Des ondes dans la nuit

Chapitre 1 : La radio fantôme

7415 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 24/08/2018 12:46

De l'auto-radio s'élevait un air de guitare guilleret et entraînant, hésitant entre le rock et la country. Ce bruit réveilla Sam qui dormait sur le siège du passager tandis que l'Impala roulait à toute allure sur une petite route déserte du Nouveau-Mexique. Concentré sur sa conduite, Dean battait la mesure sur le volant. Sam se redressa sur son siège.

« Pas de Metallica ce soir ?

-Non, répondit Dean. J'essaie de capter les infos, voir s'il y a quelque chose de surnaturel dans le coin. C'est la seule chaîne que je suis arrivé à capter alors j'attends de voir s'il y a un bulletin d'infos qui suit.

-La musique est pas mal.

-Ouais, reconnut Dean à contre cœur.

Sam ricana et se prit un regard noir de son frère. Il se laissa retomber sur son siège et écouta en silence la musique tout en regardant les buissons défiler à toute vitesse sur le bas côté de la route. C'était une nuit noire, et aucune lumière artificielle, autre que les phares de l'Impala, ne troublait cette obscurité.

-C'est quoi le nom du groupe ?, finit-il par demander.

-Aucune idée, la chanson avait déjà commencé quand j'ai trouvé cette chaîne. Je sais même pas quel genre de radio c'est. »

La chanson se termina pour laisser place à une voix masculine, douce et calme, faisant penser à Sam à du sirop d'érable, sans qu'il sache trop pourquoi cette comparaison lui venait à l'esprit.

« Chers auditeurs, il semblerait que notre problème d'inondation soit enfin en phase d'être résolue. Nos dernières informations indiquent qu'elle provenait du port et de la zone de récréation aquatique. Celles-ci auraient décidé de se mettre à fonctionner d'elles-même en se remplissant de sang. Le Conseil Municipal a tenu à répéter en conférence de presse que le port et la zone de récréation aquatique n'existent pas, n'ont jamais existé et que donc cette inondation ne s'est pas produite. La maire a toutefois accepté de reconnaître que c'est en isolant cette zone du réseau d'eau courante et des égouts que l'inondation a pu être stoppée.

Le sang devrait avoir totalement disparu de nos rues avant la fin de la nuit. Chaque citoyen pourra alors réinvestir sa maison et commencer à nettoyer les taches restantes, s'ils le souhaitent. Le Conseil Municipal a refusé d'avancer le prochain jour de nettoyage des rues, déclarant à l'unisson, et je cite « qu'il ne faut déconner quand même, un peu de sang sur les murs ne fait de mal à personne. Le nettoyage des rues, si. ». Je crois pouvoir dire que nous sommes tous soulagés de cette nouvelle.

Pour finir sur une note joyeuse, de respectables membres vampires de la communauté ont accepté de goûter le sang et ont déclaré qu'il s'agissait là de B négatif, très dense et fruité. L'un d'entre eux a déclaré que c'était le meilleur sang qu'il avait goûté depuis des années et nous a encouragé à en faire des réserves pour leur consommation personnelle. Il semblerait que pendant quelques mois nous allons pouvoir nous dispenser de la loterie pour trouver un volontaire pour faire don de son sang à nos chers amis suceurs de sang ! Cette histoire se termine donc au mieux pour tous les participants, sauf le pauvre interne Alexander qui a été happé par un tourbillon de sang particulièrement meurtrier. Nous ne t'oublierons pas Alexander.

Sur ce bonne nuit, Night Vale. Bonne nuit

Le proverbe d'aujourd'hui : un pantalon en tweed ? Vraiment ?. »

Un bruit de statique prit le relais de l'émission, faisant sursauter les deux frères dans la voiture. Sam se pencha pour éteindre l'auto-radio avant de se retourner vers son frère. Dean avait garé la voiture sur le bas côté de la route pour écouter plus attentivement. Ses mains étaient crispées sur le volant et son visage était sombre et concentré. Il croisa les yeux de Sam, une même inquiétude se reflétant dans les yeux des deux frères.

« On s'arrête au premier motel, déclara Dean d'une voix résolue. Et demain on cherche où se trouve ce Night Vale sur une carte. Je veux savoir si c'est l'émission avec l'humour le plus pourri que j'ai jamais entendu ou s'il y a quelque chose de vrai dans ce que racontait ce type.

-Entendu. Je regarderait sur l'ordinateur demain matin. Ce nom me dit quelque chose, mais je ne sais plus où je l'ai entendu. »

Ils durent parcourir encore une trentaine de kilomètres avant de trouver le moindre motel. Cette région des États-Unis était brûlante, déserte et désolée. Les habitants n'y étaient pas nombreux, les villes moins encore. Le motel miteux qu'ils trouvèrent ne devait sa survie qu'aux rares voyageurs forcés de traverser ce désert.

Le parking sur lequel ils se garèrent était désert et aucune lumière ne brillait aux fenêtres des chambres. Le gérant les accueillis en baillant mais ne leur reprocha pas leur arrivée tardive, trop heureux de pouvoir se remplir les poches. La chambre coûta aux deux frères bien plus cher qu'elle ne le valait, mais ils ne protestèrent pas. Ce n'était pas comme s'ils avaient gagné honnêtement l'argent avec lequel ils la payaient.

Sam et Dean gagnèrent en silence la chambre et y jetèrent un coup d’œil. Les murs étaient nus, les lits avaient l'air inconfortable, tous les meubles avaient au moins trente ans et paraissaient vermoulus. L'ensemble dégageait une impression de désespoir. Dean haussa un sourcil.

« Au moins elle est propre, déclara-t-il tout en laissant tomber son sac sur le lit le plus proche.

-Je m'occupe de la salle de bain, répondit Sam en saisissant un sac de sel. »

En quelques minutes, les deux frères avaient ajoutés toutes les protections nécessaires contre l'arrivée impromptue de démons. Dean réquisitionna la salle de bain et se mit à pester contre le manque d'eau chaude. Sam s'effondra sur son lit et s'endormit en essayant de faire abstraction des bruits de tuyauterie qui provenaient de la pièce voisine.

Quand il se réveilla, le soleil pénétrait à flot dans la chambre, sans parvenir à la rendre plus accueillante. Dean était à table, en train de grignoter une barre chocolatée. Il en envoya une à Sam, qui l'attrapa par réflexe.

« Je me suis renseigné, le motel ne fournit pas de petit déjeuner et la ville la plus proche est à plus de trente kilomètres. Va falloir se contenter de ça jusqu'à midi.

-Oh joie, persifla Sam en se levant et s'étirant. Tu as commencé à chercher des infos sur l'émission d'hier ?

-Non je laisse les recherches au geek de la famille. Mais j'ai cherché à retrouver la chaîne sur l'auto-radio de l'Impala pendant que tu dormais.

-Et ?

-Rien du tout. Je suis tombé sur des chaînes normales, ou un bruit de statique, rien de plus. Voyons si tu peux faire davantage.

Tout en avalant son maigre déjeuner, Sam ouvrit son ordinateur. Contre toute attente, il y avait du wifi et il put s’atteler aux recherches. Assis sur le lit, Dean nettoyait ses armes en fredonnant d'une voix fausse un air de Led Zeppelin.

Au bout de quelques minutes Sam redressa la tête et fit signe à Dean qu'il tenait quelque chose. Celui-ci s'empara de la seconde chaise et s'installa en face de son frère.

-Pour commencer il n'y a pas de certitudes que l'endroit existe. Il n'apparaît pas sur les cartes, je ne trouve pas de site touristique ou de la mairie, aucune photo, même aérienne qui ne soit pas floue...

Dean fronça les sourcils.

-Tu ne sais pas si la ville existe mais tu as des photos ?

-C'est le truc. Il n'y a pas la moindre information sérieuse sur le net sur cette ville mais pour tout le reste, tu as l'embarras du choix. Des gens prétendent que Night Vale existent et la situent un peu partout aux États-Unis en se basant sur des photos aériennes floues.

-Ok. Balance les informations non sérieuses.

-Des sites de conspirationnistes, grimaça Sam. Les discours habituels ''le gouvernement nous cache des choses, la vérité est ailleurs''. Un gamin de quinze ans prétend que son frère a été enlevé et conduit là-bas pour des expérimentations, une femme qu'il y a un site nucléaire éventré qui déverse sa radioactivité dans tout le secteur et que les habitants ont deux tête là-bas. Plus tout le reste, aliens, prison secrète, zombis...

-Zombis ?

-Genre la grande épidémie de zombis provoquée par les expériences du gouvernement et contenue par ses miradors. Franchement, rien de ce que je lis n'a l'air d'avoir rapport avec le surnaturel, c'est juste de la paranoïa de types un peu loufoques. Pas de sources, pas de chiffres, pas de photos, que des rumeurs reposant sur du vent.

-Et sur l'émission radio ?

-Là j'ai quelque chose d'un peu plus intéressant, et réel.

Dean se redressa sur sa chaise et lui fit signe de continuer. Sam prit un crayon pour prendre des notes en même temps qu'il parlait.

-Un paragraphe sur un site de paranormal. Il n'y a pas grand chose mais c'est instructif L'auteur dit que des gens auraient disparut peu après avoir entendu une émission de radio. Il ne donne pas de nom à celle-ci, il l’appelle ''la radio fantôme'' mais elle ne serait audible que tard la nuit et les disparitions seraient presque toutes à circonscrire dans le sud de la Californie, du Nevada, de l'Utah, du Colorado, l'Arizona et une partie de New Mexico. L'auteur donne les noms de ces personnes et les villes où elles ont disparu. Lui-même ne semble pas prendre l'histoire très au sérieux mais c'est mieux que rien.

-Au moins il nous donne un point de départ, grogna Dean. Enlève ton ordinateur de là d'accord ? »

Dean sortit une carte des États-Unis de son sac et l'étala sur la table. Sam déplaça son ordinateur sur ses genoux, les yeux rivés sur les informations du site. Tout en notant sur un bout de papier les noms qu'il lisait sur l'ordinateur, il donnait à Dean les localisations de disparition et les dates qui y étaient associées. Sur la carte, Dean traça des croix au crayon sur une trentaine d'endroits. Bientôt, il commença à les réunir par un cercle, puis les relia entre elles par des traits droits, rapprochant ainsi les points les plus éloignés par des diagonales.

Sam le rejoignit pour le regarder faire. Quand Dean en eut fini, ils épinglèrent la carte au mur et la fixèrent un long moment.

« La plupart des disparitions a eu lieu en Californie, nota Sam finalement

-Oui, mais le centre du cercle se trouve quelque part près du Grand Canyon. C'est peut être de là que vient cette émission.

-Une des disparitions a eu lieu pas trop loin d'ici. En roulant bien on peut y être d'ici ce soir et enquêter là-dessus. On en saura peut être plus. »

Dean opina de la tête et commença à réunir leurs maigres affaires.

 

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Ils atteignirent en début de soirée la ville de Safford, où un certain Danny Grahms avait disparu six mois plus tôt. Le soir et la matinée suivante furent consacrées aux recherches. Selon les journaux, Danny et Sally Grahms étaient un couple sans histoire, la quarantaine, deux enfants et un chien, la parfaite petite famille américaine. Puis Danny avait brusquement changé, s'était mis à agir comme s'il était suivi, s'était isolé des jours durant dans son bureau pour tenter de retrouver une émission de radio. Après quinze jours de comportement étrange, il avait disparu. Les policiers avaient pensé à une désertion de domicile conjugal, mais l'homme n'avait rien pris avant de disparaître, ni ses clefs, ni ses papiers, ni sa voiture et personne ne l'avait vu partir. Ils avaient alors soupçonné un meurtre mais tous les suspects avaient des alibis solides. En six mois, pas un nouvel élément ne s'était ajouté au dossier.

Tout en faisant ces recherches, les frères Winchester tentaient en vain de capter à nouveau l'étrange radio, sans succès. Ils finirent par abandonner dans le début de l'après-midi pour aller voir l'épouse du disparu.

Celle-ci les accueillis – ou plutôt, accueilli les deux agents du FBI qu'elle croyait avoir devant elle – en essayant de ne pas pleurer. Elle les fit entrer dans le salon et les invita à s’asseoir.

« Mon Danny n'était pas du genre à disparaître comme ça, déclara-t-elle en leur servant à boire.

-Des fois les gens font des choses étranges, murmura Sam d'un ton désolé.

Sally hocha la tête en souriant faiblement.

-Vous ne connaissez pas mon Dany. Il était incapable de faire quoi que ce soit sans le planifier des semaines à l'avance. Ça m'exaspérait. J'imagine que je dois m'habituer à en parler au passé maintenant... Pourquoi me poser ces questions? J'ai tout dit aux précédents agents et ils m'ont fait comprendre qu'il y avait peu d'espoirs de le retrouver.

Sam et Dean se jetèrent un bref regard puis Sam se leva, demandant les toilettes, tandis que Dean répondait.

-Je ne veux pas vous donner trop d'espoir non plus. Mais mon collègue et moi sommes tombés sur une affaire similaire. Toutes les réponses que vous pourrez nous apporter nous seraient utiles... pour les deux cas. Vous dites donc qu'il était très pointilleux.

-Même en cas d'urgence il n'était pas capable d'annuler un rendez-vous ou de déplacer la promenade du chien. Et il était toujours parfaitement ponctuel.

S'interrompant, Sally se leva et prit sur un guéridon un petit carnet qu'elle tendit à Dean.

-Il notait tous ses déplacements prévu le matin même. Même quand il a commencé à agir bizarrement il a continué. Mais ce jour-là, à quatre heures, au lieu de promener le chien il est monté faire une sieste. Il n'est jamais redescendu. Je suis restée dans le salon toute ce temps, je l'aurais vu passer dans le couloir. Quand à nos garçons, ils jouaient dehors et ils ne l'ont pas vu passer par derrière. Quand à Flutty, il n'a pas aboyé, et il aboi toujours quand un étranger approche de la porte. »

Dean hocha de la tête pour faire signe qu'il écoutait toujours. En même temps, il parcourait le carnet. Si on lui demandait son avis, ce Danny était tellement pointilleux et précis qu'il en frôlait la folie. Qui donc irait noter ''sept heures quinze petit déjeuner, sept heures vingt sept sortir le chien, sept heures trente six fin de la promenade'', tous les jours pendant de six mois ?

Les premières pages du carnet, intitulé ''carnet 132, août 2011-....'' ne comptaient que le train-train typique d'un père de famille et petit employé de banque : promenade du chien, dépose des enfants au collège, sortie hebdomadaire avec les collègues, cinéma une fois par mois... Cependant, à partir du mois de janvier 2012, quelques semaines avant sa disparition, Danny avait marqué quelques petites choses étranges dans son journal.

Cet homme qui se couchait auparavant à 22 h 30 tous les jours de l'année marquait soudain tous les soirs ''onze heures-une heure du matin, retrouver la radio''. Deux jours avant sa disparition, cette mention était remplacée par ''onze heures cinquante-sept, écoute de la radio''. Cependant, le plus étrange, ce n'était pas cette mention possible de la radio qu'avait entendu Dean. Non, c'était plutôt les activités inattendues qui surgissaient sans prévenir dans le journal de bord. Dean vit écrit ''noyer les feuilles mortes'', ''ne PAS aller à la bibliothèque'', ''faire le tour du jardin et écouter les étoiles'', ''sortir le chien. Attention, le parc à chien est dangereux''.

Dean redressa la tête en entendant Sam revenir s’asseoir à ses côtés, l'air perturbé. Il garda ses questions plus tard et croisa le regard de Sally. Le regard de celle-ci était une espèce de mélange de désespoir, de malaise et d'acceptation.

« Les policiers ont dit qu'il avait peut-être quelque chose au cerveau, comme un Alzheimer précoce. Mais ce sont des bêtises. Mon Danny n'était pas malade, il est juste devenu...

Les mots ne réussirent pas à sortir de la bouche de la femme qui était au bord des larmes. Sam prit sa main et elle s'y raccrocha comme à une planche de secours en pleine mer. Quarantenaire, elle paraissait soudainement vieillie de trente ans par l'angoisse. Un spectacle que les chasseurs ne voyaient que trop souvent.

-On va faire tout notre possible, déclara-t-il d'un ton rassurant.

-Qu'est ce que c'est que cette radio dont le carnet parle ?

La gêne de Sally s'accrut visiblement.

-Il a commencé à en parler un peu avant de... Il a eu une réunion de travail à Tucson. Il est rentré très tard et le lendemain matin il avait l'air perturbé. Il n'est pas monté dans notre chambre et je suis presque sûre qu'il a passé une nuit blanche. Le soir je lui ai demandé pourquoi, il a marmonné quelque chose à propos d'une émission de radio. Il m'a demandé si je l'avais déjà entendue mais le nom ne me disait rien et je l'ai oublié depuis. Après ça il s'est enfermé tous les soirs dans le bureau pour chercher cette émission. Des fois en passant devant j'entendais des grésillements bizarre. Et deux jours avant sa disparition il m'a fait un grand sourire en déjeunant et a dit qu'il avait trouvé la radio. Il n'en a plus parlé après. C'est important ?

-Le moindre détail peut l'air, répondit Dean en s'avançant le moins possible. »

Ils quittèrent la maison des Grahms peu après, la probablement veuve les regardant partir en retenant à nouveau ses pleurs. Quand ils se furent éloignés du pâté de maison qui bordurait la ville, Dean se gara, arrêta le moteur de l'impala et se tourna vers son frère.

« Tu as trouvé quelque chose ?

Sam sortit de la poche de sa veste l'EMF de Dean. Une odeur de brûlé s'en échappait encore et l'écran était noir, comme carbonisé. Le visage de son frère se décomposa tandis qu'il se saisissait du walkman transformé pour le scruter attentivement.

-Bon sang qu'est-ce qui c'est passé ? Je l'aimais ce truc moi !

-Je l'ai utilisé dans chaque pièce de la maison. Dès que je suis rentré dans le bureau il a grésillé puis grillé, toutes les LED ont sauté. Je l'ai éteins immédiatement mais...

-Je vais voir si c'est réparable quand on sera au motel, décida Dean en rendant l'EMF à Sam et en rallumant le contact. Dis donc, l'activité surnaturelle devait être incroyable dans cette pièce !

-Oui. Mais rien d'étrange sinon, pas de traces d'activité démoniaque ou angélique, de sorcellerie ou de quoi que ce soit d'autre. On a plus de questions que de réponses.

-D'accord. Étape suivante donc : trouver l'origine de l'émission radiophonique.

-Ne vaudrait-il mieux pas faire des recherches supplémentaires avant ?, demanda Sam d'un air ennuyé.

-Ce type a entendu l'émission et a disparu peu après. Je préférerai éviter d'en faire autant.

-Et le meilleur moyen est de supprimer l'origine du problème. Ça se tient. Je commencerai les recherches dans le nord de l'Arizona alors. Au centre des disparitions. »

Sam ne put qu’acquiescer. Trop de personnes avaient disparu dans la région à son goût. Cependant, quelque chose ne lui plaisait pas dans cette histoire. Depuis la veille, il essayait désespérément de se souvenir d'un détail qui lui échappait.

Une fois rentrés au motel qu'ils avaient choisi la veille – et qui Dieu merci était bien plus propre et accueillant que le précédent – ils préparèrent leurs affaires pour un départ rapide le lendemain matin. Dean nettoyait ses armes d'un air absent tandis que Sam continuait à étudier leur trop maigre dossier, cherchant à retrouver le détail qui le gênait.

« Tu sais ce qui m’ennuie le plus dans cette histoire ?, demanda Dean en posant un pistolet et en en saisissant un autre. On a recensé soixante sept disparitions de ce genre en quoi ? Cinquante, soixante ans ?

-Pour ainsi dire depuis la propagation de la radio dans les foyers américains. Des hommes, des femmes, des enfants, tous disant avoir entendu une radio étrange, tous disparus sans laisser de trace.

-D'accord, depuis que tout le monde a sa radio chez soi. Et personne n'a fait la corrélation entre ces disparitions ? Aucun chasseur ?

-Bobby saurait nous répondre sans doute, murmura Sam en tentant de restreindre la tristesse qu'il ressentait toujours après la mort du vieux chasseur. Mais j'ai regardé dans ses notes et journaux, je n'ai rien trouvé.

-Si même lui ne savait pas, grogna Dean, déçu en retournant à son astiquage de fusil.

Sam approuva d'un signe de tête avant de se figer. Quelques secondes après, il se précipitait vers son sac et se mit à le fouiller. Bientôt, il parcourut frénétiquement le journal de leur père à la recherche d'une référence, d'un indice qu'il était sûr d'avoir lu il y avait longtemps sans savoir alors de quoi il était question. Ce devait-être là, se répétait le jeune homme. Leur père était l'homme qui s'y connaissait le plus en surnaturel derrière Bobby, il devait bien y avoir quelque chose.

Bientôt, il poussa une exclamation de joie, vite interrompue. Oui, le journal de John Winchester contenait quelque chose sur leur affaire, mais rien qui pouvait leur être utile.

Le feuillet jauni par le temps, daté d'un an à peine après la mort de Mary Winchester ne contenait que ces mots ''Night Vale. Pas une légende urbaine. Rester à l'écart.''.

C'était frustrant. Sam avait cherché pendant trois jours toute information possible sur Night Vale et n'était tombé que sur des contradictions et des impossibilités. La ville n'était pas une légende urbaine ? Mais alors, laquelle des cinquante rumeurs sur lesquelles il était tombé pouvait bien être vraie ?

Dean ramassa le journal que Sam tenait d'une main molle et un juron s'échappa de sa bouche.

« Vraiment ?, grogna-t-il. Ça ne lui est pas venu à l'idée de noter une information utile ? »

Il grognait toujours en montant dans l'Impala le lendemain matin.

 

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Trois jours plus tard, après avoir parcouru en long et en large le nord de l'Arizona, ils n'étaient pas davantage avancés. Aucun panneau n'indiquait Night Vale, aucun routier ou patron d'un motel n'avait entendu parler du lieu, aucun journal local n'indiquait d’événements étranges dans les environs. Les deux frères n'en parlaient pas, mais tous deux savaient qu'il leur faudrait bientôt abandonner. Il y avait d'autres cas qui nécessitaient leur intervention dans un coin ou un autre des États-Unis, des gens qui mourraient pendant leur chasse au dahu. La tension de la recherche, conjuguée à de trop nombreuses heures passées dans la voiture, commençait également à leur porter sur les nerfs.

Tout en consultant péniblement une carte détaillée à la lumière des phares, Sam décida de proposer à Dean d'arrêter les recherches et de prendre une journée de repos dès qu'ils auraient trouvé un endroit où se poser pour la nuit. Ce serait l'occasion de voir enfin le Grand Canyon avant d'aller creuser en détail une affaire de convent de sorcière dans l'Oregon. Dean était dans un état épouvantable, même s'il refusait de l'avouer à voix haute, depuis qu'il avait réussi à sortir du Purgatoire sans ramener Castiel avec lui. Il ne voulait pas en parler, soi, pensait le jeune homme. Cela ne l'empêcherait pas de le forcer à se reposer, même s'il devait attacher Dean à son lit et cacher les clés de l'Impala.

Au volant, Dean nourrissait à peut près les mêmes idées. Il détestait laisser une affaire irrésolue, bien sûr, surtout une piste sanglante de disparitions, voire de meurtres qui resteraient impunis. Il savait toutefois que déraisonné n'était pas une solution. Ils pourraient toujours suivre les choses de loin et revenir s'ils tenaient une piste sérieuse. D'ici là, une bonne chasse aux fantômes ou aux sorcières serait plus efficace pour calmer sa frustration. Tout lui convenait, du moment que cela pouvait l'empêcher de penser à Cas, traqué au Purgatoire alors qu'il aurait dû être capable de le sortir de là. Si cela pouvait aussi permettre à Sam de cesser de rêver en plein jour à la vie qu'il s'était construit et qu'il avait abandonné, parfait.

Ils roulaient en silence dans la nuit, concentrés chacun sur leurs pensées. Un léger brouillard se formait dans cette nuit d'octobre, s'enroulant autour de la voiture et des rares poteaux électriques qui bordaient la nationale. La radio grésillait doucement, incapable de capter la moindre chaîne.

« Tourne à gauche, intima soudain Sam au conducteur.

-A gauche ? Déjà ?, demanda Dean en ralentissant.

-Pas vraiment le choix si on veut trouver un motel encore ouvert. Si je suis bien la carte il faut prendre la première à gauche et je n'ai pas vu d'autre embranchement.

-C'est toi qui a la carte, déclara Dean en haussant les épaules et prenant la route que lui indiquait son frère.

Ils continuèrent à rouler pendant un long moment. Penché sur la carte, Sam fronçait les sourcils d'un air frustré.

-Un problème ?

-On aurait déjà dû tomber sur la nationale. J'ai du me tromper quelque part mais je ne vois absolument pas où.

-Tant pis, décida Dean. On continue. On finira bien par tomber quelque part. Rapidement j'espère parce que ce brouillard devient ennuyant.

Celui-ci s'épaississait en effet de minute en minute. Bientôt, Dean fut obligé de ralentir encore.

-Heureusement que les routes sont droites, maugréa-t-il parce que j'y vois pas à trois mètres devant.

-Tu veux t'arrêter ?

-Et me réveiller frigorifié demain matin sur le siège arrière ? Non merci. Avec un peu de chance... oh merde ! »

Dean braqua juste à temps pour éviter le panneau planté au bord de la route. Sans s'en rendre compte, il roulait depuis plusieurs mètres sur le bas côté. Il heurta quelque chose en s'arrêtant. Sans couper le moteur, il sortit à toute vitesse pour évaluer les dégâts à la lumière des phares. À son grand soulagement, la voiture avait buté sur une pierre sans crever ou causer une rayure sur la carrosserie. Pendant qu'il examinait sa chère voiture, il entendit Sam couper la radio qui refusait d'émettre un son compréhensible et le moteur. Il l'entendit sortir à son tour de la voiture et faire quelques pas.

« Dean ?, demanda Sam d'une voix pressante.

-La voiture n'a rien, on peut repartir.

-Viens-voir ça. Je crois qu'on y est. Je ne sais absolument pas comment on a fait, ni où nous sommes exactement, mais nous y sommes. »

Dean rejoignit Sam qui lisait le panneau de signalement à la lumière d'une lampe torche.

''WELCOME TO NIGHT VALE'', annonçait le panneau en grandes lettres noires sur un font violet, sous le dessin d'une lune blanche inscrite dans l'iris d'un œil d'un violet plus sombre. Plus bas et en plus petit était inscrit, ''VILLE FONDEE EN 4000 AVANT UN QUELQUONQUE PROPHETE. 1 937, ¾ HABITANTS''. Plus bas encore le panneau déclarait ''Nous n'avons à rien à craindre, si ce n'est nous même. Nous sommes des impies et d'horribles personnes. Craignons-nous en silence. Baisse ton regard, Night Vale. Baisse ton regard, et oublie ce que tu as fait.''

Les deux frères Winchester contemplèrent un long moment le panneau.

« Hors de question de faire un pas de plus, décida finalement Dean. On dort dans la voiture à tour de rôle et on attends le jour avant de faire quoi que ce soit.

-Très bien. Je prends la première garde.

-Pas question. Je...

-Tu viens de conduire quatre heures d'affilées dont deux de nuit et dans le brouillard. Tu dors en premier. »

Au soulagement certain de Sam, Dean ne protesta pas davantage. Ils écartèrent un peu la voiture du panneau puis vérifièrent que leurs armes étaient chargées, à portée de main et invisible à tout passant indiscret. Cela fait, ils entamèrent une courte nuit de sommeil interrompue régulièrement par la nécessité de faire le guet.

Tout était silencieux autour d'eux. Il n'y avait pas un animal aux alentours, et toutes les lumières de la ville était éteintes, si ce n'est la faible lumière qui éclairait le panneau de bienvenue. Cependant, si la radio de l'Impala avait été allumée, elle aurait été la preuve que la ville n'était pas aussi endormie qu'elle en avait l'air...

Dans chaque maison de Night Vale, ainsi que dans une dizaine d'autres foyers dans le monde, le grésillement de la radio se changea en un crissement désagréable, puis en une douce musique. Sur ce son, une voix profonde s'éleva.

« Un soleil nocturne paresse au-dessus de notre ville, ignorant des affaires du monde et réticent à le quitter.

Bienvenue à Night Vale.

Il est étrange de penser que nous ne sommes qu'un agglomérat d'atomes. Qu'est-ce qui empêche ceux-ci de se désagréger pour ne laisser de nous qu'un souvenir ? Le conseil municipal et la police secrète rappellent à tous nos concitoyens qu'une tempête d'incertitude balayera notre région à partir de cette nuit.

Un scientifique est venu à l'instant nous montrer un diagramme plein de jolies couleurs et de courbes pour nous expliquer. L'incertitude s'infiltre dans nos maisons par toutes les ouvertures et est très dangereuse car elle s'infiltre dans l'esprit humain si on n'est pas attentif. Le scientifique a terminé son explication en s'écriant « Si vous laissez l'incertitude vous envahir, vous vous mettez en danger ! Encore que... je ne suis pas sûr... Qu'est-ce que je voulais dire déjà ? ». Sur ces mots, il est devenu flou et a disparu. N'allez pas, je répète, n'allez pas dehors si vous ne vous sentez pas parfaitement sûr de vous.

Un envoyé du conseil municipal a déclaré que la seule certitude sur cette tempête d'incertitude est que nous ne sommes pas sûr qu'elle se finisse en une nuit, ou en une année. Mais ne laissons pas cette incertitude nous tarauder, Night Vale ! Les choses se passent comme elles se passent, comme d'habitude. Ne nous posons pas de questions. Nous ne voulons pas nous poser des questions.

Par ailleurs, deux hommes dans une voiture noire se sont arrêtés à l'entrée de notre cité. Qui sont-ils, où vont-ils, nous n'en savons rien. L'interne Melinda est partie pour leur poser quelques questions, mais elle nous a dit ne pas avoir osé, préférant s’asseoir sur le capot et les regarder dormir. « Ils sont très beaux, nous a-t-elle déclaré. Vraiment très beaux, et très tristes. L'un des deux rêvait d'une forêt et d'un ange, même si nous savons tous que les anges ne sont pas réels. L'autre rêvait qu'il était éveillé et qu'il montait la garde. Ensuite, il s'est mis à rêver d'un chien et d'une maison, et l'autre, le plus petit des deux, s'est mis à rêver qu'il marchait autour de leur voiture pour ne pas s'endormir. Leurs rêves étaient très beaux aussi, et encore plus tristes. ».

Un membre de la police secrète nous a déclaré que leur voiture noire était une chevrolet impala de 1967, un modèle qui n'est pas utilisé par le gouvernement ou cette vague, mais pourtant menaçante, agence gouvernementale. Nous ignorons donc toujours qui sont ces deux dormeurs qui dorment d'un sommeil réel et non pas d'un sommeil imaginaire comme toute personne saine d'esprit. Peut-être en saurons nous plus bientôt.

Et maintenant, un message de nos sponsors. »

La voix continua à s'élever un long moment sur les ondes radio qui circulaient, invisibles, dans la nuit. Le ciel devient pourpre, puis mauve, et enfin bleu clair alors que le soleil n'était pas encore levé, tandis qu'un vent léger se mis à souffler autour de la ville. Des cris d'horreur ne retentirent pas dans les maisons aux fenêtres ouvertes.

L'aube pointa à l'horizon pendant la troisième garde de Dean. Silencieusement, pour ne pas réveiller Sam, il sortit de la voiture et étira ses muscles fatigués par une nuit inconfortable. Il en profita pour examiner les alentours.

Ils étaient en plein milieu de l'Arizona, un décor de désert de sable et de roc, où quelques arbrisseaux peinaient à survivre. La petite ville de Night Vale était entourée de mesas qui s'élevaient au-dessus d'elles, transpercées par des canyons abrupts. La ville elle-même, vue de sa périphérie, paraissait propre et tranquille, parfaitement normale. À cette heure-ci, la rue principale était absolument déserte. Pas un homme, pas un chien, pas même un oiseau n'était visible. Les premières maisons étaient des lotissements peints de neuf, bien alignés. Du linge pendait aux arbres, un arrosage automatique s'efforçait de garder en vie la pelouse jaunissante. En plein jour, leur réticence à pénétrer dans la ville paraissait ridicule.

Sauf que... le panneau de bienvenue annonçait désormais ''1 926,000000666 HABITANTS ET DEUX CHASSEURS''. Cela ressemblait à une mauvaise blague, mais le plaisantin aurait dû passer devant l'un des deux frères montant la garde. Dean passa une main sur le panneau, mais la peinture était sèche.

Sentant son estomac commencer à grogner, il remonta dans l'Impala et réveilla son frère d'un coup léger sur l'épaule.

« Réveille toi Belle au Bois Dormant. Il est temps de trouver un petit déjeuner et un point de chute. Et fais attention, cette ville me donne les foies.

-Tout à l'air normal, protesta Sam en baillant.

-Trop. »

Sur cette affirmation que Dean prononça d'un air sinistre, les frères Winchester pénétrèrent dans Night Vale. Ils étaient sur la route 800, que Sam ne voyait indiquée sur aucune des cartes de la région qu'il possédait. Ils suivirent les panneaux indiquant une bibliothèque. À côté de celle-ci, un motel et un dîner annonçaient tous les deux ''ouverts''.

Le motel était aussi propre que le reste de la ville. Ils déposèrent leurs affaires puis s'installèrent au diner pour prendre un petit déjeuner. Ils n'étaient pas les premiers clients, un homme de trente à quarante ans, noir, aux cheveux bouclés grisonnant aux tempes, déjeunait tout en écrivant frénétiquement sur la table. Dean attendait avec impatience le moment où, le café aidant, il réaliserait qu'il n'avait pas la moindre feuille sous la main. Plus loin, trois figures encapuchonnées dont il ne distinguait pas le visage discutaient tout en buvant à la paille des cafés.

Une serveuse, une jeune fille de vingt ans à l'air ennuyé vint prendre leur commande. Sam lui sourit et la jeune fille rougit légèrement, son air renfrogné disparaissant.

« Nous venons d'arriver dans la région, commença-t-il d'un air engageant. Il y a-t-il des choses intéressantes à voir ou à faire dans le coin ?

La jeune fille eu un petit reniflement méprisant.

-Ici c'est un trou paumé. Il n'y a rien à voir, rien à faire.

-A ce point là ?

-C'est amusant quand on est enfant. J'ai été scout pendant dix ans, vous savez ce que c'est. Mais maintenant je voudrais, vous savez, partir, m'installer dans une grande ville, voir du pays. Il ne se passe jamais rien ici. Rien d'intéressant.

-Vraiment ? Et dans le passé ? Mon collègue et moi sommes journalistes. On écrit un papier sur l'histoire des petites villes du Sud-Ouest des États-Unis. Vous n'auriez pas des histoires intéressantes à nous proposer ? Sur la guerre de sécession, la construction de la ville,...

-Même des vieux crimes crapuleux, embraya Dean en souriant largement. On prend tout.

-Vous savez, je m'intéresse pas trop à ces vieux trucs. Mais il doit bien y avoir des gens ici pour vous raconter des histoires. La vieille femme Josie par exemple. Elle connaît des tas de choses.

-Votre bibliothèque est bien fournie sur le passé de la ville ?, demanda Sam. J'aimerais y faire un tour.

La jeune fille ne répondit pas immédiatement. Elle retourna à son comptoir pour prendre une carafe de café et en servit aux deux frères.

-La bibliothèque est très grande, vous trouverez sans doute ce que vous cherchez. Enfin, moi, j'y mets jamais les pieds. Pas folle.

Elle ne clarifia pas ce qu'elle voulait dire. Elle s'apprêtait à repartir quand Dean l'arrêta d'un geste.

-Et vous n'avez pas une station de radio ou un journal local ? Ils ont souvent des archives intéressantes.

-Oui pour les deux. Enfin, le journal est fermé en ce moment, ils ont eu des dégâts récemment.

-Et la radio ?

Le bel homme noir qui écrivait sur sa table les interrompit pour parler à la serveuse.

-Excusez-moi Jessie, puis-je prendre cette table avec moi ? Je n'ai pas réalisé que je n'avais plus de papier et ce sont des équations très importantes...

-Sûr, dit-elle en glissant son carnet de commandes dans son tablier. Je vais vous aider. »

Elle s'éloigna, laissant les deux frères à leurs pensées. Pendant une fraction de secondes, alors qu'elle était à la limite de son champ de vision, Sam eut l'impression de la voir s'appuyer sur trois jambes au lieu de deux. Il se retourna immédiatement, mais tout était parfaitement normal.

Leur petit déjeuner finit sans qu'ils aient eu le temps de parler à nouveau à la serveuse, les deux frères se séparèrent. Sam choisit d'aller à la bibliothèque pour commencer quelques recherches générales sur l'histoire de la ville. Dean, lui, partit voir quelles informations ils pouvait tirer des employés de la radio et du journal.

Les locaux du journal local étaient à quelques minutes à pied seulement de la bibliothèque. Quand il les vit fermés, un passant accepta de le renseigner. Une récente inondation avait submergé les archives conservées au sous-sol. Maudissant sa malchance, Dean décida de poursuivre son chemin jusqu'à la station de radio.

Le bâtiment était une ruine. Il portait les traces d'un incendie qui l'avait dévasté, éventrant la façade et brisant toutes les fenêtres. Du lichen et une sorte de lierre jaunâtre poussaient autour et dessus. Un instant, Dean crut voir un énorme chien derrière un pan de mur écroulé, mais ce n'était qu'un sac plastique qui s'envola et disparut.

Dean arrêta une femme qui promenait son chien.

« Excusez-moi, je cherche la station de radio...

-Vous êtes juste devant, répondit la femme, son visage montrant qu'elle le prenait clairement pour un abruti.

-Je sais, je veux dire l'actuelle. Celle qui émet encore.

-Il n'y en a pas d'autre. Mais ne vous inquiétez pas, Cecil sera à l'antenne ce soir, comme d'habitude. »

Lui faisant un petit signe amical, elle partit sans lui donner plus d'explications. Dean resta un moment à fureter autour du bâtiment, incertain, puis fit demi-tour et rejoignit la bibliothèque. Devant celle-ci, Sam l'attendait avec impatience.

« Tu en as mis du temps, déclara-t-il, énervé. Je t'attends depuis une demi-heure.

-Tu avais dit que tu y passerait la journée.

-Je l'ai fait ! Il est 6 h 30 Dean ! Franchement, qu'est-ce qui t'a pris tant de temps ?

Dean contempla son frère, incrédule. Il lui fallu lever les yeux pour vérifier la course du soleil et contempler sa montre un long moment pour accepter qu'il était bien 6 h 30. Pourtant, l'aller-retour ne lui avait pris qu'une vingtaine de minutes. Il se passait quelque chose de vraiment anormal dans cette ville, et il allait leur falloir résoudre ce problème. Dean n'aimait pas être dans une telle incertitude.

-Tu as trouvé quelque chose ?

-La plupart des livres de cette bibliothèque est écrite en sumérien, en akkadien et d'autres alphabets que je suis incapable de lire, répondit Sam avec frustration. Je n'ai jamais vu ça! Le système de classement est incompréhensible, la moitié des ouvrages absent des rayonnages et lorsque j'ai demandé où étaient les archives de la ville le bibliothécaire m'a déclaré que j'étais bien jeune pour vouloir mourir. Il a finit par me donner les archives, mais Dean, une partie d'entre elle.. ; Je crois qu'elles étaient écrites avec du sang humain ! Et pas sur du papier, sur de la peau... je crois que c'était de la peau de loup-garou.

La voix de Sam frisait l'hystérie désormais.

-Comment est-ce que tu pourrais savoir ?, demanda-t-il, mais Sam l'interrompit.

-J'ai vu des manuscrits sur peau humaine, et toi aussi Dean. Ça y ressemblait comme deux gouttes d'eau, sauf qu'un des deux côtés était couvert de poils, comme ceux d'un loup-garou. Dean, oublions la chaîne radio étrange, cette bibliothèque est dangereuse, il faut s'en occuper !

-Pas question d'oublier la radio ! Je peux te jurer que je n'ai pas mis une heure à faire l'aller-retour et ta montre me dit que ça m'a prit neuf heures. Sans compter le fait que l'endroit était en ruines. Un incendie, ancien. Alors à moins que l'émission ait été émise d'un autre endroit – et on m'a juré qu'il n'y a pas d'autre station dans le coin – on a affaire à quelque chose de surnaturel. Sans compter le fait qu'une bonne femme m'ait dit que l'émission d'un certain Cecil aurait lieu ce soir.

-Changement de programme alors, décida Sam de manière péremptoire. On achète des sandwich et on mange au motel, les oreilles fixées sur cette foutue radio. J'ai noté tout ce que je pouvais sur l'histoire de la station de radio. Je crois avoir vu la mention d'un certain Cecil. »

Plus que jamais attentifs à leur environnement, Sam et Dean saisirent leurs affaires, vérifiant d'un geste rapide la présence de leurs armes à portée de main. D'un même pas énergique, ils prirent le chemin du motel. Sur le chemin, Dean remarqua plusieurs personnes vêtues de noir, le genre de vêtements que portaient les agents gouvernementaux. Il connaissait bien ces costumes, en ayant porté lui même dans plusieurs affaires. Cependant, ces personnes ne semblaient pas faire attention aux deux frères et Dean se retint de faire remarquer leur présence à Sam. Celui-ci se tut tout autant sur les silhouettes qu'il croyait voir à la limite de sa vision ou au reflet déformé des passants dans les vitrines.

Autour d'eux, le vent se renforçait.


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