eadille n’arrêta pas de pleurer. Chacune de ses larmes continuait de couler, elles ne s’évaporaient ni n’étaient absorbées. Quand elle fut aperçue par un aventurier désireux de lui venir en aide, un nouvel éclair sombre jaillit. Il trébucha. À chaque tentative de se rapprocher d’elle, il tombait.

Six autres nuits s’écoulèrent, Eadille pleurait ses regrets. À l’aube du septième jour, Magnus le Soleil étincelait. L’aventurier qui repassait à nouveau par ici s’arrêta brutalement, stupéfié, comme mystifié. Eadille avait disparu, elle s’en était allée. Ailleurs, loin, jadis et jamais, partie.

La rivière coulait sauvagement, abondamment. Son lit semblait modifié, creusé, étendu. L’aventurier, curieux, le suivit un moment. Tortueux, le courant semblait vouloir communiquer, transmettre, exploser. L’homme dut s’arrêter lorsqu’il eut atteint le sommet d’une falaise. Là, la rivière s’était divisée en deux bras qui chutaient ensemble jusqu’à un bassin accueillant les deux flots. Les rayons farceurs de Magnus paraissaient leur octroyer de jolies teintes. Celui s’écoulant à gauche, dont le débit apaisé possédait des reflets chauds. Néanmoins, l’autre, au flot tempétueux, apparaissait comme immunisé contre quelconque lumière.

L’aventurier resta un moment à profiter du chant des cascades. La contemplation sereine de cet homme honorait la rivière et le flot de ses chutes. Elle chantait pour lui l’ensemble de ses sentiments et lui revint régulièrement sans jamais oublier la jeune fille aux mystérieux éclairs.

Aujourd’hui encore, la Cascade de la Dualité Fulgurante fascine de nombreux aventuriers. Elle alimente les rumeurs dans tout Bordeciel et est racontée dans chaque recoin de Nirn.

« Pauvre Eadille…

– C’est pour ça que tu nous as raconté cette histoire ? Où sont ces cascades d’ailleurs, tu les as vues toi ? »

Le sourire de Laessidia laissa échapper un fin rire.

« Non Paul, je ne l’ai pas trouvée. Je l’ai cherchée, longtemps, c’est vrai, lors de mes voyages. Mais Nirn est vaste, Bordeciel n’en est qu’un maigre fragment !

– Quelle tragique fin pour une jeune fille. Sa vie n’aura été que souffrance…, soupira Agate

– Ne t’attriste pas ainsi Agate, la consola Andrée. Si cette Daedra, Ithelia, n’avait pas contré les plans cruels de Méhrunes, peut-être n’aurait-elle jamais connu le moindre instant de bonheur. Elle fut bien entourée de ses parents et de ses amis et demeure avec nous sous la forme d’une cascade mythique ! »

La Nordique sourit, réconfortée par son amie Brétonne.

« Bien, lança Démétrius, et si nous allions rejoindre Teegli ? On n’a pas trouvé la cascade de légende, mais celle que nous avons me convient parfaitement ; j’aurais bien besoin d’une petite nage après ce pique-nique !

– Merci pour cette histoire, Laessdia. Vous pouvez me rejoindre, l’eau est à la température idéale. »

Les sourires s’esquissaient, tous les cinq rejoignirent Teegli dans une baignade au haut potentiel ressourçant.

Quelque part, à un endroit qui demeurait secret, s’écoulait pour l’éternité la Cascade de la Dualité Fulgurante. Sans avoir besoin de source, dénuée d’embouchure, fruit des désirs des Daedra, elle offrait à Eadille l’éternité pour chanter son existence.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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