Professeur Layton et l'ultime énigme

Dans un très joli parc à l’allure neuve, deux petites filles jouaient ensemble. Elles devaient avoir six ou sept ans, et profitaient pleinement du beau temps que leur offrait cette magnifique journée d’été.

Soudain, une jeune femme très belle et très bien habillée s’approcha de l’une d’entre elles.

« Il est temps de partir, dit-elle en souriant à l’enfant.

-Mais mère, je veux jouer encore un peu, s’opposa-t-elle.

-Allons, dit la mère en saisissant la main de sa fille, dis au revoir à ton amie. »

Elle refusa d’avancer. Mais devant l’insistance de sa mère, elle finit par céder. Elle leva alors le regard vers son amie qui était toujours assise sur la pelouse.

« Au revoir », lui dit-elle d’une voix triste.

La fille la regarda et sourit comme pour la réconforter.

« Au revoir, Flora. », lui répondit-elle.

C’était la dernière fois qu’elles se voyaient.

La porte s’ouvrit et un homme dans la soixantaine apparut. Il était en réalité beaucoup plus jeune mais avait toujours fait plus que son âge.

Il dévisagea un instant les deux invités qui avaient frappé à sa porte, avant de les reconnaître.

« Bonjour, Hershel, dit-il en esquissant un sourire poli, quelle joie de vous revoir. 

-Tout le bonheur est pour moi, répondit Hershel. 

-Allons, ne restez pas debout ! Entrez, je vous en prie. »

Ils s’exécutèrent et le suivirent à l’intérieur de sa demeure. Dimitri Allen n’avait pas du tout changé. Il avait toujours cet air mélancolique qui l’enveloppait ; ses cheveux, grisâtres, étaient toujours coiffés de la même manière. Et, bien évidemment, sa peau gardait toujours ses quelques rides qui lui donnaient son air âgé ; aussi bien que les cernes qu’il avait sous les yeux et qui n’avaient pas disparu, elles non plus.

Après le dévoilement de ses crimes -spécialement des enlèvements qu’il avait commis- l’ancien scientifique aurait dû comparaître devant la justice. Mais son ancien collègue, Bill Hawks, désormais Premier ministre, décida de lui octroyer son pardon. C’était pour lui une manière comme une autre pour s’excuser de ce qu’il lui avait fait dix ans plus tôt…

Installés dans le salon, ils discutèrent d’abord sur quelques sujets généraux, puis le professeur décida de lui poser la question pour laquelle ils étaient venus.

 « Dites-moi, Dimitri, connaissez-vous une personne du nom de Penelope Koldwin ? »

Il réfléchit un instant avant de hocher négativement la tête.

« Non, je ne crois pas avoir déjà croisé ce nom.

-Qu’en est-il de la famille Van Herzen, la connaissez-vous ? »

Nouveau hochement de tête.

« Non, pas que je sache.

- Alors connaissez-vous une ville du nom de Folsense ? S’enquit Luke.

-Je ne vois pas pourquoi vous me posez ces questions, répondit Dimitri, je ne connais absolument pas ces noms que vous me citez. Ai-je le moindre rapport avec eux ? »

Lui expliquer aurait pris beaucoup de temps, mais ils ne pouvaient pas non plus continuer à lui poser des questions aléatoirement en espérant tomber sur ce qui les intéressait. Penelope leur avait demandé d’aller voir Dimitri, mais elle n’avait jamais précisé ce qu’ils devaient chercher chez lui. Dimitri qui, d’ailleurs, semblait complètement ignorant de ces événements.

C’était une impasse qui rappela à Luke le jour ou lui et Layton étaient rentrés au poste de police à Folsense sans même savoir ce qu’ils cherchaient.

« Une personne nous a demandé de venir vous voir, l’informa le professeur, mais apparemment, vous ne la connaissez même pas.

-Une personne, vous dites ? Mais cela n’a pas de sens. Êtes-vous sûrs que c’est moi qu’elle vous a demandé de voir ?

-Voyez par vous-même », lui dit Hershel en lui tendant la lettre que Penelope avait envoyée. Dimitri la parcourut du regard avant de relever la tête.

« Je vous le confirme, je ne connais aucune personne du nom de Penelope Koldwin. Par contre, je reconnaîtrais cette écriture parmi mille.

-Vraiment ? S’exclama Luke, où l’avez-vous déjà vue ?

-Dans une lettre qu’un ami m’a envoyée, une fois. Je me rappelle avoir été très surpris car ce n’était pas son écriture habituelle. »

Layton et Luke se regardèrent, surpris. Est-ce que cela pouvait avoir un sens ?

« Puis-je vous demander le nom de cet ami ? Interrogea Hershel.

-Bruno, mais je ne me rappelle plus de son nom de famille. Je ne l’ai pas revu depuis qu’il est parti habiter dans ce village… voyons… Saint-Mystère, je crois… 

-Et vous êtes sûr que c’est la même écriture ?

-Absolument. »

Layton et Luke s’échangèrent un nouveau regard intrigué. Pourquoi fallait-il à chaque fois qu’ils essayent de résoudre un mystère, que celui-ci se complique encore plus ?

« Excusez-moi, reprit le professeur, mais vous avez dit que Bruno était votre ami ?

-C’était surtout un collègue. Il travaillait avec nous à l’institut de recherches multidimensionnelles. C’était un ingénieur très brillant, peut-être le plus doué de nous tous… »

« Ça alors ! Se dit Luke, qui aurait cru que Bruno, l’ingénieur qui a construit les robots de Saint-Mystère, avait travaillé avec Dimitri ? »

« Mais il a reçu un véritable choc après le drame dont vous êtes au courant, continua Dimitri Allen en prenant un air nostalgique, il a alors démissionné et a quitté Londres pour aller s’installer dans une ville campagnarde. J’ai gardé contact avec lui pendant un moment, puis je n’ai plus reçu de lettres de sa part. 

-C’est juste incroyable… murmura Hershel qui semblait oublier son raisonnement quelques heures plus tôt au sujet des nouvelles incroyables.

-Pourquoi ? Interrogea le propriétaire de la demeure, le connaissez-vous ?

-Il se trouve que nous ayons déjà été à Saint-Mystère où nous avons croisé ce cher Bruno… »

Dimitri se redressa sur son siège et les regarda d’un air intrigué.

« Mais, qu’en est-il de cette lettre ? Demanda-t-il.

-Je crois que nous allons lui rendre visite afin de lui demander… », lui répondit Hershel.

Luke réprima un cri de gloire. Lui qui attendait l’aventure, il allait être servi. Mais le visage se Dimitri s’assombrit.

« Alors vous n’êtes pas au courant ?

-À quel sujet ? »

Le scientifique prit un souffle, avant de s’adresser à ses interlocuteurs.

« Bruno est mort il y a une semaine. »

Et, face au silence que cette nouvelle avait causé chez ces derniers, il termina.

« Je l’ai appris dans le journal. Il a eu un accident durant la création de l’une de ses machines. Un accident qui lui a couté la vie… 

-C’est horrible ! S’exclama Luke.

-C’est vraiment triste, confirma son mentor. »

Une minute de silence, puis le professeur se leva.

« Bon, merci pour votre aide et excusez-nous du dérangement.

-Je vous en prie. Et c’est à moi de m’excuser, j’ai l’impression que je n’ai pas pu vous être d’une grande utilité…

-Au contraire, ce que vous nous apprenez est très important. »

Luke eut l’impression que son mentor n’avait pas dit cette dernière phrase juste par politesse.

« Seulement, rajouta Hershel, j’aimerais vous demander si vous gardez encore cette dernière lettre, si ce n’est pas trop indiscret… »

Dimitri se leva à son tour.

« Vous avez de la chance, dit-il en souriant. Lorsque j’ai lu l’article parlant de la mort de Bruno, je me suis rappelé de sa lettre et j’ai voulu la retrouver dans mes affaires pour la relire. Je monte vous la chercher. »

Il disparut pendant quelques minutes avant de revenir avec une enveloppe.

« J’espère que cela ne vous pose pas de problème, insista le professeur.

-Pas le moins du monde, Hershel, vous pouvez l’emprunter tant que vous en aurez besoin.

-Je vous remercie. »

Et ils quittèrent la maison du scientifique, la première piste indiquée par Penelope.

Luke regarda son mentor. Des centaines de questions se débattaient dans sa tête mais il ne savait pas laquelle poser. Ce fut Hershel qui rompit le silence.

« Qu’en penses-tu, Luke ?

-Heu… moi ? Pour être sincère, je ne sais plus quoi penser. C’est à peine si je peux retenir toutes les données que nous avons… »

Hershel esquissa un sourire.

« Je te comprends, mon garçon. Mais parfois, il faut voir les choses de la façon la plus simple qui soit.

-C'est-à-dire ? 

-Pourquoi Penelope nous a-t-elle demandé d’aller voir Dimitri ? Demanda le professeur sans hésitation.

-Si on reprend ses mots, c’est pour « trouver le lien entre les trois piliers »… Répondit le jeune garçon. »

Ils venaient d’arriver à la voiture, obligés ainsi de marquer une pause le temps de prendre leurs places et démarrer. Luke était vraiment impatient de savoir ce à quoi pensait son mentor.

« Quels sont ces trois piliers ? Demanda enfin le professeur Layton.

-Je ne sais pas… J’avoue que je n’en ai pas la moindre idée. 

-Eh bien…»

Arrivé à une intersection, le professeur arrêta la Laytonmobile pour laisser une autre voiture passer. Arrêtant, par la même occasion, de parler, lui aussi. Même s’il ne le faisait pas exprès, Luke avait l’impression qu’il agissait de la sorte pour faire durer le suspens.

« Luke, reprit-il finalement, d’une façon ou d’une autre, depuis le début de cette histoire, nous croisons des noms de personnes, de lieux, des événements relatifs à des aventures que nous avions vécues par le passé.

-Et ? »

Luke ne comprenait toujours pas.

« Si nous devions les classer, termina le professeur, nous nous trouverions devant trois grandes colonnes, ou « piliers », pour utiliser l’expression de Penelope.

-Ces piliers seraient donc quelques-unes de nos aventures passées ? Demanda Luke, très curieux.

-Depuis le début, nous avons compris que ce mystère serait lié à l’histoire du coffret céleste de l’an dernier. C’était plutôt évident, mais… »

Nouvel arrêt. Mais cette fois-ci, Luke, commençant à comprendre, décida de parler.

« Mais en fait, deux autres histoires étaient liées à celle-ci. Un lien plus discret, c’est pour ça que nous n’y avons pas pensé. »

Hershel sourit.

« Je vois que tu comprends. Maintenant, dis-moi, quelles sont ces deux autres histoires ? »

C’était là toute la difficulté.

« Penelope nous a révélé la première, reprit Layton pour aider son apprenti, en nous demandant d’aller voir Dimitri.

-Le Londres du futur ! S’écria Luke comme quelqu’un qui venait d’avoir une révélation.

-Exact.

-Mais je ne vois vraiment pas quelle est la troisième... reprit Luke d’un air moins enjoué.

-Nous venons pourtant de le découvrir en parlant à Dimitri.

-Vous ne voulez tout de même pas dire…

-Saint-Mystère. »

Le silence peut être causé par plusieurs raisons. Par une nouvelle incroyable, par un choc, par l’ennui. Mais cette fois-ci, les deux gardèrent le silence simplement pour réfléchir. D’ailleurs, ils arrivaient chez le professeur. La voiture s’arrêta dans le même endroit que toujours, et ils descendirent.

« Professeur, demanda finalement Luke, ces trois histoires sont vraiment liées ?

-On dirait bien…

-Et nous devons découvrir ce lien ?

-C’est ce que la lettre nous indique, en effet. »

Luke garda le silence un instant, pensif. Puis se résigna à poser sa question.

« Mais quel est le rapport avec la mort de Vladimir ? J’ai l’impression qu’on s’éloigne de notre objectif…

-Peut-être bien, répondit Hershel en marchant en la direction de la porte d’entrée, mais c’est tout de même mieux que rester à attendre une réponse qui ne viendra peut-être pas. »

              Luke comprit ce que le professeur voulait dire. Penelope était la seule qui pouvait les aider ; alors suivre la piste qu’elle leur offrait –aussi bizarre soit elle- était la seule option. Du moins, jusqu’à ce que le professeur comprenne ce qui était en train de ce passer.

À peine Hershel eut-il ouvert la porte de sa maison, que sa fille adoptive apparut devant lui.

« Professeur, s’exclama-t-elle, où étiez-vous ?

-Je t’ai dit que j’avais une affaire…

-Je vous ai attendue pendant ce qui me semble être des heures ! S’écria-t-elle sur un ton qui ressemblait à de l’impatience.

-Pourquoi ? Qu’y a-t-il ? »

La jeune fille recula d’un pas et lança un regard vers le salon avant de se retourner vers le professeur.

« Je viens… de me souvenir… d’elle... »