L'amour du Scorpion d'or

Trois jours s’étaient écoulés depuis leur visite à Rodorio et Milo avait tenté de faire comme s’il ne s’était rien passé. Malheureusement ses efforts furent voués à l’échec. La belle inconnue continuait de hanter ses pensées chaque fois que son esprit vagabondait loin de ses préoccupations quotidiennes.

Il ne dormait plus la nuit car elle peuplait aussi ses rêves et ceux-ci n’étaient pas tous des plus sages, au point qu’il finit par en ressentir une légère frustration.

Devant ses amis et frères d’armes, il tentait de faire bonne figure, continuant de vaquer à ses occupations comme si de rien n’était, mais le jeune homme savait que tous n’étaient pas dupes et surtout pas le chevalier du Verseau qui, chaque fois qu’il le croisait, lui adressait un regard lourd de sous-entendus.

Ce matin-là, le Scorpion descendit à l’arène pour l’entraînement quotidien que les chevaliers continuaient d’appliquer afin de conserver leur forme physique.

Plusieurs de ses confrères s’y trouvaient déjà, bavardant un peu les uns avec les autres. Il y avait Aldébaran, dont la grosse voix couvrait tout bruit alentour, qui discutait cuisine avec un Shura de plus en plus sceptique. Mû et Shaka essayant de faire comprendre à Kiki l’importance de la méditation et enfin un peu à l’écart, Saga et son frère Kanon terminant leur échauffement.

• Salut Milo ! Lança le chevalier du Capricorne coupant court à sa discussion avec le géant brésilien.

Celui-ci, nullement outré d’avoir été interrompu, s’empressa de venir saluer son frère d’arme.

• Tu es bien matinal aujourd’hui Milo ! Observa le gardien de la première maison en venant les rejoindre.
• Disons que je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit ! Répondit le Scorpion de manière évasive.
• Tu n’es pas malade au moins ? S’enquit Aldébaran réellement inquiet.
• Non, non tout va bien je vous assure ! Lança le huitième chevalier du zodiaque avec un enthousiasme qui sonnait faux.
• Ton aura semble dire le contraire ! Objecta Shaka que personne n’avait entendu approcher.

Sous le coup de l’accusation semi voilée du chevalier de la Vierge, Milo se mit à rougir sans pouvoir se contrôler. Saga et Kanon qui venaient de les rejoindre ne se firent pas prier pour le lui faire remarquer.

De plus en plus mal à l’aise Milo ne savait que faire pour se tirer d’embarras.

• Je puis vous assurer qu’il va très bien ! Il est simplement tombé amoureux d’une jolie brune dont il ignore jusqu’au nom.

Les paroles du chevalier du Verseau avaient laissé place à un silence des plus total.

• Tu peux répéter, Camus ?
• Milo ? Amoureux ? Pas possible !
• Quand les autres vont savoir ça !

La révélation surprit tous les chevaliers présents, même Shaka en ouvrit les yeux d’étonnement. Mortifié, le Scorpion ne put prononcer un seul mot lorsque six regards inquisiteurs se posèrent sur lui. Ce fut Camus qui expliqua sans détail ce qui s’était produit trois jours plus tôt.

De retour dans son temple Milo laissa exploser sa colère.

• Pourquoi leur as-tu tout raconté ? Je te croyais mon ami et toi tu me poignardes dans le dos ! fulmina-t-il à l’adresse du chevalier des glaces.
• C’est justement parce que je suis ton ami que j’ai fait ça ! Répondit Camus, impassible.
• Je ne suis pas sûr de comprendre, explique-toi ! Ragea le chevalier d’or.
• Cela fait trois jours que tu es dans cet état, tu erres sans but dans ton temple, tu ne t’intéresses plus à rien et c’est à peine si tu te nourris. Ça ne peut pas continuer ainsi ! Si j’ai tout raconté aux autres c’est pour te forcer à réagir. Retourne là-bas et retrouve-la !

Recouvrant son calme Milo répondit :

• Je ne sais par où commencer, cette recherche risque de me prendre des mois.
• Tu te sous-estimes mon ami, je suis sûr que tu la retrouveras rapidement.

Sur ces dernières paroles, Camus prit congé et retourna chez lui.

Milo ne sut combien de temps il était resté là, debout au milieu de son temple, mais lorsqu’il sortit de sa léthargie, sa décision était prise. Le chevalier du Verseau avait raison, il ne pouvait pas continuer à vivre ainsi. Il devait retrouver sa belle inconnue.

Ce fut donc d’un pas décidé que le Scorpion d’or entreprit la descente de l’interminable escalier menant aux différents temples du zodiaque.

*****

En ce début de journée la chaleur déjà suffocante du soleil grec fit regretter à Niënor la fraîcheur de son appartement.

Il était pourtant hors de question de revenir sur la promesse faite à la voisine de l’aider à ranger sa boutique et cela même si elle avait bien mérité son jour de congé. Pour compenser le mauvais travail fourni quelques jours avant, elle avait fait un grand nombre d’heures supplémentaires, allant jusqu’à prendre de l’avance dans la livraison des commandes et ce pour le plus grand plaisir de ses clients. Après une heure et demie passée à faire l’inventaire de la réserve, Andromaque dut s’absenter, laissant à Niënor la responsabilité du magasin. Un tintement de clochettes lui annonça l’arrivée d’un client.

• Puis-je vous aider ?

La jeune femme sursauta lorsqu’elle s’aperçut que le visiteur n’était autre que l’homme qu’elle avait bousculé quelques jours auparavant.

• En fait, c’est vous que je cherchais !

« C’est vous que je cherchais » La demoiselle n’en croyait pas ses oreilles.

Ainsi cet homme ne l’avait pas oubliée, au contraire il avait même cherché à la revoir.

Retrouver une personne sans rien connaître de sa vie était pour ainsi dire mission impossible. Niënor ne s’était pas fait d’illusions. De plus il y avait de fortes chances pour que le sourire qui l’avait tant troublée ne soit rien de plus que ce qu’il semblait être, c'est-à-dire une marque de sympathie à l’encontre d’une personne qui venait d’en bousculer une autre et qui tentait péniblement de se sortir d’embarras. La demoiselle avait donc tiré un trait sur cette histoire et voilà que trois jours plus tard, le même homme se présente sur son lieu de travail en affirmant la rechercher. Le destin avait voulu qu’ils se rencontrent, elle en était sûre à présent et cette pensée lui donna l’impression que son cœur allait exploser de joie.

• Moi ? Interrogea la jeune femme soudain inquiète.

Elle était là devant lui, Milo remercia le destin. Cette boutique était l’endroit par lequel le jeune homme avait décidé de commencer ses recherches. C’était cependant sans grande conviction qu’il en avait franchi le seuil. La chance, il n’y croyait pas trop et imaginait déjà devoir retourner au sens littéral du terme, toutes les pierres de Rodorio pour la trouver et pourtant c’était justement sa belle inconnue qui était venue l’accueillir.

• Oui, vous ! Répondit-il dans un adorable sourire. L’autre jour nous n’avons guère eu le temps de bavarder et je me demandais si vous accepteriez de venir boire un verre en ma compagnie ?

Surprise, Niënor mit quelques secondes à réaliser ce qui venait de se produire. Consciente du silence régnant dans la pièce, elle répondit en lui rendant son sourire.

• C’est avec grand plaisir que j’accepte votre proposition. Euh Monsieur ?
• Milo, je m’appelle Milo. Et vous quel est votre nom ?