La grâce d'Azurah

Chapitre 1 : La grâce d'Azurah

Chapitre final

3650 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 13/10/2022 16:39

Texte écrit dans le cadre du défi de septembre/octobre 2022. Il fallait écrire sur un lieu sacré et montrer les émotions des personnages plutôt que de se contenter d'en donner le nom. Bonne lecture !


            Le crépuscule approchait. Dans quelques instants, Tamriel s’enflammerait sous les puissants rayons sépulcraux du soleil agonisant, que l’horizon s’apprêtait à engloutir. Ensuite, la nuit étendrait ses ailes infinies au-dessus de Mundus, en décor au ballet éternel de Jone et Jode parmi les étoiles, nimbées de robes séraphiques aux teintes changeantes, parfois vertes, parfois bleues, parfois dorées.

            Seule dans l’immensité monochromatique des montagnes, non loin de Fordhiver, une petite khajiite au pelage gris tigré de noir, enveloppée dans un épais manteau de fourrure, courait dans l’épaisse couche de poudreuse, les moustaches frémissantes au gré des courants boréaux. Parfois, ses yeux se fermaient de plaisir, tandis qu’un léger ronronnement naissait au creux de sa gorge. Elle riait du contact duveteux des flocons sur son nez, tournoyait entre les bras éthérés du vent, prêtait sa voix au concert élémental qui se jouait entre les sommets. Son souffle formait des arabesques vaporeuses auxquelles elle donnait mille et une formes par magie, et le froid avait cristallisé sur son visage des dizaines de minuscules perles opalescentes, si légères qu’elle en ressentait à peine la présence.

            Après avoir quitté sa chambre par la fenêtre, des jours auparavant, guidée par le seul éclat des lunes et le murmure de ses rêves, après s’être faufilée entre les troncs noirs et menaçants d’immenses conifères, après avoir joué à esquiver les bandits dans les forêts et les steppes blanchies par l’hiver, elle arrivait enfin à destination, elle le pressentait. Ses yeux bleu pâle brillaient encore des mille et un paysages qu’elle avait parcourus, imprimés à jamais sur ses rétines et dans sa mémoire. Même si elle s’imprégnait de l’instant présent, de l’ivresse que lui causait l’altitude, des paroles indistinctes de la terre, du manteau impérial qui couvrait le paysage, elle n’oublierait jamais la gracieuse silhouette des montagnes dans le lointain, éclairées par la lumière diffuse de Jone et Jode, ni les arbres figés par le gel en structures adamantines, ni ses danses avec les smilodons et les loups. Et le spectacle qu’elle s’apprêtait à observer lui promettait d’être plus grandiose encore, plus majestueux, plus divin.

Elle s’élança, plus vite, avec la légèreté d’un oiseau sauvage, en direction du sommet qu’elle devinait quelque part devant elle. Dans son sillage, les doigts agiles de l’aquilon effaçaient les traces discrètes de ses petites pattes, soucieux de l’aider à atteindre son but. Dans le lointain, au pied de la chaîne rocailleuse, la présence de mercenaires ou de soldats, peut-être de mages, faisait frémir l’air boréal, tandis que l’appel d’un senche résonnait en écho spectral entre les pics acérés. Il ne leur faudrait pas longtemps pour la retrouver, alors elle courait, toujours plus vite, si vite que ses coussinets effleuraient à peine la neige. Elle s’imaginait soudain s’envoler, portée par les ailes du vent, capable de dompter ses courants capricieux et d’échapper ainsi à ses poursuivants, au moins juste assez pour pouvoir admirer l’heure où le soleil laisserait sa place aux lunes dans le firmament. Elle adressa une prière mentale à Khenarthi, l’implora de lui donner la célérité d’un faucon en chasse et de la protéger.

La déesse parut entendre sa demande, car, au détour d’un roc acéré, elle sortit des nuages et déboucha, en plein soleil, sur un plateau au bout duquel se dressait une immense statue. La jeune fille se sentit aussitôt minuscule, écrasée par le poids céleste de sa propre mortalité. Malgré sa course soutenue, son souffle se coupa sous la beauté de cet autel dressé au milieu de nulle part, qu’elle avait tant souhaité atteindre. Des larmes lui montèrent aux yeux. Elle avait réussi. Les dieux lui avaient permis d’accomplir son rêve.

Elle s’avança, plus discrète qu’un flocon de neige, jusqu’à l’escalier qui menait aux pieds de la statue. Ses cheveux frémirent sous la caresse du vent. Elle s’imprégna du calme religieux des lieux, si différent du silence qui l’avait accompagnée durant son voyage. Ici, aucun oiseau ne faisait retentir son chant. Aucun blizzard ne sifflait entre la lune et le soleil de pierre posés dans les mains d’Azurah. Aucun prêtre ne psalmodiait de suppliques dans une langue quelconque. Elle s’attendait presque à entendre la voix de la divinité résonner dans l’air.

Un pas après l’autre, elle escalada les degrés de pierre usés par les ans. Elle devait faire attention à ne pas glisser, car le gel avait formé des plaques sur les marches. Elle lâcha donc un instant le paysage des yeux pour se concentrer sur ses pieds, guère enchantée à l’idée de tomber sur les rochers en contrebas.

Sa prudence lui permit d’atteindre, en quelques minutes, le sommet. Elle reporta alors son regard sur la statue, plus majestueuse encore de près que de loin. Son visage, dressé avec fierté vers l’horizon, possédait des traits d’une rare douceur, si finement ciselés qu’il lui sembla un instant les voir s’animer. Elle imaginait sans mal la pierre prendre une couleur plus pâle, les roses de sa couronne se teindre d’un rouge éclatant, sa robe se muer en fragment de firmament nocturne et ses attributs stellaires s’illuminer.

Elle plissa les paupières. La roche se teintait de mille et une nuances de rouge et d’or. La khajiite détourna le regard vers le lointain, où elle découvrit le soleil vêtu d’une toge écarlate. L’immense sphère qu’il était devenu s’enfonçait derrière les montagnes dans un lit parsemé de nuances amarantines à ambrées. Les nuages eux-mêmes se paraient de cuivre, tandis que des gouttelettes safran éclaboussaient la neige. Elle n’osa plus respirer, de peur de briser la magie de l’instant, alors que le jour agonisait dans une dernière explosion de couleurs chatoyantes. Les reflets qu’il projetait sur le visage d’Azurah la rendaient plus vivante que jamais, presque tangible, comme si la limite entre son royaume et celui des mortels s’affinait au cours de ces quelques précieuses minutes à la beauté divine.

Lorsqu’elle perçut sa voix, la jeune fille crut d’abord à un mirage.

—   Jeune mortelle, tu t’es montrée bien audacieuse pour oser venir seule jusqu’à mon sanctuaire.

—   Dame Azurah… souffla-t-elle, le regard soudain tourné vers le visage de pierre. Nahssa n’a fait que suivre son cœur.

—   Une grande qualité, petite mortelle, qui te portera loin.

Au-dessus de sa tête, le ciel prit une teinte pourpre, qui tirait de plus en plus sur l’indigo. De minuscules épingles d’argent s’allumaient les unes après les autres, dessinant les constellations qu’elle connaissait si bien. Derrière la statue, la silhouette massive de Jode s’élevait, suivie par sa petite sœur à moitié pleine. La jeune khajiite reporta son attention sur la statue, une étrange sensation au ventre, comme si le temps lui-même s’était arrêté pour lui offrir, l’espace d’un instant aussi éphémère qu’éternel, une conversation avec sa déesse, la maîtresse des secondes entre le jour et la nuit.

—   Y a-t-il quelque chose que Nahssa puisse faire pour vous, dame Azurah ? osa-t-elle demander, les moustaches frémissantes.

Le silence dura un court moment, juste assez longtemps pour qu’elle se demande si elle n’avait pas rêvé la discussion précédente.

—   Te souviens-tu de ton dernier rêve, jeune mortelle ?

Bien sûr qu’elle s’en souvenait. Comment aurait-elle pu l’oublier ? Entre le palais de roses, la voix apaisante d’Azurah et le visage adorable d’une petite dunmer, il recelait tant de mystères qu’elle le tournait en boucle dans son esprit depuis des jours. Ses oreilles se dressèrent sur sa tête, sa queue battit l’air avec davantage de vigueur. Elle espérait qu’Azurah éclaircisse ses interrogations.

—   Oui, répondit-elle d’une voix assurée. Celle-ci n’en a en revanche pas saisi le sens, Dame Azurah.

—   Sois patiente, petite mortelle. Laisse-moi te présenter Velyna Melaren.

La statue s’illumina alors avec une telle force que Nahssa dut protéger ses yeux pour ne pas être aveuglée. Elle recula d’un pas, les poils de la queue si hérissés qu’elle en avait triplé de volume. Elle distingua, face au visage de la statue, une forme ovoïde inidentifiable. Elle la suivit du regard alors qu’elle descendait vers le sol en douceur, portée par le faisceau doré. Un instant plus tard, elle touchait terre à ses pieds. La lumière disparut, révélant le corps frêle d’une petite dunmer âgée de quatre ou cinq ans. Ses traits, doux, présentaient un calme stupéfiant, ainsi qu’une innocence désarmante. Pourtant, Nahssa pouvait ressentir dans l’air le fourmillement d’une puissante magie. Déstabilisée, elle releva la tête vers la statue.

—   Dame Azurah, la khajiite ne comprend pas…

—   Velyna n’est pas une enfant ordinaire, petite mortelle. Veille sur elle, protège-la, et, un jour, la vérité te sera révélée. Pour l’instant, elle et toi êtes trop jeunes et trop inexpérimentées pour porter le poids d’une telle réalité sur vos épaules.

—   Mais Nahssa ne peux s’occuper d’une petite fille… la khajiite n’a que treize ans…

—   Ecoute ton cœur, petite mortelle. Il sera ton guide.

Les derniers rayons du soleil achevaient de disparaître à l’horizon. Ils emportèrent avec eux la voix de la déesse. Nahssa battit des paupières plusieurs fois, la tête bourdonnante de questions et d’incertitude. Sans la fillette inconsciente à ses pieds, elle aurait bien cru avoir rêvé. La magie s’estompait. Azurah était partie.

Son regard se porta à nouveau sur l’enfant. Sans trop réfléchir, elle retira son manteau et l’en couvrit. Elle peinait encore à réaliser ce qu’il venait de se passer. Bien qu’il ne lui soit rien arrivé, elle se sentait différente. Comme si la mission que venait de lui confier la déesse l’avait faite mûrir d’un seul coup. Envolée, la khajiite insouciante qui s’amusait à courir après les feuilles et imaginait le profil de grands héros dans le ciel. Disparu, le petit chaton facétieux qui jouait avec les criminels et les animaux sauvages sans la moindre méfiance. Il ne restait, à l’ombre de la statue, qu’une jeune fille soudain propulsée dans l’univers des adultes, sur les épaules de laquelle reposait déjà la survie d’une enfant inconnue.

Elle savait que, bientôt, quelqu’un arriverait. Les aquilons portaient à ses narines sensibles le parfum rassurant de sa mère. Ses parents avaient tout arrêté pour partir à sa recherche, accompagnés d’inconnus sans doute engagés dans une auberge pour les protéger des bandits et des créatures qui rôdaient un peu partout en Bordeciel. Elle ne savait pas encore comment leur faire accepter la petite dunmer. Aurait-elle seulement le loisir d’essayer ? Ils risquaient de l’embarquer sans lui laisser le temps de s’expliquer. Pourtant, son cœur autant que sa raison lui hurlaient qu’elle devait tout faire pour la garder auprès d’elle. Azurah la lui avait confiée. Si la déesse estimait qu’elle grandirait en sa compagnie, alors il lui fallait tout essayer.

Le bout de la queue agité d’un mouvement pensif, elle entreprit de soulever l’enfant pour la serrer contre elle et s’assit aux pieds de la statue, sur un rocher, face à la direction par laquelle sa famille allait surgir. Elle sentait, dans son dos, la présence rassurante de l’idole de pierre, au sein de laquelle coulait, elle le devinait, une puissante magie. Un petit sourire étira ses lèvres. Tant qu’Azurah veillerait sur elle, elle se sentait capable d’affronter n’importe quel danger.

Un petit soupir attira son attention. Elle baissa les yeux juste à temps pour voir les paupières de la fillette se soulever et révéler deux minuscules rubis percés d’une pupille d’encre. Elle reconnut alors l’enfant de son rêve. Elle lui adressa un sourire qu’elle voulut rassurant, consciente à son froncement de sourcils et ses regards inquiets autour d’elle qu’elle se sentait perdue.

—   Tout va bien, lui souffla-t-elle. Tu n’as rien à craindre.

La fillette – Velyna, si elle avait bien compris son nom – se contenta de hocher la tête, puis la reposa contre son torse en recherche d’un câlin. La jeune khajiite la sentit frissonner. Elle resserra son étreinte autour d’elle pour la réchauffer. Par réflexe, elle entonna une vieille comptine que lui chantaient ses parents, des années plus tôt. Les muscles crispés de l’enfant se détendirent peu à peu à mesure qu’elle s’apaisait. Nahssa ne put s’empêcher de sourire. Elle ne la connaissait que depuis quelques instants, mais elle sentait déjà un lien aussi étrange qu’unique se tisser entre elles, créé par la magie d’Azurah.

            De longues minutes plus tard, l’éclat vacillantes de torches s’éleva devant elles. Elle reconnut la voix de ses parents, et celle, plus grave, de son oncle. Deux autres personnes se trouvaient avec eux, sans qu’elle ne puisse pour autant les reconnaître. Des mercenaires, sans doute. Elle ne quitta pas son rocher. Pas avant que la silhouette familière de sa mère ne se soit présentée en haut des escaliers, enveloppée dans une lourde cape fourrée. Une explosion de sentiments confus l’envahit, lui fit monter les larmes aux yeux, tandis qu’elle se relevait et lâchait sa compagne. Elle s’élança vers l’adulte et se jeta dans ses bras, un seul mot aux lèvres :

—   Maman !

Le contact chaud de son épais pelage, dans lequel elle enfouit son nez qu’elle réalisa soudain engourdi, lui procura un agréable sentiment de sécurité. Ainsi blottie dans les bras de celle qui l’avait mise au monde, elle se laissa aller à ronronner. Les vibrations qu’elle ressentit à travers le thorax de sa mère lui indiqua qu’elle partageait son allégresse, et ses larmes exprimaient tout le soulagement qu’elle ressentait à la voir saine et sauve.

Une seconde paire de bras, plus solide, entoura bientôt ses épaules. Son père les avait rejointes.

—   Nahssa ! Les Dieux soient loués, tu n’as rien. Qu’est-ce qui t’as pris de t’enfuir ainsi ?

—   Je te l’ai déjà dit, papa, j’ai rêvé de Dame Azurah et de cet autel.

—   Nahssa…

La jeune fille se dégagea, les oreilles à moitié baissées.

—   Papa ! Nahssa a toutes les raisons du monde de croire que la déesse voit en elle quelque chose de spécial.

Sans lui laisser le temps de répondre, elle se dirigea vers la petite dunmer, qui était restée immobile au pied de la statue, le regard rivé sur les khajiits, à moitié cachée derrière l’autel. La jeune fille lui prit la main d’un geste naturel et l’entraîna en douceur jusqu’à ses parents. Leurs oreilles s’étaient aplaties et leurs sourcils froncés.

—   Papa, maman, Dame Azurah a parlé à celle-ci, assura-t-elle d’un ton calme. Elle a fait apparaître cette petite dunmer devant elle dans un grand rayon de lumière. Nahssa vous demande de la croire, s’il vous plaît…

Les deux adultes se regardèrent un moment. Ils savaient leur fille imaginative, mais pas au point d’enlever une enfant pour faire croire qu’elle avait surgi de nulle part. De même, ses pouvoirs n’étaient pas assez développés pour lui permettre de matérialiser une dunmer bien vivante à ses côtés. D’ailleurs, ils pouvaient lire dans ses iris toute la sincérité qu’elle s’efforçait de leur transmettre. Ses yeux brillaient d’une telle honnêteté, de tant de supplications muettes qu’il leur paraissait difficile de remettre en doute sa parole.

Portée par son instinct maternel, la mère de Nahssa rompit le silence :

—   Ma chérie, que t’a demandé la déesse ?

—   De veiller sur Velyna. Elle lui a dit qu’elles comprendraient toutes deux plus tard, une fois qu’elles seraient plus âgées.

—   Celui-ci suppose que personne n’irait à l’encontre de la volonté de la déesse, déclara son père d’un ton prudent.

—   Pas Nahssa, en tous cas, confirma la jeune fille.

L’adulte s’agenouilla face à la fillette, qui se cacha à moitié derrière son aînée. La khajiite ne put retenir un sourire attendri.

—   N’aie pas peur, murmura l’adulte d’un ton rassurant. Celui-ci aimerait savoir ce que toi, tu penses de la situation. D’où viens-tu ? Qu’est-ce que tu souhaites faire ?

Le regard de Velyna accrocha celui de Nahssa, qui l’encouragea d’un signe de tête à répondre. Elle s’exécuta d’une voix tremblante.

—   Je… j’ai l’impression d’avoir dormi pendant très longtemps…

—   As-tu des parents ?

Elle secoua la tête.

—   Non. Je suis toute seule depuis toujours, je crois…

Une fois encore, les deux adultes se consultèrent du regard. Le khajiit reporta ensuite son attention sur la petite fille.

—   As-tu confiance en Nahssa ?

—   Oui, assura-t-elle sans l’ombre d’une hésitation.

Elle fixa son aînée avec un sourire léger.

—   Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression de la connaître depuis très longtemps. Et je veux rester avec elle.

Le père de Nahssa passa une main affectueuse sur sa tête, puis se releva.

—   Difficile, dans ce cas, de vous séparer. Celui-ci est d’accord pour élever la petite dunmer.

—   La khajiite aussi, si cela contribue au bonheur de Nahssa, confirma sa compagne. Au moins le temps de découvrir qui est cette fillette.

Le cœur de l’adolescente lui sembla soudain flotter, tandis qu’un immense sourire étirait ses lèvres. Elle se jeta au cou de ses parents. Un petit rire lui échappa.

—   Merci ! s’exclama-t-elle.

Leur étreinte dura quelques instants, puis le père de Nahssa souleva la petite dunmer dans ses bras.

—   Puisque les choses se sont arrangées, il serait peut-être temps de rentrer, annonça-t-il, et de ramener Velyna à la maison.

La jeune khajiite hocha la tête. La famille s’engagea ensuite sur les marches pour regagner l’épais manteau poudreux sur la montagne. Avant de partir, Nahssa jeta un dernier coup d’œil au sanctuaire d’Azurah. Le regard paisible de la déesse lui parut posé sur eux, et elle crut même, un instant, discerner une étincelle approbatrice dans ses iris de pierre. Elle lui adressa un sourire, ainsi que la promesse mentale de tout faire pour veiller sur sa petite protégée. Les ténèbres masquèrent ensuite la statue, puis l’autel.

Nahssa se détourna alors, soudain écrasée par une grande fatigue. Elle salua à peine son oncle, un senche colossal semblable à un tigre un peu plus grand qu’un cheval, et grimpa sur son dos en compagnie de sa mère sans faire d’histoires. Les adultes échangèrent un rire attendri auquel elle ne prêta aucune attention. Déjà, elle sombrait dans les limbes du sommeil. Ses paupières se fermèrent. Elle s’endormit un sourire aux lèvres, l’esprit encore habité par la manifestation majestueuse d’Azurah. Elle savait aussi que, lorsqu’elle franchirait la porte du royaume des rêves, elle la retrouverait. Car elle n’en doutait pas une seule seconde : sa vie et ses songes appartenaient désormais à la déesse, et rien ne l’empêcherait de devenir l’une de ses plus grandes prêtresses.


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