Janice et Ambrosia
C'était une calme soirée d'automne. Un 16 Novembre 1969, pour être précise. Le vent glacé et le froid mordant dissuadaient quiconque de sortir de chez soi. Ce temps n'étonnait personne; à Londres, on y était habitué depuis longtemps.
Parmi les rares piétons encore entrain de se promener, une jeune femme marchait. Elle était vêtue d'une ample robe de couleur lavande, assortie à des bas blancs qu'elle portait avec de fines chaussures marrons. Un pendentif de couleur mauve venait terminer son style vestimentaire, pour le moins étonnant, vu la saison.
Ses cheveux roux, attachés en une queue de cheval basse, étaient parfois violemment soulevés par le vent, et c'est alors qu'une mèche ne tenant pas en place venait balayer ses jolis yeux de couleur ambre.
N'importe qui ne la connaissant pas personnellement aurait pu penser qu'il s'agissait d'une demoiselle à la vie calme et qui n'avait jamais rien vécu d'extraordinaire. Les personnes qui osaient penser ça faisaient une grave erreur. Surtout si la jeune femme en question était une cantatrice très célèbre...
La jeune lady rousse était arrivée à l'allée de platanes qui bordait sa maison, au 37 Riverside Drive. Elle se tenait devant un portail, qui a en juger par l'apparence, était en assez bon état. Elle poussa ce dernier, et, une fois qu'elle l'eut franchi, elle prit soin de le refermer.
A la gauche de ce fameux portail, était encastrée une plaque sur laquelle on pouvait simplement lire :
Janice quatlane
Ce nom n'était inconnu de personne, surtout depuis cette toute récente affaire...
Janice quatlane, donc, cette fameuse jeune femme, s'arrêta devant la porte en bois d'olivier finement ouvragé de sa maison, une maison toute simple et on ne peut plus banale, qui ne suffisait malheureusement pas à la cacher de bon nombres de piétons ou de divers journalistes, qui venaient fréquemment la déranger pour une interview ou simplement un autographe. Malgré tout, la jeune femme ne regrettait absolument pas de s'être lancée dans une carrière de cantatrice, dans laquelle elle excellait.
Tout en insérant la clé dans la serrure de sa porte d'entrée en bois d'olivier finement ouvragé, elle ne put s'empêcher de repenser à toute cette mystérieuse histoire, même si elle s'efforçait de l'oublier. Mais Janice le savait, elle n'effacerait jamais cette histoire de sa mémoire, même elle essayait à tout prix de le faire.
Elle venait tout juste de rentrer d'Ambrosia, le royaume éternel, qui était également le titre de "son" spectacle. La jeune cantatrice en était sûre : même si le professeur Hershel Layton lui avait promit de ne rien dire dans les journaux, l'affaire en ferait la Une demain, une affaire qui susciterait beaucoup de polémique. Personne n' imaginerait que le compositeur de génie, Oswald Whistler, le plus célèbre des pianistes était derrière cette histoire de vie éternelle et d'enlèvement de jeunes filles.
La seule chose que personne ne saurait, c'est que le fameux "Mr Whistler"que l'on accablerait de reproches et d'ignominies travaillait avec un ignoble scientifique "prétendant à de très hautes aspirations", et que c'était lui, le gros coupable. Le musicien s'était juste laissé manipulé, par l'amour de sa fille.
Oswald, en collaboration avec Jean Descole, avait crée une machine capable de transférer des souvenirs de quelqu'un dans le cerveau de quelqu'un d'autre. Plus précisément, c'était sa fille aux cheveux blonds que l'on appelait Mélina, morte un an auparavant, dont il voulait utiliser les souvenirs, dans l'espoir de la faire revivre.
Janice avait été l'une des premières jeune filles à avoir été enlevée puis testée sur le détragant, ce fameux engin, et avait vite compris de quoi il retournait; elle avait enfoui ses souvenirs au plus profond d'elle même. Après, il n'y avait plus eu que du noir. Lorsque la cantatrice avait ouvert les yeux, Mélina était là, et elles s'étaient dit adieu, au grand désespoir de la jeune femme, qui avait accompagné Oswald Whistler pour son ultime morceau.
Le professeur lui avait ensuite expliqué que la fille du musicien, Mélina donc, l'avait appelée afin qu'il arrête définitivement son père. Mais Jean Desole avait décidé d'enlever la jeune fille pour la forcer à chanter une mélodie qu'elle seule savait interpréter, l'Ode à la mer. Seulement, rien n'avait marché comme prévu : une ultime clé, en plus de l'Ode aux étoiles et de l'Ode à la mer, était nécessaire. Avec cette dernière mélodie, l'Ode au soleil, Ambrosia été enfin apparu, et Descole, plus énervé que jamais, avait finalement fini par tomber. Après leur adieux, Mélina avait rendu son corps à Janice, et l'affaire s'était terminée
Si celle-ci avait cédé son corps à Mélina, c'est parcequ'elles étaient les meilleures amies. Malheureusement, une maladie pour laquelle était sous traitement avait fini par emporter la jeune blonde. Peu avant de mourir, elle avait offert son collier à sa meilleure amie; c'était le fameux pendentif que la jeune cantatrice portait toujours autour du cou. C'était la chose la plus importante à ses yeux. D'ailleurs, elle ne s'en séparait jamais, et le chérissait jour après jour.
A la suite de cette affaire pour le moins insolite, Oswald Whistler, le compositeur, avait été emmené en prison par l’inspecteur Grosky de Scotland Yard, après avoir joué son ultime morceau. Il devait tout juste être derrière les barreaux, maintenant. Derrière les barreaux entrain de payer le prix pour avoir été trompé par un manipulateur.
Et le professeur Layton ? Qu'allait-il faire, maintenant ? Sans doute que d'autres enquêtes l'attendait...
Janice avait dû se résoudre à le quitter, et cela n'avait pas été chose facile. Mais la jeune femme était sûre qu'il se reverraient, même si cela venait à prendre du temps. Elle éprouvait une grande admiration pour lui, Hershel Layton, 34 ans, professeur d'archéologie à l'université de Greesenheller. Le fait qu'elle avait été son élève et son assistante pendant longtemps, y était pour beaucoup. Impossible de ne pas se remémorer ses anciens souvenirs en tant qu' "assistante" de cet archéologue de renommée mondiale...
Et puis, la jeune rousse le connaissait très parfaitement : en tant que parfait gentleman et amateur d'énigmes et casses-têtes en tout genres, il n'avait pas résisté à la missive envoyé par Mélina.
Mais, si y avait une personne que Janice connaissait bien, c'était Luke. Dans une de ses lettres, le professeur Layton le lui en avait parlé. C'était à Mysthallery, la ville du légendaire Jardin d'Or, qu'ils s'étaient rencontrés. L'archéologue avait détaillé à la jeune cantatrice comment il avait résolu cette énigme. En effet, contrairement aux apparences, Hershel Layton écrivait très régulièrement à son ancienne élève, et vice versa ; cela leur permettait de garder le contact. Tous deux tenaient beaucoup à ce lien.
Un faible sourire éclaira doucement le visage de Janice. Si elle avait raconté cette histoire au passant qui venait de traverser juste devant chez elle, il lui aurai rit au nez. Cantatrice célèbre ou non, l'histoire paraissait absurde, surtout si on ne l'avait pas vécue...
La lady se retourna, et ne put se retenir de regarder le ciel étoilé. Certaines de ces milliers de lumières se démarquer par l'intensité de leur éclat; elles brillaient plus fortement que d'autres. Bien qu'elle était loin d'être une experte en astrologie, la jeune rousse pouvait apercevoir quelques constellations comme celle d'Orion ou de la Grande Ourse "éclairer" le ciel.
C'est alors qu'une chose étonnante se produisit. Tandis que la célèbre cantatrice regardait toujours la voûte céleste, elle entendit résonner dans sa tête une mélodie pure et cristalline, au ton doux. Après quelques secondes, cette dernière cessa. Ce qui étonnait Janice, ce n'était pas tant qu'une mélodie puisse résonner dans sa tête, même si cela paraissait surprenant, c'est qu'elle avait déjà entendu cette mélodie quelque part. Sans doute assez vaguement, car il était impossible pour la jeune femme de se la rappeler précisément. Soudain, elle poussa un léger cri d'étonnement; elle venait de se souvenir de cette chanson. N'était-ce pas...l'ode aux étoiles ? La première mélodie inscrite sur les armoiries d'Ambrosia...
La "diva éternelle" secoua la tête. Pourquoi fallait-il encore qu'elle pense à ce royaume ? Elle avait décidé de ne plus y songer. Ce n'est pas comme ça qu'elle y arriverait.
Janice fit volte face à la porte de sa maison et appuya sa main contre la poignée pour l'ouvrir. Un léger -clac !-annonça que la fameuse porte venait de se fermer.
Après avoir savouré un bon repas, elle décida d'aller se coucher. Même si elle n'était pas du genre à être vite fatiguée, ce soir, c'était une exception.