La Fin Infinie

Chapitre 14 : Chapitre XI : La rosée froide.

2256 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 16/04/2018 12:18

Devant cet appartement qui avait autrefois servi de toit au professeur Layton, Penelope était debout. Remontant son écharpe jusqu’au bout de son nez de temps en temps, elle déplaçait le regard à droite et à gauche comme si elle attendait quelqu’un. En fait, elle attendait vraiment quelqu’un.

Les gens qui passaient par là semblaient tous distraits par leurs propres affaires. La rue n’était pas extrêmement bondée, mais il y avait assez de monde pour pouvoir manquer la personne qu’on cherche.

Flora. Penelope, après ne pas avoir vu son amie pendant tant d’années, ne savait plus trop ce qu’elle pensait d’elle. Est-ce qu’elle comptait encore pour elle, ou était-ce juste une étrangère désormais ? La vision idéaliste de Flora lui avait permis de croire qu’une amitié peut perdurer même à distance, même lorsqu’on ne se voit plus. Mais est-ce que Penelope, pessimiste et froide de nature, pouvait avoir une vision similaire des choses ? Pire encore, est-ce qu’elle était capable d’être amie avec quelqu’un ? Était-elle capable d’aimer quelqu’un hormis Claire et Bruno ? Elle n’en était pas sure.

L’heure du rendez-vous approchait, et Flora allait apparaître d’une minute à une autre. Comment devait-elle réagir en la voyant ? Si elle ne souriait pas, est-ce que l’autre jeune fille penserait qu’elle n’était pas heureuse de la voir ? Et comment lui parler ? Que dire ? Si Flora lui disait qu’elle lui avait manquée, comment devait-elle répondre ? « Tu m’as manquée aussi. » ? Est-ce que c’était vrai ? Est-ce que Flora lui avait manquée ?

« Mademoiselle ! »

Elle leva la tête, surprise, vers la personne qui venait de l’interpeller. Un homme dont elle put estimer l’âge, émitouflé dans son manteau noir et caché derrière sa paire de lunettes un peu embrumées était debout en face d’elle.

« Je peux passer ? » Demanda-t-il avec un sourire poli.

Il était vrai qu’elle bloquait le chemain. Elle s’apprêta à s’écarter puis remarqua quelque chose. Derrière elle, il n’y avait que la porte du bâtiment. Peut-être qu’il habitait ici…

Il passa devant elle, et alors qu’il était plus prêt, elle ressentit qu’elle l’avait déjà vu quelque part. Ce chapeau melon noir, ces lunettes, cet air de parfait gentleman… tout cela lui était étrangement familial…

« Attendez ! » S’exclama-t-il en se retournant vers elle. « Je vous connais ! »

Alors ce n’était pas juste une impression…

« Vous êtes la jeune fille du métro, n’est-ce pas ? Celle qui semblait interressée par mon journal. »

Elle essaya de se rappeler. Ce jour-là, elle était si absorbée par l’article qu’elle avait cru apercevoir qu’elle n’avait prêté aucune attention à l’homme qui lui avait donné le journal. Mais à bien se creuser la tête, il lui semblait qu’en effet, c’était bien lui.

« C’est juste », répondit-elle.

L’homme lui sourit à nouveau.

« Nous nous sommes déjà croisés avant, vous savez. »

Elle leva la tête vers lui.

« Vraiment ? »

« Ne vous souvene-vous pas ? »

« Je n’ai pas une très bonne mémoire pour les visages… »

Il monta sa main jusqu’à sa monture qu’il attrapa élégamment d’un côté avant de la baisser jusqu’au bout de son nez. Il leva vers elle un regard vert luisant.

« Rodderick Darken ! » S’exclama Penelope en écarquillant les yeux.

« Pour vous servir », affirma-t-il en remontant ses lunettes.

Penelope resta figée. Rodderick Darken. Cet homme qui avait aidé Katia pour le meurtre de Vladimir était lui-même celui qui lui avait donné le journal qui avait été un élément clé pour « résoudre » l’affaire d’Axerik. Elle n’avait pas pensé à vérfier l’authenticité de ce journal, mais il était clair que tout cela ne pouvait être une coïncidence.

Ravalant la soudaint inquiétude qui s’emparait d’elle, elle s’efforça de ne pas détourner le regard.

« Vous savez au moins que vous pouvez être arrêté pour avoir assisté un assassin ? »

Il eut un sourire amusé, comme si elle lui avait fait une remarque banale sur le climat.

« Encore faudrait-il que quelqu’un porte plainte contre moi, ou que la police soit au courant de cette affaire… »

Penelope n’aimait pas les gens trop confiants, même si elle faisait partie de cette catégorie.

« L’inspecteur Gramond est au courant de tout, et le frère de Vladimir pourrait très bien déployer ses moyens pour vous trouver. »

Il eut un autre sourire.

« Vous avez raison. Ce serait problématique. »

La défiait-il ? Il semblait tellement détendu, comme s’il savait qu’il ne risquait rien.

« Bon », termina-t-il avec un petit hochement de tête. « Vous m’excuserez, je dois y aller. Le propriaitaire doit m’attendre. »

« Vous emménager ici ? » Elle n’avait jamais été très curieuse, mais elle commençait vraiment à avoir peur de cette personne.

« Oui. »

« Tous les appartements sont déjà habités. »

Il secoua la tête en affichant encore une fois le même sourire.

« L’une des personnes qui habitaient ici est décédée il y a quelques mois. Vous devriez pourtant être au courant. »

Penelope recula malgré elle. Allait-il… louer l’appartement du professeur Layton ?

Il la salua et entra, refermant la porte du bâtiment, et laissant derrière lui une Penelope consternée.

Quelque chose se tramait.

Contrairement à Luke, elle n’avait jamais été interressée par les énigmes, ni par les mystères. Quand elle faisait quelque chose, c’était toujours parce qu’elle avait quelque chose à y gagner. Elle n’agissait jamais par pure curiosité.

Mais…

Elle avait l’impression que quelque chose se préparait. Et qu’elle et tous les autres n’allaient pas avoir le luxe de rester hors de tout ça.

Elle était là. Luke aussi. Flora aussi. Quel esprit pouvait accepter que ce soit juste une coïncidence ?

Elle regarda devant elle. Les gens continuaient de marcher dans la rue, ignorant tous de ce qui se passait juste devant eux. À cet instant, elle fut tentée de fuir avant qu’il ne soit trop tard. Fuir et aller n’importe où, mais ne pas rester ici. Elle pouvait encore sentir l’arme d’ « Axerik » contre son cou… même si elle savait désormais qu’il n’avait jamais voulu la tuer. Layton et Claire étaient déjà morts… et elle avait l’impression que la personne derière tout ça ne comptait pas laisser les autres en vie.

La rue était devant elle. Il suffisait juste de courir. Une dernière chance.

Elle souffla dans l’air. Depuis quand est-ce que je suis aussi peureuse ?

Elle ne pouvait pas partir aussi lachement. Elle avait promis à Flora qu’elle serait là. Et puis fuir comme ça et laisser les autres exposés au danger… c’était vraiment très lâche.

Depuis quand est-ce que je suis aussi altruiste ?

Elle remonta son écharpe et continua à inspecter les alentours. Elle n’allait pas fuir, mais elle allait être prudente.


« Lopy ! »

Elle fut tirée de sa réflexion par la voix de Flora. Sur le même trottoir, à quatre mètre, la jeune fille était debout. Elle portait sa même robe rose habituelle avec ses bottes, mais avait tout de même rajouté un manteau marron au dessus, et ses cheveux bruns restaient toujours attachés en queue de cheval avec la petite mèche qui retombait sur son front.

Elle était restée la même.

Elle s’approcha en courant et prit son amie dans ses bras.

« Lopy ! Je suis si heureuse de te voir. »

« Heu… moi aussi… » répondit maladroitement Penelope qui ne s’attendait pas du tout un geste pareil. Quand est-ce que quelqu’un l’avait prise dans ses bras pour la dernière fois ? Elle ne s’en souvenait même plus.

« Si tu savais à quel point j’était surprise quand j’ai reçu ta lettre. Je suis si touchée que tu aies pris la peine de chercher mon adresse et m’écrire. Je croyais que je ne comptais plus du tout pour toi… »

« Attends ! »

Penelope la repoussa et Flora comprit immédiatement à son regard que quelque chose n’allait pas.

« Flora. Je ne t’ai pas écrit. Tu l’as fait. »

« Mais non ! » S’exclama la brunette. « Je ne sais même pas où tu habites. »

Penelope tira de son sac à bandoulière un bout de papier qu’elle tendit à son amie.

« Tu n’as pas écrit ça ? »

Flora déplia la feuille et il lui suffit d’un cop d’œil pour répondre.

« Non. »

Elle tendit à son tour à Penelope la lettre qu’elle avait reçue.

« Et ça ? »

« Ne me dit pas que tu as cru que cette écriture horrible m’appartenait… et puis je ne parle pas comme ça. »

« Je me disais aussi. C’était trop gentil. »

Les deux jeunes filles se fixèrent en silence.

« Flora… ce n’est pas pour te choquer… mais quelque chose d’horrible se prépare. »


***************


Elle redressa son chapeau dont la taille était deux fois celle de sa tête. Non, vraiment, ce genre de vêtements n’était pas fait pour elle. Pourtant, elle était obligée de s’habiller comme ça.

Elle avait du mal à garder une démarche élégante avec ces talons qui compressaient ses pieds. Elle ne pouvait même pas courir, et sa lourde jupe en velours n’arrangeait rien.

Quel travail pénible !

Ah ! Cet endroit ! Elle n’était pas venue ici depuis un bon moment. Elle avait perdu quelques repères, mais dans l’ensemble, elle arrivait à se situer. Si sa mémoire ne lui jouait pas de mauvais tours, elle devrait arriver à destination dans une quinzaine de minutes.

Alors qu’elle contournait le magasin situé dans le coin de la rue, elle apperçut un jeune garçon qu’elle reconnut aussitôt. Avec sa casquette bleue et son cartable de côté, il marchait aux côtés de ses parents en tenant entre les mains une sorte de quiche qu’il semblait impatient de dévorer.


Elle changea rapidement de chemin.


***************


« Dans la lanterne aux cheveux galopants, on voit courir les chevaux. Ils s’arrêtent quand la lumière s’éteint. Sur la bannière au tigre ailé, on voit voler le tigre. Il se cache quand la banière s’enroule. »

« Encore une autre de tes phrases chinoises ? »

« Cela s’appelle une sentence, très cher. Et ce n’est point de ma faute si j’éprouve pour cette culture le plus grand des intérêts. D’ailleurs, cette sentence exprime bien la situation actuelle, tu ne trouves pas ? »

« Les chevaux, le tigre… si on veut. »

« Quelle analyse superficielle des choses… »

« Je ne suis pas un philosophe, moi. Et d’ailleurs, si on suit ta « sentence », on va tous disparaître à la fin. Tigres et chevaux. Volants ou galopants. »

« Hum… on ne peut être sûr de rien. »

« Dis-moi, honnêtement, tu es prêt ? »

« Prêt est un mot bien fort, mais quatre-vingt-dix ne font que la moitié d’un trajet de cent li. »

« Et la traduction ? »

« Je dis simplement que maintenant que nous sommes si prêts, les choses se compliquent un peu. »

« En même temps, c’est venu tellement vite. »

« On ne peux pas attendre devant la souche que le lièvre vienne s’y cogner. »

Soupir.

« Arrête. »

« Je vais résumer les choses pour un simple d’esprit comme toi : nous touchons à la fin, et nous avons trop sacrifié pour y arriver. Désormais, c’est quitte ou double. Alors certes, je ne peux qu’avoir peur de voir mes plans s’effondrer. Mais je suis également très enthousiaste à l’idée de les voir réussir. »

« C’est pour ça que tu as regroupé tout le monde ici ? »

« Oui. Désormais que Théodore est mort, il ne reste plus de temps à perdre. Il faut mettre fin à tout cela. »

« Alors on devrait y aller nous aussi ? »

« Évidemment ! Comment peut-on concevoir un spectacle sans la présence du maître du jeu ? »


***************

Il faisait froid. Spyrale ferma la porte de l’horlogerie et se retourna vers son mari.

« Ils n’auront qu’à frapper quand ils seront là. »


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