Le commencement de quelque chose de nouveau

Chapitre 1 : Oneshot

Chapitre final

1961 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/01/2023 12:15

Rêve se tenait devant les l'auberge délabrée alors que les derniers mots qu'il avait dit à Hob résonnaient dans sa tête.


"Vous... osez suggérer qu'une personne telle que moi pourrait avoir besoin de votre compagnie."


 Avait-il ruiné toute chance d'amitié, tout comme cette auberge était ruinée ?

Les cent ans passés dans cette cage de verre lui avaient permis de penser à beaucoup de choses et l'une des personnes auxquelles il revenait toujours était Hob.

Hob et son envie de vivre.

Hob et son optimisme presque maladif.

Hob et son incroyable clairvoyance.


"Donc, je pense que vous êtes ici pour autre chose."

"Et qu'est-ce que ça pourrait être ?" 

"L'amitié." 

"Je pense que vous vous sentez seul."


Bien sûr que Hob avait eu raison, et c'était la raison même pour laquelle Rêve avait été si dur avec lui et s'était presque enfui de l'auberge cette nuit-là. 

Bien sûr qu'il se sentait seul.

Depuis la rencontre de 1689, alors que Hob avait tout perdu, qu'il était dans un état pitoyable et n'appelait pourtant pas la mort, Rêve savait que l'expérience était terminée.

Ce qui avait commencé par de l'intérêt et de la curiosité s'était transformé en une sorte d'attachement.

Il avait été témoin des bons et des mauvais choix de l'homme, de ses erreurs et de ses tentatives de les réparer, réussies ou non. Il était devenu clair pour Rêve que Hob faisait ce qu'il pouvait avec ce que la vie lui donnait. Qu'il assumait ses choix, quels qu'ils soient.

Rêve l'avait vu être fier et honteux, riche et pauvre, au plus bas et au plus haut. Mais jamais désespéré au point de vouloir mourir. 

Et toujours authentique avec lui.

Même lorsque Rêve l'avait regardé de haut et lui avait tourné le dos, Hob n'avait pas battu en retraite. Il n'était pas revenu sur ses paroles dans l'espoir de regagner les bonnes grâces de Rêve. 

Il avait couru derrière lui et avait continué à crier derrière lui.


 "Je vais te dire, je serai là dans cent ans. Si tu es là aussi à ce moment-là, ce sera parce que nous sommes amis. Aucune autre raison, n'est-ce pas ?" 


Bien sûr, Rêve ne s'était pas retourné et n'avait pas répondu.

Mais maintenant, presque cent cinquante ans plus tard, devant l'auberge en ruine, le seigneur des rêves se demandait combien de temps Hob l'avait attendu à cet endroit en 1989. 

Ses yeux tombèrent sur le graffiti rouge au bas de la taule qui servait de clôture, The New Inn suivie d'une flèche vers la droite.

Sans grand espoir, il a suivi la ligne rouge jusqu'au bout et en levant les yeux, il a vu juste après un petit espace vert, sur un panneau au-dessus de la fenêtre de ce qui semblait être un bar, "The New Inn". 

Il traversa lentement l'espace vert, indifférent aux hautes herbes qui frôlaient son pantalon ou à la légère brise qui secouait les feuilles au-dessus de lui, il n'avait d'yeux que pour le petit établissement.


Serait-il là ?


Sa raison lui disait qu'il était impossible que Hob soit venu ici pour l'attendre alors qu'aujourd'hui n'était même pas un anniversaire du jour, ni même de l'année prévu pour leurs rencontres habituelles. Sans parler de la façon dont il s'était comporté la dernière fois qu'ils s'étaient vus.

Mais Rêve ne serait pas Rêve s'il n'avait pas d'espoir en l'humanité. 

De l'espoir en Hob.

Il a ouvert la porte de l'auberge et à peine avait-il fait quelques pas qu'il l'aperçut, assis à une table, seul comme toujours.

Hob se concentrait sur les papiers devant lui, un verre de bière à côté de lui. Rêve se dirigea vers lui sans le quitter des yeux.

Soudain, Hob sembla réaliser que quelqu'un venait vers lui, alors il leva les yeux et Rêve vit le moment exact où il prit conscience de sa présence.

Au moment où leurs yeux se rencontrèrent, il vit la surprise dans le regard de Hob et ne détourna pas le sien.

Puis un sourire chaleureux fleurit lentement sur ses lèvres et Hob dit d'un ton effronté, "Tu es en retard."

Le soulagement était si intense que Rêve ne put retenir son propre sourire. Probablement le plus sincère depuis qu'ils se connaissaient, puis il dit, "Il semble que je te doive des excuses. J'ai toujours entendu dire qu'il était impoli de faire attendre ses amis."

Hob ne dit rien et répondit d'un sourire, la compréhension dans les yeux, et Rêve s'assit en face de lui, le sourire ne quittant pas son visage.

Il lui a dit : "Mort te dit bonjour".

Hob a penché la tête, un air perplexe sur le visage, "Mort ?"

Rêve expliqua, "La jeune femme qui m'a accompagné la première fois que nous nous sommes rencontrés. Celle qui t'a accordé de ne pas mourir."

Hob a dégluti et a répondu : "C'est pour cela que tu es ici ? Pour m'amener à elle ?"

Rêve ricana doucement et rassura Hob : "Non, elle ne viendra te chercher que le jour où tu le demanderas."

Hob secoua la tête et répondit, soulagé, "Tu peux lui transmettre mes salutations alors."

Il but une gorgée de sa bière et continua, son petit sourire creusant la fossette sur son menton, "Mort, Hob... tu ne crois pas que si nous sommes amis, après tout ce temps, j'aurais le droit de connaître ton nom à toi?"

Comment Rêve pouvait-il lui refuser cela, alors que sans même savoir qui il était vraiment, sans même savoir s'il allait se montrer, Hob l'attendait ici depuis des années ?

Il tendit la main à Hob par-dessus la table : "Je m'appelle Rêve."

"Rêve ?"

Hob prit la main tendue et continua en la serrant, "Ça te va... plutôt bien. Enchanté, Rêve."

Ils se tinrent la main plus longtemps que nécessaire. Rêve n'avait pas envie de lâcher la prise chaude et forte. 

Lorsqu'ils se lâchèrent enfin, le regard de Rêve glissa sur les papiers étalés devant Hob et il demanda avec curiosité, "Qu'est-ce que c'est ?"

Hob s'adossa à sa chaise et, prenant son stylo, il désigna les papiers devant lui, "Ceci, cher Rêve, sont des copies que je dois noter."

Rêve appuya son menton sur la paume de sa main et demanda, un peu surpris, "Tu es professeur ?".

Hob, pas offensé par sa surprise, hocha la tête, ne pouvant pas masquer la légère lueur de fierté dans son regard.

"Puis-je te demander ce que tu enseignes ?"

Le visage de Hob redevint sérieux lorsqu'il répondit, "L'histoire et plus particulièrement l'histoire des droits de l'homme."

Rêve commenta simplement, "Un choix intéressant."

Hob hésita un peu avant de répondre, "Je... Je sais pertinemment que j'ai fait beaucoup de mauvais choix, plus que de bons d'ailleurs. Alors je pense qu'avec ma connaissance du monde, je peux peut-être faire la différence en éduquant les jeunes générations pour qu'elles ne fassent pas les mêmes erreurs que moi."


"J'ai un peu appris de mes erreurs, mais j'ai eu plus de temps pour en commettre d'autres."


Rêve se souvint avec clarté des mots de Hob juste avant leur terrible désagrément et lui dit doucement, "Je pense que tu as vraiment appris quelque chose et tes élèves n'auront pas de meilleur professeur que toi qui a vécu ce que tu enseignes, du bon et du mauvais côté de la barrière."

Rêve posa gentiment sa main sur celle de Hob qui jouait avec son stylo et continua, "Tu es une bonne personne, Hob Gadling."

Hob, visiblement gêné par le compliment, secoua la tête et voulut retirer sa main, mais Rêve la retint fermement, "Crois-moi, je connais l'humanité depuis la nuit des temps, je sais reconnaître une bonne personne quand j'en vois une. Tu es un homme bon."

Hob sembla se débattre contre l'idée pendant quelques instants avant de céder et Rêve a senti sa main se relâcher sous la sienne.

Il demanda d'un ton plus léger, "Alors dis-moi, qu'as-tu fait pendant tout ce temps ?"

Hob retira sa main et leva en disant avec un ricanement : "Pour cela, j'aurai besoin d'une deuxième bière. Je ne te demande pas si tu en prendras une, j'ai remarqué que tu ne bois ni ne manges lorsque nous nous rencontrons."

"Eh bien, il n'est jamais trop tard pour changer", rétorqua Rêve.

Quelques instants plus tard, le serveur leur a apporté leurs boissons et Hob leva son verre en direction de Rêve en disant, "À quelque chose de nouveau".

Rêve fit tinter son verre contre le sien et Hob lui raconta son histoire.

Bien plus tard, ils en étaient à leur troisième tasse de café lorsqu'ils décidèrent qu'il était temps de mettre fin à la soirée.

Hob dit d'un air penaud, "J'ai des cours à donner demain."

Rêve hocha la tête en signe de compréhension et après avoir payé l'addition, ils se dirigèrent tous deux vers la porte.

Une fois dehors, ils restèrent en silence pendant quelques instants devant la porte, aucun des deux n'étant prêt à prononcer les mots qui mettraient vraiment fin à la rencontre. 


"À dans cent ans, alors ? "

"À dans cent ans."


 Hob fut le premier à rompre le silence, "Après tant d'années à croire que je t'avais perdu... euh je veux dire que j'avais perdu ton amitié, je suis tellement heureux maintenant que je pourrais t'embrasser."

Rêve le regarda avec un demi-sourire aux lèvres et répondit d'un ton taquin, "Pourquoi ne le fais-tu pas ?"

Hob ricana et rétorqua sur le même ton, "Pas avant le premier rendez-vous."

"Quoi ? Dans cent ans ?"

Hob le défia du regard et répondit doucement, "Pourquoi pas dans vingt-quatre heures ?".

Il n'attendit pas de réponse et tourna les talons pour prendre le chemin de sa maison.

"Hob ?"

À la voix de son ami, il s'arrêta net et se tourna vers lui, qui était toujours au même endroit.

Rêve le jaugea du regard comme il le faisait si souvent et dit doucement, presque dans un murmure, "À demain".

Hob essaya de cacher sa surprise mais n'y parvint plus, puis hocha la tête et répondit, "À demain.... Rêve."


Il ne se retourna pas assez vite pour empêcher Rêve de voir le sourire qui illuminait son visage et le Seigneur des Rêves a de nouveau ressenti cette étrange chaleur en lui. 

La même chaleur qu'il ressentait chaque fois qu'il voyait Hob l'attendre en ouvrant la porte de l'auberge.

En partant, il vit Hob faire une sorte de petit pas sautillant et n'a pas pu s'empêcher de rire doucement.

Soudain, Matthew vint se poser sur son épaule et croassa dans son oreille, "Dois-je en conclure que nous serons de retour demain ?".

Rêve répondit d'un ton sérieux, "Je serai de retour demain, tu resteras dans le Songe."

"Mais..." 

Rêve ferma le bec du corbeau de sa main, "Pas un mot de plus". 

Puis il continua à marcher, l'anticipation le faisant sourire

Heureux que cette fois, il n'ait pas eu cent ans à attendre, mais seulement quelques heures.




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