Autres regards

Chapitre 21 : XXI

Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2008 14:17

XXI

J’essaye de crier mais aucun son n’est formulé. Je ne sais pas ce qui m’effraie le plus, le silence ou l’obscurité.
Je suis dans une noirceur si épaisse que je ne me sens plus bouger. Je cherche mon corps mais celui-ci reste discret, en retrait et je ne peux pas l’atteindre. La peur me submerge avec la violence d’une mer déchaînée. Où suis-je ?
 
Je tente de retracer mon parcours mais ce dernier s’arrête immanquablement au même moment, celui où le wraith s’ouvre à moi. Au loin une petite tâche lumineuse attire mon regard. Cela me rappelle étrangement quelque chose mais je n’arrive pas à me souvenir de quoi il s’agit. Mes pensées sont confuses. Je me sens psychologiquement barbouillée. J’avance vers la lumière. Enfin… j’avance est un terme bien physique pour décrire ce que je ressens. Je ne me perçois plus du tout en tant d’être de chair. Je ne suis plus qu’énergie parcourant synapses et chemins neuronaux.
Voila, je me souviens. Cela me rappelle le trajet que j’ai parcouru en Sheppard pendant que je tissais lentement un lien télépathique entre nous.*
C’est donc là que je suis. Dans une conscience autre que la mienne. Dans celle du wraith évidement ! Comment est-ce possible ? Pourquoi ne puis-je donc pas en sortir ?
 
Haa !! La lumière devient subitement aveuglante. Des images fugaces s’impriment sur mes rétines virtuelles. Je vois ce qu’il veut bien me monter. J’entends également.
A cet instant, je comprends que je suis sa prisonnière, bien plus que je ne pourrais jamais l’être.
 
Je me sens meurtrie, comme violée de tout mon être. Je veux bien être sa proie et son repas, mais je refuse de dévoiler à mon ennemi ce qui est en moi, ce que je suis. Il perçoit ma résistance et tente de la briser. Ce ne sera pas si simple ! Je ne me laisserais pas faire ! Je le sens qui s’agace. Mes perceptions du monde extérieur s’affinent. Il veut visiblement que je comprenne ce qui se passe autour de lui, de nous. J’entends la voix de Sheppard puis la sienne. Curieuse sensation.
« …Votre petite amie est le fruit d’une expérience à laquelle nous nous sommes prêtés avec quelques autres scientifiques... quand deux wraiths possèdent le même capital génétique, ils leurs est alors possible de se fondre l’un dans l’autre… »
Les mots ne sont pas choisis au hasard, évidement. Il voulait que je sache ce qui m’arrive, que je comprenne que je ne fais qu’un avec lui dans bien d’autre domaine que le simple lien télépathique. Que croit-il ?
J’ai mal bien sur, mais ma douleur est autre. Je suis furieuse. J’imagine la tristesse et la pitié que peut ressentir Sheppard en cet instant ! Il pense sans doute que je suis effondrée par une telle découverte. Effondrée n’est pas le terme que j’emploierais. Je suis mortifiée, mais je ne veux pas de sa pitié ni de celle de personne. Qu’importe que je sois le résultat d’une expérience wraith, cela, je l’ai intégré et digéré. Qu’importe que ce wraith soit génétiquement mon parent, il est avant tout Le wraith, celui qui a attaqué et détruit jadis ma famille.
Je désir sa mort plus que tout autre chose.
Il le sait. Il ressent ma haine envers lui. Je ne résiste plus et m’ouvre à son esprit.
Tiens, prend ça comme une claque ! Je lui crache ma rage et mon dégoût.
Je sens en lui le trouble.
Je veux qu’il meure et ma propre mort m’importe peu.
 
Son esprit s’illumine. Il veut me briser et se délecte de me savoir à sa merci. Le son revient, ainsi que l’image.
Sheppard est si prêt de nous. Je le vois avec le regard du wraith. Ses yeux sont des chardons ardents. C’est moi qui ai pitié de lui en cet instant. Je l’imagine souffrant du choix que lui impose le wraith.
Vas-y John, descend-le, ne t’en fait pas pour moi !
- Votre amie vous supplie de l’épargner. Elle hurle contre son impuissance et ma suprématie dévoilée. Elle a en commun avec vous la couleur de ses émotions. 
Non, ce n’est pas vrai !!! John, tue-le !! Je crie ma colère et mon désespoir de ne pouvoir intervenir. Je crie, je hurle mais ma conviction s’amenuise avec l’évidente inefficacité de ma rage.
John explique que je comprendrai, que nous avons déjà vécu cela auparavant. Oui, c’est vrai, je comprends et je te pardonne John. Tue-nous !
Je le vois qui souffre de cette comparaison. Il sait parfaitement que j’aurai appuyé sur la gâchette si le colonel Caldwell n’avait pas eu le temps de me donner le contre ordre. Oui, mais qu’aurai-je fais si la survie de tout Atlantis n’avait pas été en jeu. Le wraith cherche en moi ce qu’il pourrait utiliser contre Sheppard. Je lui bloque le chemin, maladroitement, avec l’énergie et l’innocence du novice. Il brise mes barrières d’un souffle.
 
Je me souviens d’une histoire que John a racontée aux enfants un soir d’orage.
L’image d’un animal rose portant un casque effrayant s’impose à mon esprit. J’ai envie de rire. Si seulement cette image pouvait effrayer le wraith !
Mon esprit fatigué et apeuré, je peux me l’avouer maintenant, fait l’amalgame entre différents souvenirs d’histoire à la John Sheppard. L’histoire des grands, celle qui fait peur, avec un dénommé Jason et celle des petits, avec trois cochons roses et un loup très méchant et très bête.
Voilà ce qui est à la surface de mon âme en ce moment. Le sentiment d’être l’un de ces cochons roses et dodus qui mettent en appétit le loup et qui se cachent dans des maisons sans grandes résistances. Je m’accroche à se souvenir et commence à me construire ma maison, celle qui est en briques et qui résistera au souffle du wraith. J’y ajoute une couche de titan et quelques P-90 virtuels.
 
Avant de refermer ma lourde porte blindée, j’écoute une dernière fois les paroles du wraith.
- Quel est le sens que vous donneriez au mot amitié à cet instant ? 
Je me laisse imprégner par la suffisance du wraith qui sent sa victoire approcher. Il a déstabilisé Sheppard, c’est plus que certain, mais j’ai confiance en lui. Je sais qu’il va se ressaisir et tuer le wraith. Il n’a guerre d’autre choix.
 
Voila l’attaque qui commence.
Je me barricade dans mon bunker virtuel. Le wraith est surpris. Il ne s’attendait pas à une action rapide de John. Il me cherche, mais je reste bien cachée dans mon antre.
Tout à sa surprise et à sa douleur…ho quel agréable mot… il m’oublie.
Il se concentre sur Sheppard et sur la faim qui lui laboure ses entrailles. Il est affaibli par cette faim qu’il avait négligée, trop imbu de sa personne pour se croire, ne serait-ce qu’une minute, en danger de mort.
 
Je suis libre, libre de parcourir les chemins de sa pensée. Il est ailleurs, à l’extérieur. L’espace d’un instant, il a un regard juste sur ce qui se trame, mais heureusement, il n’y prête pas plus attention que cela. J’entends encore sa pensée qui résonne en lui comme une alarme, mais il n’y fait pas attention.  Pourquoi ne m’a-t-il pas achevé alors qu’il le pouvait ? 
Je me penche sur cette question. Qu’ai-je d’autre à faire après tout ? Je visite les méandres du cerveau wraith comme une balade au purgatoire avant le grand voyage.
Je vois les couleurs qui expriment les sentiments, je vois sa rage et sa détermination. Je vois également l’envie que représente pour lui la mort de Sheppard.
Sheppard, John, je le vois comme s’il me faisait face. En fait, c’est exactement le cas. Le wraith et lui sont au coude à coude. Le combat est rude.
 
Leurs regards se croisent. J’ai l’impression que le wraith emporte Sheppard dans son univers. L’expression de John est tout aussi violente. Douleurs, angoisses. Il semble vouloir projeter dans son ennemi ses meurtrissures.
Une flamme jaillit de son regard. Jamais je n’avais vu John ainsi.
 
Ma vision est celle du wraith, mais en même temps, je réalise que jamais vision n’avait été aussi vraie.
John est ainsi. Le feu qui brûle en lui dans sa colère est infini. C’est un feu qui attise ses sentiments les meilleurs et les pires. C’est le feu qu’il a retourné contre lui-même lorsque la bête de la grotte l’a attaqué, bien décidée à se nourrir de cette énergie.* J’ai une sensation de vertige, l’impression que John ne s’adresse pas au wraith mais directement à moi.
Ma tête tourne et j’ai l’impression de tomber. Peut-on perdre conscience alors que l’on est plus qu’énergie électrique dans un circuit neuronale ?
J’ai envie de rire. Je suis certaine que McKay se poserait ce genre de question.
Mais pas moi, ni John. Nous ont fonce ! En même temps que je réalise cela, je me mets à foncer. Je ne sais comment, mais je parcours ses schémas corticaux sans vraiment savoir ce que je fais et comment je le fais. Je sais ce que John attend de moi et je ne veux pas le décevoir.
 
Le wraith lui a demandé de choisir et c’est exactement ce qu’il a fait.
 
Je file à une vitesse incroyable. Le temps n’a plus cours, l’espace non plus d’ailleurs. Je me faufile partout où mon esprit peut aller. Je cours jusqu’au point de non retour, celui qui m’est fermé, celui que le wraith protège envers et contre tout.
Je jette un œil sur la réalité. Celle-ci est brutale et douloureuse. John est à terre. Il est si pâle. La flamme est toujours là mais n’a plus assez d’oxygène pour croître et danser. La douleur et le doute se lisent en lui. Le wraith pense avoir gagné. Il traduit ses sentiments comme l’acceptation de l’échec. Je sais qu’il n’en est rien. Il doute de moi. S’il s’est trompé, si je me suis trompée, son sacrifice sera inutile et nous serons bientôt tous mort.
 
Non, John, tu ne t’es pas trompé, mais s’il te plait, ne meurt pas. Ce n’est pas une condition nécessaire.
Le wraith attaque. J’en fais autant.
Maintenant !
 
 
***

* Ces remarques font référence à la fanfiction La tombe, même auteur.

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