Woes Chapter

Crises et radiations biologiques.

Depuis l’ère mythologique, les dieux se font la guerre. La Terre est leur champ de bataille, planète confiée à Athéna par son père Zeus, roi de l’Olympe. Les Guerres Saintes se sont succédées, meurtrières, sanglantes. Chaque dieu a développé sa propre armée, Poséidon le premier, de soldats revêtus d’armures sacrées inspirées des propres Kamuis divines. Les Saints d’Athéna, ses serviteurs et protecteurs, garantissent la sécurité de la Terre face à la convoitise de ses pairs. Quand la Terre est en danger, les chevaliers de l’espoir réapparaissent et il est dit que leurs mains peuvent pourfendre le ciel et leurs pieds entrouvrir la terre.

Mais la Terre et ses habitants sont en danger depuis bien plus longtemps en réalité. Des indices géologiques peuvent en témoigner. Des extinctions de masse ont régulièrement eu lieu depuis l’apparition de la Vie sur Terre. Avec une périodicité moyenne de vingt-six millions d’années, des familles entières d’espèces vivantes sont terrassées. On distingue même cinq extinctions majeures, des crises biologiques plus puissantes que toutes les autres, il y a respectivement quatre cent, quarante-cinq, trois cent soixante, deux cent cinquante, deux cents et soixante-cinq millions d’années.

À chacune de ces crises, on a pu faire correspondre des catastrophes naturelles : cyclones, inondations, sécheresses, glaciations, éruptions volcaniques, séismes, épidémies et même chutes de météorites pour les plus graves. Bien antérieures à l’ère mythologique, ces Calamités n’étaient alors pas sous le contrôle des dieux. Il s’agissait de forces de la Nature indépendantes et destructrices.

Pourtant, aucune crise n’a abouti à la disparition totale de toute forme de vie sur Terre. Des essences élémentaires fondatrices, les Quiddités du Feu, de l’Eau, du Vent, de l’Or, de la Terre, de l’Arbre et de l’Éther, se sont opposées aux Calamités. Aux crises ont donc succédé des radiations, des augmentations de la biodiversité par réadaptation des survivants aux niches écologiques laissées vacantes. Sous le contrôle des Quiddités, ces radiations sont jusque-là toujours parvenues à remplacer la biodiversité éliminée par les Calamités. Les humains ont appelé ce phénomène « évolution ».

Les dieux, en quête d’un pouvoir plus grand que l’élévation au Big Will, ont fini par passer des pactes avec les Calamités. Ces dernières ont accepté de louer leurs pouvoirs aux divinités qui commencèrent à s’affronter. Les humains qui les vénéraient ont même fini par croire que les dieux contrôlaient les Calamités, transmettant aux générations futures cette peur des catastrophes naturelles qui les amenait à prier les déités elles-mêmes, accentuant leur puissance. Les Quiddités, quant à elles, sont restées cachées, hors de portée des demandes de pacte des divinités. Tombées dans l’oubli, les dieux eux-mêmes finissant par les effacer volontairement ou non leur mémoire, les essences mêmes de ces forces fondatrices finirent par être confondues avec des manifestations de l’une ou l’autre des Calamités.

À l’aube du vingt et unième siècle, il est de plus en plus question d’une sixième grande extinction. Les activités humaines ont de telles conséquences sur la biodiversité que les scientifiques prévoient de grands bouleversements dans les siècles à venir… au mieux. Les plus grands centres de recherches prédisent même un avenir peu radieux pour l’espèce humaine et les autres espèces vivantes. Certains ne laissent d’ailleurs pas plus de mille cinq cents ans à vivre aux humains en tant qu’espèce, pourtant jeune de seulement trois cent mille ans pour Homo sapiens là où la durée de vie moyenne d’une espèce dans l’évolution est d’un million d’années.

Cela signifie-t-il que les Calamités sont à l’œuvre ou bien l’espèce humaine sonne-t-elle elle-même son propre glas ? Les dieux, eux-mêmes des humains élevés aux Big Will pour la plupart, ont-ils encore la mainmise sur cette situation ? Accepteront-ils la disparition de l’espèce qui les a fait naître, qui les sert, qui les vénère et dont les prières leur apportent la puissance ? Malgré le dégoût que certains d’entre eux ressentent pour l’espèce humaine, la laisseront-ils pour autant s’éteindre ? Ou bien n’ont-ils déjà plus leur mot à dire ? Se pourrait-il que pour la première fois de l’ère mythologique, les dieux soient privés de leurs pouvoirs et que le monde soit de nouveau la proie des Calamités ?

L’avenir seul le dira… si tant est qu’il y en ait un.