Je prie pour toi

Chapitre 1 : Je prie pour toi

1538 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 23/12/2019 21:48

Je prie pour toi


Je prie – キミに祈る



« Ce n’était pas inhabituel que je me rende à la messe du dimanche à Notre-Dame. C’était loin de mon appartement, mais pendant la saison où le soleil se reflétait sur la Seine et illuminait la majestueuse cathédrale, c’était un endroit à ne pas rater.

D’ordinaire il n’y avait que des touristes, mais tôt le matin c’étaient toujours les mêmes visages qu’on y retrouvait. Parmi tous ces visages familiers se trouvait aujourd’hui une personne inconnue. C’était la première fois que je la voyais ici. »

 

« Excuse-moi, je peux me mettre à côté ? » tentai-je en m’adressant à cette fille agenouillée dans la marée humaine de croyants.

 

Se souvenait-elle de moi ? En se retournant, elle afficha une drôle d’expression, puis me montra un sourire éclatant.

 

« Tu es l’ami de Raphaël…

– Michel. Ça faisait longtemps, Marie. »

 

Je me souvenais aussi certainement de l’étui à violon posé au sol.

 

« Euh…

– Est-ce qu’on peut parler après ?

– Bien sûr. »

 

Je m’agenouillai à côté d’elle et joignis mes doigts.

En levant les yeux vers la rosace et la statue de la Sainte Mère, je la remerciai d’abord pour les retrouvailles de ce jour, puis je priai également pour mon ami endormi.

 

« Tu es quelqu’un de très pieux, Michel. »

 

Je fus attiré par son sourire surpris.

 

« Je n’y peux rien, mon ami sèche beaucoup trop la messe.

– Mais c’est toi qui sèche beaucoup trop le travail dans la boutique de Simon, non ?

– Il dit toujours plus qu’il n’en faut… Ah, t’en fais pas. »

 

Avant de rire à haute voix, je proposai de sortir de l’église qui commençait à se remplir de monde. Une chorale de chants religieux attirait toute l’attention, cela ne se vit pas que nous nous étions éclipsés.

Tandis que nous sortîmes de la cathédrale, et marchâmes jusqu’à un endroit d’où nous pouvions voir l’île de la Cité entourée par la Seine, je remarquai à plusieurs reprises, et eus la sensation, que quelqu’un nous suivait.

 

« Se pourrait-il qu’il y ait des paparazzis ?

– Non, ma mère envoie un garde du corps quand je sors.

– Aah… Ça a doit être terrible.

– Oui… »

 

Le souvenir de la nouvelle datant de la fin de l’été était encore frais. Émile et moi la connaissions à peine, mais sous la surprise nous n’avions pas pu nous retenir de questionner Raphaël.

La nouvelle selon laquelle elle était la fille adoptive de la duchesse Élisabeth avait été couverte, par des magazines seulement emplis de ragots et mensonges, jusqu’aux magazines de première classe aux articles solides uniquement.

Les médias et paparazzis s’étaient rués sur le fait que la succession de la duchesse – qui était un soutien considérable pour les personnes hautes placées, les intellectuels et les personnes cultivées – serait assurée par une fille encore jeune.

Je ne connaissais pas les détails, mais il semblait que cette étrange affaire les ait réunies, et l’histoire s’était bien ficelée puisqu’elle était orpheline. Le désordre que cela avait causé dans la haute société avait aussi été intéressant.

 

« Un garde du corps ? Il semble bien que nos mondes soient devenus complètement différents. »

 

D’une orpheline à la princesse d’une famille noble.

Bien que tout le monde autour de nous soit heureux, son sourire s’estompa peu à peu.

 

« Qu’est-ce qui t’arrive ?

– Nos mondes… sont différents… C’est pour ça que Raphaël… »

 

Goutte à goutte, ses larmes coulèrent comme une pluie soudaine.

Ne comprenant pas la raison de ses pleurs et surpris par ceux-ci, je la serrai un instant dans mes bras. C’était une fille endurcie ; je le savais car j’avais un ami persévérant qui lui ressemblait beaucoup.

Il n’y avait qu’une raison à ces larmes.

 

« Ça faisait longtemps que tu n’avais pas pleuré, non ? Tu sais, tu peux pleurer, Marie. »

 

Je réconfortai en caressant son dos cette fille qui pleurait à torrents.

Aah, c’est mon ami qui te fait tant pleurer ? Désolé.

Je songeai alors que les larmes qui teintaient ma chemise étaient chaudes et adorables, mais je sentis alors un regard perçant, et j’eus des frissons comme si un vent froid soufflait.

J’attendis un petit instant, et je libérai Marie, qui s’était calmée, de mon étreinte.

 

« Excuse-moi. Merci beaucoup…

– C’est rien, t’en fais pas. Je vais te donner un mouchoir, que tu puisses te moucher. »

 

À ces mots, le visage de Marie devint tout rouge, et elle se tourna. C’était une fille aux belles expressions, son visage attristé y compris.

L’avoir serrée dans mes bras était un revenant-bon. Merci Dieu pour cette chance.

 

« Raphaël va bien ?

– Plutôt. Il fait quand même la grasse mat’ aujourd’hui. »

 

Il m’avait dit qu’elle l’avait aidé quand il avait des problèmes avant qu’elle ne fasse la une de tous les journaux, et qu’elle n’était pas sa petite-amie.

 

« Tu l’as revu depuis ?

– Oui. »

 

Que faisait-il alors qu’elle débordait d’espoir ? Ah, était-ce parce que leurs mondes étaient différents ?

 

« Mais tu sais, il a acheté chaque journal qui parlait de toi. Même si l’article était minuscule. »

 

C’était évident qu’il s’intéressait à elle. Il y avait aussi eu des passes de pervers masqué.

Marie rit alors en souriant.

 

« Moi aussi je lis tous les articles qui parlent de lui.

– Ha ? Raphaël, dans les journaux ? Qu’est-ce qu’il fait pour ça ? Du volontariat ? »

 

Cette fois-ci, elle éclata de rire. Avais-je dit une bêtise ?

 

« Excuse-moi. Oublie ça, Michel.

– H—Ha. D’accord. »

 

Pourtant cela m’intrigua. Je songeai à me rendre dans un kiosque à journaux plus tard.

Marie, qui avait retrouvé son calme et sa clarté, serra dans ses bras le violon comme s’il lui était précieux.

 

« Merci, Michel. J’hésitais un peu. J’aime beaucoup ma mère, mais je n’ai jamais voulu devenir une princesse.

– C’est aussi difficile d’être Cendrillon.

– C’est vrai, mais j’ai malgré tout fait mon choix. J’avais l’impression d’être emportée par mon nouveau destin, mais à présent je dois faire de mon mieux… pour que tout le monde, en France, me reconnaisse ! »

 

Un Parisien tomberait amoureux de la détermination qui émanait d’elle, de son honnêteté.

 

« Faisons de notre mieux ! Je vise le conservatoire !

– C’est une école prestigieuse de musique, ça ! Tu vas y arriver ! »

 

Elle était vraiment attirante, lorsqu’elle riait malicieusement.

 

« Haha, Raphaël m’avait dit que tu étais toujours comme ça.

– Je ne pense pas. Je suis pas un playboy, tu sais. »

 

La cloche de la cathédrale sonna, et une nuée de pigeons s'envola. Il était temps pour nous aussi de partir.

 

« Si je te recroise à la messe du dimanche, je pourrais prier à côté de toi ?

– Bien sûr. Toi et moi sommes des camarades de messe ! »

 

C’est vrai… Cela semblait compliqué de devenir son petit-ami ; je souhaitai alors être juste son ami.

 

« Est-ce que tu veux que je transmette quelque chose… »

 

À Raphaël ?

 

« Raphaël m’a dit que tu étais son meilleur ami, Michel.

– Tu es aussi son amie, Marie, non ? »

 

Je me disais que, même si on ne pouvait se voir, du moment qu’on pensait les uns aux autres, on pouvait rester amis pendant longtemps.

Alors je continuerai de prier pour qu’un jour mon meilleur ami puisse la revoir.

 

« Sur ce, à la prochaine fois !

– Au revoir ! »

 

Je me dis alors que cela aurait été bien si je pouvais un jour lui dire « salut » plutôt que « au revoir ».

 

Je l’observai s’en aller, et dans ses pas, vis son majordome qui s’était caché dans l’ombre la suivre.

 

« Allez, il faut que j’aille à la boutique de Simon maintenant. »

 

J’étais assez occupé ce matin-ci. Il ne fallait sécher les obligations que de temps en temps.

Après ça, j’irais chez un marchand de journaux… et pourquoi pas aussi aller réveiller Raphaël, qui se levait toujours bien après midi le dimanche ?

 

 


– FIN –


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