Hammer to Fall

Chapitre 1 : Till one day they call your name… we just stand for the Hammer to Fall !

Chapitre final

8743 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 04/12/2023 09:59

Cet O.S. participe au défi d'écriture du forum de fanfictions.fr de novembre-décembre 2023 : Atelier des fanfics sous le sapin. 

Cette histoire est destinée à Hellth, grand fan de Saint Seya. 

Merci à elane67 pour ses relectures bienveillantes.



Hammer to fall


Saori...


L'appel était faible mais suffisant pour la tirer brutalement de son sommeil. Cette voix... Cela fait bien longtemps qu'elle ne l'avait pas entendue. Aurait-elle rêvé ?


Saori... Au secours...


Non, elle n'avait pas rêvé. La supplique était bien réelle. Athéna se redressa dans son grand lit et se hâta de se vêtir : sa longue robe blanche de déesse et son sceptre, cela serait bien suffisant puisque sa nature divine lui épargnait les affres du froid ou l'inconfort de la marche pieds nus. Elle s'élança dans le couloir de son palais plongé dans la pénombre tout en tendant son cosmos vers Mû, son Chevalier d'Or du Bélier. 

— Vous m'avez mandé, ô Athéna, entendit-elle immédiatement dans son dos.

Elle s'arrêta et laissa le Chevalier parvenir à sa hauteur : 

— Mû ! merci d'être venu aussi vite.

Il s'inclina devant elle, auréolé de cette énergie chaude et brillante qui le caractérisait. Les grandes cornes d'or qui lui enserraient les épaules lui conféraient un aspect redoutable et massif qui contrastait avec la douceur de sa voix et de son regard. Elle le savait discret et dévoué et, pour l'heure, c'était tout ce qui lui importait.


Saori... 


Mû se crispa imperceptiblement et ferma les yeux. 

— Evidemment, songea Athéna. Avec des pouvoirs télépathiques aussi puissants que les siens, lui aussi  a perçu l'urgence de cette invocation. 

Elle lui expliqua à voix basse, pour ne pas troubler le silence de l'immense couloir palatial, qu'il s'agissait d'une amie et qu'elle aurait simplement besoin qu'il usât de ses pouvoirs pour la téléporter auprès d'elle. 

— La localisation de sa voix te suffira ?

Il hocha simplement la tête. Satisfaite, Athéna ajouta :

— Merci, Chevalier d'Or du Bélier. Je compte sur toi pour venir me chercher quand je t'appellerai.

Malgré son impatience et son angoisse, elle avait pris garde de rester respectueuse envers Mû. En effet, elle savait le Chevalier susceptible à propos des marques de politesse. Ce n'était vraiment pas le moment de le contrarier, elle avait trop besoin de lui pour cette sortie impromptue. Mû s'avança et s'inclina :

— Je ferai selon votre volonté, mais permettez-moi de ...


Saori... Athéna ?


— Il est temps, Chevalier ! 

— Attendez ! entendirent-ils au fond du couloir.

Athéna se raidit : elle aurait reconnu cette voix entre mille. Même si son propriétaire était cher à son cœur, elle ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel en soupirant : une vingtaine de chevaliers se relayaient pour la protéger dans son palais et il fallait que ce soit son tour de garde !

— Nous assurerons votre sécurité ! lança Seiya en arrivant à leur hauteur, toujours plein de naïve assurance et de sincère dévotion. 

— Chevalier Pégase, il s'agit d'une affaire personnelle que je pense pouvoir régler seule.

Il tiqua. Elle l'avait appelé par son titre et pas par son prénom, comme ils en avaient pris l'habitude. Il la dévisagea, un peu vexé et visiblement intrigué par sa nervosité. 

— Déesse Athéna, insista-t-il en mettant un genou à terre. Vous ne devez pas rester seule. Je ne me pardonnerais jamais si vous...

— Cesse de t'inquiéter pour rien, Chevalier.

— Nous sommes en état d'alerte, argumenta-t-il. Cela pourrait être un piège tendu par nos ennemis. Poséidon s'est peut-être rendormi mais pas Hadès. 

Elle soupira. Saori admirait Seiya au combat, ça ne faisait aucun doute. Mais, autant la foi qui l'habitait réchauffait son âme de déesse et son cœur d'humaine, autant quand il insistait comme ça, il l'exaspérait à un point inimaginable parce qu'elle savait pertinemment qu'elle n'arriverait pas à lui faire changer d'avis. Derrière lui s'approchait Shiryu, dans son armure de bronze du Dragon, droit et silencieux, les yeux fermés. Il resta muet mais elle le savait solidaire de son compagnon d'armes.  

— Je vous en prie, déesse Athéna, laissez-nous vous escorter, ajouta Seiya avant de murmurer : S'il-te-plait, Saori...

Elle céda, pressée qu'elle était de partir. 

— Relève-toi, Seiya. Shiryu et toi pouvez m'accompagner.


Par devers elle, Saori songea que ça aurait pu être encore plus compliqué : par chance, Shun était parti à la poursuite de son frère Ikki, et Hyoga s'entraînait en Sibérie. Pour un peu, elle se serait retrouvée à emmener tous les Chevaliers de Bronze. A deux, ils sauraient rester discrets.

— Je me joins à eux, ajouta Mû.

— Je... non, Mû. Ça ne sera pas nécessaire.

— J'ai un mauvais pressentiment. Je perçois une énergie inconnue, déesse Athéna.

— Quelle énergie ?

— Nous allons dans le monde des hommes, n'est-ce pas ? 

— Effectivement mais je ne pense pas que nous soyons face à une nouvelle Guerre Sainte, Chevalier, répliqua-elle impatiente. 

— Certes mais il me semble que...


Saori .... Athéna...


Elle abandonna la négociation. Elle voulait partir rapidement, seule et en toute discrétion, et la voici escortée de trois chevaliers contre sa volonté. Elle se surprit à se demander qui commandait réellement en ces lieux mais ravala sa remarque inutilement blessante. 

— Mes hommes s'inquiètent pour moi, c'est bien normal,songea-t-elle.

Force était de reconnaître que Saori, cette humaine jeune et imparfaite qu'elle était, ne brillait pas par sa prudence, et qu'Athéna, la sage déesse qui l'habitait, avait tendance à partir seule au combat, souhaitant épargner autant que possible ses Chevaliers ; ce qui n'avait pas été sans occasionner de sérieux problèmes. 


Athéna... C'est vrai que tu es Athéna maintenant. M'entends-tu ? J'ignore comment prier correctement... Mais je ne sais plus quoi faire... Tu es le dernier recours... 


A voix haute, Athéna ordonna :

— Pressons-nous, je vous prie, Chevaliers. 

Elle prit une grande inspiration puis se tourna vers Mû pour lui signifier de commencer. Il joignit alors les mains, se concentra. Soudain une douce chaleur les entoura et pénétra leurs âmes. Après avoir été rendus aveugles, sourds et insensibles le temps d'un battement de cils, ils quittèrent le couloir du palais d'Athéna, aux froids murs de pierres, pour se retrouver dans un tout autre décor. 


Il faisait nuit sur les quais au nord du port de Tokyo. Une sirène de paquebot résonna au loin alors que le tumulte de la ville semblait étouffé par le doux ressac qui se brisait sur le béton et sur les coques des gigantesques navires marchands amarrés dans le noir. 


Athéna...


Les trois Chevaliers tressaillirent. 

— Par là, murmura Athéna en cherchant du regard où son amie pourrait bien se cacher, s'apprêtant à fouiller entre toutes les caisses et les filets entreposés. 

Elle fit quelques pas. Une sorte de brouillard poisseux et invisible s’abattit sur ses épaules. Mû avait raison : quelque chose clochait ici. Une énergie malfaisante était à l'œuvre, ça ne faisait aucun doute. Tout paraissait trop calme, trop parfait. Pas un souffle de vent, pas un insecte, pas un oiseau nocturne. Rien. Elle sursauta quand Shiryu lui attrapa le bras :

— Attendez. 

Aveugle, il avait décuplé ses sens à un tel point qu'il percevait des choses bien au-delà de ce que les autres pouvaient voir, même la divine Athéna. Il désigna alors du doigt une zone entre terre et mer, qui semblait comme les autres. La jeune femme murmura :

— Effectivement. Je sens sa présence mais elle est... brouillée, pour ainsi dire. Et aussi... C'est difficile à décrire.

— Oui, ils sont trois, confirma alors Mû. Elle, un homme et autre chose.


Shiryu se mit alors en garde devant Athéna, bouclier en avant. Mû étendit son énergie protectrice autour d'eux pendant que Pégase passait à l'attaque, frappant droit devant lui. Ses météores se heurtèrent à un puissant champ de force. Les impacts créaient des vagues brillantes et lumineuses sur un voile invisible, comme celles produites par les cailloux heurtant la surface de l'eau. Il frappa tant et si bien que les ondes révélèrent peu à peu la présence d'un dôme immense qui recouvrait presque la totalité des quais.

— Une illusion, affirma Mû. Puissante et très réussie, je dois l'avouer. Je me demande qui peut réaliser un tel sort de protection. 


A force d'insister, Seiya parvint à écarter suffisamment le voile.

— Kaori ! s'écria Athéna, le cœur serré en apercevant enfin celle qui l'avait appelée.

Les pieds pendant dans le vide, la jeune femme était suspendue dans les airs, telle une poupée de chiffons. Elle portait les mains autour de sa gorge comme si elle voulait retirer quelque chose. Ses yeux étaient fermés et son teint pâle comme la neige. La petite troupe avait assisté à suffisamment de combats pour en conclure qu'une main puissante et invisible tenait la prisonnière par le cou.

Bouleversée, Athéna se tourna vers Seiya qui redoubla d'efforts pendant encore quelques instants. Le voile se déchira enfin, dans une explosion éblouissante qui souffla un vent puissant et froid, si froid qu'Athéna en frissonna malgré ses pouvoirs de déesse. Ses doigts se crispèrent sur le métal de son sceptre comme pour contrer l'angoisse qui emprisonnait sa gorge. 


Quand le vent cessa, un grognement caverneux, grave et profond résonna dans l'obscurité, faisant trembler les bâtiments de tôle autour d'eux. De grandes vagues se fracassèrent contre les paquebots et firent jaillir des gerbes d'écume qui retombaient en fine poussière gelée. Le sol se fissura par endroits, pendant que, devant eux, apparaissait une créature horrible. 

Elle était haute comme trois hommes. Des muscles disproportionnés saillaient sur tout son corps qui brillait d'un éclat bleu et argenté. Sa tête, massive, était surmontée de sombres cornes recourbées et ses crocs dépassaient de sa bouche tels des défenses de sanglier. Cette chose tenait Kaori d'une main et la pauvre ne semblait pas peser bien lourd entre ses doigts crochus. 


La bête se tourna vers les assaillants, mugit à nouveau, révélant une gueule terrifiante aux dents acérées. 

— Qu'est-ce que c'est que ça ? cria Seiya. 

La créature sursauta et, indignée, répliqua d'une voix tonitruante :

— Et toi ? Tu es quoi ? 

— Nous sommes des Chevaliers d'Athéna. Libère la fille !

— Non. 

— Alors tu devras m'affronter.

— Viens, petit chevalier à l'armure ridicule. Si tu parviens à t'emparer d'elle, je te la laisse, s’esclaffa la chose.

Athéna l'invectiva :

— Pourquoi t'en prendre à une innocente ?

Le monstre se pencha alors vers elle, intrigué. Il se retrouva si proche que la déesse sentir sentit son souffle sur ses bras nus et son visage quand il gronda : 

— Innocente ? Ça fait bien longtemps que les femmes et les hommes de ce monde ne connaissent plus l'innocence !

Même en se sachant protégée par la puissance du Bélier, Athéna frissonna à la vue de la peau bleuâtre et luisante, recouverte de fines écailles givrées. Mais la peur s'effaça bien vite : en se rapprochant, le géant avait emmené sa prisonnière à sa suite. Pendant quelques secondes, Athéna parvint à croiser le regard de Kaori. Elle avait ouvert les yeux ! Elle était vivante !


Merci... d'être là... 


— Que t'a-t-elle fait, espèce de monstre ? poursuivit-elle.

— Monstre ? Mais qui es-tu, femme, pour me parler ainsi ?

— Je suis la déesse Athéna. Et toi ? Qui es-tu ?

— Quelle petite déesse impertinente ! s'offusqua-t-il. Mais je vais quand même me présenter à toi. Je suis Hosfur, le jötunn des Glaces du Nord, fils d'Ymir, le Géant primordial.

— Tu viens donc de Jötunheim ? l'interrogea alors Shiryu.

— Ohhh, tu connais Jötunheim ? 

— Mon maître m'a conté quelques légendes, oui. Mais je reste cependant assez ignorant de ton monde.

Hosfur fronça ses sourcils recouverts de givre :

— Peut-être sais-tu alors que les dieux sont nos pires ennemis et que mes semblables et moi les combattons depuis la création du monde par le Chaos ? 

La menace était évidente. D'un même mouvement, les deux Chevaliers de bronze se placèrent entre le monstre et Athéna, ce qui fit sourire Hosfur :

— Ne vous énervez pas comme ça. Votre insignifiante déesse arrogante ne m'intéresse pas. C'est elle qui m'intéresse, précisa-t-il en secouant Kaori.

— Pourquoi ? demanda Shiryu. Tu n'as pas répondu

— Elle détient une chose que je veux. Une chose qui me permettra enfin de pouvoir répandre le Chaos originel sur Asgard et Midgard, et pouvoir tout recommencer de zéro, comme mon père l'a fait autrefois avant d'être sacrifié par Cosmos et ses serviteurs les dieux !

— Quoi donc ?

— Crois-tu que je vais te le dire ? Je ne suis pas si bête ! Ça se passe entre elle et moi et elle va me donner ce que je cherche sinon...

Hosfur secoua Kaori qui gémit, épuisée d'avoir tant lutté.


Ryo... Sauve-le... 


— Où est l'homme qui était avec elle ? s'enquit vivement Athéna.

Le géant s'esclaffa :

— Le minus ? J'ai cru un temps qu'il pourrait me servir à la convaincre de me révéler sa cachette. Il a bien tenté de la libérer. Lui aussi était bien trop arrogant pour sa taille. Je n'ai pas vérifié mais à mon avis, il est mort, ajouta-t-il en désignant avec ce qui lui servait de menton un coin sombre où s'amoncelaient des filets de pêche abîmés. 


Seiya comprit immédiatement et s'y précipita.


Non, pas ça. 


Athéna hurla :

— Espèce... de... sale... monstre ! 

- Décidément, tu es vraiment impertinente, Athéna.

— Ce que tu penses de moi m'indiffère, Hosfur. Et tu vas payer pour ton crime !

— Il n'est pas mort ! s'écria Seiya de loin. Il est grièvement blessé mais je sens encore son souffle de vie.

Elle n'en fut cependant pas soulagée. Un cri violent et brûlant monta en elle et investit tout son corps depuis le fond de son cœur. Elle frappa violemment son sceptre sur le quai en béton, prête à engager le combat mais soudain, Mû posa sa main sur son bras, opposant à sa rage une ferme et froide sérénité :

— Non, Athéna. Vous ne pouvez pas faire ça.

Elle regarda le Chevalier d'Or. Elle n'avait envie ni de s'expliquer ni de se justifier. Elle devait obliger cette chose à lâcher son amie et ensuite elle la punirait pour avoir blessé Ryo. 

— Je comprends votre douleur, mais vous ne pouvez pas utiliser les pouvoirs d'Athéna pour une vengeance de Saori.

Elle le dévisagea encore. Il avait raison, elle le savait bien. C'était difficile à accepter mais il avait raison. Elle devait se calmer. Refouler sa colère et sa peine. Réfléchir. Agir en déesse et non en humaine.

Sept ans auparavant, elle avait choisi. Elle avait accepté son destin. Elle avait prêté serment, se faisant une promesse à elle-même. Et elle tiendrait cette promesse. 


Mû la vit respirer profondément et le cosmos divin s'endormit à nouveau. Alors, derrière lui, le chevalier entendit un autre cri plein de rage lancé par Shiryu :

— Si notre déesse ne peut intervenir, Hosfur des Glaces de Jötunheim, nous, nous allons te vaincre ! 

Cette fois, Mû n'y vit aucun inconvénient et ne put se retenir de sourire. Quand il s'agissait de se battre, Seiya et Shiryu étaient rarement en reste. Il ne rejoignit cependant pas les chevaliers de bronze car il avait une autre priorité : sauver l'homme blessé par le géant.

— Tu vas voir ! l'invectiva Seiya. Je suis peut-être plus petit que toi mais je te montrerai que l'armure de Pégase est loin d'être ridicule !


L'avertissement fit rire Hosfur mais pas longtemps. Si aucune des attaques de Seiya ou de Shiryu ne parvenait à le mettre hors d'état de combattre, leur persévérance se mua rapidement en véritable harcèlement. Le géant ne pouvait plus bouger ou respirer sans que les chevaliers ne lui envoient un coup ou une salve d'énergie. Les météores et la colère du dragon s'abattaient sur lui sans relâche, évitant soigneusement la prisonnière. Tel un ours assailli par des abeilles, Hosfur finit par perdre patience. 

Sans même s'en rendre compte, il libéra Kaori afin de pouvoir chasser plus facilement ces petits hommes qui ne reculaient décidément pas. Quand il réalisa son erreur d'inattention, il était trop tard : Kaori se trouvait déjà dans les bras d'Athéna. Il hurla de rage, voulut récupérer sa proie, mais Seiya et Shiryu s'interposèrent.

Derrière eux, la jeune femme toussait pour reprendre de l'air et titubait sur ses jambes chancelantes. 

— Saori... merci, murmura-t-elle, le souffle court. Ryo ? 


La déesse l'éloigna du combat pour l'accompagner auprès de Ryo qui, étendu à même le sol, la tête posée sur un filet de pêche, se faisait soigner par le Chevalier du Bélier. A genou devant lui, Mû, les yeux fermés, avait placé une main au-dessus de son torse, répandant une lueur dorée et chaude. Kaori se laissa tomber au sol, saisit délicatement une des mains du blessé entre les siennes et lui murmura des choses que lui seul pouvait entendre. 

A ses côtés, Athéna avait envie de pleurer. Pour elle, dans ses souvenirs, Ryo était presque invincible, fort, déterminé et droit. Quant à Kaori, elle était pleine de joie de vivre, souriante, impulsive, expansive dans toutes ses émotions. La voir si triste et inquiète, le découvrir vulnérable et pâle, c'était tellement dur.

— Mû ? Est-ce que... Est-ce qu'il va...

Sa voix se brisa. Elle était parfaitement incapable de prononcer ces mots.

— Je ne pense pas, répondit-il d'une voix rassurante. Ses organes sont profondément atteints mais je pense pouvoir le guérir. J'ai simplement besoin de temps.


Kaori soupira dans un sanglot, portant la main de Ryo sur son cœur. De ses yeux cernés de gris et pleins de larmes, elle observa Mû, déconcertée par cet homme en armure dorée, aux longs cheveux violets et au front marqué de deux points rouge sombre. Le chevalier restait concentré sur la tâche qui lui incombait. Son cosmos puissant et bénéfique se répandait tout autour d'eux et leur redonnait un peu d'espoir. Dans leur dos, le combat semblait s'intensifier, ponctué par les exclamations de Pégase et de Dragon. 

Athéna s'agenouilla aux côtés de son amie et passa le bras par-dessus ses épaules tremblantes. Elle cherchait les mots pour la rassurer mais sa gorge était trop serrée. Elle aurait voulu lui dire qu'elle était là pour elle, comme Kaori avait été là pour elle par le passé, mais rien ne vint.


C'était sept ans auparavant par un long jour de pluie.

Elle s'était échappée de la Résidence Kido à la va-vite, sans rien prendre de plus que les vêtements qu'elle portait sur le dos. Elle avait profité de la première occasion pour fuir, partir, quitter ces gens et cet endroit que soudain, elle n'avait plus supportés. Elle avait brusquement décidé d'être libre, libre de faire ce qu'elle voulait, quand elle voulait, comme elle voulait, loin de ceux qui n'avaient eu de cesse de lui dire quoi faire, comment se comporter, ce qu'elle devait apprendre. Ces hypocrites lui avaient tous menti ! Tous ! Tous des menteurs !

Et, en plus, elle entendait de plus en plus souvent et de plus en plus distinctement cette voix, douce mais impérieuse, dans sa tête : 

Écoute-moi... 

Entends-moi... 

Ouvre-toi à moi...

— Non. Je ne veux pas écouter, avait-elle maintes fois répété.

Elle n'en voulait pas de cette voix. Pas en elle. Jamais.


En fuyant, elle avait espéré se fondre dans le décor, disparaître aux yeux de ceux qu'elle détestait, échapper à ce destin que son grand-père lui avait présenté comme inéluctable. 

— Tu es le réceptacle de la déesse Athéna. Tu seras son incarnation sur terre et tu protégeras les Hommes, lui avait-il dit avant de mourir.

— Non, je ne veux pas.

— On ne fait pas toujours ce qu'on veut, Saori, mais ce qu'il convient de faire...

Ce souvenir avait immédiatement réveillé ses larmes et elles avaient coulé le long de ses joues pour se fondre dans les gouttes de pluie ; des larmes de pure tristesse mêlée de rageuse amertume.

Son cher grand-père était mort... mais il n'était même pas son vrai grand-père ! Il lui avait menti ! Il était comme les autres ! Un menteur ! Elle n'avait pas de vraie famille, elle n'était pas une Kido, elle n'avait personne. Elle n'était personne. Pendant toutes ces années, sa vie n'avait été qu'un pitoyable et écœurant mensonge !


Non, tu te trompes. L'amour n'est jamais un mensonge.

Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi !


Elle avait continué à courir ainsi sous la pluie jusqu'à ce qu'elle soit épuisée. Elle s'était alors arrêtée, avait regardé autour d'elle, mais n'avait évidemment rien reconnu. Se sentant soudain seule et vulnérable, elle avait continué à marcher droit devant elle, craignant à chaque pas de faire une mauvaise rencontre. Au milieu de la nuit, épuisée, elle s'était assise dans une ruelle, à même le sol, sous une avancée de toit qui l'avait protégée de l'averse. Elle s'était endormie en serrant sa veste trempée et glacée autour d'elle.

Faim. Froid. Fatiguée. 


Saori s'était réveillée dans une chambre chaude et lumineuse, chez Kaori et Ryo. Malgré leur aspect un peu négligé -elle ressemblant à un adolescent avec sa coupe à la garçonne et ses habits trop grands, lui arborant une veste délavée et des airs d'ahuri- elle leur avait fait confiance mais n'avait cependant pas osé leur dire la vérité.

Elle avait donc prétendu qu'elle ne se souvenait que de son nom, qu'elle avait complètement perdu la mémoire pour le reste. Pas question d'avouer qu'elle entendait la voix d'une déesse dans sa tête, qu'elle devrait un jour devenir cette déesse, protéger la terre de ses ennemis dans une guerre sainte qui impliquerait d'autres dieux aujourd'hui oubliés de tous et qu'elle devrait sauver l'humanité... Ils l'auraient certainement prise pour une dingue et renvoyée dehors. Elle avait demandé si elle pouvait rester un peu.

Kaori avait été tout de suite attendrie, Ryo, plus difficile à convaincre, répétant haut et fort qu'ils n'étaient pas une famille d'accueil pour jeunes filles de dix ans à peine. 

— Onze ans, avait menti Saori, se disant que si elle avouait en avoir seulement neuf, ils appelleraient immédiatement la police. 

Kaori avait levé les yeux au ciel en retour en le traitant d'égoïste fini et d'une longue série de noms d'oiseaux très... colorée. Et Saori était finalement restée. 


Au début, elle avait trouvé leur appartement miteux, étriqué et vieillot. Et puis, elle s'y était habituée. Kaori lui avait appris à ranger les affaires qu'elle lui avait achetées. Elle lui avait montré comment faire son lit et débarrasser la table... mais lui avait préparé des pâtisseries et des glaces délicieuses. Saori avait dû passer le balai et ranger les courses sous le regard exigeant de Ryo. Elle avait ainsi découvert qu'on ne pouvait pas tout acheter, surtout quand on n'en avait pas les moyens, qu'on n'avait pas le droit de critiquer le repas servi par Kaori, au risque de se prendre un coup de pied sous la table de la part de Ryo.

— Moi seul ai le droit de prétendre que c'est pas bon, OK, Miss-S ? Toi, tu dis merci et tu manges tout ce qu'il y a dans ton assiette ou j'me fâche.

Miss-S... C'était ainsi qu'il l'avait surnommée, à cause de la ressemblance entre son prénom et celui de Kaori. Elles étaient ensuite devenues les Miss K&S, il ajoutait souvent des jeux de mots idiots que Saori ne comprenait pas. Kaori, elle, s'en offusquait tant qu’elle finissait par l'aplatir avec une énorme massue sortie de nulle part. La petite fille en avait été surprise au début et puis elle avait fini par s'habituer à ça aussi.


Ils lui avaient laissé le temps de se reprendre pendant quelques jours puis Kaori avait  essayé de lui faire retrouver la mémoire mais Saori avait toujours réussi à esquiver. Même si ça lui avait valu à chaque fois un regard intrigué de Ryo.

Au bout de quelques jours, elle avait découvert la véritable nature de leur relation : Ryo était un nettoyeur, garde du corps ou tueur à gages quand cela s'avérait nécessaire, Kaori remplissait son rôle de partenaire et associée. Ensemble, ils se faisaient appeler City Hunter. On les contactait via un code secret, XYZ, qu'on écrivait sur le tableau des messages situé à la sortie Est de la gare de Shinjuku. 

C'était lors d'une de ces missions que Ryo était allé libérer Kaori et une jeune femme dont Saori avait oublié le nom. Seul, il les avait tous affrontés. Elle avait été impressionnée par sa bravoure et sa ténacité, même s'il combattait sans pouvoir, sans technique particulière et sans armure pour le protéger. 


Quelques jours plus tard, en revenant d'une modeste sortie shopping subventionnée par la réussite de ladite mission, Saori avait fini par avouer à Kaori qu'elle n'avait pas perdu la mémoire, qu'elle avait simplement découvert qu'elle avait été adoptée et qu'elle ne savait plus qui elle était vraiment. La jeune femme n'avait rien répondu et l'avait trainée jusque dans un cimetière, devant une tombe froide où elle avait déposé, dans un petit vase en acier, un bouquet de fleurs blanches acquis en chemin. Les chiffres gravés sur la pierre indiquaient un décès récent. 

— C'était mon frère, avait murmuré Kaori. Makimura Hideyuki. Cependant, nous ne l'étions pas par le sang. Je ne suis pas née Makimura, je le suis devenue. Et tu sais quoi ? Ce n'est pas le plus important. Il était et restera mon frère, parce que c'est ce que mon cœur me dit. Rien ne changera jamais ça. Jamais.

Saori l'avait dévisagée, surprise et peinée.

— Ne dis rien à Ryo. Personne ne sait que je sais, avait ajouté la jeune femme à voix basse avant de lui sourire gaiement. Allez ! viens, on va manger une bonne glace maintenant !


Quelque temps plus tard, en pleine nuit, la voix d'Athéna avait résonné bien plus fort qu'à l'accoutumée et Saori s'était réveillée en sursaut. 


Kaori et Ryo sont en danger, Saori !


En s'aventurant dans la pénombre du couloir, la jeune fille avait constaté que ni l'un ni l'autre n'étaient dans leurs chambres. Elle avait trouvé Ryo au salon, toutes lumières éteintes, épiant subrepticement à travers les lamelles du store baissé.

— Chuuuut, avait-il chuchoté tout en emplissant ses poches de munitions. On est cernés par une véritable armée. Kaori est allée à l'armurerie faire le plein et prendre son bazooka.

Saori l'avait regardé, éberluée. 

— Rejoins-la, lui avait-il ordonné. Elle te montrera un tunnel par lequel tu pourras t'échapper.

— M'échapper ? Et toi, tu ne viens pas ?

— Moi ? Je ne vais pas les laisser s'en prendre à nous comme ça. Ils sont venus pour se battre ? Eh bien, ils me trouveront, avait-il ajouté en dégainant son arme. 

Saori n'avait pu retenir ses larmes :

— Non, je ne veux pas vous laisser !

— C'est dangereux, Miss-S, tu dois te mettre à l'abri. Maintenant.

— Est-ce que... Est-ce que je te reverrai ?

Il lui avait brusquement souri :

— Mais ouiii ! Je n'ai pas l'intention de mourir, petite ! J'ai toujours survécu. Et par tous les moyens, je survivrai pour protéger celles qui comptent. 

— Tu me le promets ?

— Mais oui. Et sache que je tiens toujours mes promesses. Allez, va !

N'ayant pas d'autre choix, Saori s'était élancée dans l'escalier, à la recherche de Kaori. Les derniers mots de Ryo avaient étrangement résonné dans son cœur, écho aux paroles d'Athéna :


Il se bat pour protéger ceux qu'il aime. L'amour est la plus grande des forces.

Il va mourir. Je le sens.

A toi de changer son destin...


En arrivant au sous-sol, elle était passée devant la porte d'entrée vitrée de l'immeuble et c'était là qu'elle les avait vus... Elle s'était figée : un simple coup d'œil lui avait suffi pour comprendre de quoi il retournait. Le bâtiment était effectivement assiégé par une centaine d'hommes en noir lourdement armés et plusieurs jeeps blindées, militairement équipées. Saori n'avait eu aucun mal à reconnaître la section d'intervention de la Fondation Kido. Elle avait même aperçu Tatsumi, son majordome, reconnaissable à sa grande silhouette, son crâne lisse et chauve, à l'arrière d'une des voitures. Elle n'avait pas vu son regard mais elle l'avait senti déterminé. Il était là pour elle. Ils avaient fini par la retrouver... Comment avaient-ils fait ? Elle était restée discrète pourtant. Ils devaient la penser prisonnière, c'était pour cela qu'ils étaient armés jusqu'aux dents.

Elle avait déjà entendu Tatsumi et son grand-père parler de la force de frappe de cette faction et ce n'était certainement pas le revolver de Ryo, si efficace soit-il, ou un bazooka, même manié par Kaori, qui allaient pouvoir faire face à ça... Oh non !


Veux-tu protéger ceux qui comptent, toi aussi ?

Oui !

Alors, agis !

Que faire ?

Ce que ton cœur te dicte !


— Saori ! avait-elle entendu depuis le fond du couloir. Viens, c'est par ici !

La jeune fille s'était tournée vers Kaori, leurs regards s'étaient croisés. Cependant, Saori n'avait pas bougé, même quand les fondations avaient tremblé sous l'explosion d'un obus dans la façade et qu'une fine poussière de plâtre était tombée sur elles, telle une douce pluie d'hiver.


Accepte-moi. C'est ta destinée. 

Je le sais. Aide-moi !


— Vite, dépêche-toi ! avait insisté Kaori en lui tendant la main.

— Je suis désolée, avait-elle murmuré avant de s'élancer vers la porte. 


Comment la porte s'était-elle ouverte ? Comment avait-elle retenu les ogives suivantes ? Comment s'était-elle retrouvée devant ces hommes ? Comment les avait-elle soumis ? Pourquoi avaient-ils baissé leurs armes avant de tous mettre un genou à terre ? Quand ses cheveux étaient devenus si longs qu'ils atteignaient maintenant le bas de son dos ? D'où sortait cette longue robe blanche majestueuse ?

Elle n'en avait eu absolument aucune idée. Elle avait réussi à ouvrir la porte pourtant verrouillée à double tour, elle avait étendu les bras et avait laissé faire Athéna.

Quand Saori s'était retournée, Kaori la dévisageait, interdite, les yeux écarquillés, un lance-missile accroché mollement dans son dos. Elle s'était approchée :

— J'aurais dû te le dire... Je...

— Comment as-tu fait ?

La jeune fille s'était inspectée, hésitante : ses mains, ses bras, son dos, ses cheveux, sa robe qui frôlait le sol et masquait ses pieds :

—  Je suis devenue celle que je devais être. Enfin je crois... J'ai voulu protéger ceux qui comptent. J'ai fait comme lui.

Athéna avait levé les yeux vers Ryo qui, appuyé contre le rebord de la fenêtre, une cigarette déjà allumée aux lèvres, lui avait envoyé de loin un sourire radieux et un salut militaire.

— Ah, il fait ça lui ? avait plaisanté Kaori.

— C'est ce qu'il m'a dit.

— Ah bon ? s'était étonnée Kaori en rougissant un peu.


Athéna avait pris la main de la jeune femme entre les siennes : 

— Je vais repartir avec eux... Ce sont mes hommes, ceux de la Fondation Kido. Je suis l'héritière de Kido Mitsumasa... et suis aussi maintenant la réincarnation d'Athéna sur terre.

— Et bah... 

— Merci pour tout. Je ne vous oublierai jamais, Ryo et toi. Pense très fort à moi si tu as besoin de mon aide. Je suis prête à assumer mon rôle maintenant. 

Et elle l'avait été. Elle avait pris les rênes de la Fondation et cinq ans plus tard, avait organisé le tournoi galactique, affronté l'usurpateur du Sanctuaire, puis Poséidon. Tant de combats...


Shiryu fut propulsé près d'Athéna, la tirant brusquement de ses pensées. Il se rattrapa en glissant sur ses pieds, une main au sol.

— Nos coups restent sans effet, c'est à n'y rien comprendre.

— Pourquoi s'en prendre à eux ? C'est quoi cette chose qu'il cherche ? s'enquit Seiya qui venait de le rejoindre en glissant dans la même position.

— Je n'ai pas compris, répondit Kaori. Il me répétait qu'il voulait une meule noire mais franchement, je ne comprends rien à ce qu'il raconte !

Athéna baissa les yeux.


Meule noire ? Meule noire ?


Soudain, elle s'écria en se tournant vers Kaori :

— Je sais ! Mjöllnir ! Tes massues ! C'est tes massues qu'il veut !

— Mjöllnir ? s'étonna Mû, toujours occupé à soigner Ryo grâce à sa cosmoénergie. Le marteau du dieu Thor ?

— Oui, les dieux d'Asgard ont créé leur monde à partir des restes du père d'Hosfur, Ymir, le géant né du Chaos, expliqua la déesse. Les Ases, menés par Odin et son fils Thor, se sont ensuite lancés dans une guerre perpétuelle contre les géants des glaces.

Kaori la dévisagea, incrédule :

— Pourquoi vouloir ce marteau ?

— Pour s'en servir ? proposa Seiya soudain de retour avant de repartir à la charge.

— Pour s'en protéger, corrigea Shiryu. Imaginez que ça soit la seule chose qui puisse l'atteindre ? L'avoir dans son camp pour le détruire ou le mettre en lieu sûr...

— ... c'est s'assurer une victoire certaine, compléta Mû.

Tous se tournèrent vers Kaori :

— Où est Mjöllnir ?

La jeune femme écarquilla les yeux :

— Je n'ai volé aucun marteau. J'utilise simplement mes massues... comme je le fais depuis toujours.

Kaori expliqua alors aux chevaliers qu'elle parvenait, elle ne savait pas comment, à faire sortir de nulle part des maillets, des masses, des gourdins ou d'autres armes contondantes, généralement pour punir les types qui se comportaient comme des satyres.

— Mes massues... seraient... des marteaux divins ? C'est n'importe quoi !

— Peut-être pas tous, suggéra Athéna. Un seul, dissimulé parmi les autres ?

— Mais je ne suis pas Thor !

— Vous avez certainement été un de ses réceptacles dans une vie antérieure, proposa Mû. J'imagine que ce genre d'expérience peut laisser des traces, en quelque sorte. 

— Quoi ? Non, non, c'est ... complétem...

— Frappez-le avec une massue et ça sera fini ! l'encouragea Seiya occupé à matraquer le géant de ses attaques fulgurantes mais toujours inefficaces à occire Hosfur.


Kaori lâcha délicatement les doigts inertes de Ryo et se leva. Elle s'éloigna de quelques pas, tendit les mains, ouvrit et referma les poings mais rien ne vint.

— Ca ne fonctionnera pas comme ça, expliqua Athéna. A chaque fois que je l'ai vue utiliser cette technique, elle était furieuse. Là, son inquiétude pour Ryo étouffe ses autres émotions.

— Je peux l'aider, affirma Shiryu. Elle a simplement besoin de canaliser son énergie et la colère nécessaire pour matérialiser l'arme. Comme moi avec Excalibur.

Kaori les observait, les yeux écarquillés :

— Excalibur ? 

Athéna prit les mains de Kaori entre les siennes :

— Nous n'avons pas le temps de tout t'expliquer, je m'en excuse, tu vas devoir nous faire confiance. Nous devons à tout prix empêcher ce géant de répandre le Chaos sur Terre. C'est notre mission à tous. Tu comprends ?

— Oui, j'ai suivi le tournois galactique à la télé, tu sais, avoua Kaori d'un ton admiratif avant de se tourner vers le Chevalier du Dragon :  Vous m'avez beaucoup impressionnée, d'ailleurs.

Shiryu inclina respectueusement la tête puis Athéna s'adressa à lui :

— Tu dois pousser ton cosmos à son paroxysme pour déployer Excalibur, tu maîtrises le septième sens. Mais comment Kaori pourrait-elle réaliser une telle prouesse ? Elle n'est pas entraînée.

— C'est possible si je canalise son énergie avec mon cosmos et que je la guide. Je vous promets de veiller sur elle et de ne pas mettre sa vie en danger.

— D'accord. Après tout, nous devons faire quelque chose. Je te fais confiance, Chevalier. 

— Non, attendez... objecta Kaori qui commençait à paniquer.

Avant qu'elle n'ait eu le temps de faire quoique ce soit, Shiryu passait dans son dos et posait délicatement les mains sur ses tempes. Le temps suspendit alors son vol et le cœur de Kaori, ses battements.


Autour d'elle, le parfait silence. Puis un doux murmure : de l'eau... De l'eau vive... Qui chantait... Non, qui grondait, puissante, tumultueuse. Le vent caressait son visage : un souffle doux et frais… Pur. La lumière frôlait ses paupières, invitant son regard à venir admirer ce qui se passait de l'autre côté. 


N'ayez pas peur.


Elle ouvrit enfin les yeux et découvrit un paysage grandiose : l'eau d'une large rivière plongeait depuis une falaise de pierre qui frôlait le ciel cerné de hautes montagnes acérées, jusqu'au fond d'une vallée encaissée. A genoux sur un rocher plat face au tumulte, elle pouvait admirer en contrebas un arc en ciel produit par une multitude de fines gouttelettes. Elle eut l'impression de rêver. Tout était tellement paisible.


Ce n'est pas un rêve. C'est chez moi. Je vous présente la chute de Rozan et les montagnes des Cinq Pics. 

C'est magnifique ! Mais comment sommes-nous arrivés ici ?

Nous n’y sommes pas vraiment. Je vous ai ouvert mon esprit. Nos enveloppes corporelles sont encore là où nous les avons laissées.

Pourquoi ?

Parce que c’est un endroit bien particulier. C'est sur ce même rocher que mes maîtres avant moi, et moi ensuite, nous sommes entraînés. Nous y avons médité. Nous y avons tout appris. Et c'est ce que vous allez faire, Madame.

Madame !?


Shiryu avait délaissé son armure pour un simple ensemble traditionnel chinois bleu clair, de la même couleur que ses yeux dont il avait retrouvé l'usage dans cette projection spirituelle. Il ne répondit pas et se contenta de s'asseoir en tailleur sur le rocher, face à l'eau qui tombait inlassablement, et ferma les yeux. Kaori comprit qu'elle devait faire de même et s'exécuta. C'était loin d'être confortable, même en esprit, et elle n'arrêtait pas de gigoter.


En chaque être humain réside une partie du souffle divin : le cosmos, une énergie à la source de toute vie. Ici, terre, ciel, vent et eau se rencontrent et mêlent leurs énergies créatrices. Ici, on peut élever son cosmos et le diriger. Il vous suffit d'écouter.

Ryo ? Comment va-t-il ? 

Ne vous inquiétez pas. Mû s'occupe de lui et nous avons tout notre temps. Les heures ici ne sont que des battements de cœur là-bas. 


Kaori se concentra de toutes ses forces mais, inlassablement, son inquiétude pour Ryo venait accaparer ses pensées, troublant sa concentration déjà relativement faible. Elle craignait tant de le perdre lui aussi ! Elle ne voulait pas ressentir à nouveau la douleur de perdre un proche.


L'amour est une force. Le courage et la foi en la Justice aussi. Vous le savez mieux que personne. Je le lis dans votre cœur. Concentrez-vous. Ecoutez autour de vous.


Shiryu tendit son cosmos et elle sentit une douce chaleur paisible l'envelopper. Elle respira profondément, ferma les yeux et se laissa bercer par le grondement persistant de la cascade. Cela dura longtemps, très longtemps.

Et puis soudain, elle entendit : la goutte qui éclate sur le rocher, celle qui rebondit sur le brin d'herbe, celle qui se laisse glisser sur la feuille, celle qui s'écrase sur le caillou, celle qui se pose sur son pied, celle qui s'envole vers les nuages… Et aussi, le rire du vent qui tournoie autour d'eux et qui joue avec les poussières d'eau, les pulsations de la terre en dessous d'elle... Puis elle vit, même si elle avait toujours les yeux clos, le ciel qui s'ouvre et qui lui révèle ses précieuses étoiles, la galaxie, l'univers. L'infini. La vie.

Elle retint son souffle. Une sorte de chaleur, minuscule, presque imperceptible se mit à briller doucement dans son cœur, petite étincelle verte, infime partie du grand tout.


Vous avez trouvé. Gardez cette flamme.


Et brusquement, la petite braise rencontra un véritable incendie quand l'énergie de Shiryu l'entoura. Kaori paniqua quand elle vit un énorme dragon fondre dans sa direction, l'encercler, s'enrouler autour d'elle avant de plonger son regard azur dans le sien.


Tout va bien. Vous venez de réveiller votre cosmos et de rencontrer le mien. Maintenant, laissez-moi vous guider. Vous allez libérer votre cosmos et je guiderai l'attaque.

En gros, je tire et vous visez ?

Heuuu... Oui, pourquoi pas. C'est une image un peu simpliste mais exacte.

J'ai déjà fait ça avec Ryo. Enfin presque… c’était plutôt moi qui visais et lui qui… mais qu’importe. J’espère pouvoir y arriver.

J'ai confiance en vous, Madame. Allons-y. Seiya ne pourra pas tenir éternellement et je ne tiens pas à ce que tous les Chevaliers soient obligés d’intervenir.


Et elle ouvrit les yeux. Ils étaient à nouveau sur les quais, il faisait toujours nuit et rien n'avait changé. Les attaques de Seiya maintenaient Hosfur loin d'eux. 


Nous y sommes.

Oh, toujours dans ma tête ?

Je ne vous lâcherai pas. Prête ?

Oui. Il le faut. 


Kaori et Shiryu se relevèrent d'un même mouvement et se tournèrent vers le combat qui opposait Hosfur et Pégase. Les yeux du Chevalier du Dragon restaient clos mais ceux de Kaori brillaient maintenant d'un puissant éclat viride. 

— Hosfur ! crièrent-ils ensemble.

Le géant se retourna et sourit, satisfait que sa proie le défie :

— Viens, petite, viens. Viens me donner ce que je convoite.

— Ca pour te le donner... Je peux te garantir que tu vas le recevoir, Hosfur, Géant des Glaces de Jötunheim !  

— Renonce à ce combat et repars d'où tu es venu, conseilla Shiryu. Comprends que nous ne pouvons simplement pas te laisser répandre le Chaos sur cette terre que nous avons promis de protéger. Si tu renonces, nous te laisserons la vie sauve. Tu as notre parole.

— Jamais de la vie, petit Chevalier du Dragon. Je vous vaincrai, gronda le géant avant de pousser un rugissement terrifiant. 


Ses muscles se contractèrent puis gonflèrent, décuplant sa taille et sa carrure imposante. Sa peau se mit à luire et à irradier un froid glacial autour de lui. Kaori et Shiryu n'y prêtèrent pas attention car le Chevalier du Dragon réveillait déjà graduellement son cosmos. Une lueur bleutée nimbait son corps, son armure et Kaori toute entière qui, elle, rayonnait d'une lueur émeraude. 

— Tu l'auras voulu, Hosfur des Glaces. Nous ne retiendrons donc pas notre force de frappe.

Le géant se contenta de rire et de se mettre en position : pieds ancrés dans le sol, genoux fléchis et buste en avant. Seiya, lui, recula un peu, épuisé, pendant que Mû observait l'attaque, curieux de voir comment le Chevalier du Dragon allait procéder. Athéna, elle, retenait son souffle.


Shiryu leva une main vers le ciel puis tendit l'autre vers la terre, les doigts repliés. Puis, lentement, ses bras esquissèrent un cercle, tournant l'un autour de l'autre. La lueur bleue s'intensifia, souffle puissant et tiède, chargé de puissance vitale, faisant onduler ses longs cheveux noirs, réveillant le tatouage du dragon dans son dos. La vague d'énergie engloba Kaori qui avait pris la même position que lui et qui suivait parfaitement ses gestes. 

Le cosmos de Shiryu fit apparaître un dragon rugissant, aux canines acérées, aux écailles brillantes bleues et blanches, qui s'éleva derrière eux. Sa silhouette puissante et serpentine s'enroula autour des deux combattants qui levèrent leurs visages vers le ciel, poings serrés :

— Brûle, notre cosmos !

Le dragon bleu se colora soudain de vert, une teinte de jade de plus en plus intense puis rugit et fonça vers son adversaire en même temps que Shiryu et Kaori s'élançaient à la vitesse de la lumière. Le Chevalier du Dragon invoqua son arcane fétiche :

Rozan Shô Ryû Ha ... [Dragon suprême ascendant de Rozan !] 

— ... enflamme Mjöllnir ! compléta Kaori.


En volant à leur suite, le dragon changea de forme : il se mua en un énorme marteau étincelant, lourde charge lumineuse terminée par un manche massif qui se cala dans la main de Kaori. La guerrière novice l'enserra et affermit sa prise sur son arme, la soupesa avec satisfaction, en appréciant la forme et le poids divinement parfaits. Ils arrivèrent en dessous du menton du géant et le marteau vint percuter avec une violence absolue la mâchoire glacée, projetant Hosfur vers le ciel. Le jötun alla s'abattre au sol, plus loin, faisant tout trembler alentour et fissurant le béton des quais. 

Shiryu et Kaori abaissèrent leurs poings, le marteau se dissipa comme un nuage de poussière et le cosmos du Dragon s'apaisa, rompant ainsi le lien qui s'était créé entre eux. La jeune femme, épuisée et pâle, vacilla quelques secondes sur ses jambes fragiles mais finit par se redresser fièrement, surprise d'avoir réussi du premier coup. Ses yeux avaient retrouvé leur couleur noisette habituelle.

Ils s'approchèrent alors de l'immense corps du géant. Il respirait encore ; faiblement, mais il respirait. Les sentant approcher, il tourna sa tête monumentale vers eux et gronda dans son dernier souffle :

— Vous n'avez pas gagné la guerre mais un simple combat. Un jour, le Chaos reviendra sur Midgard. Les forces des Enfers se préparent.

Ses yeux se fermèrent et son menton retomba mollement sur sa poitrine inerte. C'en était fini du grand Hosfur. Sa peau perdit sa brillance et se couvrit d'une multitude de crevasses. Les écailles craquelèrent. Une détonation retentit quand le corps du géant explosa, répandant dans l'atmosphère une myriade de paillettes glacées qui volèrent dans la brise de l'aube naissante.

Ce matin-là, les habitants de Tokyo eurent la surprise de trouver les fleurs de leurs cerisiers nappées d'une fine couche de givre cristalline. Ainsi finit l'un des derniers Géants des Glaces.


Un toussotement rompit le silence et tous entendirent une voix légèrement éraillée dans leur dos :

— Bah dis-donc... Et dire que je me mange des marteaux divins sur le crâne depuis des lustres, je dois être sacrément résistant.

Kaori se retourna brusquement et s'élança vers Ryo pour lui sauter au cou ! Il était encore pâle, respirait difficilement mais il était de retour !

— Doucement, doucement... Faudra me rappeler de faire attention à plus te mettre en rogne. Pas envie de finir en neige, moi !

Mû s'éclaircit la gorge et précisa :

— Pourtant, j'ai senti un vrai potentiel en vous, Monsieur Saeba. Vous ne voudriez pas devenir chevalier ?

— Quoi ? Naaaaan, suis trop vieux pour ça ! Et surtout, le prenez pas mal, mais si c'est pour finir en boîte de conserve, merci, mais non merci !

— Ryoooo ! le morigéna Athéna les sourcils froncés, ce ne sont pas des boîtes de conserve mais des armures sacrées !

— Pour moi, ça reste des boîtes de conserve. Comme toi, tu resteras ma petite Miss-S, malgré tout le chemin que tu as parcouru, Déesse Athéna !

Il lui tapota la tête, devant les yeux écarquillés et horrifiés des Chevaliers puis ajouta :

— Au fait, tu ranges bien ta chambre, j'espère ? 

Athéna le dévisagea, interdite. Puis la divinité choisit de s'effacer un instant et laissa Saori éclater de rire, un rire humain, réel et bienfaisant, communicatif.


Il fut ensuite rapidement temps de prendre congé et Mû était déjà prêt à repartir en Grèce. Ryo avait refusé son aide pour regagner leur appartement, préférant rentrer à pied. 

— Vous avez déjà fait beaucoup pour moi, Chevalier. Merci pour tout. Vous m'avez permis de tenir ma promesse.

— Laquelle ? 

— Survivre par tous les moyens pour protéger celle qui compte.

Ryo passa un bras par-dessus les épaules de Kaori et l'attira à lui, posant sa joue sur ses courts cheveux roux en bataille. La jeune femme rougit, ce qui le fit sourire puis il se tourna vers Athéna :

— Va, toi et tes Chevaliers, vous avez la Terre entière à protéger.

Tous hochèrent la tête. 


Athéna sentit une vague de nostalgie envahir son cœur. Elle serait bien restée encore un peu, pour partager un repas, un fou rire, un épisode d'une série idiote, une barbapapa, qu'importe... Juste un petit moment avec eux. Mais elle n'en avait pas le temps. Pas encore. Elle avait une promesse à tenir elle aussi. 

Mû ferma les yeux, se concentra. Et tout s’effaça, ne laissant que des souvenirs… Des souvenirs de cette nuit, sept ans auparavant, où, au pied d'un immeuble de Tokyo, tout avait changé, où elle avait changé.


Après avoir quitté Kaori et Ryo, l'escorte de Tatsumi avait ramené Saori, devenue l'incarnation d'Athéna, directement à la Résidence de la Fondation Kido. En descendant d'une des jeeps blindées, la jeune fille s'était immédiatement rendue au planétarium, cet énorme dôme aux écrans holographiques, où son cher grand-père lui avait appris à reconnaître et nommer toutes les constellations. 

Cet endroit avait été leur repaire quand elle était petite, tant et si bien qu'elle avait toujours l'impression d'y sentir sa présence. En plus, un système de haute technologie pouvait projeter un hologramme de Mitsumasa Kido ; elle avait découvert cette fonction juste avant de s'enfuir.

Mais cette nuit-là, elle n'avait pas eu besoin de l'activer pour percevoir l’aura rassurante de son grand-père. Son grand-père. Parce que c'était ce que lui dictait son cœur. Elle n'était peut-être pas une Kido par le sang mais elle l'était par le cœur. A jamais.

Elle avait activé les écrans et la voûte s'était obscurcie puis avait représenté la nuit céleste et l'immensité de la galaxie. Athéna s'était tournée vers les représentations du Soleil et de la Voie Lactée. Du haut de sa toute nouvelle nature divine, les yeux tournés vers l'immensité étoilée, elle avait fait un serment en ces lieux :

— Je suis prête, Grand-Père. J'ai accepté qui je suis. Je promets que je me battrai pour protéger ceux qui comptent vraiment. Je le jure devant le Cosmos et les étoiles qui le composent : je préserverai par tous les moyens la Terre, les Hommes et toutes les destinées...


FIN


Laisser un commentaire ?