In Medias Res - Star Wars Knights of The Old Republic

Chapitre 6 : Taris - Retour de la réception

4246 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 21/09/2022 13:29

« On est encore loin ? »


Nous avions quitté le secteur où se tenait la réception. Désormais, nous devions rejoindre le lieu où Carth devait m'attendre, ou plutôt nous attendre. Le plus dur avait été fait. Je considérais à ce stade que nous ne courions plus aucun risque. Toutefois, le ton résolument impatient et agacé de mon camarade de soirée contribua à me faire replonger dans la lourdeur de cette situation. Sivir était à mes talons, les bras croisés contre sa poitrine ; ce qui lui permettait de couvrir son haut lacéré et de dissimuler son poignet marqué du symbole des Beks Cachés.


« Non. » Répondis-je sans élaborer.


Je me frayais un chemin à travers des ruelles étroites pour échapper à d'éventuelles patrouilles Sith. La femme me suivait à un rythme soutenu, non sans mal. Du fait de ma stature plutôt imposante, mes foulées éclipsaient bon nombre de mes semblables de gabarit plus standard. Les capacités respiratoires de Sivir étaient à ce titre tout à fait remarquables. Nous empruntâmes quelques passages avant de finalement apercevoir la tour où Carth et moi avions trouvé refuge. Une dernière série de pas pressés et nous étions enfin à l'intérieur. Nous prîmes l'un des ascenseurs du bâtiment et atteignîmes l'étage de notre appartement abandonné. Tandis que nous progressions dans le patio circulaire qui desservait tous les logements de ce niveau, je me rendis compte que le rythme de ma comparse faiblissait. Je me tournai vers elle et la vis se diriger tranquillement vers l'une des immenses baies vitrées surplombant la ville.


Bien sûr. Cette femme vivait le plus clair de son temps dans la ville basse et ne traînait certainement pas des siècles par ici. Ce qu'elle voyait à ce moment-là était un spectacle rare pour quelqu'un comme elle.


« Stupéfiant. » Prononçai-je posément en marchant vers Sivir, qui détourna légèrement la tête vers moi.


« Oui. » Dit-elle d'un sourire amer, le cœur débordant certainement de sentiments pesants, avant de regagner la ville de son regard troublé. « Je ne sais pas si ça me fascine ou si ça me dégoûte. » Ajouta-t-elle douloureusement.


Un souffle surgit de mes narines. Je fixais la jeune femme désemparée. Que pouvais-je bien lui dire ? Je ne savais rien de la vie qu'elle menait, et je ne connaissais rien des difficultés qui existaient sur Taris. Je me sentais comme un homme en pleine santé confronté à un ami mourant et conscient de son funeste sort. Il n'y avait rien à dire.


« Pourvu que ce dégoût ne vous emporte pas, car il vous faudra le subir jusqu'à demain. » Me contentai-je de répondre dans ce qui se voulait être un désir d'alléger le moment.


Elle sourit. Je ne pouvais savoir si cela était dû à la légèreté relative de mon propos ou si cela témoignait d'une certaine reconnaissance. C'était le sourire de celui qui avait su reconnaître la volonté de l'autre de faire preuve de décence et de considération à l'égard de ce qu'il ne maîtrisait pas. Sivir s'éloigna alors de la vitre et, me jetant un regard, demanda avec un certain sarcasme :


« Alors, elle est où votre suite de luxe ? »


« A deux appartements d’ici. »


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« C'est moi, je suis revenu ! »


Je venais de franchir le seuil de la porte de l'appartement. Carth ne réagit pas à ma sollicitation. Je scrutai alors l'immense salle, qui comprenait le séjour, le coin cuisine et l'espace réservé à la nuit, sans toutefois repérer la moindre trace de l'officier. Par ailleurs, le sas de la cabine sanitaire était ouvert et la pièce ne semblait pas occupée. L'homme avait dû sortir pour je ne savais quelle raison. Voilà qui n'était pas fait pour me rassurer. Cependant, Carth Onasi était un homme de confiance. Je redoutais surtout que quelque chose ne lui soit arrivé.


« Votre ami n’est pas là ? » Questionna Sivir, qui semblait ne pas oser quitter le seuil de l’appartement.


Je lui tendis la main, l'invitant à entrer, et lui répondis :


« Visiblement non. » Elle accepta ma main avec hésitation. D'un geste mesuré, je lui offris de libérer l'entrée. Elle suivit mon action et, lorsqu'elle parvint en face de moi, je relâchai sa main et attirai une chaise par le dossier.


« Il ne tardera certainement pas à rentrer. C’est un homme raisonnable. » Ajoutai-je avant de désigner la chaise du regard. « Mettez-vous à l'aise. Après tout, vous ne faites que partager un logement que ni mon collègue ni moi ne sommes en droit d'occuper. Alors, sentez-vous libre de circuler comme bon vous semble. »


La femme ne répondit pas et me soutint de son regard incertain.


« Vous êtes aussi bien chez vous que chez nous. » Précisai-je.


Puis je la vis se détourner et se diriger en direction d'un des lits. Celui sur lequel reposait un semblant de pile des quelques vêtements que nous avions rassemblés. La plupart d'entre eux ne nous servait à rien. Sivir s'accroupit et entreprit de fouiller minutieusement la pile. Après quelques secondes, elle en sortit un haut sombre et sans fioriture, puis elle se redressa et me lança un coup d'œil plein d'espoir :


« Je peux vous le prendre ? » Demanda-t-elle presque timidement.


« Bien sûr. » Répondis-je. « Vous pouvez vous changer dans le compartiment juste derrière les dortoirs. Le sas est ouvert. » Ajoutai-je en désignant la pièce du doigt. Sivir acquiesça. Elle se rendit jusqu'à la table du séjour, retira sa veste de tailleur qu'elle déposa sur le dossier d'une des chaises avant de s'introduire dans la cellule sanitaire avec le haut qu'elle venait de dénicher.


À peine quelques minutes plus tard, Carth réapparut et me décocha un regard particulièrement surpris.


« Vous êtes déjà là ? » Commença-t-il.


« Eh bien oui. » Répondis-je presque embarrassé. « Cette soirée a été plus concluante que ce que je prévoyais. »


Le Lieutenant m'observait maintenant avec un regain d'intérêt, supplantant la stupéfaction initiale. L'homme ôta sa veste orange, fit quelques pas vers la table du séjour, et alors qu'il s'apprêtait lui aussi à poser le vêtement sur une chaise, il interrompit son geste et parut brusquement se figer sur place. Je regardai mon supérieur d'un air inquiet. Il se retourna vers moi et, les sourcils aussi plissés qu'ils pouvaient l'être, afficha un faciès mêlant colère et sidération.


« Il y a quelqu’un d’autre ici ? » Interrogea vivement Carth, qui avait manifestement repéré le vêtement féminin qui traînait non loin de lui.


« Je vous explique… » Tentai-je de répliquer avant de me voir interrompu par Sivir, qui émergeait tout juste de la cellule sanitaire, vêtue de ce fameux haut sombre, et tenant entre ses mains son regretté chemisier en lambeaux. Carth reporta immédiatement son attention sur la femme et la fixa sans rien dire. Cette dernière en fit de même, tout en me jetant des coups d'œil ici et là, sans doute dans l'attente d'une intervention de ma part. Néanmoins, avant même de pouvoir reprendre la parole, Carth se tourna vers moi, me fusilla du regard et me devança :


« Bon sang, je ne vous ai pas envoyé à cette réception pour… » Le Lieutenant marqua soudainement une pause, embarrassé par la situation. Il avala un peu de salive puis, recomposé, il reprit sur un ton accusateur :


… Pour en profiter ! »


Mon sang ne fit qu’un tour.


« Vous croyez vraiment que, dans les circonstances actuelles, j'aurais fait venir une femme ici, en misant sur le fait que vous seriez absent ? Vous me croyez si insouciant et superficiel ? Je ne sais pas comment, mais elle a compris qui j'étais. Du moins, elle sait que je suis un des rescapés de l'Endar Spire. Calmez-vous et laissez-nous vous expliquer. » Rétorquai-je sèchement en faisant toutefois preuve d'une certaine intelligence.


Aussitôt, Carth se tut. Je distinguais de minces sillons se dessiner à la jonction de ses mâchoires. Il prit ensuite une grande inspiration, il s'appuya sur la table et, nous dévisageant Sivir et moi tour à tour, il finit par déclarer :


« Je vous présente mes excuses, Corem, et à vous aussi, madame. J'imagine que vous êtes ici pour autre chose qu'une simple histoire de soirée lubrique. »


Sivir observa Carth pendant quelques secondes encore, au cours desquelles on pouvait la voir manipuler nerveusement le chemisier de ses mains. Puis elle me jeta un regard insondable, avant de se rapprocher de nous.


« Vous ne vous appelez pas Voren, vous ? » Me demanda-t-elle avant même de commencer à relater les explications que l’officier attendait.


« Pas plus que je ne suis enseignant, comme vous l’avez très habilement déduit. » Lui dis-je un sourire aux lèvres. Sentant que Carth commençait à sérieusement s’impatienter, je me lançai dans le résumé de cette soirée surréaliste.


« Lieutenant, je vous présente Sivir. Nous nous sommes rencontrés avant… Attendez un instant… »


Je m’arrêtai un bref instant.


« Et vous ? » Demandai-je alors soudainement, m’adressant à la femme. « Vous vous appelez Sivir ? »


La Bek Cachée ne put contenir un éclat de rire franc puis répondit avec amusement :


« C’est l’une de mes imprudences de ce soir. Oui, c’est bien mon nom. »


« Et donc, Sivir et vous, vous vous êtes rencontrés avant… » Coupa Carth nous intimant de poursuivre nos péripéties de la soirée.


« Vous avez été repérés depuis votre arrivée. » Intervint la femme, nous laissant tous deux cois. En silence, elle fit le tour de la table et s'installa sur l'une des chaises en face de Carth et moi. Ensuite, d'un geste de la main, elle nous incita à faire de même, prenant en quelque sorte en main ce curieux moment. Nous nous conformâmes sans attendre.


« Pas par les Sith, soyez sans crainte. » Reprit la femme en fixant désormais Carth. « Je vous ai suivi aujourd’hui, vous. »


Carth jeta un coup d’œil vers moi avant de se reconcentrer sur Sivir, qui poursuivit son récit.


« Quand cette folle de Sarna vous a donné cette invitation, vous êtes devenu plus intéressant encore. Il fallait que j'aille à cette fête. »


« Pourquoi vous aviez besoin d’y aller ? » Demanda Carth.


« Je suis membre du gang des Beks Cachés. Depuis le survol de Taris par le croiseur républicain, la ville est sens dessus dessous. On a vu les Sith débarquer et commencer à édicter leurs propres lois. Et quand on a entendu parler de l'attaque contre ce fameux croiseur, on a compris qu'ils bouclaient la planète entière pour récupérer je-sais-quoi ou je-ne-sais-qui qui se serait fait la malle. Et je suppose qu'ils n'ont pas encore retrouvé ce qu'ils recherchent. »


Carth et moi prîmes soin de demeurer parfaitement muets quant à cette partie de l'histoire, dont nous connaissions pertinemment les tenants et les aboutissants.


« Quoi qu'il en soit, la présence des Sith sur Taris nous crée bien des problèmes. Nous devons régulièrement accéder à la ville haute pour les affaires, et les Sith sont tout particulièrement soucieux des allers et retours entre la ville basse et la ville haute. Nous parvenons toujours à trouver des chemins de traverse, mais ils sont risqués, et tous nos hommes ne parviennent pas à les emprunter. »


« Vous cherchez des laissez-passer pour tromper les Sith. » Annonça Carth avec lucidité.


« Exactement. » Répliqua la femme. « Mais la plupart des laissez-passer est individuel et parfois nominatif. »


« Vous ne pourrez jamais en voler en quantité. » Ajoutai-je.


« Non. C’est pour ça que nous devons collaborer avec des ingénieurs capables de bidouiller les quelques exemplaires que nous réussissons à subtiliser. »


« Pourquoi nous dévoiler tout ça aussi librement ? » Demandai-je.


« Parce que je crois comprendre qu’on a au moins un objectif commun : rejoindre la ville basse. Vous êtes des rescapés du croiseur, vous n’avez aucun intérêt à me causer des problèmes, au contraire. Vous cherchez des informations sur les capsules, c’est évident. Vous n’aurez rien de probant ici. Seule la ville basse pourra vous aider à en savoir plus. »


« Qu’avez-vous à gagner à nous aider ? » Questionna Carth avec méfiance. En effet, il était hautement improbable que la jeune femme divulgue autant d'informations sans attendre un retour.


« Tout. » Confessa finalement Sivir. « Nous cherchons des types comme vous. Vous pourriez nous êtres très utiles. Mais je ne m’avancerai pas davantage. Il faut que je vous emmène voir notre chef. »


« Qu'est-ce qui vous intéresse tant chez nous ? » M’immisçai-je. Un court silence fit suite à mon interrogation. La jeune femme me lança un regard obscur.


« Vous n’êtes rien pour nous. Et vous avez besoin de nous. Voilà en quoi vous nous intéressez. » Répliqua sèchement Sivir, ses yeux semblant percer ma chair. Je laissai filer un tressaillement que j'espérais avoir suffisamment camouflé. Décidément, cette femme était pour le moins atypique. Elle était capable de se comporter comme une créature vulnérable, accablée au fond de sa tanière, mais également comme un véritable molosse prêt à bondir, exhibant ses canines acérées. 


« Et si une fois en bas, on décide de ne pas vous aider ? De vaquer aux occupations qui nous intéressent nous, puis de quitter le secteur sans vous rendre visite ? » Poursuivis-je d’une voix gaillarde, en prenant soin de ne pas faire suite à ses dernières paroles plutôt glaçantes.


« Vous croyez pouvoir échapper à notre vigilance si facilement ? Vous pensez pouvoir vous balader dans la ville basse sans qu’on puisse garder un œil sur vous ? » Rétorqua Sivir fièrement.


Je la fixai en esquissant un sourire. Sa réponse était attendue. Nous ne pourrions pas opérer dans la ville basse sans un solide partenariat avec ces gens. Et bien sûr, il n'était pas envisageable de profiter de leur aide sans leur rendre la politesse. Cela signifiait une perte de temps considérable dans nos recherches, mais nous n'avions pas de meilleure option.


 « Rien ni personne ne vous a jamais dit que nous devions rejoindre la ville basse. On pourrait simplement chercher à quitter la planète et à sauver notre peau. » Ajouta Carth visiblement désireux de prolonger la joute verbale. Une action qui me semblait plus qu'inutile, mais somme toute légitime.


« Pas vous, Onasi. » Rétorqua la jeune femme. Ces quelques mots qui nous clouèrent à nouveau le bec.


« Je vous l’avais bien dit que j’étais très informée. » Ajouta Sivir à mon endroit avant de regagner les yeux de Carth. « Nous avons beau appartenir à un gang, nous ne sommes pas tous des vauriens illettrés et incultes – laissez ces considérations pour les Vulkars. Nous savons reconnaître les personnalités de la République. Vous n’êtes pas la célébrité du millénaire, mais certains savent mettre un nom sur votre visage, Lieutenant. »


Carth se contentait de fixer la femme. De là où je me trouvais, je pouvais à nouveau deviner de légers reliefs s’élever de chaque côté de son visage. L’homme contenait son irritation.


« Ce n’est d’ailleurs pas très prudent de la part d’un militaire de votre trempe de vous balader dans une cantina pleine de Sith à la recherche des survivants des capsules. Heureusement que la plupart était éméchée. Et heureusement que vous avez envoyé Corem à votre place. »


« Comment avez-vous su que je n’opérais pas seul ? Vous étiez postée devant notre porte, ou bien ? » Interrogea Carth avec une pointe d’agressivité.


« Je vous l’ai dit, vous avez été repérés. Des Beks Cachés vous avaient vus vous sortir de l’une des capsules. On a décidé de coordonner nos effectifs pour vous suivre et vous faciliter la route jusqu’à la ville haute. Sans notre aide, vous vous seriez très vite fait attraper. Vous réalisez ? Un type dans un état lamentable portant un autre grand type sur son épaule, dans un état encore plus déplorable, pile poil au moment où on apprend que des capsules d’un croiseur de la République s’écrasent dans la ville. Comment vous auriez pu passer inaperçu sans notre intervention ? »


Je reportai mon attention sur Carth. L'officier ne me regardait pas, il paraissait ronger son frein. Cette situation, qui révélait une réalité qui aurait pu complètement dégénérer, me tira un sourire que je voulais aussi discret que possible. Car, outre le fait que nous aurions pu nous retrouver en très mauvaise posture à la sortie des capsules, il était évident que les révélations de Sivir avaient porté un coup dur à l'orgueil de Carth, qui était jusqu'ici persuadé d'avoir réussi à nous arracher des capsules et de la ville basse par ses seuls efforts. À mes yeux, cela n'avait guère d'importance. C'était sur l'épaule de cet homme digne que je m'étais trouvé à ce moment-là. Pas sur celle d'un Bek Caché. Rien ne saurait entamer la gratitude et la considération que je portais à cet homme.


« Nous n'étions pas postés derrière votre porte, non. » Reprit Sivir. « Mais nous surveillions vos faits et gestes. En voyant Corem sortir dans une tenue relativement soignée, nous savions que c'était lui qui allait se rendre à cette réception. Une occasion pour moi de me joindre à lui et d'essayer d'entrer sur les lieux de la soirée. »


« Pour vous procurer un laissez-passer. » Conclus-je.


« C’est cela même. » Répondit la Bek Cachée. « Donc ? » Poursuivit-elle avec élan. « Ça vous intéresse de rejoindre la ville basse, oui ou non ? »

Carth et moi échangeâmes un regard défait.


« C’est une nécessité. » Avoua le Lieutenant d’une voix dépitée. « Mais vous nous dîtes que les Sith ont bouclé tout le secteur, et qu’un seul laissez-passer ne suffira pas. Vous en avez plusieurs ? »


« Je n’ai que celui-là. » Admit Sivir en posant sur la table le bloc de données qu’elle avait subtilisé un peu plus tôt. « Et il doit être manipulé par un complice très compétent de la ville haute. Un type qui nous aide de temps à autre. Il est capable de les rendre non nominatifs. Les Sith fournissent parfois des laissez-passer anonymes. Souvent pour des personnes qui n’ont pas besoin de descendre dans la ville basse régulièrement. »


« Ça ne nous avancera pas davantage. Nominatif ou non, nous serons toujours trois à nécessiter un passe. » Ajouta Carth.


« Et ce qui est dommage pour vous, c’est que nos techniciens Beks savent produire des répliques ! » S’amusa Sivir.


Carth poussa un long soupir. Nous discutions depuis de longues minutes avec une femme qui nous promettait des chances insoupçonnées de mener plus efficacement nos recherches, pour finalement voir tous nos espoirs anéantis en un claquement de doigts.


« Après, je crois savoir que notre complice ici est capable de produire des faux. Mais on parle d’un travail bien plus complexe, et bien plus onéreux. Manipuler des données informatiques d’un unique appareil, c’est facile. Mais répliquer, c’est une autre histoire. »


« Vous nous avez dit qu’il était très compétent. » Rétorquai-je avec agacement.


« Il l’est. Je suis sûre qu’il saurait répliquer, mais quand ? Certainement pas assez vite pour vous. De plus, nous n’avons pas l’habitude de le solliciter pour ça. Et je ne vous parle même pas des tarifs qu’il nous ferait pour de telles manipulations ! Nous avons nos propres experts en bas. » Sivir prit une courte pause, puis, se redressant sur sa chaise, elle poursuivit :


« Vous avez plusieurs solutions : je cède le laissez-passer au gars de la ville haute, le temps qu’il le rende anonyme. Je le confie ensuite à l’un de vous deux tandis que moi je rejoindrai la ville basse comme j’ai l’habitude de faire. Deuxième alternative : je peux laisser le technicien d’ici travailler sur les potentielles répliques, vous le payez vous-même, et vous attendrez je ne sais combien de temps avant de pouvoir descendre tous les deux. A vous de voir. Moi, quoiqu’il en soit, je saurai quitter la ville haute par des chemins détournés. Et n’imaginez pas m’accompagner ! Il y a des choses qui ne doivent pas échapper au contrôle des Beks Cachés. De toute façon, souples comme vous semblez être, vous ne sauriez pas me suivre. »


Carth et moi échangèrent un nouveau regard.


« Ce n’est pas vraiment l’idée que je me fais d’une alternative. » Bougonna l’officier, les bras fermement croisés contre son torse.


« C’en est pourtant une. » Insista la femme avec une once d’espièglerie. Il était plus qu’évident qu’elle se divertissait de cette situation on ne pouvait plus délicate. Ce qui avait pour effet d’alimenter un peu plus la frustration à peine dissimulée de Carth. Quant à moi, j'oscillais entre amusement puéril et consternation totale. 


« Lieutenant, il faut décider. » Annonçai-je solennellement. « Vous comme moi savez que nous n’avons pas de temps à perdre. Quant à l’argent… C’est simple, nous n’en avons pas. » Terminai-je, les yeux rivés sur mon supérieur.


Carth lâcha alors une profonde expiration. Mes mots étaient justes. Il le savait parfaitement. Il savait depuis le début qu’il s’agissait là non pas de la meilleure solution, mais de l’unique option qui s'offrait à nous. L'officier décroisa les bras, jusque-là toujours lourdement serrés contre sa poitrine, puis vint les faire reposer sur le plateau de la table, les mains jointes. Il inclina la tête, désabusé par une réalité dont il n'avait pas la maîtrise. Finalement, il reprit la parole, mais dans un murmure défait :


« Corem. » Commença-t-il. Je tournai plus franchement la tête vers mon supérieur, pour lui signifier ma totale attention. « Je suis désolé, mais c’est vous qui allez devoir descendre. »


D’un hochement de tête entendu, je lui répondis :


« Je n’envisageais pas ça autrement, Carth. »


« Bien ! » S’introduisit soudainement une Sivir plutôt contentée. Je dirigeai alors mon regard vers elle, tandis que Carth releva la tête dans la même direction que moi.


« Dans ce cas, messieurs, il est de bon ton de prendre un peu de repos. » Poursuivit-elle d’une voix presque enjouée, alors qu’elle se leva de sa chaise et sembla prendre la direction de la cuisinette. Puis, au dernier moment, elle nous lança un regard vif, comme pour nous faire savoir une information qu’elle aurait oublié de mentionner.


« Enfin, c’est valable surtout pour vous Corem. Puisque c’est vous qui serez jeté dans la fosse aux lions. »


Carth soupira une nouvelle fois, manifestement disposé à manifester son agacement devant le ton ironique de la jeune femme. Je me contentai de la fixer durement et de lui répondre :


« Merci Sivir. »


Il n’était pas nécessaire de rentrer davantage dans son jeu.


La femme esquissa un léger sourire avant de se diriger à nouveau vers la cuisinette. Je portai mon attention sur Carth, qui me tenait du regard, les bras à nouveau croisés et serrés contre lui. Je pouvais lire dans ses yeux qu'il n'était pas du tout satisfait de la situation, et du comportement de cette invitée impromptue. Je me levai de ma chaise et posai une main solidaire sur l'épaule de mon supérieur avant de me rendre dans la cellule sanitaire où j'allais me débarbouiller rapidement afin de gagner ma couchette et passer ce que j'espérais être une nuit reposante.

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