La forge d'une légende.

Chapitre 1 : L'héritage d'Erichthonios, le premier Saint d'Athéna.

Chapitre final

8211 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 16/07/2023 21:39

"À vous, jeunes guerriers, je vous confie mes mères, Athéna et la Terre."


Telle une bouteille lancée dans l'océan du temps, un message dérivant dans la mer des générations, voici les dernières paroles du tout premier Saint d'Athéna, Erichthonios. Mais qui était-il réellement ? Pourquoi a-t-il été oublié par les générations successives de chevaliers ? D'où vient-il et quels sont les événements qui l'ont conduit à laisser ce message en héritage ? Voici son histoire.


**


Durant les Temps Anciens de la Mythologie, les dieux régnaient en maîtres sur la Terre. Ces êtres divins étaient issus de l'espèce humaine dont certains individus avaient réussi à maîtriser le cosmos, l'énergie de leur univers intérieur. Ces humains parvinrent ensuite à s'ouvrir au Big Will, les Volontés Divines, ce qui leur permit de faire évoluer leur cosmos en dunamis. Cet état supérieur de leur énergie interne les rendit aptes à modifier l'univers extérieur et ils devinrent des dieux. 


Le plus puissant d'entre eux, souverain de l'Olympe, dieu du ciel, du tonnerre et des éclairs, était le cronide Zeus. Avec ses cinq frères et soeurs, Poséidon, Hadès, Héra, Hestia et Déméter, ainsi que huit de ses enfants, Héphaïstos, Apollon, Artémis, Hermès, Dionysos, Aphrodite, Abel et Athéna, ils formaient les quatorze Olympiens, l'élite des divinités. Mais il advint qu'un jour, Abel complota contre Zeus et Apollon. Arrêté et jugé par les siens, sa sentence fut de sombrer dans l'oubli, de voir son nom rayé des archives mythologiques et d'être banni de la montagne sacrée. Après son départ, Arès fut nommé Olympien à sa place. 


Ce fut peu de temps après ce tragique événement que le chef des dieux convoqua sa fille Athéna auprès de lui. La déesse de la sagesse et de la guerre juste avait toujours été la plus proche de son frère Abel et elle souffrait beaucoup de son exil.


- Ma fille, commença Zeus lorsqu'Athéna se fut agenouillée face à lui, je t'ai convoquée car je te sais affligée de ce qui est advenu à ton frère. Tu as toujours été la plus compatissante de nous tous. Tu es admirable de vertus… autant que tu es redoutable à les défendre. C'est pour cette raison que je t'ai choisie.


La déesse redressa la tête, intriguée.


- Choisie, père ?


Zeus rejoignit sa fille et lui intima de se relever. Leurs regards divins, d'une profondeur infinie, plongèrent l'un dans l'autre et un dialogue dunamique se mit en place, une immersion complète dans les univers intérieurs l'un de l'autre, une imbrication totale de leurs mondes internes. Dans ce mode de communication, nul mensonge n'était possible, aucune duperie ou ambiguïté ne pouvait altérer la sincérité de la discussion qui, de surcroît, restait d'une intimité sans égale.


- Le complot d'Abel n'était qu'un leurre pour provoquer son départ, annonça Zeus. Cosmos et Chaos, les deux entités primordiales à l'origine de tous les univers et qui se font la guerre depuis des milliards d'années, amènent petit à petit leur conflit vers notre dimension. Elles sont en train de rassembler leurs guerriers. J'ai été appelé par Cosmos et j'ai envoyé mon plus fidèle fils comme émissaire auprès d'Elle. Ton frère a sacrifié son honneur et son nom pour rejoindre en secret l'armée de cette entité. Je dois maintenant le rejoindre.


Athéna écoutait dans un silence respectueux le discours de son illustre père.


- Je ne peux pas laisser la Terre sans gardien. Mes frères, Hadès et Poséidon, sont trop ambitieux et ne portent pas les humains, pourtant notre espèce d'origine, dans leurs cœurs. Mes sœurs ne se sentent pas assez concernées par les créatures vivantes. Quant à tes frères et sœurs, chacun ne voit pas réellement plus loin que leur bulle de pouvoir. Ils dédaignent les humains qui ne les vénèrent pas. Toi seule porte une vraie considération envers tous les humains, malgré leur grossièreté apparente ainsi que leurs imperfections flagrantes, et ce qu'ils te révèrent ou non, mais plus largement à toutes les autres espèces de cette planète.


Athéna avait compris depuis un certain temps où voulait en venir son père. Mais elle le laissa conclure par respect envers la confiance dont il la gratifiait.


- Ma fille, je te lègue la Terre et ses habitants. Puisses-tu les protéger et les sauvegarder.


Le dialogue dunamique se rompit et chacun regagna son univers intérieur, une séparation dont seuls les dieux pouvaient sortir vivants et indemnes.


- J'ai compris, père, déclara Athéna en s'inclinant. Je vous fais la promesse de défendre notre planète et tous ses occupants.


Zeus passa affectueusement le dos d'une main sur la joue de sa fille.


- Je savais pouvoir compter sur ton abnégation. Je suis persuadé que je ne me trompe pas. Va maintenant, retourne à ton domaine. Je ferai mon annonce sous peu et partirai sans tarder. Qui sait si nous nous reverrons jamais ?


La déesse de la guerre prit congé et regagna ses terres, une île au large d'Athènes. Peu de temps après, le grand dieu de la foudre annonçait aux Olympiens qu'il quittait cette dimension et laissait la Terre aux bons soins de sa fille Athéna, déesse de la sagesse. Les douze dieux restants accueillirent très mal la nouvelle. Chacun d'eux tenta d'argumenter en sa faveur, y voyant là l'occasion d'augmenter son hégémonie. Mais point ne fut besoin de justifier sa décision et il ne revint pas dessus, n'acceptant aucune concession. Il était leur suzerain et sa parole était loi.. Dégoûtés, les dieux s'éloignèrent de la nouvelle protectrice consacrée. Elle sut qu'elle avait perdu le soutien des siens.


Héphaïstos fut le premier à revenir vers elle. Le dieu du feu et de la métallurgie déploya mille et un efforts pour la séduire et essayer de récupérer une part du "butin" en rentrant dans ses bonnes grâces. Il semblait persuadé qu'en s'unissant à Athéna, celle-ci accepterait de lui concéder une partie de la Terre. Mais elle le repoussa autant de fois que de tentatives. 


Comme la séduction ne fonctionnait pas, il tenta la domination. Profitant de sa puissance physique supérieure, tout son être déjà tendu du plaisir qu'il anticipait, il la saisit violemment et s'apprêta à la faire sienne. Mais Athéna n'était pas déesse de la guerre pour rien et la force brute n'est pas la seule façon de vaincre. Fine stratège, elle fit semblant d'abdiquer et attendit le moment où la vigilance d'Héphaïstos flancha. À cet instant précis, elle sortit ses armes et usa de son bouclier et de son sceptre, parvenant à défaire son frère dont la semence échoua sur sa tunique. Héphaïstos, vaincu dans son amour propre, repartit bredouille et en colère. Athéna essuya alors son vêtement souillé avec un morceau de laine qu'elle déchira de sa tunique et le jeta dédaigneusement à terre.


Mais on ne se débarrasse pas impunément de la liqueur séminale d'un dieu. Celle-ci ensemença Gaïa elle-même et la titanide donna naissance à un enfant sous les yeux médusés d'Athéna.


- Je ne peux pas m'occuper de cet enfant, jeune déesse. Acceptes-tu de l'élever et de l'éduquer ?


La sagesse était de mise. Cet enfant n'avait commis aucun crime envers sa personne et la déesse le savait condamné si elle n'abondait pas dans le sens de la titanide. Elle prit l'enfant dans ses bras et le recueillit tendrement.


- Grande Gaïa, je m'occuperai de ton fils et lui inculquerai l'amour de la Terre que tu représentes et dont je suis la gardienne.


- Douce Athéna, je t'en sais infiniment gré. Comment l'appelleras-tu ?


Athéna réfléchit un cours instant en contemplant la vie qui lui était remise.


- Il se prénommera Erichthonios, de érion, la laine, et khthốn, la terre.


Elle perçut la joie ineffable et la bénédiction de Gaïa comme la confirmation du bien-fondé de son choix. Le bébé la fixa d'un regard bien trop mature pour un nouveau-né et elle sut qu'il ne serait pas une existence ordinaire.


Les années passèrent et Erichthonios grandit. Elle lui enseigna la maîtrise du cosmos et le versa dans les arts de la philosophie. Il se prit lui-même de passion pour l'étude des astres. Élève doué, il développa néanmoins un talent qu'elle n'avait pas pu lui transmettre et qu'il n'eût pas à rechercher : celui de forger. Une qualité innée qu'il tenait probablement de son ascendance vulcaine. Il ne le savait pas encore, mais sa passion et son talent seraient d'une capitale utilité.


Son enfance et son adolescence se déroulèrent en des temps tumultueux. Les autres Olympiens n'avaient pas pardonné à Athéna d'avoir été désignée garante de la Terre. Ne pouvant s'en prendre au décisionnaire, le grand Zeus lui-même parti vers d'autres dimensions, ils s'attaquaient à la déesse de la guerre. Lorsqu'Erichthonios eut une dizaine d'années, Athéna dut s'absenter de son domaine pour diriger ses troupes. Elle possédait sa propre armée, des hommes et des femmes maîtrisant leurs cosmos et fidèles à l'amour qu'Athéna leur prodiguait. Mais les autres dieux avaient également leurs factions et il s'ensuivit une longue série de batailles sanglantes.


Débuta alors la première Guerre Sainte. Les innombrables escarmouches avaient jusque-là échoué à départager Athéna de ses pairs et aucune victoire n'avait réellement été décisive, dans un sens comme dans l'autre. Mais, le premier, Poséidon, inspiré par sa propre Kamui, eut l'idée de munir ses soldats de protections sacrées. Usant d'orichalque, un métal légendaire, il confectionna les Scales qui protégèrent ses Marinas des terribles coups de leurs adversaires. Leur supériorité fut immédiate et, lors d'un ultime affrontement, Athéna connut ce qu'elle considéra comme sa première véritable défaite. Car si ses combattants avaient réussi à repousser les Marinas, il ne restait plus de son armée qu'une bande d'adolescents inexpérimentés, les adultes ayant tous été tués, la laissant à la merci de ses ennemis. Désespérée et affligée de la perte de ses fidèles guerriers, elle se replia sur son domaine qu'elle avait quitté bien trop longtemps.


Un garçon, qu'elle eût presque peine à reconnaître, vint l'accueillir. Le temps avait passé et l'enfant qu'elle avait laissé s'était mué en un véritable jeune homme, bien que n'ayant pas tout à fait encore atteint l'âge adulte. Sa dense chevelure châtain aux reflets blonds et roux se déployait dans son dos comme une crinière cascadante. Vêtu d'un chiton d'hoplite, il était un combattant accompli, au corps d'athlète rompu à de nombreux arts guerriers, dégageant une puissance autant féline que canine et une grâce serpentine indiscutables. Athéna lui sourit.


- Mère, la salua-t-il de sa voix posée et assurée.


Son cosmos doux et implacable à la fois l'enveloppait. Il le maîtrisait à la perfection et s'en nimbait inconsciemment comme une aura permanente impénétrable. La déesse se demandait depuis un moment déjà s'il refusait volontairement de s'élever au dunamis. D'ascendance à la fois titanide et divine, il aurait dû pouvoir déployer le même pouvoir que les dieux. Il semblait pourtant avoir décidé de vivre en humain, sans qu'elle puisse en connaître la raison. Mais elle laissait sa part de mystère à son fils, ne l'en aimant que davantage pour son humilité.


- Erichthonios, mon fils. Je suis heureuse de te voir. Tu as tellement grandi ! Qu'as-tu fait durant ma trop longue absence ?


- J'ai parcouru le monde en quête de nouveaux usages du cosmos. Je ne souffrirai pas de vous énumerer tous les pays que j'ai visités. Je me contenterai de vous dire que la Terre, malgré les conflits qui la jalonnent, est vraiment une planète magnifique et riche en enseignements.


Erichthonios aimait profondément la Terre, amour inconditionnel que lui avait transmis sa mère adoptive, mais dont la source résidait en sa mère biologique.


- J'ai échoué, lui avoua-t-elle. Toutes ces années à guerroyer, pour défendre cette Terre que tu aimes tant, ne m'ont menée qu'à la défaite. Grâce aux Scales dont il a pourvu ses guerriers, Poséidon a eu le dessus. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne prenne le contrôle de la Terre. À moins bien sûr que les autres Olympiens ne s'en mêlent. L'avenir est incertain. Ils sont trop nombreux. Je n'arrive pas à prévoir leurs prochains mouvements.


Erichthonios l'attira contre lui et l'enserra tendrement.


- N'abandonnez pas, mère. Les décisions des dieux prennent du temps à l'échelle humaine. Ce que vous craignez imminent mettra certainement plusieurs mois ou plusieurs années à se réaliser.


L'assurance dans sa voix calma la déesse. Depuis quand son fils était-il devenu si empreint de sagesse ? 


- Reposez-vous, je m'occuperai de votre domaine et veillerai sur votre sommeil. Tant que je suis là, vous pouvez vous considérer ici comme dans un sanctuaire.


Athéna soupira.


- Merci mon fils, fit-elle en se retirant dans ses appartements qu'elle scella derrière elle.


Elle avait besoin du Sommeil Divin. Une demi-douzaine d'années sans dormir avait eu raison de son endurance et participait certainement à son abattement. Seule une offensive divine saurait la réveiller. Pour toute autre, la présence d'Erichthonios suffirait. À lui seul, il valait bien l'armée entière qu'elle avait perdue.


Erichthonios attendit que sa mère soit profondément endormie pour se défaire de son visage rassurant. Son expression se durcit et une détermination sans faille le saisit. Pris d'une soudaine inspiration, après tout Poséidon n'était pas le seul à pouvoir innover, il se dirigea vers son atelier. Cherchant dans ses échantillons, il trouva ce qu'il voulait : de l'orichalque, l'un des multiples souvenirs de ses pérégrinations à travers le monde. Il se rendit ensuite dans sa bibliothèque et consulta quelques ouvrages, écrits par les muses elles-mêmes, qui traitaient des Kamuis. Enfin, il alla étudier l'armure de sa mère, conservée au cœur du domaine. Il s'assit face à elle et médita, s'imprégnant de sa présence, de son énergie, des mystères de sa composition et de son organisation. Quand il gagna l'assurance que son idée était réalisable, il sourit pour lui-même. Il avait tous les éléments et le savoir-faire à sa disposition.


Des jours durant il s'activa. L'île d'Athéna résonna du martèlement de ses outils, des crépitements de son foyer et du bruissement de ses soufflets. Petit à petit, son projet prit forme. Sur une base d'or, il allia de la poussière d'étoile, du gammanium et le fameux orichalque. Il sculpta, grava et modela en y insufflant son cosmos et y infiltrant son sang. Et lorsqu'il eut terminé, il contempla son œuvre. Un globe terrestre étincelant, totem qu'il s'était choisi comme protecteur de la planète. Il le caressa tendrement de ses deux mains habiles et expertes, à la recherche de la moindre faille, de la moindre imperfection, mais aussi pour en apprécier tous les détails et incrustations. L'or prédominait largement, mais il avait inséré des motifs rappelant les quatre éléments : l'air, le feu, la terre et l'eau. Il en détacha les différentes parties et s'en recouvrit presqu'entièrement. L'armure lui seyait à la perfection, les influences des différents pays qu'il avait visités subtilement identifiables.


Douze pièces restaient au sol. Il les prit une par une, déployant chacune d'elles avant de les intégrer à sa protection aux endroits prévus à cet effet. Une arme contre chaque Olympien. Douze armes formidables, capables de briser des étoiles. Douze armes pour rétablir l'équilibre. Douze armes pour défendre Athéna et la Terre.


Sa forge n'avait pas encore refroidi qu'il sentit une présence ennemie sur les rivages de l'île. Erichthonios se réjouit. Il allait pouvoir tester l'efficacité de son travail.


- Rien de moins que les sept Généraux de Poséidon ? S'étonna-t-il en parvenant à l'endroit d'où provenaient les cosmos menaçants.


Les gardiens des sept océans tentaient de franchir le champ de force qui protégeait l'île. Émis par la Kamui d'Athéna elle-même, et empêchant tout ennemi de se transporter directement dans le domaine de la déesse, il pouvait même arrêter les dieux. Les intrus se tournèrent vers lui d'un même mouvement. L'un d'eux s'avança vers le nouvel arrivant.

- À qui avons à faire ? S'enquit-il en lorgnant dubitativement sur l'armure du fils d'Athéna.


- Je m'appelle Erichthonios, dernier rempart vivant entre ma mère et ses ennemis.


Certains des Généraux pouffèrent avec suffisance. Ils avaient visiblement pris l'habitude d'être crains et invincibles sur le champ de bataille. Mais leur meneur, le Général du Dragon des Mers, les intima de se recouvrer leur sérieux.


- Ainsi Athéna a encore un guerrier à nous opposer ? Constata-t-il. À ma connaissance, il ne lui restait plus que des gamins sans expérience parmi ses fidèles.


- Des gamins qui se sont empressés de fuir le champ de bataille ! S'esclaffa le Général du Kraken.


- Celui-ci a beau être plus âgé que les autres, il n'est pas lui-même un adulte, fit remarquer le Général de l'Hippocampe.


Le Général des Lyumnades s'avança.


- Regardez, on dirait qu'il essaye de nous impressionner avec son armure. Je vais lui faire comprendre la suprématie des Scales de notre maître. Salamander Shock ! [Coup de la salamandre]


Sans broncher, Erichthonios supporta le choc. Critique, il prit le temps d'inspecter son armure. Intacte. Il sourit pour lui-même. Les Généraux en restèrent figés un instant.


- Cette résistance… analysa le Général de la Sirène. Serait-ce… ?


- Cela ne peut qu'être une protection du même acabit que nos Scales, compléta le Général de Scylla.


- Nous allons vérifier cela sur le champ ! S'écria le Général de Chrysaor. Jeune guerrier, on va voir si ta protection résiste à la lance que maître Poséidon en personne m'a confié ! Flashing Lancer ! [Lance flamboyante]


Presque nonchalamment, Erichthonios dégaina l'une de ses armes et le tintement qui jaillit du choc des deux lances se répercuta jusque dans la ville d'Athènes, au-delà du bras de mer qui séparait l'île du continent. Saisissant les deux lames, d'une poigne de fer que ne réussit pas à déjouer le Général tentant de la lui reprendre, et regardant de plus prêt, le fils d'Athéna constata que la lance d'or de son adversaire était fêlée mais que que la sienne était indemne. Quand il eut desserré sa prise sur les lances, le Général s'écarta d'un bond, éberlué. Les autres se déployèrent autour de lui, en position d'attaque.


- Il suffit, déclara le Dragon des Mers. Tu es une offense à notre maître et nous devons nous occuper d'Athéna. Nous n'avons plus de temps à perdre !


Ils s'élancèrent ensemble, se préparant à user de leurs plus puissantes techniques.


- Vous m'avez permis de tester les capacités défensives de ma création, je vous laisse apprécier ses facultés offensives. Earth Clamation ! [Exclamation de la Terre] rugit Erichthonios.


Sa vague de cosmos surpuissant, amplifié par le port de son armure, balaya impitoyablement les sept soldats d'élite de Poséidon, les renvoyant morts dans leurs océans respectifs.


Il admira la protection qu'il s'était forgé. Il avait l'impression de faire corps avec elle, qu'elle faisait écho à sa volonté. Il lui semblait qu'elle ne pesait pas plus lourd qu'une tunique de tissu.


- Mère, fit-il à haute voix en dirigeant son regard vers le ciel, j'ai créé la première protection de vos futurs soldats. La première Cloth.


Percevant alors un signal, il regagna le cœur du domaine. La Kamui d'Athéna l'appelait. Il s'assit devant elle et s'immergea dans sa chaleur toute maternelle. Sa contemplation terminée, il se leva et s'inclina devant l'armure divine.


- J'ai compris ton message et irai voir l'Oracle de Delphes avant de produire d'autres Clothes, déclara-t-il révérencieusement, sans remettre en question l'incitation à se rendre dans un lieu dédié à l'un des ennemis de sa mère.


Il revint vers son atelier et sa bibliothèque. Sa Cloth se détacha de son corps, retournant à sa forme de totem. Il l'enferma dans une boîte cubique qu'il avait conçue pour son transport et sa régénération, rassembla ses meilleurs outils et se prépara à quitter l'île d'Athéna. Sa mère était toujours en plein Sommeil Divin mais il ne craignait pas pour sa sûreté. Il venait de débarrasser l'armée de Poséidon de ses meilleurs soldats et les soldats des autres dieux n'étaient pas munis d'armures. À moins d'un assaut divin, le champ de force empêcherait toute intrusion. Et si la Kamui de la déesse de la guerre avait elle-même enjoint Erichthonios à partir, elle devait certainement pouvoir assurer la protection de sa porteuse. Il lui faisait confiance.


Il prit la route de Delphes et fut témoin, lors de son voyage, des ravages occasionnés par les armées de Poséidon qui se répandaient sur la Terre. Il fit le serment de faire changer les choses, de fournir aux fidèles d'Athéna les moyens de combattre les Marinas à armes égales et de libérer le monde du joug grandissant du dieu des océans. Mais pour cela, il devait tout d'abord consulter la Pythie. 


Quand il parvint à son temple, il sollicita une entrevue et attendit. Lorsque son tour vint, il refusa la présence des exégètes. Ces prêtres versés dans l'interprétation des paroles incompréhensibles de la Pythie ne lui seraient pas nécessaires. Il n'aurait pas besoin d'interprète pour comprendre les oracles rendus par Pythonisse. Outrés au départ, ils se ravisèrent lorsqu'ils apprirent qu'il était le fils d'Athéna, né de Gaïa et Héphaïstos. Qui étaient-ils pour refuser l'entrevue à un humain d'ascendance à la fois divine et titanide, fût-il l'enfant adopté par une opposante à leur dieu ? Erichthonios rejoignit la prêtresse dans l'adyton du temple.


- Toi qui te fais passer pour un humain mais qui n'en est pas un, qu'attends-tu de moi ? Demanda-t-elle.


Ni sa question directe, ni son visage aux yeux bandés, ni sa tenue immaculée ou l'atmosphère étouffée d'encens ne perturbèrent Erichthonios ou ne le détournèrent de son objectif.


- La Kamui de ma mère m'envoie vous consulter, grande Pythie. C'est au sujet de la fabrication des futures protections des guerriers d'Athéna.


Le corps de Pythonisse se convulsa un instant avant que les paroles ne s'écoulent de sa bouche.


- Jeune Erichthonios, fils adoptif de ma chère sœur, je te souhaite la bienvenue.


Erichthonios, un instant surpris, devina, grâce au qualificatif employé, trop empreint de respect pour l'enfant d'Athéna, que ce n'était pas Apollon qui parlait par l'intermédiaire de la Pythie, mais le dieu du soleil avant lui : Abel le banni. Surnom erroné, s'il en croyait sa mère, et il n'avait aucune raison de douter. Il comprit pourquoi la Kamui l'avait envoyé à Delphes, traditionnellement sous la protection d'Apollon, un dieu qui s'opposait à Athéna. Abel pouvait aussi y intervenir, depuis la dimension dans laquelle il se trouvait et très probablement sans qu'Apollon ne le sache.


- Mon oncle, je vous présente tous mes respects. Quels sont vos conseils concernant les Clothes que je vais forger pour les défenseurs de ma mère ?


Féru d'astronomie qu'il était, il avait eu dans l'idée de s'inspirer des astérismes et des constellations pour former ses totems. Mais il devait au préalable procéder à des tests, toutes les Clothes ne pouvant être constituée sur une base d'or comme la sienne, en raison de la rareté de cette ressource si précieuse. Il avait déjà sélectionné le bronze et l'argent pour les produits finaux. La matière principale dépendrait de la position par rapport à l'écliptique. Mais comme il ne pouvait exister des doublons entre les prototypes et les armures définitives, il ne trouvait pas de solution pour mener à bien ses essais.


- Mon neveu, ton inquiétude est bien fondée. Chacune de tes armures devra être sous la protection d'une unique constellation et de ses étoiles respectives. Si tu mets au point des prototypes utilisant, même partiellement, des étoiles appartenant déjà à d'autres constellations, la protection des futurs chevaliers ne sera pas optimale. Mais il y a une solution. À l'avenir, certaines formations stellaires tomberont en désuétude. Si tu utilises les astérismes et constellations qui deviendront obsolètes et qui n'utiliseront pas d'étoiles incluses dans les constellations qui seront officielles, tu pourras mettre au point des prototypes qui ne porteront pas préjudices aux futures Clothes. Je peux te montrer mais tu dois prendre le risque du dialogue dunamique.


Erichthonios ne perdit pas de temps à la réflexion et s'ouvrit immédiatement au dunamis d'Abel. Le dieu faussement banni lui transféra des images et des notions futuristes qu'il ne comprit pas dans leur intégralité. Mais il mémorisa les conformations stellaires et ce qu'elles représentaient. Le dialogue se rompit.


- Tu es impressionnant, mon jeune neveu, et digne d'être le fils de ma très chère sœur. Ton cosmos peut soutenir mon dunamis.


- Je vous remercie, mon oncle. Mais je ne veux pas être considéré différemment de tout être humain.


- Soit, c'est tout à ton honneur. Tu seras assurément source d'une grande inspiration pour les humains. Il ne te reste plus qu'à choisir la matière principale de tes prototypes. Mais je te sais capable de prendre la bonne décision. Tu abrites en toi le talent de ton père et tu n'as rien à lui envier. 


La voix de la Pythie s'étrangla soudainement.


- Je ne peux pas rester plus longtemps à posséder Pythonisse. Apollon va finir par détecter mon usurpation. Va, mon neveu. Rejoins le continent de Mû, tu y trouveras tout ce dont tu as besoin. Il y a là bas des alchimistes qui ont rassemblé des connaissances immémoriales. Elles pourront t'être utiles. Installes-y ton atelier et ta bibliothèque. L'île d'Athéna est trop petite pour ton projet.


Sans prévenir, la Pythie revint à elle dans une puissante exclamation. Inquiets, les exégètes vinrent s'enquérir de la situation, mais la prêtresse se portait à merveille, ayant oublié ses oracles comme à l'accoutumée. Erichthonios remercia, paya le temple de Delphes et prit congé, s'apprêtant à parcourir une bonne partie du globe en direction du continent de Mû.


Il avait déjà entendu parler de ce territoire, occupant une bonne partie de ce qui serait appelé plus tard l'océan Pacifique, mais ne s'y était jamais rendu, privilégiant d'autres lieux d'entraînement de par le monde. Et quand il y parvint, il fut admiratif devant la civilisation qu'il découvrit. Épargnée par la Guerre Sainte et ses escarmouches, en toute neutralité, la société mûvienne partageait ses compétences librement, fière de participer au développement de l'humanité. Même les dieux n'osaient pas, pour le moment, annexer cette terre innovante. Faisant jouer son ascendance, il y établit rapidement et sans mal un temple, l'Érechthéion, qu'il borda d'une bibliothèque, encore plus riche que celle de l'île d'Athéna, et d'une forge, digne d'Héphaïstos lui-même. Il se mit à l'ouvrage, seul et motivé comme jamais, étudiant de nombreux textes, prenant des notes, consignant ses conclusions et ses idées. Pour ses prototypes, il jeta son dévolu sur le laiton, une matière disponible en abondance et très malléable. Pendant des mois, il forgea et assembla différentes Clothes, enfermant chacune d'elles, une fois achevées, dans une boîte cubique scellée, à l'image de celle qui contenait son armure d'or. Comme la sienne, elles ne s'ouvriraient qu'en entrant en résonance avec le cosmos de la personne qui en serait digne. Il termina la dernière de ses cinquante-cinq Clothes le jour où une effervescence peu coutumière agita les mûviens. Il scella cet ultime prototype, fier d'avoir pu tester toutes les techniques qu'il avait souhaité expérimenter, rangea ses notes et alla prendre connaissance de ce qui perturbait ce continent d'ordinaire si tranquille.


- Erichthonios ! Vint le prévenir l'un de ses amis. Les douze Olympiens ont formé une coalition et s'attaquent au domaine d'Athéna !


Sous le choc d'une telle nouvelle, le jeune homme se figea un instant avant de se reprendre.


- Quelle est la situation exactement ?


- Les armées divines convergent vers l'île au large d'Athènes et les dieux eux-mêmes s'attaquent au champ de force.


- Les troupes de ma mère se sont-elles reconstituées ?


- À peine. Les guerriers sont trop jeunes. La Kamui d'Athéna les a laissés entrer dans son champ de protection, mais personne ne sait s'ils sont prêts à défendre la déesse de la guerre au prix de leur vie.


Erichthonios n'eut pas besoin d'en savoir davantage. Il fila vers son atelier, se saisit de la boîte contenant son armure, l'endossa, scella son temple et s'élança à la vitesse de la lumière vers la Grèce. Angoissé de ne pas arriver à temps pour défendre sa mère adoptive, il fit flamber son cosmos et sa vitesse, si c'était possible, augmenta encore. Il parvint en vue de l'île d'Athéna au moment précis où le champ de force se brisait en une kyrielle de volutes dunamiques. Au moment où les douze Olympiens allaient se ruer vers le cœur du domaine, Erichthonios s'interposa, faisant barrage de son corps. Il ne trembla même pas devant les regards courroucés des dieux et des déesses. Chacun d'eux avait ceint sa Kamui et brandissait ses attributs.


- N'allez pas plus loin ! Les pria le fils adoptif d'Athéna en s'inclinant respectueusement. Ma mère n'a rien fait pour justifier un tel débordement. Elle ne fait qu'appliquer les dernières volontés du grand Zeus, votre chef à tous. Retournez d'où vous venez, je vous en supplie.


Les agresseurs divins marquèrent un temps d'arrêt.


- Athéna doit comprendre que nous ne la reconnaissons pas comme l'hégémone de la Terre. Pour certains d'entre nous, nous avons œuvré au développement de cette planète avant sa naissance, déclara Héra.


- Écarte-toi, fils impromptu de ma semence, ordonna Héphaïstos. C'est une affaire entre résidents de l'Olympe. Tu n'as pas ta place dans ce conflit.


- Vous n'êtes pas sûr l'Olympe, ici, rétorqua Erichthonios bravement. Vous foulez le domaine personnel d'Athéna, amenant la guerre sur ces terres qui m'ont vu naître et grandir. J'y ai entièrement ma place et je les défendrai jusqu'à mon dernier souffle.


- Ne prononce pas des paroles que tu ne sauras tenir, jeune homme, railla Aphrodite.


En réponse à ces mots, le fils d'Athéna posa son chargement devant lui, le descella et, telle une boîte de Pandore libérant ses affres, dévoila la Cloth d'or représentant la Terre sur son piédestal. Sa brillance fit plisser les yeux aux dieux. La première armure d'or se désassembla et vint recouvrir le corps d'Erichthonios.


- Je ne parle jamais à la légère, déesse. Vous êtes chez moi et vous ne venez pas en paix. Si je dois vous combattre, qu'il en soit ainsi.


- Impudence ! Cria Artémis.


Et les dieux s'élancèrent contre le fils d'Athéna. La déesse de la chasse et de la Lune tendit le bras.


- Moon Phases Arc ! [Arc des phases de la Lune]


Un arc de flèches dunamiques fila vers Erichthonios. Ce dernier contre-attaqua :


- Earth Caliburn ! [Acier de la Terre]


La lame de cosmos incisa les projectiles de la déesse. Le jumeau d'Artémis, Apollon, se manifesta dans son dos et un dunamis brûlant manqua de l'incinérer. 


- Chromospheric Solar Flares ! [Éruption solaire chromosphérique]


En un réflexe salvateur, Erichthonios répondit en joignant les deux poings.


- Earth Aura Execution ! [Exécution de l'aura de la Terre]


Hadès abattit son épée ténébreuse. Le fils adoptif d'Athéna y opposa la sienne, étincelante d'or. Quand elles se rencontrèrent, les deux adversaires furent repoussés loin l'un de l'autre. Aussi sec, Poséidon tenta de le transpercer avec son trident. In extremis, Erichthonios le contra de la pointe de sa lance. Le jeune homme se rétablit au sol, de suite sur ses gardes. Aphrodite profita de ce moment pour passer à l'offensive :


- Passion Choking Foam ! [Écume étouffante de la passion]


- Earthlight Extinction ! [Extinction de la lumière de la Terre] Répliqua le fils d'Athéna en écartant les bras.


Son cosmos annula le dunamis de la déesse de l'amour. Celle-ci ne perdit pas de temps et abattit son sceptre. Erichthonios le repoussa de son nunchaku et s'éloigna d'elle. Sa trajectoire d'évitement fut interceptée par Hermès qui brandit son caducée dont les deux serpents enlacés s'animèrent et fusèrent vers le jeune homme. Aussitôt, ce dernier déploya son fouet qui enlaça les serpents de dunamis, les neutralisant. Arès apparut derrière Erichthonios et darda sa hallebarde. Le fils d'Athéna réagit au quart de tour en dégainant sa guandao. La puissance du choc éparpilla les adversaires. 


- Greatest Eclipse Shadow ! [Ombre de la grande éclipse] lança Hadès.


L'onde obscure fusa vers Erichthonios qui y opposa sa lumière.


- Earth Impulse ! [Impulsion de la Terre]


Dionysos profita de cette contre offensive pour venir au contact du jeune homme.


- Extravaganza Vines Strangulation ! [Strangulation des vignes de la folie]


Des vrilles dunamiques fusèrent vers Erichthonios qui tendit la main.


- Earth Rose ! [Rose de la Terre]


Une rose des sables cosmique stoppa net la progression de l'attaque de Dionysos. Mais Poséidon enchaîna :


- Greatest Deluge ! [Le plus grand déluge]


Aussitôt , Erichthonios trouva la parade :


- Dìqiú Hyaku Ryū Ha ! [Cent dragons suprêmes ascendants de la Terre]


Le déluge dunamique du dieu des océans lui fut renvoyé. Mais le fils d'Athéna n'eut pas le temps de souffler qu'Héra se présenta.


- Jealousy Lethal Ascendancy ! [Emprise mortelle de la jalousie]


L'attaque psychologique aurait pu aboutir si Erichthonios ne l'avait pas contrée :


- Chikyū Hōrin ! [La danse des trésors de la Terre]


Héphaïstos et Déméter, restés en retrait jusque-là, abattirent leurs armes, respectivement un marteau et une faux, sur le fils d'Athéna. Ce dernier leur opposa son gourdin et sa propre faux. L'onde de choc fit valser les antagonistes et résonna à des kilomètres à la ronde. Sans tarder, Hestia donna l'assaut :


- Hearth Heat Hit ! [Choc de la chaleur du foyer]


Erichthonios tendit le doigt :


- Blue Earth Needle ! [Aiguille de la Terre bleue]


La pointe de cosmos dispersa la vague de dunamis de la déesse. Mais Héra vint à la rescousse en tentant de le balayer de son éventail. L'arme de la femme de Zeus se confronta au bouclier d'Erichthonios qui annula ses effets. Hestia contre-attaqua immédiatement en projetant son flambeau divin. Mais le fils d'Athéna déploya son sanchaku qui dévia l'arme divine… laquelle fut aussitôt remplacée mais une nuée de flèches provenant du sceptre lunaire d'Artémis. Erichthonios n'eut que le temps de faire tournoyer son fléau et réussit à parer tous les projectiles. 


- Shreaking Seasons Strike ! [Coup des saisons hurlantes] clama Déméter.


Se retournant par pur réflexe, Erichthonios répliqua, bras croisés sur la poitrine :


- Great Earth ! [Grande Terre]


L'onde de cosmos annihila la vague de dunamis. Dionysos choisit cet instant pour frapper de son bâton, mais Erichthonios le stoppa de sa hache d'or.


- Warring Spear Impact ! [Impact de la lance guerroyante] hurla Arès.


- Earthan Explosion ! [Explosion de la Terre] lui opposa le fils d'Athéna.


Erichthonios vit alors des rais de lumière vive traverser son champ de vision et fuser vers lui.


- Messenger Flash Slash ! [Taillade éclaire du messager]


Le jeune homme répliqua avec son attaque la plus rapide :


- Earthling Bolt ! [Éclair Terrien]


Les deux techniques s'annulèrent l'une l'autre. En cet instant où tout paraissait figé par la disparition de la célérité des deux adversaires, Héphaïstos et Apollon décidèrent d'une attaque combinée. Le dieu du feu abattit ses deux points :


- Monumental Dire Hammers ! [Marteaux de feu monumentaux]


Au même instant, les cordes de la harpe d'Apollon filèrent comme des rayons de soleil incandescents. Erichthonios fit tourbillonner son tongfa sur lequel s'emmêlèrent les cordes mortelles tandis que de l'autre main, il contre-attaquait :


- Seki Shiki Chikyū Ha ! [Onde des feux follets de la Terre]


Cette longue série d'offensives et de contre-attaques majeures fut en réalité entrecoupée d'innombrables coups et parades mineures. L'affrontement dura mille jours et mille nuits au cours desquels les antagonistes tentèrent de se vaincre. Finalement, les dieux ne réussirent pas à avancer d'un iota vers le cœur du domaine d'Athéna. Erichthonios leur tenait tête, son corps et son armure brisés, mais sa détermination et son moral intacts. 


Le fils d'Athéna, grièvement blessé, complètement ensanglanté, ne tenait debout que par la force de sa volonté. Ses douze armes, plantées autour de lui en un mur protecteur, étaient tout ce qui lui restait. Son armure, si durement confectionnée, était en miettes, son souffle court, son cosmos presque épuisé. Pourtant, malgré la souffrance indicible et la fatigue intense, il refusait la défaite. Jamais il ne laisserait les Olympiens s'attaquer à sa mère. Il sentit les douze dieux concentrer leurs dunamis. 


Surgissant de tous côtés, de jeunes humains vinrent à ses côtés, inspirés par son acharnement. Rassemblant leur courage, ces adolescents, pourtant tremblants de tous leurs membres, osaient défier les dieux, sans armure. Un nuage d'énergie jaillit de la multitude, mais s'avéra insignifiant face aux dunamis des Olympiens. Par respect pour leur bravoure, Erichthonios lui-même intensifia tout ce qui lui restait de cosmos. Un tatouage représentant la Terre apparut sur son dos et les douze armes de son armure se mirent à léviter, faisant vibrer l'air autour d'elles. Il infusa sa télékinésie des restants de sa cosmo-énergie et synchronisa son attaque à l'instant même où les dieux prirent leur élan. Ils n'eurent pas le temps de débuter leur ultime offensive :


- À vous, jeunes guerriers, je vous confie mes mères, Athéna et la Terre, déclara-t-il en souriant avec confiance aux jeunes braves qui l'entouraient.


Les adolescents contemplèrent leur aîné, admiratifs mais comprenant qu'il leur léguait ses dernières volontés.


- Epígeia Dikaiosýni Dódeka Theofónon ! [justice terrestre des douze tueurs de dieux] clama le fils d'Athéna.


Les douze armes d'Erichthonios fusèrent telles des étoiles filantes et fondirent chacune sur un dieu. L'impact fut incommensurable et, cette fois-ci, les dieux eux-mêmes furent blessés. Ils interrompirent leur attaque, choqués de voir qu'un être combattant avec les pouvoirs d'un humain ait pu les atteindre à ce point. Mais ce qui les avait réellement stoppés était la présence d'Athéna, qui venait d'apparaître, réveillée de son Sommeil Divin et parée de sa Kamui, derrière son fils. Plus aucun souffle de vie n'animait ce dernier. Plus aucune goutte de sang ne s'écoulait en dehors de son corps. Plus une seule étincelle de cosmos ne crépitait en lui. Mais par la seule présence de son cadavre qui tenait encore debout, les dieux ne parvenaient pas à faire un pas en avant. Même mort, il défendait sa mère. 


Les douze armes retombèrent lourdement, six d'entre elles se réduisant en poussière, définitivement détruites. Erichthonios finit par s'effondrer, lentement. Tendrement, son visage inondé de larmes de tristesse et de colère, la déesse de la sagesse et de la guerre juste rattrapa son fils. Elle planta fermement son sceptre dans le sol devant ses pairs et une vague de dunamis doré rétablit le champ de force, repoussant les Olympiens qui ne purent résister, épuisés qu'ils étaient de leur âpre affrontement. Elle accompagna son enfant adoptif à terre et s'agenouilla, posant délicatement sa tête sur ses cuisses et fermant ses yeux d'une caresse maternelle. Ensuite seulement, Athéna s'adressa aux autres déités.


- Quittez mes terres ! Ordonna la déesse de la guerre d'une voix vibrante. Je n'aurai de cesse de vous combattre si vous poursuivez dans votre tentative de conquête de la Terre. Cette planète m'a été confiée. Et je déclare que les humains, dont vous venez de constater la puissance et la détermination, m'assisteront dans cette tâche. Renoncez donc à vos convoitises.


Les dieux s'approchèrent autant qu'ils le purent, menaçants.


- Si nous acceptons, cela sera à nos conditions, Athéna, commença Héra.


La femme de Zeus pointa du doigt Erichthonios.


- La première étant que l'existence même de ton fils soit rayée de la mémoire des hommes. La seconde étant que tu te désincarnes et n'interviennes plus directement dans les affaires de la Terre.


Athéna en resta interdite un moment.


- Si cela protège la Terre de vos velléités, je peux accéder à de telles demandes. Mais l'effacement mémoriel devra être progressif et si l'un d'entre vous, ou tout autre divinité, attaque la Terre ou ses habitants, je me réincarnerai pour guider mes guerriers dans la bataille.


Un silence inquisiteur accueillit cette négociation.


- Qu'il en soit ainsi, acquiesça Héra. Jusqu'au retour de Zeus.


- Jusqu'au retour de Zeus, répéta Athéna.


Non sans dégoût d'avoir eu recours à un tel marchandage, blessés dans leurs corps et dans leur orgueil, les Olympiens disparurent et leurs armées se dispersèrent. Pourtant, avant de se retirer totalement, Athéna avait bien perçu les regards envieux d'Hadès, Poséidon et Arès. Elle sut d'emblée qu'elle n'en avait pas fini avec eux. Mais pour l'heure, la première Guerre Sainte était achevée. La déesse de la sagesse se pencha sur son fils.


- Erichthonios, pardonne-moi. Tu seras oublié des humains. Tes exploits sombreront dans les limbes de la mémoire collective. Ton existence tombera dans le néant des souvenirs effacés.


Les adolescents, seuls survivants de l'armée d'Athéna, se regroupèrent autour de leur aîné et s'agenouillèrent humblement et respectueusement.


- Vois ceux que tu as inspirés, mon enfant, murmura-t-elle. Vois ceux que ton sacrifice a galvanisés. Tu es mort comme un Saint, mon fils. Comme tous ceux qui mourront à ta suite pour défendre ceux qu'ils aiment et la Terre. Et même s'ils t'oublient toi, ils n'oublieront pas ce que tu auras suscité chez eux. Ton abnégation perdurera même lorsque la moindre parcelle de ton existence aura été oblitérée. Et moi, je ne t'oublierai jamais.


Une jeune fille ramassa les quelques armes restantes d'Erichthonios et les ramena vers Athéna.


- Grande déesse, je suis mûvienne et mes parents étaient des alchimistes de Mû. Votre fils était revêtu d'une armure et je pense pouvoir m'en inspirer pour constituer des protections pour vos guerriers. Puis-je user de l'atelier et de la bibliothèque d'Erichthonios pour tenter de faire miennes ses connaissances et ses techniques ?


Athéna plongea son regard dans celui de l'adolescente.


- Va. Prends tout ce dont as besoin et rejoins les alchimistes de Mû. Ensemble, vous confectionnerez ce qu'il faudra pour protéger mes futurs Saints.


La jeune fille s'inclina avec déférence et s'en fut, laissant la déesse emmener son fils bien aimé dans les profondeurs insondables de son île où elle le rendit à une Gaïa éplorée.


**


Ainsi les quelques notes consignées par Erichthonios furent-elles réutilisées. Mais son nom avait maintenant disparu de ses parchemins et déjà son identité devenait floue dans l'esprit des humains. La jeune fille, qui avait emporté tout ce qui se rapportait aux travaux d'Erichthonios, délaissa tout ce qui ne concernait pas la forge des armures. Le reste de la bibliothèque formeraient les fondations de la future bibliothèque de Star Hill, l'île d'Athéna devant par ailleurs abriter plus tard le Sanctuaire lui-même. Les quelques outils qu'il n'avait pas pris avec lui sur Mû deviendraient les outils de réparation des futures Clothes. La jeune fille, après avoir remis en état les six armes brisées, les répliqua et les intégra dans la toute première armure d'or à laquelle elle donna la forme de la Balance, l'une des quatre-vingt-huit constellations qui apparaissaient dans les notes du premier forgeron, dont elle n'avait étrangement retrouvé aucune trace du nom. Puis elle se fabriqua sa propre armure d'or, celle du Bélier. Avec l'aide des alchimistes de Mû, elle fabriqua autant de Clothes que de constellations reconnues dans le ciel. Elle les confia à Athéna qui les distribua à ses meilleurs guerriers, qu'elle nomma Saints, ou chevaliers sacrés. Puis la déesse se désincarna, tenant sa promesse.


Bien des années plus tard, le continent de Mû fut détruit suite à une des Guerres Saintes suivantes et l'art de forger des nouvelles armures disparut. Seul celui de les réparer perdura parmi les rares ayant réchappé au cataclysme. L'Érechthéion, temple dont personne ne connaissait le propriétaire et dont nul n'avait jamais réussi à ouvrir les portes, sombra lui aussi, emportant les Clothes de laiton, les seules à avoir été sculptées par Erichthonios lui-même.


Dans l'inconscient collectif de la chevalerie sacrée, là encore se retrouvait l'influence d'Erichthonios. Tous les sites sur lesquels il s'était entraîné devinrent des lieux de formation des futurs Saints, les maîtres y trouvant une inexplicable inspiration pour y former leurs disciples. Et les attaques qu'il avait utilisées contre les Olympiens furent réinterprétées et maîtrisées par les chevaliers d'or, qui pensaient sincèrement en être les créateurs.


Mais, même si aucun Saint ne se souvenait du fils de leur déesse, jamais un seul chevalier sacré n'oublia son sens du sacrifice. Celui-ci coulait dans leurs veines, gravé comme un message perpétuel dans leur être, sans qu'il ou elle ne sache d'où lui venait cet amour inconditionnel et cette abnégation sans faille envers leur Terre mère et Athéna.


Plus de deux millénaires après ces événements, le souvenir d'Erichthonios serait ravivé par Athéna elle-même, davantage par nécessité que par absolution divine. Cinquante-cinq aspirants chevaliers redécouvriraient l'Érechthéion et son contenu. Ces apprentis Saints d'Athéna s'avéreraient dignes de recevoir les armures de laiton et, au moment précis de la sacralisation de leur cosmos, retentiraient de nouveau les dernières paroles d'Erichthonios :


"À vous, jeunes guerriers, je vous confie mes mères, Athéna et la Terre."


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