SuperNovak
Chapitre cinq
Eclosion
Etre secoué comme un prunier.Jamais expression n’avait été plus vraie.
Hermiod avait dit trente secondes. L’attente, angoissante et pénible.
Hermiod avait dit cinq secondes. Les cinq secondes les plus longues et difficiles de leur existence. C’était du moins ce qu’ils avaient supposé. Car Hermiod avait tout dit sauf le principal, la puissance de la secousse.
Caldwell avait imaginé une bourrasque violente mais brève. C’était avant que le vaisseau ne se transforme en pépin dans un shaker.
Comment calculer le volume du shaker, alias le Daedale?
Prenez la largeur…le bond effectué par le technicien radio, multipliez par la longueur… le sublime roulé-boulé du commandant Caldwell et multipliez le tout par la hauteur… joli pas de danse moderne effectué par quasiment tout le personnel du Daedale.
La secousse avait duré exactement quatre secondes. Juste ce qui était nécessaire pour étirer la toile du sub-espace, juste ce qui était nécessaire pour transformer le Daedale en capharnaüm.
Le commandant peine à se relever et à atteindre son fauteuil quand le docteur Novak l’interpelle.
- Commandant, rejoignez-nous !
- Je vous demande pardon docteur Novak ?!
Le ton bourru, prêt à mordre n’échappe à personne. La salle qui l’instant précédant n’était que brouhaha devient soudainement silence et petites toux gênées. Chacun reprend son poste et s’affère à ses occupations habituelles. Qu’importe de pianoter sur un clavier dont le moniteur se situe deux mètres plus loin, qu’importe si tout n’est que simulacre, du moment qu’on ne donne pas à Caldwell l’occasion de montrer ses quenottes !
La fureur du commandant est telle que Novak préfère ne rien ajouter. Seul un lointain hoquet est perceptible avant que la communication ne se coupe.
D’un pas lourd et mal assuré, Steven Caldwell rejoint ses deux « hommes ».
- Conclusion docteur Novak ?
- La toile s’est bien étirée puis elle a repris sa position initiale, ce qui était prévue évidemment.
- Et cette terrible secousse, c’était prévu, EVIDEMMENT !!!
- Heu, et bien oui… action, réaction. En revenant en arrière, elle nous a propulsés comme un caillou dans l’élastique d’un lance-pierre.
- Donc nous ne sommes plus un insecte mais un caillou. Il y a du progrès. D’accord, et vos conclusions sont donc… ?
- Nous allons pouvoir continuer jusqu’à ce que la toile ne résiste plus et lâche.
- Pourquoi ai-je le sentiment qu’il y a un hic.
Lindsey, cramoisie de la tête aux pieds, pose ses doigts sur sa bouche comme pour retenir un son intempestif.
- J’ai dit un hic, pas un hoq ! Hermiod, si tout est au mieux, pourquoi m’avoir fait venir jusqu’ici ?
L’Asgard enfonce quelques touches et une simulation apparaît sur son écran holographique.
- C’est le mieux que je puisse faire avec les technologies primitives terriennes et les restrictions énergétiques actuelles. Ceci représente la toile du sub-espace. Il faudrait exactement quarante-huit secousses pour obtenir un sillon de fracture. Nous avions calculé un minimum de onze secondes entres les décharges d’énergie, soit quatre secousses par minute.
- Bref vous voulez nous tuer. Jamais le Daedale ne résistera à douze minutes de boogie woogie.
Tout en acquiesçant d’un traditionnel hochement de tête, Hermiod lève un sourcil virtuel et tend une étrange moue en avant. Il parle survie du vaisseau et de son équipage, et Caldwell lui parle danse et ondulation du corps.
Eureka !
- J’ai trouvé !
Le sursaut réalisé par l’alien entraîne une réaction similaire de Novak et Caldwell, peu habitués à de telles démonstrations. Le commandant hésite à questionner l’Asgard. En général ses questions aboutissent toujours à des réponses, au mieux incompréhensibles, et au pire sarcastiques et particulièrement agaçantes. Finalement, au vu de la situation et en dépit du bon sens terrien, Steven formule tout de même la question tant attendue. Si cela s’avère nécessaire, il trucidera le gnome… pas grave, il dira que c’était sous le coup de la colère et personne ne lui en voudra, bien au contraire. Caldwell réprime un sourire. Et s’il zigouillait la miss Novak en même temps, faisant d’une pierre deux coups… peut-être aura-t-il droit à une médaille ?
- Ok… Hermiod, qu’avez-vous encore trouvé comme idée ?
- Nous allons exercer une pression permanente, croissante mais circulaire.
Steven lève les yeux au ciel.
- Génial ! La seule autre perspective que le boogie devient le houla-up !
- Oui, ce ne sera certainement pas une partie de plaisir pour chacun de nous mais nos organismes devraient mieux encaisser. Ce sera progressif. Si mes estimations sont justes…
Hermiod s’interrompt une seconde, stupéfait par ses propres paroles. Depuis quand doute-t-il de lui-même et de sa perfection ? Non vraiment, il est plus que temps d’envisager des vacances loin des homo sapiens sapiens !
- Bref, trêve de blablabla auxquels vous êtes hermétiques, cinq minutes suffiront à fracturer la toile et nous permettre d’en sortir. Le seul problème, c’est qu’en moins de trois, nous seront tous hors-circuit…et le Daedale n’aura sans doute pas assez d’énergie pour plonger dans la brèche automatiquement.
- Donc c’est un coup pour rien. Un très joli plan, bravo, mais totalement inutile !
- Vous m’avez demandé une solution, pas un miracle. Regardez-moi bien, commandant, je suis un Asgard, j’ai joué au Dieu pendant un certain temps c’est vrai, mais jamais je n’ai multiplié les brioches ou marché sur l’eau. Je maîtrise bien des choses, mais pas la nature humaine et sa fragile condition !
Hermiod se tourne vers Lindsey.
- Croyiez bien sinon que j’aurais depuis longtemps fait cesser la rythmique intempestive du docteur Novak !
La dite-docteur Novak gratifie le Asgard d’un sourire où se mêlent remerciements sincères et doutes profonds, puis vient temporiser la colère de son commandant de bord.
- Colonel, je suis certaine que nous trouverons suffisamment d’énergie. Nous allons commencer par programmer le Daedale en conséquence puis nous éteindrons absolument tout le reste. De toute façon si cela ne marche pas, qu’importent la température et l’oxygénation… Ensuite nous déporterons toute l’énergie que nous aurons pu économiser vers ce programme. Je veux aussi récupérer toutes les batteries, piles et autres appareils pouvant contenir quelques résidus d’énergie. Nous parviendrons certainement à en extraire quelques gouttes qui feront la différence.
Ben… ne me regardez-pas comme cela tous les deux, au boulot !
Sur ces derniers mots, Lindsey devient écarlate, une bien jolie couleur assortie au regard du commandant !
Hermiod quand à lui reste septique. Pour l’Asgard, utiliser des moyens archaïques, c’est comme demander au docteur McKay d’utiliser une plume et un encrier…ça fait tâche ! L’alien se contente donc de suivre les instructions de la Terrienne, presque admiratif devant le génie basique qui fait surface lorsqu’on laisse l’instinct humain agir sans le parasiter de pensées mal maîtrisées !
Ainsi l’équipage tout entier du Daedale se met à l’ouvrage. Délaissant de leurs dernières particules de vie, les ordinateurs et consoles qui ne faisaient plus qu’office de décorations. De même, toutes les cabines sont mises à sac à la recherche de piles et batteries, si possible dernières générations. Téléphones cellulaires, lecteurs de DVD, DS et autres jeux portables se trouvent rapidement désossés. Espérons que le colonel ne découvre jamais l’origine des batteries qui leur sauveront peut-être la vie !
Le docteur Novak et Hermiod ont vite fait de programmer l’ordinateur de bord, dix secondes dixit Hermiod, puis de regrouper leurs trouvailles.
Lindsey regarde Hermiod avec tendresse.
- Bien je pense que nous pouvons y aller. Hermiod, si nous sortons d’ici en un seul morceau, ce serait sympa d’aller manger quelque chose en dehors du SGC. Vous seriez partant ?
- Rester en un seul morceau me paraît possible, maintenant que celui-ci soit encore animé de vie me paraît moins probable. Cependant… oui, si nous parvenons à regagner la Terre, je serai assez partant pour tenter cette aventure. La nourriture terrienne ne peut pas être plus dangereuse que la situation présente. Si ?
Sur ces bonnes paroles, Novak enclenche un bouton, rouge, comme il se doit, plongeant le vaisseau dans une spirale infernale.
Les dernières pensées de Lindsey avant de perdre connaissance sont pour Hermiod, l’imaginant buvant une bière et finissant sous la table, pris d’assaut par un terrible hoquet. Alors que le silence a déjà envahit le vaisseau, ce n’est pas le hoquet du docteur Novak qui ponctue les longues minutes d’attente, mais son rire, incontrôlable lui aussi.
Heureusement qu’Hermiod est inconscient !