John au pays des merveilles
Puis comprenant que l’apparition faisait les mêmes mouvements que lui, ses jambes se dérobèrent sous lui et il se retrouva à genoux devant la contemplation de ce qu’il était devenu. Il porta sa main tremblante à sa bouche et il ne put empêcher ses larmes de couler.
xxx
John essuya rageusement ses larmes. Pleurer ne servait à rien et n’avait jamais résolu aucun problème. Il se leva et fit face au miroir, fier et droit, comme le soldat qu’il était. Son visage reflétait la colère contre ses yeux rougis peu habitués à faire preuve d’une telle faiblesse. Il devait se montrer fort parce que ici, il était seul et ne pouvait pas compter cette fois sur Sherlock pour le sauver.
Il décida d’observer sa transformation, parce que là, le changement était loin d’être un travestissement comme il arrivait à Sherlock de subir lors de ses enquêtes pour partir incognito à la recherche d’indices.
La femme qu’il voyait pouvait passer pour une copie de sa sœur en moins grand – John était plus petit qu’elle, à son grand damne –, mais il avait conservé sa taille habituelle. Ses longs cheveux étaient d’un blond foncé – adieu la grisaille de ses années passées – et lui arrivaient au niveau des omoplates. Son visage, beaucoup plus lisse, ne présentait que quelques ridules – rien de bien prononcés – et ses sourcils s’étaient affinés, accentuant son regard entouré de cils beaucoup plus longs et épais, mettant ses yeux bleus en valeur. Physiquement, il avait gardé la même morphologie. Ce qui changeait ? Ses épaules moins larges, ses bras et ses jambes plus fins, une taille plus fine, une poitrine développée, des hanches plus larges et une virilité manquante à l’appel. Il perdit tout de même deux pointures de chaussures qu’il dut retirer faute de pouvoir marcher avec.
En conclusion, à comparaison égale, il se trouvait plus jolie que sa sœur. La famille Watson n’était pas des tops modèles, mais avait un certain charme. Il tourna sur lui-même pour s’admirer complètement.
« Ça aurait pu être pire ! (Raclement de gorge) Bon, comme les aliments qui me font grandir et rapetisser, j’imagine qu’il existe une boisson ou un gâteau qui me fera redevenir un homme. » Lâcha-t-il soulagé par sa déduction et quelque peu déconcerté par sa nouvelle voix qui était beaucoup plus aiguë.
On frappa à la porte qui s’ouvrit sur la Duchesse Natricia.
— Miss Johana, je viens prendre vos mesures.
— Eh ! Vous ne me reconnaissez pas ? Je suis John !
— Oui, bien sûr, mais j’ai ordre de vous appeler Johana, dit-elle en posant son panier contenant son nécessaire de couture sur la table.
— Expliquez-moi pourquoi le Valet m’a fait ça ?
— Disons que Sa Majesté a ses obsessions et dans ce cas précis, c’est vous. Comme il nous l’a officiellement dit tout à l’heure, il va vous présenter comme son trophée de chasse, dit-elle sans se tourner vers lui, cherchant son mètre ruban.
— Son trophée de chasse ?! Je ne suis pas un gibier que je sache ! S’emporta John.
— Ne savez-vous donc pas de quoi il en retourne, Miss ? S’exclama-t-elle en se tournant vers lui. Cette chasse, qu’il a initiée depuis plusieurs jours, avait pour objet de vous trouver, vous et personne d’autre.
— C’est un point que je n’ai pas très bien compris. Je ne suis arrivé dans ce pays que depuis hier. Comment pouvaient-ils me chercher alors que j’ignorais son existence un peu plus tôt ?
— À cause d’une ancienne prophétie. Je n’en connais pas la teneur, mais il était dit que vous viendriez. La date était approximative et ils ont commencé les recherches, il y a une dizaine de jours. Nous avions ordre de les prévenir si nous rencontrions un étranger. Oh ! Je suis si désolée, mais ils menaçaient de décapiter mon mari si je n’obéissais pas.
John commençait à comprendre certaines choses. Il se sentit soudain honteux d’avoir accordé sa confiance aux habitants qu’il avait croisés.
« Ils étaient peut-être tous de mèches depuis le début. Y avait-il seulement une personne qui ne l’avait pas dénoncé », regretta John, écœuré que les amis qu’il pensait avoir faits, soient peut-être tous complices.
« Non, pas le Chapelier ! Il m’avait prévenu d’éviter le Valet. » Une lueur d’espoir naquit au fond de lui. Il aurait été terriblement déçu si le Chapelier l’avait trahi également.
— Je comprends, ne vous inquiétez pas, je ne vous en veux pas, dit-il. Faites ce que vous avez à faire.
— (Elle sourit timidement) Vous êtes quelqu’un de bien, Miss. En attendant, je vais vous confectionner une très belle robe. Je dois vous demander de vous déshabiller, gardez juste votre sous-vêtement.
John s’exécuta. Dos au miroir, il voulut se retourner, mais la main de la Duchesse attira son visage pour qu’il garde ses yeux en face d’elle.
— Hi ! Hi ! HI ! Vous aurez tout le temps de vous admirer après, Miss.
Il constata néanmoins que sa cicatrice était toujours là ainsi que son petit ventre rebondi dû à ses excès de bons petits plats. Il tenta de rentrer le ventre sans succès.
— Vous pensiez qu’en vous transformant, vous alliez perdre tous vos défauts ? Mais les miracles n’existent pas, ma chère. On vous camouflera votre cicatrice avec du fond de teint et il faudra que vous portiez une gaine, sinon, ça ne sera pas très joli avec la robe, dit-elle à John qui grimaça à l’idée de mettre ce qu’il appelait une torture.
Elle commença à prendre les mesures qu’elle nota sur un calepin. Au même moment, deux femmes de chambre arrivèrent et se dirigèrent vers la salle de bains attenante. John observa des yeux leur défilé, portant des serviettes et des produits divers avec elles.
— Que font-elles ? Demanda-t-il.
Elles préparent votre bain et tous les soins qu’elles vont vous faire. Il va falloir vous pouponner pour être à votre meilleur avantage.
John soupira, levant les yeux au ciel. Il ne pensait pas qu’il aurait droit à toute la bagatelle.
— Voilà, j’ai fini. Avant de partir, je vous demanderai de choisir un des sous-vêtements que j’ai apportés pour remplacer celui que vous portez qui n’est pas adapté à votre nouvelle condition.
John haussa les sourcils en découvrant les culottes en dentelle qu’elle déballait. Si un jour on lui avait dit qu’il mettrait de la lingerie féminine, il n’y aurait jamais cru. Quitte à être jolie, autant y aller à fond. Il en choisit une blanche ornée de broderie en forme de papillons roses et mauves et agrémentée de petites perles argentées.
— Très bon choix. Je suis sûre que votre fiancée aimerait ce genre de lingerie.
— Mmm.
— Quelque chose ne va pas, Miss ?
— En fait, je ne suis plus si sûr que Mary soit la femme que je recherche vraiment.
— Parce que vous êtes devenu une femme ?
— Non, c’est… J’ai parlé au Chapelier… En fait, je pensais vouloir une vie normale, mais je me trompais. Je me suis voilé la face pour oublier ce que je ressentais… pour quelqu’un d’autre d’inatteignable.
— Personne ne peut rester insensible, je suis sûre que cette personne partage les mêmes sentiments que les vôtres. Est-elle proche de vous ?
— C’est compliqué. Il m’a dit dès le début qu’il était marié à son travail et les femmes n’étaient pas sa tasse thé. Ça me désespère quand je me vois maintenant, s’attrista-t-il, ses épaules tremblantes et baissant la tête pour cacher les larmes qui menaçaient encore une fois de couler. Je suis désolé, je ne dois pas vous donner une bonne image de moi.
— Oh ! Ma pauvre chérie, venez là ! Dit-elle en le prenant dans ses bras. Ne soyez pas triste, je suis persuadée que les apparences sont trompeuses. Si vous êtes ici, c’est qu’inconsciemment, vous avez découvert un détail qui pourrait changer votre situation à tous les deux.
— Comment ça ? Questionna John, s’écartant de l’étreinte.
— Vous n’êtes pas ici qu’à cause de la prophétie. Vous devez faire quelque chose pour nous – ce dont j’ignore –, mais en contrepartie, vous repartirez avec des réponses qui changeront votre vie. Soyez patient. Tout vient à point à qui sait attendre.
— Merci. Votre mari a de la chance de vous avoir.
— Oui, je me dis que j’ai une famille formidable et vous aussi, vous en aurez une, différente, certes, mais tout aussi exceptionnelle, parce que votre vie est tout sauf ordinaire. Je repasserai deux heures avant le bal pour vous aider à vous préparer.
Elle reprit son panier et quitta la chambre.
— Si Dame Johana veut bien se donner la peine de venir, le bain est prêt et nous n’attendons plus que vous, dit l’une des femmes de chambre.
John se rendit dans la salle de bains et découvrit une baignoire remplie de mousse qui sentait la mûre sauvage. Il retira son boxer et son t-shirt, ne prenant pas la peine de cacher quoi que ce soit, après tout, entre femmes, il n’y avait rien de choquant même s’il était attristé en ne voyant plus ses attributs masculins. Il plongea dans l’eau chaude avec délectation.
Pendant un moment, il resta là, seul, les yeux dans le vague puis il revint à la réalité. Il écarta la mousse de ses mains pour découvrir son nouveau corps. En premier lieu, les deux globes de chair sous ses yeux qu’il soupesa avec ses mains. La sensation lui faisait une drôle d’impression. Il comprenait maintenant ce que ressentaient les femmes lorsqu’il les titillait. Il releva les jambes hors de l’eau et les étendit sur le rebord de la baignoire, l’une sur l’autre. Elles n’étaient pas aussi longues que ceux de son colocataire, mais il les trouvait belles malgré tout. Ensuite son regard descendit sur le petit triangle blond qui avait pris la place de son sexe d’homme. C’est une partie qu’il n’avait jamais osé toucher chez une femme, trop timide pour se montrer aussi pervers. Il fit descendre une main et caressa la surface bouclée et descendit plus loin pour découvrir son nouveau sexe. Ses jambes tremblèrent en frôlant son clitoris très sensible. Il comprit pour la première fois ce qu’était le désir féminin. Il en profita pleinement en amorçant un va-et-vient plus poussé qui le fit gémir. Au bout d’un moment, il sentit avec ses doigts que l’entrée de son vagin était plus glissant. Il rougit et entreprit de se nettoyer, troubler par ce qu’il avait osé faire. Il se mit à rêver d’une certaine personne qui pourrait profiter de son nouveau corps bien qu’il savait pertinemment qu’il ne l’intéresserait pas.
Il resta à flâner un bon quart d’heure pour se détendre avant que les femmes ne reviennent pour l’aider à se laver malgré ses réticences. Tout y passait de la tête aux pieds. Une fois propre, il s’enveloppa dans une épaisse serviette autour de lui et une autre sur la tête. Assis sur une chaise, les jambes posées sur un tabouret, il passa l’épreuve de l’épilation. L’avantage d’être blond, c’était que les poils n’étaient pas trop voyants et sa pilosité avait diminué avec la transformation. Une fois qu’il fut recouvert de crème en tous genres, que ses cheveux furent séchés et lissés, il se vêtit de son nouveau sous-vêtement et d’une longue robe, style empire, blanche toute simple à manches courtes et d’une paire d’espadrilles très confortable de même couleur.
Une fois seul dans la chambre et sachant qu’il lui restait trois heures à attendre avant de s’apprêter pour le bal, il décida de se balader dans le château.
Il descendit le grand escalier et se rendit directement dans la grande salle de bal pour voir où en étaient les préparatifs. En passant la double porte, il regarda murs et plafond. Les premiers étaient ornés de tableaux géants montrant des scènes de chasse, de combat ou de tranche de vie comme un pique-nique dans l’herbe. D’immenses tentures couvraient par endroits la totalité de la hauteur des murs, leurs décorations étaient somptueuses. Le second présentait des peintures directement sur le plâtre montrant des anges qui volaient et des hommes et femmes qui riaient. Les grandes fenêtres ouvertes étaient entourées de rideaux pourpres et translucides qui s’entremêlaient au gré du vent qui s’infiltrait. L’air était doux et agréable. Des statuts se dressaient devant chaque pilier qui soutenait chaque voûte. Des tables et des chaises se massaient sur tout un côté du mur qui devait permettre à ceux qui ne dansaient pas à pouvoir se reposer et manger. Le sol était en marbre et reflétait par transparence les ombres et lumières. Les trônes se trouvaient sur l’estrade au fond qui embrassait l’ensemble de la salle.
John s’avança au milieu de tous les serviteurs, qui travaillaient sur la mise en place des fleurs – des roses rouges en l’occurrence – des banderoles et serpentins qu’ils installèrent un peu partout ainsi que la mise en place de nombreuses chandelles qui seront allumées peu avant le début des festivités, lorsqu’on l’aborda.
— Vous venez voir comment avancent les préparatifs, Miss Johana.
John fit volte-face pour se retrouver devant le Valet qui le fixa tout sourire.
— VOUS ! Gronda-t-il. D’abord, je m’appelle John et comment avez-vous osé me faire ÇA !
— C’est un détail, ma chère et je trouve que le changement vous sied à merveille ! Venez avec moi, dit-il en le prenant par le bras pour l’amener sur une terrasse. Puis-je vous offrir quelque chose à boire ?
— Sûrement pas ! Sauf si c’est pour me rendre mon apparence normale ! S’écria-t-il.
— Je vous trouve bien soupe au lait, mais j’avoue que j’aime ça chez vous.
Il s’approcha de John et prit une de ses mèches entre les doigts et huma leur parfum devant la mine stupéfaite de celui-ci.
— Ne me touchez pas ! S’énerva John en s’écartant de lui.
Jaime poussa John d’un coup sec contre un mur et se colla à lui. Ce dernier eut beau tenter de le repousser, il n’y parvint pas. Il n’y avait pas que son apparence qui avait changé, mais également sa force. Il susurra à son oreille :
— Après le bal, je compte bien vous faire mien, alors n’essayez pas de faire quoi que ce soit de stupide qui m’amènerait à vous faire du mal, me suis-je bien fait comprendre ?
Pour bien faire comprendre ses intentions, il posa ses lèvres sur les siennes dans un baiser brutal. Le visage de John rougit violemment. Il n’arrivait plus à contrôler ses émotions ni à savoir s’il devait le repousser. Il se sentit faible de ne pas pouvoir réagir instantanément. Pourtant, quand le Valet le relâcha, John lui assena une gifle percutante avant de s’enfuir vers sa chambre.
Le Valet se frotta la joue en souriant. Le caractère de sa belle lui plaisait, seulement, il fallait qu’il puisse calmer son tempérament pour éviter toute rébellion pendant la soirée qui pourrait très vite devenir ingérable. Il partit retrouver sa mère qui avait toujours réponse à tout.
/
Le Lapin Blanc revint au château un peu plus tôt. Il retrouva Simili-Tortue complètement en sueur et lorsqu’il reprit la suite des préparatifs, l’autre partit sans demander son reste.
En arrivant dans la grande salle, il vit une femme qui semblait visiter les lieux. Alors qu’il se dirigeait vers elle pour lui demander de partir, le Valet le devança. Bien malgré lui, il perçut quelques bribes de leur discussion et comprit avec consternation que la femme n’était autre que John. Lorsque le couple sortit pour se rendre sur la terrasse, il décida de les suivre discrètement pour en savoir plus. Son cœur s’arrêta en comprenant ce qu’il allait advenir de John et il fut foudroyé d’horreur devant le baiser volé du Valet.
« On est mal, mal, maaaaaaaal ! Trembla le lapin qui sauta dans tous les sens. Il faut que je prévienne les autres ou nous courrons droit à la catastrophe ! »
À SUIVRE…