Set phasers to fun
Epilogue
Quelque part dans l’espace, date stellaire 4355.5
– Nous sommes bien d’accord : cette… chose n’a jamais existé, et même sous la torture, aucun de nous n’avouera jamais l’avoir vue, c’est bien clair ?
Spock pinça légèrement les lèvres, signe de contrariété, mais ne commenta pas. Bones, de son côté, ne se fit pas prier.
– Quel est le problème, Jim ?
Le capitaine se retourna vers son ami, incrédule.
– Nous avons bien vu la même chose, non ?
Le médecin haussa les épaules.
– Oui, il me semble. Je me permets juste de vous rappeler que c’est vous qui avez embarqué ces DVD sans la permission de son propriétaire, vous qui avez insisté pour que Spock nous bidouille – brillamment, d’ailleurs, ajouta McCoy avec un petit signe de tête vers le Vulcain, qui répondit de même – de quoi fabriquer un lecteur potable, et enfin vous qui êtes venu nous chercher pour regarder cette « chose », comme vous dites, avec vous. Ça ne vous a pas plu, ne venez pas vous plaindre !
Kirk tourna les yeux pour essayer de trouver du renfort du côté de son premier officier, mais ce dernier se rangea de façon totalement inattendue du côté du médecin en chef.
– Capitaine, je partage l’étonnement du docteur McCoy. Puis-je me permettre de vous demander ce qui vous a déplu dans l’épisode que nous venons de visionner ensemble ?
Tout, fut tenté de répondre Jim.
– Mais… Mais vous avez vu ce qu’ils ont fait de mon vaisseau ?
– Si je peux me permettre, capitaine, l’étonnement du docteur Cooper en entrant sur la passerelle nous avait déjà donné un indice sur la différence entre l’Enterprise et la vision qu’en avaient les humains du XXème siècle.
Sincèrement, à quoi vous attendiez-vous ? Des bipbips et des petites lumières partout ? Mais à quoi elle ressemble, votre « série » ?
Spock avait raison : il avait posé la question à Sheldon Cooper, et Sheldon Cooper lui avait répondu « pas à ça ». Mais tout de même, le choc avait été rude. Sans parler du reste, à commencer par lui-même.
– Je suis vraiment aussi…
Il ne savait pas comment continuer cette phrase sans paraître totalement ridicule. Bones éclata de rire, tandis que le Vulcain feignait de s’absorber dans la contemplation de la manche de sa tunique.
– Allez, Jim, n’en faites pas une maladie. C’était plutôt drôle, non ? Moi aussi, je suis ridicule, et je ne m’en formalise pas plus que ça ! Et Spock non plus !
Kirk n’était toujours pas convaincu, et avait la quasi certitude que son ami se moquait de lui. Le premier officier en rajouta une couche (sous des dehors parfaitement respectueux, il était tout aussi redoutable que le médecin, dans son genre) :
– Si la manière dont les scénaristes vous ont représenté vous dérange, dites-vous qu’il s’agit d’un documentaire unique sur la perception qu’avaient les humains de l’avenir dans les années 1960, ainsi que sur l’image qu’ils se faisaient du personnage principal.
De l’autre côté, McCoy se retenait pour ne pas rire.
– Qu’est-ce qu’il y a encore ?
– Non, je me disais juste que Leonard Nimoy m’avait posé une question à propos de vous deux… et en voyant la série, je comprends mieux pourquoi.
– Qu’est-ce que ça veut dire, ça ? demanda le capitaine, soupçonneux.
– Qu’apparemment, des générations entières se sont demandé quelles relations vous entreteniez avec votre premier officier, malgré la législation relativement stricte à ce sujet, répliqua Bones du tac au tac.
Ce fut au tour de Spock de se redresser, visiblement offensé.
– Docteur, il serait illogique de penser que des humains s’interrogent sur ce sujet précis alors que la série est visiblement destinée à entretenir l’imaginaire et à faire réfléchir les spectateurs sur certains points d’actualité transposés dans un avenir lointain.
McCoy rit franchement.
– Vous êtes naïf, Spock. Vous voulez dire que vous ignorez totalement que tout l’équipage ou presque a engagé des paris sur vous deux ?
Le Vulcain ouvrit la bouche pour répondre et la referma, visiblement stupéfait. Il était évident qu’une idée aussi humaine lui semblait parfaitement incongrue.
– Il me tarde de savoir ce que vous lui avez répondu, dit Kirk avec un sourire, sa bonne humeur retrouvée.
– Oh, mon point de vue sur la question est largement minoritaire – oui, Spock, j’ai parié aussi : je pense que vous, Jim, vous êtes volontairement ambigu uniquement pour agacer le haut commandement qui rêverait de vous épingler pour ce genre de faute professionnelle, et que Spock, jusqu’à aujourd’hui, ne s’était rendu compte de rien. Je suis certain qu’au fond de lui, il est parfaitement scandalisé par l’idée que vous puissiez faire une chose pareille.
– Docteur, je…
Jim l’interrompit par un éclat de rire.
– J’ai visé juste ? demanda McCoy.
Le capitaine haussa les épaules avec un sourire.
– Bon, on en regarde un autre ? Je suis certain qu’il y a des épisodes où vous aurez l’air plus ridicule que moi !
Le premier officier et le médecin en chef se consultèrent du regard.
– Affirmatif, capitaine.
Malgré sa façade impassible, les yeux du Vulcain brillaient de curiosité – et, peut-être, d’amusement. McCoy sourit.
– Laissez-moi aller chercher une bonne bouteille et répliquer un petit chocolat chaud pour Spock, et je suis partant.
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San Diego, 28 juillet 2007 [1]
Leonard Nimoy attendait avec un certain trac l’annonce de son nom.
Il avait passé cette dernière année à élaborer patiemment, pièce par pièce, ce projet complètement délirant qui semblait, contre toute attente, avoir pris comme un soufflé au fromage bien cuisiné.
Le tout était qu’il ne retombe pas de manière décevante.
Lorsqu’il avait reposé le PADD sur le canapé, onze mois auparavant, presque jour pour jour, après une nuit d’insomnie, lorsqu’il avait été certain que ce qu’il avait entendu était bien réel, que Vulcain avait bel et bien été détruit par un fou venu du futur, il avait eu une vision claire de ce qui lui restait à faire : contacter, avec le peu de moyens qu’il avait en sa possession, les officiers de l’Enterprise. Les prévenir, les mettre en garde, eux ou n’importe qui de la Fédération.
Mais comment faire ? L’artefact qu’il tenait dans les mains n’était qu’une fenêtre sur le futur, pas un outil de communication. Laisser un message caché quelque part lui paraissait utopique : il faudrait un hasard démentiel pour qu’il soit découvert deux siècles et demie plus tard. Non, la seule chose qu’il pouvait faire était de relancer la franchise, de réaliser un film qui raconterait ce qu’il avait écouté en boucle durant cette nuit d’août 2006.
Il se souvenait qu’il s’était pris la tête dans les mains alors que l’immensité de la tâche à venir lui apparaissait. Pour lui, Star Trek, c’était du passé. Rattrapé, dépassé par le succès de son personnage, il avait tiré un trait dessus. Le ressusciter, tout recommencer, l’épuisait d’avance – mais il n’avait pas le choix. Il avait l’impression que le PADD lui était échu pour cette raison précise, qu’il détenait entre les mains l’avenir de tout un peuple. Et s’il échouait (après tout, Kirk et les autres n’avaient, pour une raison mystérieuse, jamais entendu parler de Star Trek), au moins aurait-il tout essayé. Tout ce qui était en son pouvoir, s’entend.
Il y avait eu des tas de gens à contacter, à sonder, prudemment d’abord, puis un budget à prévoir, des idées à lancer comme ça, en l’air, notamment celle qu’il pourrait bien endosser un petit rôle dans le film à venir, mais que pour ça il faudrait que le scénario explique la présence de deux Spocks pour le prix d’un. Cette explication, il l’avait suggérée du bout des lèvres, comme ça, comme s’il n’y croyait pas trop, comme s’il ne s’agissait que d’une des nombreuses possibilités, et, de façon totalement inexplicable, cette idée d’univers multiples et de trou noir avait enthousiasmé scénaristes, acteurs et réalisateurs. Le vieil homme avait alors réalisé que présenter Leonard Nimoy dans le nouveau film constituait probablement pour le producteur la meilleure des cautions et la meilleure des publicités auprès des geeks de la vieille école.
Et voilà comment il se retrouvait à présent à la convention Star Trek, à Vegas, comme un an auparavant, mais cette fois seul, sans Spock ni Kirk ni McCoy ni personne pour lui venir en aide. Dans quelques instants, il franchirait le rideau qui le séparait de la scène et se retrouverait devant le public qui ne l’attendait pas mais qui lui ferait probablement bon accueil, était donné la forte proportion de trekkies de la première heure dans l’assistance.
Il n’avait pas le choix. Il ne pouvait plus reculer. Le scénario avait été accepté sans un murmure (et plus personne ne se souvenait que c’était lui qui en avait proposé les grandes lignes, ni qu’il avait habilement corrigé quelques « maladresses » qui ne collaient pas à ce qu’il avait appris au sujet de l’univers parallèle qu’il essayait désespérément de sauver du désastre), les acteurs avaient été choisis, alea jacta est, Kaiidth et toutes ces sortes de choses. Il espérait que le film plairait, serait regardé par un maximum de spectateurs, et ne disparaîtrait pas comme l’avait fait la série – car il espérait, envers et contre tout, que quelqu’un, plus tard, tomberait sur cette histoire et devinerait qu’elle était prophétique. Peut-être quelqu’un guetterait-il l’arrivée de Nero, s’inquièterait-il de l’apparition du Narada face à l’USS Kelvin, se souviendrait des vieux films réalisés par des humains du XXIème siècle, ferait entendre sa voix, convaincrait la Fédération de détruire ce vaisseau avant qu’il ne soit trop tard pour Vulcain…
Peut-être, grâce à Sheldon Cooper, allait-il réussir à sauver la planète de ce double dont l’ombre avait toujours plané sur sa vie. Pour cela, il avait glané toutes les informations possibles, écouté jusqu’à la nausée le nouveau journal de bord d’un James Kirk bien différent de celui qu’il avait appris à connaître des décennies auparavant, ponctué des interventions d’un jeune Spock qui n’était doublement pas lui, qui lui paraissait étranger et dont il partageait pourtant le deuil…
Pas de doute, il était fou.
Il entra sur scène mécaniquement en entendant son nom, et, aussitôt, un tonnerre d’applaudissements retentit. Après un salut au public, il alla s’asseoir à côté de celui qui allait reprendre la difficile tâche d’incarner Spock. Le choix était bon, estima-t-il en rendant au jeune homme son sourire. Pendant un moment d’égarement, au moment du casting, il avait eu envie, très envie, une fois que son remplaçant avait été choisi par l’équipe, d’aller le voir et de lui dire toute la vérité, de lui refiler le bébé et de se désolidariser du film. Il s’était vite repris. Qui le croirait ?
– Monsieur Nimoy, avez-vous aimé le scénario ? Que pouvez-vous nous en dire ?
Il hocha la tête avec un petit sourire, un calme apparent que démentait à chaque seconde les battements de son cœur.
– Vous imaginez bien que la Première Directive m’interdit de vous en parler, répondit-il, déclenchant plusieurs rires dans son auditoire.
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Pasadena, 24 novembre 2008
Penny n’était pas certaine d’avoir bien compris pourquoi Sheldon lui avait offert autant de cadeaux, lui qui avait répété à l’envi que les présents constituaient une perte de temps, l’angoissaient et le jetaient dans des tourments indescriptibles. [2]
– C’est parce que tu lui as offert le plus beau des cadeaux, lui expliqua Leonard un peu plus tard, alors qu’elle était venue lui redemander le mot de passe de leur wifi que le jeune physicien avait encore changé. Si tu ne me crois pas, tape « pennyestformidable » sur ton ordinateur, tu vas voir.
La jeune femme s’assit sur le canapé, évitant prudemment la place de Sheldon, et secoua la tête, perplexe.
– Ce n’est qu’une signature que j’ai obtenue par hasard !
– Non, ce n’est pas « qu’une signature », répondit Leonard en s’asseyant à côté d’elle. C’est la signature de l’acteur préféré de Sheldon, et qu’il n’aurait jamais pu obtenir seul.
– Ah bon ? Pourquoi ?
Penny crut discerner sur les traits de son ami comme une vague gêne.
– Il y a deux ans, il a reçu une ordonnance du tribunal lui interdisant de s’approcher à plus de cinq cents mètres de Nimoy. [3] Ne me demande pas pourquoi, je n’en sais rien. Sheldon lui-même dit qu’il ne se souvient pas de ce qu’il a fait.
– Mais c’est complètement délirant ! Il n’arrête pas de répéter qu’il a une mémoire… une mémoire…
Elle cherchait le mot sans parvenir à le trouver.
– Eidétique, compléta Leonard. Je sais. Oh, et puis autant tout te raconter, continua-t-il avec un haussement d’épaules. Sheldon a perdu une journée de sa vie, qui a totalement disparu de sa mémoire. Et nous aussi. Nous nous sommes réveillés tous les quatre dans le salon un beau matin, sans aucun souvenir de ce qui s’était passé la veille.
Penny ouvrit la bouche. Elle ne devait pas avoir l’air très intelligente comme ça, mais elle ne parvenait pas à imaginer ses voisins et leurs amis ivres morts ou drogués, et elle avait beau se creuser la cervelle pour trouver une explication à cette amnésie incompréhensible, rien ne venait.
– Euh… c’est bizarre, commenta-t-elle assez platement.
Leonard soupira.
– En fait, ça me fait du bien de t’en parler. Nous ne savons absolument pas ce qui s’est passé. Nos téléphones portables avaient disparu, l’ordinateur de Sheldon gisait en pièces détachées au milieu du salon. Trois jours après, il recevait cet arrêté du tribunal, selon lequel il était accusé de vol chez Leonard Nimoy. Evidemment, nous avons interrogé Sheldon, mais il nous a juré sur la tête de Spock qu’il ne se souvenait de rien.
– Et vous l’avez cru ? demanda Penny, stupéfaite.
Parfois, la crédulité des quatre geeks qu’elle fréquentait presque quotidiennement, Dieu seul, s’il existait, savait pourquoi, la laissait abasourdie. Comment pouvait-on être aussi intelligent, et en même temps aussi stupide ?
– Oui, d’abord parce que Sheldon a juré sur la tête de Spock (Penny grimaça : il ne s’agissait pas exactement d’une preuve rationnelle), ensuite parce qu’il ment très mal, enfin parce que cette espèce d’amnésie partielle nous est aussi arrivée à Howard, à Raj et à moi, exactement au même moment. Ça ne peut pas être une coïncidence.
– Et vous n’êtes pas allés voir un médecin ?
Elle se rendit compte qu’elle avait pris le ton qu’elle aurait choisi pour parler à un grand malade mental, mais Leonard ne sembla pas s’en apercevoir.
– Non. Ça paraît stupide, je sais, mais aucun de nous n’a eu envie d’en reparler par la suite. Je n’avais jamais évoqué cette histoire jusqu’à aujourd’hui.
Penny fit une petite moue en hochant la tête de haut en bas.
– Et vous avez une théorie sur ce qui vous est arrivé ?
Le jeune scientifique haussa les épaules.
– Sheldon est persuadé qu’il a été emmené dans le futur et qu’on a effacé sa mémoire pour éviter qu’il ne révèle l’avenir à nos contemporains. Raj penche pour un kidnapping par des extra-terrestres qui voulaient analyser nos cerveaux, et Howard a essayé de se convaincre qu’il avait été enlevé par de très belles jeunes femmes qui n’avaient pas résisté à sa beauté ensorcelante, puis qui l’avaient drogué de peur qu’il ne porte plainte contre elles pour « tout ce qu’elles lui avaient fait subir ».
Penny leva les yeux au ciel. Des hypothèses de geek, complètement absurdes et sans aucun rapport avec la réalité. Parfois, elle les trouvait attendrissants. Parfois, ils l’exaspéraient. Howard l’exaspérait toujours.
– Sérieusement ? Et toi, tu en penses quoi ?
– Sincèrement, je n’en sais rien. Une hallucination collective ? Une sorte de coma dû à une des expériences de Sheldon ? Nous n’avons eu aucune séquelle, la vie a repris son cours. Bon, on a été perturbés pendant quelques jours, à tel point qu’on a manqué la convention du quarantième anniversaire de Star Trek à Las Vegas, mais à part Sheldon qui, je crois, ne s’en est toujours pas remis, ça n’a pas eu un impact terrible sur nos vies.
Penny fronça de nouveau les sourcils. Elle revoyait distinctement la large affiche « Quarantième anniversaire de Star Trek », et pouvait presque sentir les lèvres de James sur les siennes. Une soirée qui l’avait marquée alors qu’il ne s’était rien passé de réellement mémorable. Elle avait embrassé un homme, ce n’était pas la première fois et ça n’avait pas été la dernière. Mais ce baiser avait été… inoubliable. Il avait un goût d’impossible, d’interdit. Presque comme si ce type ne faisait pas vraiment partie du même univers qu’elle.
– C’était il y a deux ans, tu dis ?
– Oui, pourquoi ?
– Parce que moi, j’y étais !
Ce fut au tour de Leonard de la regarder comme si elle avait perdu ses neurones à un moment donné de la conversation.
– Toi, à une convention Star Trek ?
– Non, pas exactement, j’étais juste à Vegas et… et je suis tombée par hasard sur une bande de types déguisés.
Elle évita soigneusement de préciser ce qui s’était passé ensuite et se contenta de conclure :
– C’est marrant de penser que j’étais au seul truc de geeks auquel vous n’avez pas assisté !
Leonard n’avait pas l’air de trouver cela marrant du tout. Il passa très rapidement à un autre sujet :
– Comment a réagi Leonard Nimoy lorsque tu lui as demandé un autographe pour Sheldon Cooper ?
– Je t’avoue que, pendant un moment, j’ai bien cru qu’il allait refuser. Il m’a regardée fixement et m’a demandé comment je le connaissais. Je lui ai répondu que j’étais sa voisine, et j’ai rajouté un truc du genre « je suis désolée, je ne savais pas que vous connaissiez Sheldon, je vais vous laisser tranquille, j’imagine que vous n’avez aucune envie de lui écrire ». Alors il a souri et il m’a donné ce petit mot. Voilà.
Ce que Penny ne dit pas à Leonard, parce qu’elle n’en voyait pas l’intérêt, c’était que l’acteur, avant de rédiger le banal autographe qu’elle avait offert à Sheldon, avait gribouillé quelques mots qu’il avait par la suite froissés et jetés dans une des poubelles du restaurant :
A Sheldon Cooper, qui a peut-être, par un concours de circonstances dont je m’étonne encore moi-même, contribué à sauver Vulcain de la destruction. Sans rancune, Leonard Nimoy.
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San Francisco, 6 avril 2009
Les deux Vulcains sortirent de la salle de cinéma et se dirigèrent sans un mot vers le café le plus proche, où ils commandèrent respectivement un chocolat chaud à la cannelle et un chocolat viennois. [4] Personne ne s’étonnait de leurs oreilles ni de leurs longues robes, dans la mesure où ils étaient entourés d’un certain nombre d’énergumènes qui, à l’occasion de la sortie du dernier Star Trek, avaient ressorti leurs vieux costumes afin de rendre hommage à la série.
Ils restèrent silencieux le temps de vider leur première tasse et de commander une deuxième boisson chaude, puis l’un des deux prit la parole :
– La sortie de ce film est une véritable aubaine pour nous. Plus l’audience sera large, plus facilement les humains oublieront.
L’autre, qui tenait très mal le chocolat, fronça les sourcils :
– Je comprends qu’il faille faire respecter la Première Directive, mais n’avez-vous pas trouvé ce film… troublant ?
Le plus âgé des deux Vulcains éloigna prudemment la tasse de son cadet. Lorsqu’un jeune Vulcain commence à utiliser le terme « troublant », c’est soit qu’il est frappé d’un précoce syndrome de Bendii, soit qu’il a déjà trop bu.
– Et si jamais… et si jamais tout était vrai ? chuchota le plus jeune dans un souffle. Le trou noir, la destruction de Vulcain, le…
– Shaïs ! Il suffit ! le réprimanda sévèrement son mentor. Le PADD égaré par notre Ordre a disparu. Les humains n’ont plus accès à l’avenir. Il s’agit d’une invention, d’une fiction.
Mais le jeune Vulcain ne semblait pas convaincu.
– Mais vous ne croyez pas qu’il faudrait conserver au moins une copie de ce film ? Juste au cas où ?
– Les Eclaireurs de notre Ordre sont formels : nous devons réparer nos erreurs et effacer nos traces, afin qu’aucun humain ne se souvienne de nous lorsque viendra le temps du premier contact.
Shaïs soupira et tendit la main vers la tasse de chocolat encore à demi pleine. Depuis cinq ans qu’il était sur Terre, il avait eu le temps de prendre goût aux produits locaux.
– Quelle imagination, ces humains, tout de même. [5]
[1] C’est durant cette Comic Con qu’a été annoncé le projet de reprendre la franchise de Star Trek et d’en faire un ou plusieurs films (ce qu’on appellera par la suite le « reboot ») qui se dérouleraient dans un univers parallèle, mais avec les mêmes personnages.
[2] Voir l’épisode « The bath item gift hypothesis » dans lequel Sheldon se demande quel cadeau il pourrait bien offrir à Penny pour Noël (car il sait qu’elle va lui en offrir un et il veut lui donner un présent de valeur équivalente). Pour pouvoir pallier toutes les éventualités, il achète plusieurs cadeaux de valeurs différentes en se disant qu’il choisira au dernier moment celui qui équivaut à ce qu’elle va lui offrir. Mais lorsque Penny lui donne un autographe de Leonard Nimoy, Sheldon lui offre tout ce qu’il a acheté, et comme ce n’est pas assez selon lui, il lui fait même un câlin (moment mémorable)…
[3] Complètement canon. Je ne sais plus où ni quand, mais c’est dit. Je voulais fournir une explication à ce fait.
[4] Non mais parce que le sucre et le chocolat, pour les Vulcains, c’est un peu comme l’alcool pour nous. Ce n’est pas totalement canon, mais c’est largement admis dans la communauté des fans.
[5] Boucle temporelle bouclée. Je voulais laisser aux Vulcains la possibilité de se sauver eux-mêmes grâce à Nimoy et les faire se saborder eux-mêmes… (Oui, je sais, c’est pas sympa.)