Un Mauvais Œil (AI-less + Whumptober/Martyroctobre 2024)

Chapitre 1 : “If only we could hold on.”

6243 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 01/10/2024 16:06

Salut à tous !


Première participation de ma part au défi du Whumptober/"Martyroctobre", à raison d'une fiction par jour ; j'ai tiré au hasard les jours utilisant les prompts du défi normal et du défi AI-less/Sans IA avec un maximum de 15 chacun exception faite d'un jour unique avec les deux défis pour équilibrer les sujets. Je mettrais la traduction française des prompts en plus de l'originale pour faciliter la compréhension.

Les prompts et personnages choisis, ainsi que la liste (WHUMPTOBER/AI-LESS) d'où sont tirés les sujets sont indiqués au début des chapitres correspondants ; chaque mini-fiction comporte les avertissements associés dans la note de début de chapitre.

Le titre des chapitres correspondent au titre ou à l'extrait de la chanson associée avec le jour de la playlist Whumptober 2024 ; avec plus ou moins de lien avec le contenu actuel du chapitre… ^^'

Lien Youtube : https://www.youtube.com/playlist?list=PL-xqgK59Dv869nrC6gF4-0070CAZ9tOqc

Lien Spotify : https://open.spotify.com/playlist/7EiynwmHTCepEiJdAJP0ep?si=1NigELczRKufm6tP7LXUMQ


Ceci étant dit, il n'est cependant pas certain que je publie *exactement* tout les jours pour le défi… mais je vais certainement faire au possible pour que ça arrive !


Et maintenant, voici le(s) prompt(s) du jour :


WHUMPTOBER 1er jour : RACE AGAINST THE CLOCK/COURSE CONTRE LA MONTRE | Search Party/Équipe de recherche | Panic Attack/Crise de panique

Chanson du jour : Icysami x Renegaderr, Strangers

Personnages : Milla, Sasha, Raz

AVERTISSEMENT : Crise de panique, Incendie, Référence à des personnages décédés

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La musique emplissait l’espace, le rythme du tempo se mêlant au rythme des pas et de la foule environnante dans les lumière colorées du salon de disco.

Virevoltant au milieu de la piste, Milla ferma les yeux un instant, profitant des sons et des mouvements autour d’elle, avant de les rouvrir juste quand elle retournait dans les bras tendus un peu trop raidement de son partenaire. La jeune femme esquissa un sourire, observant Sasha reprendre la danse de ses pas certes extrêmement raides mais pourtant parfaitement corrects ; pendant un instant, elle se demanda si c’était sa manière personnelle de faire les choses ou simplement une gêne terrible de cette situation qui le faisait danser ainsi. Quoi qu’il en soit, il menait parfaitement leur salsa.

Assez pour maintenir la diversion pour leurs jeunes agents, en tout cas.

Batteur à œufs au rapport, DJ et moi poursuivons notre recherche du Dr. Dent dans les niveaux inférieurs, fit à point nommé la voix mentale de Razputin sur leur fil télépathique.

Parfait, trésor, répondit la jeune femme avec un sourire. DJ ?

Confirmation, on cherche encore à accéder à la suite des étages… en dessous, ajouta rapidement Morris avec maladresse. Aucun signe du Dr ou des documents pour l’instant, cela dit.

Bien reçu, acquiesça sa mentor d’un hochement de tête télépathique. Chausse-pied et moi allons poursuivre notre petite distraction devant l’établissement ; notifiez-nous s’il y a le moindre soucis, mes trésors. Plumeau, terminé.

La communication télépathique se coupa, non sans une légère perturbation gênée provenant de l’agent Martinez, probablement au fait d’être appelé "trésor" par sa collègue. Mais Milla ne pouvait pas s’en empêcher ; c’était un signe d’affection bien trop instinctif pour qu’elle se retienne de qualifier ainsi leurs plus jeunes recrues. Et puis, même les agents les plus vétérans n’échappaient pas à ce petit titre quand elle le décidait.

Il semble que nous allons devoir poursuivre notre turbulente démonstration, fit avec un léger dépit l’agent Nein sans pour autant perdre la cadence.

Allons, profitons-en un peu ; ce n’est pas tout les jours que nous avons l’occasion de détourner ainsi l’attention, trésor, répondit malicieusement sa partenaire tandis qu’elle serrait un peu plus la main de son camarade l’entraînant dans ses mouvements raides mais parfaits.

J’essayerai, mais cette… performance n’est pas exactement ma manière favorite de me détendre, avoua gêné l’homme stoïque, au rire amusé de l’agent Vodello.

Courage, Chausse-pied, je suis sûre que nos deux agents juniors en auront bientôt terminé avec leur mission ! répliqua Milla en faisant un clin d’œil complice à son partenaire.

Un très léger sourire sembla apparaître sur les lèvres de ce dernier, et la jeune femme prit cela comme un silencieux acquiescement tandis que la musique ainsi que leur danse reprenait de plus belle. Poursuivant sans un faux-pas leur performance à deux, l’agent Vodello se permit de se laisser porter par l’ambiance et la mélodie qui les entouraient ; c’était usuel, mais peu fréquent, que leurs missions demandent d’entrer dans l’atmosphère de festivals ou de clubs dansants ; et quand ça arrivait, Milla faisait tout pour profiter de ces moments musicaux au maximum, sans pour autant se détourner de leurs objectifs, car après tout, c’était la base pour un psychonaute.

Mais c’était pour elle un vrai bonheur de pouvoir partager ces moments avec ses collègues, tout comme c’était un honneur de pouvoir emmener leurs jeunes protégés sur le terrain et les voir faire leurs preuves ; encore et encore, pensa-t-elle en songeant au petit Raz, qui à 10 ans et demi avait d’ores et déjà sauvé le monde de deux terribles catastrophes – et semblait toujours partant pour recommencer s’il le fallait, cela dit.

Cette pensée tourna l’esprit de la jeune femme vers des idées bien sombre, cependant : si jeune, et déjà obligé de supporter tant de responsabilités sur ces petites épaules d’enfant ! Même si elle ne pouvait qu’admirer sa maturité et sa capacité face à ces évènements, elle espérait profondément qu’il soit, ne serait-ce qu’un tant soit peu, épargné par les traumatismes qu’impliquaient ces catastrophes.

Mais quoi qu’il en soit, si Razputin avait besoin d’aide d’une manière ou d’une autre à ce sujet, elle ferait tout en son pouvoir pour l’aider ; et elle savait qu’elle ne serait pas la seule. Beaucoup de gens au Mégalobe étaient prêts à lui tendre la main, à commencer par Sasha et Morry.

Le jeune psychonaute junior ne serait pas seul dans cette épreuve.

Cette pensée plus rassurante à l’esprit, Milla se permit d’à nouveau se plonger dans la danse, suivant les mouvements toujours tendus mais corrects de son partenaire de salsa et mission sur la musique rythmant la piste de ses lumières colorées. La mélodie changea, devenant moins adéquate pour une danse colombienne et plus pour un solo en boîte de nuit, mais les deux agents restèrent parfaitement synchronisés sur leur duo ; le fait qu’ils soient habitués (et qu’ils partagent en permanence une connexion télépathique) aidaient beaucoup à garder le rythme.

How did we go ?

From lovers to strangers,

Players to haters ?

If time would have saved us.

Plumeau, Chausse-pied ?

Oui Batteur à œufs ?

On a peut-être un problème.

Expliquez-vous, DJ !

Je crois qu’on est tombés sur un détonateur.

La musique cessa soudain dans l’esprit de Milla, mais les paroles chantées persistèrent, comme une entraînante mais sombre prédiction.

How did we go ?

From happy to heartache ?

You promised me

Never break, no.

DJ, avez-vous trouvé une bombe ? demanda l’agent Nein en portant machinalement une main à la tempe pour stabiliser la connexion télépathique, semblant oublier leur couverture.

Euh, c’est pas exactement certain mai-

Non, c’est exactement certain en fait ! l’interrompit la voix frénétique de Razputin en propulsant des ondes paniquées sur la fréquence mentale. Je viens de trouver des explosifs !

Batteur à œufs, DJ, changez immédiatement les objectifs de mission ! Quittez le bâtiment ! fit soudain Sasha, une panique peu caractéristique animant son ton d’ordinaire neutre.

Mais et le Dr D…

Éloignez-vous de cette bombe, Batteur à œufs ! La priorité est votre sécurité à tout les deux !

Nous pouvons nous occuper de la bombe et du Docteur, trésor, mais il faut-

BOUM.

La détonation résonna dans tout le bâtiment, et même dans l’esprit de Milla. L’onde de choc provenant des étages supérieurs fit trembler la salle entière, faisant tomber des bouteilles alignées sur le bar et vaciller le lustre disco au centre de la piste, poussant les danseurs à proximité à s’en éloigner de peur d‘être écrasés par sa chute potentielle.

Ayant trébuché dans les bras de Sasha crispant ses bras autour d’elle par réflexe, la jeune femme s’agrippa malgré elle aux épaules de son partenaire, son cerveau tentant de reprendre son sang-froid face à la situation. Immédiatement son esprit revint aux deux jeunes agents dans les étages, pile là où la bombe venait d’exploser.

Batteur à œufs, DJ, répondez ! Immédiatement !

La voix mentale et affolée de l’agent Nein retentit presque comme un cri dans la tête de Milla, alors qu’elle-même essayait d’atteindre les ondes mentales de leurs protégés pour s’assurer qu’ils aillent bien ; et surtout qu’ils soient toujours vivants.

Pendant un moment qui sembla durer une éternité, et tandis que les cris et les mouvements des gens terrifiés autour d’eux se mêlaient aux sinistres craquements et débris des murs et du plafond au dessus, un silence persistant fut le seul son sur le lien télépathique.

Puis une perturbation confuse mais angoissée résonna sur le fil mental, et la voix lointaine de Raz emplit l’espace :

Chausse-pied ! Vous me-kof-me recevez ?

Batteur à œufs ! Où est DJ ? Êtes-vous blessés ? fit Sasha en quittant la piste de danse dès qu’il entendit le garçon, se déplaçant près d’une issue de secours où déjà le présent public s’engouffrait en panique.

Je crois pas, j’ai-kof-pu lever un bouclier Psy pour nous protéger mais-KOFKOF ! l’explosion nous a projetés ; je sais pas où est… Mor-DJ ! J’ai trouvé DJ, il a per-KOFperdu son lévi-fauteuil ! répondit l’agent Aquato, sa voix étouffée et les persistants bruits de toux inquiétant de plus en plus les agents vétérans.

Trésor, est-ce que ça va ? demanda aussitôt Milla en suivant son partenaire, gardant un œil sur les murs fissurés en priant pour qu’ils tiennent encore le temps d’évacuer tout le monde.

On va bien Plumeau, répondit cette fois la voix enrouée de Morris, mais l’explosion a provoqué un début d’inc-!

MORRIS !

Le cri paniqué de Razputin glaça le sang de la jeune femme, alors qu’elle remarquait en même temps un pan du plafond commencer à s’effondrer sur lui-même. Par réflexe, elle leva une main pour maintenir la portion s’écroulant avec sa télékinésie ; mais elle n’eut pas le temps de retenir le plâtre qu’il s’ouvrit complètement sur la piste de danse déserte.

Une silhouette chutant au travers en atterrissant au ralenti sur les débris de mastic.

Milla sentit son cœur s’arrêter en reconnaissant Morris gisant au milieu de la piste en ruines, mais à son soulagement le jeune agent se redressa assez vite, cherchant parmi les décombres son fauteuil avant de prendre en urgence d’un coup de télékinésie une chaise à proximité, se hissant sur le siège en invoquant une balle de lévitation pour se tirer des débris et rejoindre la sortie.

- Morris, où est Razputin ? demanda immédiatement Sasha en s’approchant de l’adolescent.

- Je crois qu’il est toujours là-haut, le sol s’est effondré sous moi avant que j’ai pu réagir, répondit-il penaud en jetant un regard inquiet vers l’endroit d’où il avait chuté.

Razputin, est-ce que tout va bien ? fit l’agent Vodello sur leur lien télépathique commun.

Milla ! Morris, le sol s’est écroulé-J’ai rien pu faire, il-!

L’agent Martinez va bien, il est tombé à notre niveau, répondit aussitôt Sasha pour calmer les perturbations terrifiées du garçon. Quittez le bâtiment immédiatement, nous vous retrouvons dehors !

Je sais pas si j’arriverai à sortir ! Les murs sont à moitié effondrés, et la bombe a mit le fe-AAH !

- RAZPUTIN ! cria par réflexe l’agent Nein au terrible hurlement de son protégé.

Milla tenta immédiatement d’appeler l’enfant, priant pour que le frisson glacé qui venait de la saisir ne présage pas du pire, quand un sinistre craquement se fit entendre en direction du plafond juste au-dessus de la piste de danse ; et en un grincement d’enfer, une poutre enflammée traversa le plafonnier et s’abattit en une gerbe d’étincelles fumantes au sol.

Tout disparut soudain autour de Milla.

If only we could hold on

If only we could hold on

If only we could hold on

If only we could

Il n’y avait plus de salle de disco en ruines, plus de musique distordue à travers des haut-parleurs cassés, plus de foule affolée qui tentait de s’enfuir par les issues de secours.

Il n’y avait plus que le crépitement impitoyable des braises, l’odeur étouffante de la fumée, le goût amer de la cendre dans la brise, la brûlure dévorante des flammes, les murs s’effondrant sur eux-même de l’orphelinat en feu.

Et les cris terrorisés des enfants prisonniers dans l’horrible incendie résonnant dans sa tête.

Milla revoyait tout.

En un instant, elle était retournée à cet instant cauchemardesque, revenue à cette nuit fatidique où tout avait basculé en seulement quelques minutes.

Elle était sortie faire des achats d’urgence pour le repas du soir, elle n’était sortie qu’un petit moment, juste quelques minutes-! Les enfants étaient en sécurité, ils étaient censés être en sécurité à l’intérieur, aucune bougie n’était allumée, même la cuisine avait été éteinte complètement avant son départ, les plus grands surveillaient les petits pour qu’ils ne touchent à rien de dangereux, personne n’était censé être en danger, ça n’aurait pas dû-!

Milla était revenue des paquets plein les bras, perdue dans ses pensées à se demander une nouvelle fois qui allait enfin adopter tout ces pauvres adorables enfants, pour voir un immense panache de fumée s’élever au dessus du village, dans l’exacte direction de l’orphelinat. Elle avait prié le ciel pour que ça ne soit pas là, que ça ne soit pas ce qu’elle craignait, que ça soit juste un très grand feu de joie que les habitants – ou des adolescents un peu turbulents, ou des touristes fêtards, ou juste n’importe qui ! – auraient érigé pour une quelconque raison-!

Mais les flammes dévorant la maison où elle avait laissé seuls ses petits trésors avaient réduit en cendres tout ses espoirs.

Milla n’arrivait plus à bouger. Elle n’arrivait même pas à respirer. L’odeur de fumée l’étouffait, la chaleur du brasier devant elle la suffoquait de sa brûlure impitoyable, tout comme elle avait suffoqué tout ces petits enfants sans défense, sans personne pour les protéger ce soir-là. Même ses larmes qui dévalaient le long de ses joues lui semblaient bouillantes malgré la fraîcheur de la nuit assourdissante.

Mais le plus asphyxiant était les hurlements désespérés de ses protégés qui résonnaient sans fin dans sa tête, appelant au secours, appelant leurs nourrices, l’appelant à l’aide.

- Oh non ! Mon dieu, non ! Les enfants, que quelqu’un sauve les enfants, je vous en prie ! Je vous en supplie, que quelqu’un les sauve, pitié ! Je les entends ! Les petits ! Ils sont terrifiés ! Tim, Scott, Lisette, Guarav, Naoko, Peter, Asif ! Ne pleurez pas mes trésors ! Pitié, ne pleurez plus ! Pitié !

L’incendie dévora tout le bâtiment, l’infernale teinte rouge s’imprimant jusqu’au fond de ses rétines de leur chaleur étouffante. Milla ne pouvait toujours pas bouger, suffoquée par les flammes et les cris mourant dans son cerveau de psychique en cette nuit d’horreur, sentant à peine les larmes mouillant encore et toujours son visage et la dure froideur du trottoir sous ses genoux.

? …!

- Non, pitié, pitié, pas encore une fois…

gent V…, éh…?

- Raz, le petit Raz, pas lui aussi, pitié…

Age…! Vous m’…?

- Je vous en supplie… plus jamais ça…

Milla ! Écoutez-moi !

Milla se retrouva soudain assise au sol sur un accotement glacé, les lointaines lueurs orangées et des lumières bleues et rouges clignotantes éclairant la rue à côté d’elle et le bruit distant d’une foule inquiète remplissant doucement le silence nocturne environnant. La jeune femme se surprit à aspirer une grande gorgée d’air, semblant se rappeler enfin comment respirer alors qu’elle serrait une main au cœur, son esprit essayant de retrouver pourquoi elle était là et qu’est-ce qu’il se passait.

Après un instant passé à reprendre son souffle tremblant, elle eut conscience d’une jeune main serrant la sienne et leva son regard perdu dans sa direction ; Morris était à côté d’elle, l’air préoccupé, la balle de lévitation de son fauteuil révoquée pour qu’il puisse se tenir assis en lui faisant face.

- Est-ce que ça va, agent Vodello ? lui demanda-t-il en serrant un peu plus sa main, semblant néanmoins soulagé qu’elle lui prête attention.

La jeune femme voulut répondre, mais sa voix mourut dans sa gorge alors que son souffle recommençait à se saccader, ses tremblements résonnant avec ceux de son corps ; Milla sentit son cœur qui battait à tout rompre dans sa poitrine alors que l’adolescent se penchait aussitôt vers elle en posant son autre main sur la sienne :

- Du calme, respirez profondément agent Vodello, ça va aller, fit-il d’un ton qui se voulait rassurant malgré l’inquiétude plus que visible sur ses traits.

La jeune femme essaya d’inspirer le plus possible, sa respiration sifflant bizarrement tandis qu’elle faisait de son mieux pour la ralentir à un rythme moins irrégulier. Sa main tremblante serra de plus belle celles de Morris qui la tenait toujours avec gentillesse, continuant de lui parler doucement pour la calmer de son mieux. Après un moment qu’elle ne put réellement mesurer, Milla parvint à retrouver un souffle suffisamment régulier pour enfin avoir les idées claires ; son esprit revint immédiatement à la mission, et aux derniers évènements qui-

L’incendie !

- Raz-! L-l’explosion-que s’est-il passé ? demanda-t-elle frénétiquement, les yeux désespérés tournés vers le jeune agent et son souffle reprenant déjà un rythme alarmant.

- Vous avez fait une crise de panique après que la salle ait commencé à s’effondrer, expliqua aussitôt l’adolescent en serrant encore sa main l’air de prier qu’elle n’hyperventile pas à nouveau. L’agent Nein vous a emmené au dehors et m’a demandé de vous aider à reprendre vos esprits, et il est reparti chercher Razputin à l’intérieur.

Milla leva les yeux vers la lueur orangée mouvante qui toujours éclairait la rue où elle était effondrée, et son sang se glaça à nouveau en constatant que c’était bien le club de disco qui était dévoré par les flammes, une foule de passant horrifiés et des voitures de police et de pompiers aux gyrophares aveuglants attroupés devant. La jeune femme tenta de se relever mais se trouva comme paralysée, son cœur s’affolant à la simple idée que Raz et Sasha soient toujours prisonniers à l’intérieur du brasier :

- Le petit Raz, il faut le sauver !

- Agent Vodello, non ! C’est trop dangereux, Nein a dit de rester ici ! fit Morris en posant une main sur son épaule pour la retenir.

- Morris, o-où est Razputin ? Où est-il ? cria presque la jeune femme, agrippant fébrilement les bras du jeune homme comme pour ne pas perdre pied.

Le regard hésitant et inquiet de l’adolescent aggrava encore plus la terreur qui se creusait au cœur de l’ancienne nourrice, tandis qu’il baissait presque instinctivement les yeux sans oser la regarder en face :

- J… Je ne sais p…?

Soudain, Morris fronça les sourcils et leva une main à la tempe, semblant se concentrer ; puis il écarquilla les yeux en s’écriant :

- Attendez ! Sasha vient de le retrouver ! L’agent Nein a retrouvé Razputin, ils sont sortis du bâtiment ! fit-il avec soulagement en se tournant vers sa collègue.

L’agent Vodello sentit un poids subit dans sa poitrine se volatiliser à cette nouvelle ; l’espace d’un instant, elle se demanda pourquoi elle n’avait pas reçu elle-même ce message de Sasha alors qu’ils étaient toujours en communication télépathique, mais cette préoccupation s’évapora tout aussi vite alors qu’elle s’adressait au jeune psychonaute :

- Où sont-ils ? Raz va bien ?

- …Il respire toujours, répliqua laconiquement l’adolescent en se concentrant sur le message mental. L’agent Nein ne m’en a pas dit plus, il s’occupe de lui et nous demande de le retrouver à la voiture.

Entendre que le petit garçon était encore en vie soulagea à nouveau Milla, mais la réponse peu détaillée de son partenaire éveilla une autre crainte insidieuse ; priant pour qu’elle se trompe, la jeune femme se releva en tremblant et se précipita vers l’emplacement de leur rendez-vous, ne songeant même pas à flotter pour aller plus vite. Morris invoqua à nouveau une balle de lévitation et se lança sur ses talons, rejoignant rapidement leur moyen de locomotion laissé sur un parking un peu distant.

De loin, l’agent Vodello distingua une silhouette adulte penchée vers la voiture qu’ils avaient prise pour la mission et accéléra le pas, appelant dès qu’elle fut à portée de voix :

- Sasha !

La silhouette se redressa, dévoilant l’agent Nein en un seul morceau, mais sa coiffure d’ordinaire soigneuse à demie défaite et quelques traces de suie et de brûlures sur ses vêtements impeccables. Il s’écarta de la portière ouverte où il était penché, Milla se jeta presque dans ses bras, alors qu’il l’accueillait avec une sincérité peu commune de sa part :

- Milla !

- Sasha, où est Raz ? Comment va-t-il ? demanda-t-elle en se tournant vers la portière restée ouverte à côté d’eux.

La jeune femme vit aussitôt la petite silhouette du garçon dans la voiture, et son cœur se brisa immédiatement à sa vue : lui aussi était entier, heureusement, mais les traces noires et les écorchures sur ses habits étaient encore plus marquées que sur l’agent Nein, des brûlures semblaient avoir presque traversé sa veste et sa jambe de pantalon, le masque à oxygène de leur trousse de premiers secours avait été attaché à sa figure toute tachée de suie, et le pauvre petit était inconscient, étendu inerte contre le siège arrière.

- Il est vivant, mais sa respiration est faible et je crains qu’il n’ait respiré beaucoup de fumée, dit sombrement Sasha en s’écartant pour laisser passer sa partenaire. Il a perdu connaissance peu avant que j’arrive à le rejoindre et n’a pas reprit ses esprits depuis ; je lui ai donné de l’oxygène dès que j’ai pu rejoindre la voiture, avec un peu de chance cela devrait l’aider à se réveiller bientôt. Il faut cependant lui faire voir un médecin au plus vite, il a probablement subit des brûlures.

Milla avait écouté à moitié, trop affligée par l’état du pauvre petit garçon évanoui et l’air soudain si fragile, immobile sur le siège de la voiture. Sans même y réfléchir, l’ancienne nourrice s’approcha et souleva avec une délicatesse infinie le corps semblant si frêle de l’enfant, le prenant dans ses bras tandis qu’elle s’asseyait à l’arrière. Son camarade la regarda faire sans un mot, son air d’ordinaire neutre se teintant d’une inquiétude partagée alors que Morris contemplait avec lui la silhouette sans connaissance de Raz contre la jeune femme, une ombre de culpabilité voilant ses traits. Le jeune agent junior leva le regard vers son aîné, fronçant les sourcils à la vue d’une déchirure noire et rougeâtre semblant avoir traversé toute la veste de l’homme au niveau de l’épaule :

- Agent Nein, est-ce que vous êtes-?

- Ce n’est rien, répondit l’agent vétéran en réajustant non sans une très légère expression douloureuse le tissu sur son bras, Razputin a le plus besoin de soins urgents.

L’adolescent se mordit la lèvre, mais ne dit rien et s’installa sans bruit sur le siège passager, laissant Sasha refermer doucement la portière arrière avant de reprendre le volant ; il leva brièvement ses lunettes vers le rétroviseur, contemplant un instant la jeune femme assise avec l’enfant à l’arrière.

Milla avait installé Raz sur ses genoux, un bras soutenant avec gentillesse sa tête et son autre main maintenant doucement le masque sur sa bouche, son regard bienveillant voilé de tristesse posé sur le visage inconscient et épuisé du garçon. La scène semblait comme figée dans le temps, la seule preuve de sa réalité (et du fait que l’enfant vivait encore) étant le mouvement faible et irrégulier mais bien présent qui soulevait toujours la poitrine du petit. S’il ne connaissait pas sa partenaire, Sasha aurait affirmé avec une certitude parfaitement convaincue qu’il contemplait à cet instant précis une mère veillant son jeune fils alité.

(Et après tout, c’était effectivement le cas, dans un certain sens.)

Arrachant son regard à la scène (et surtout au corps toujours sans connaissance de Raz) à l’arrière, l’agent Nein démarra la voiture, et quitta les lieux en direction de l’hôpital le plus proche.

Milla eut vaguement conscience qu’ils étaient enfin partis. Toute son attention était posée sur le petit corps dans ses bras, surveillant le moindre signe de son réveil – ou de l’aggravation de son état, mais elle faisait tout pour ne pas y penser – qu’elle espérait prochain. Pendant un moment, seuls le cahot de l’automobile le long du trajet et le soulèvement de plus en plus régulier du torse de Razputin furent les uniques mouvements dans l’habitacle, seuls le vrombissement du moteur et la respiration peu naturelle du garçon furent les uniques sons dans la voiture – et les seuls auxquels Milla prêtait vraiment attention.

Et puis doucement, un semblant de frisson anima le corps de l’enfant sur ses genoux, un grognement un peu toussant s’éleva de sa gorge ; sa tête se tourna légèrement de côté, son visage se fronçant comme de douleur alors qu’un mouvement se faisait derrière ses paupières closes sous le regard écarquillé et attentif de la jeune femme ; et lentement, Raz ouvrit enfin les yeux.

Milla lui sourit, autant par soulagement que pour rassurer le jeune garçon qui reprenait connaissance tandis qu’il tournait distraitement ses iris vitreux au hasard dans le vide comme pour se rappeler où il était, avant qu’il ne les dirige vers elle et se mette à sourire machinalement derrière son masque :

- …Milla ? fit-il faiblement.

- Tout va bien trésor, lui répondit doucement la jeune femme, comment tu sens ?

Raz sembla vouloir répondre, mais une quinte de toux remplaça son souffle sifflant et Milla réajusta le masque sur son visage alors qu’il crispait une main sur sa poitrine, semblant aussi souffrir au niveau de son bras à demi couvert de suie brûlée.

- Respire doucement, Raz, on arrive bientôt à l’hôpital, tout ira bien, lui dit-elle tandis qu’il pressait l’embout contre sa bouche comme pour essayer d’inspirer plus d’oxygène.

L’enfant lutta entre deux toux pour aspirer de grandes bouffées dans ses poumons, les yeux refermés de douleur, avalant avidement l’air comme si – et probablement parce que – sa vie en dépendait. La quinte se calma un peu, lui permettant de rouvrir son regard fatigué vers la jeune femme le tenant dans ses bras alors qu’il laissait échapper un faible murmure :

- …où j… suis, qu… qu’est-ce qui s… passé ?

- Il y a eu une explosion au club de disco qui t’a séparé de Morris, et Sasha est allé te chercher et t’a ramené à la voiture ; on t’emmène à l’hôpital, juste pour être sûr que tu vas bien trésor, répondit-elle doucement en repositionnant le garçon pour qu’il soit à l’aise.

Raz sembla assimiler ces informations un moment, les yeux dans le vide ; puis son visage se fronça en se rappelant les évènements alors qu’il tournait un regard abattu vers l’agent Vodello :

- Mais al… l’incendie, il-La mission ? Le Dr Dent, il es-?

Une nouvelle toux prit le pas sur sa respiration s’étant accélérée au souvenir de l’incident, et l’enfant dût s’arrêter et reprendre ses précieuses inspirations d’oxygène tandis que Milla comprenait peu à peu ce qu’il avait voulu dire à l’instant : c’était vrai, ils étaient supposés retrouver le docteur ainsi que des documents cachés dans le bâtiment avant cette horrible explosion ; et si Raz et Morris n’avaient rien trouvé avant l’incendie, ça voulait probablement dire que…

- Je n’ai trouvé aucun corps quand je suis allé chercher Razputin, fit alors l’agent Nein en levant brièvement le regard dans le rétro pour croiser celui de sa partenaire. De plus, je suis quasiment certain d’avoir remarqué un individu correspondant à la signalisation du docteur dans la foule à l’extérieur après l’incendie. Je ne crois pas que cette explosion ait fait de victimes, finalement.

Milla lui adressa un sourire reconnaissant à cette information, avant de reporter son attention vers Raz qui retrouvait doucement son souffle ; il allait falloir le confirmer, mais il semblait que ce terrible incident ait épargné des vies ce soir, ainsi que la réussite de leur objectif – bien que ce dernier détail soit actuellement le cadet de ses soucis. D’ailleurs, en y réfléchissant, c’était étrange qu’une bombe ait été posée dans ce bâtiment et explose pile quand ils y effectuait leur mission…

C’était une piste à vérifier ; mais pour l’instant, le plus important était de soigner leur jeune agent au plus vite.

- …suis désolé…

La toute petite voix de Raz, cette fois-ci affaiblie non par la fatigue mais par les remords, tira la jeune femme de ses pensées ; clignant des yeux, elle tourna son regard intrigué vers le garçon dans ses bras qui détournait la tête, semblant tout d’un coup bien petit alors qu’il murmurait encore, se rétractant sur lui-même :

- J-Je suis désolé, j’aurai dû ch-chercher plus vite les étages p-pour trouver la bombe plus t-plus tôt, j…

- Shhh, ce n’est pas ta faute trésor, l’interrompit doucement Milla dans ses hoquets contrits en posant une main sur sa joue, aucun d’entre nous n’aurait pu se douter qu’il y aurait une bombe là-bas.

- M-Mais j…

- Razputin, tu as fait exactement ce qu’il fallait faire à ce moment précis, tu as utilisé un bouclier Psy pour te protéger toi et Morris de l’explosion et tu as empêché que vous soyez gravement blessés tout les deux. Tu n’es pas responsable de la bombe, tu ne pouvais pas savoir qu’elle existait.

L’enfant osa la regarder, ses iris sombres semblant considérer ses paroles, avant qu’il ne détourne légèrement le regard :

- Mais, la mission…

- La sécurité des agents est toujours la priorité dans une mission, trésor, assura la jeune femme en inclinant tout doucement sa tête pour qu’elle puisse le regarder en face. Et tu as fait tout ce que tu pouvais à cet égard, Raz. Tu n’as pas échoué.

Le garçon la contempla un instant, semblant chercher dans le regard ferme mais certain de Milla un quelconque mensonge dit seulement pour le rassurer, avant d’abandonner toute tentative de protestation et de hocher la tête, ses yeux fatigués se refermant en un soupir vaincu. La jeune femme le repositionna sur ses genoux, lui glissant avec une voix rassurante qu’elle était la seule à savoir prendre :

- Repose-toi, trésor, tu en as besoin. Tout ira bien.

Nous sommes presque à l’hôpital, Milla, fit alors la voix monotone mais encourageante de Sasha sur leur connexion télépathique, Raz sera soigné très bientôt.

L’agent Vodello croisa son regard dans le rétroviseur, et lui sourit faiblement. Sasha était l’une des rares personnes à connaître toute l’étendue de son passé avant son arrivée chez les Psychonautes ; et surtout, à savoir combien le souvenir de l’incendie la hantait encore à ce jour malgré qu’elle ait accepté d’aller de l’avant après cette tragédie.

Elle savait qu’il n’avait pas besoin de lui dire ça, mais elle lui était reconnaissante de cette attention après les terribles évènements de cette nuit-là.

Milla reposa son regard vers Raz dans ses bras, toujours pâle malgré les taches de suie sur sa figure, toujours un peu toussant malgré l’oxygène qui l’aidait à respirer, toujours semblant si fragile et petit dans ses bras. Milla le regarda un moment, puis, d’un geste infiniment doux, le ramena vers elle pour le serrer contre son cœur, sa main caressant sa joue avec tendresse et rapprochant leurs têtes l’une de l’autre ; elle posa son front contre le sien, fermant les yeux en un soupir mêlé de soulagement et de tristesse tandis qu’elle attendait l’arrivée tant espérée à l’hôpital à l’arrière de la voiture.

Une petite main agrippa doucement son bras enlaçant le corps meurtri de l’enfant ; la jeune femme rouvrit les yeux sur le garçon aux paupières toujours closes, mais à l’expression à présent apaisée malgré leur épuisement, ses doigts se refermant faiblement sur la manche de sa robe tandis qu’il se blottissait contre elle en retour. Une très légère, presque imperceptible perturbation mentale effleura l’esprit de Milla, comme un sentiment de gratitude ; et une faible mais reconnaissante voix résonna dans sa tête, formant un unique mais puissant mot :

Merci.

L’agent Vodello resta un moment figée, contemplant le tout petit garçon recroquevillé contre elle comme s’accrochant à la seule chaleur humaine qu’il pouvait atteindre et remettant sa vie fragile entre ses mains sans la moindre crainte.

Puis un sourire tremblant se fit sur ses lèvres, et l’ancienne nourrice posa à nouveau sa tête contre la sienne, laissant une unique larme douce-amère rouler sur sa joue tandis qu’elle adressait une dernière pensée à Raz à moitié endormi dans ses bras :

Ça va aller, trésor.

Et pour la première fois de la soirée depuis l’incendie, les voix dans sa tête se turent complètement.

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