Mechamon Iris

Chapitre 55 : Scarlett

5503 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 6 mois

VII - Cramois’îles


Chapitre 55 - Scarlett


“Je… JE SUIS DÉSOLÉ ! LAISSE-MOI NETTOYER, JE T’EN SUPPLIE !!”


Poussant Morgane en dehors du conteneur abritant l’Eevolv-S, je la mets en garde de ne plus se rapprocher de mon mecha. En profitant au passage pour lui dire de se doucher.


La jeune femme s’éloigne, a contre-coeur, marchant honteusement, la tête baissée, sur le pont du Mitsu-Marin.


Bientôt, nous arriverons sur l’île Un. Je dois préparer le terrain pour ma sortie avec Ember. Et l’une de ces préparations consiste à libérer mon Soldat de la présence de sa locataire…


Mais alors que je prépare mes outils de nettoyage, mon esprit s’égare. J’ai rencontré cette fille à Argenta, au printemps de cette année. Elle n’était qu’une enfant turbulente à ce moment-là.


Je ne me serais jamais imaginé que, pour elle, j’aurais parcouru tout le pays, combattu le gouvernement et la mafia, pour finalement me joindre à une armée rebelle visant un coup d'État.


Et je n’aurais jamais imaginé la voir grandir aussi vite en quelques mois… C’en est tellement absurde que je pousse un long soupir, allumant mon aspirateur.



Depuis que je l’ai revu, sur la tombe de ma mère, ce sentiment ne me quitte plus. Ember… Tu es—


“Azul ?”


Je sursaute, entendant la voix de la jeune fille dont je parlais plus tôt résonner dans l’habitacle de l’Eevolv. Appuyant sur une touche du clavier, je lui réponds.


“Oui ?”


“... Je t’entends mal. Il y a des interférences ?”


……


J’éteins l’aspirateur, toussant ma gêne avant de reprendre ma question initiale. “Qu’y-a-t’il ?”


“P.. Pour notre sortie… J’aimerais aller à Cramois’île.”


“L’île principale ?”


“On peut prendre le Vyzard ?”


“Il sera préférable d’emmener nos Soldats avec nous, au cas où, oui.” De toute façon, j’étais justement en train de préparer mon Eevolv-S pour l’occasion. Avec les tensions actuelles dans tout le pays, il vaut mieux rester prudent.


Après un « d’accord » à la fois nerveux et enjoué, Ember coupe la communication, me laissant seul avec mon aspirateur éteint.


L’île principale, hein…? Comme je le pensais, ce n’est pas une simple sortie. Elle a quelque chose en tête. Et je pense qu’au terme de cette journée, je ne verrais plus cette fille de la même manière.











Peu de temps après que notre navire n’ait jeté l’ancre, je propulse l’Eevolv-S dans les airs. Ce dernier est réceptionné par les bras du Vyzard, qui nous servira « d’ailes » durant notre court voyage silencieux en direction de Cramois’île.


En vingt minutes, nous arrivons aux abords de l’île principale de l’archipel. Contrairement aux îles Sevii, qui sont plus sauvages, avec très peu de structures humaines, Cramois’île est une véritable ville entourée d’eau.


Depuis les cieux, nous pouvons y discerner de nombreux grands bâtiments servant probablement aux multiples recherches qui ont lieu ici. Cependant, malgré sa réputation de centre de recherche géant, Cramois’île comporte également des zones résidentielles, un grand parc d'attractions, des rues marchandes, une avenue plus touristique…


Un instant. Ces derniers endroits que j’ai mentionnés… Ce sont clairement des coins de da—



“Hm ? Azul ? Tu fais une tête bizarre. Tu as besoin d’aller aux toilettes…?”


Dix minutes plus tard. Nous sortons enfin de nos cockpits après avoir laissé nos Soldats au cœur d’un petit bois mal entretenu. En face de nous, se trouve un vieux manoir en ruine, vers lequel Ember se dirige.


Le stress s’étant accumulé en moi ces dix dernières minutes se libère dans l’air via un long soupir.


“Où sommes-nous ? Tu connais ce manoir ?” Je demande, me ressaisissant.


Le regard de la jeune fille se tourne de nouveau en direction de la ruine. L’expression sur son visage, normalement traduisant une naïveté très enfantine, devient de plus en plus sombre.


“Je le connais bien. Suis-moi.”


Ses pas sont assurés alors qu’elle s’avance en direction de la vieille bâtisse. Je suis nerveux, mais je décide néanmoins de la suivre sans poser de questions pour le moment.



La porte d’entrée est entrouverte alors qu’elle la pousse dans un grincement qui résonne dans les longs couloirs sombres et vides du hall. Première chose que je remarque : la quantité de poussière dans l’air. Cet endroit est abandonné depuis très longtemps. Cependant…


Mon regard se tourne sous la porte d'entrée, puis au sol tout le long du couloir. Les traces sont minces, mais il semblerait qu’il y ait eu du passage récemment. Gardant cette info dans un coin de mon crâne, je continue de suivre Ember dans les ténèbres de ce lieu étrange.


“Dit, Azul… Pourquoi tu ne m’as pas posé de questions à propos de mon passé ?”


“Hah ?”


“Tu sais que je me souviens de tout depuis ce qu’il s’est passé à Safrania… Pourtant, tu n’as pas cherché à en savoir plus. Pourquoi ?” Demande-t-elle en s’arrêtant soudainement, un regard mélancolique tourné vers le sol.


Je me stoppe également, derrière elle. Mais avant de lui répondre, je prends la peine d’inspecter les lieux qui nous entourent.


Le sol est habillé d’un vieux tapis aux motifs extravagants, maintenant déchiré et terni. De même pour les rideaux qui bloquent quasiment toute la lumière extérieure. Je discerne également d’étranges statues le long du couloir. Leurs yeux semblent être faits de verre.


Ce sont probablement des caméras. Mais ces dernières ont tellement de poussière les recouvrant que je doute que quiconque nous espionne. Je décide donc de répondre à Ember.


“Il y a quelques mois, je t’aurais probablement inondé de questions.”


“Mais plus maintenant ?” La jeune femme se retourne. Ses yeux, dont je connais le rouge, brillent dans l’obscurité alors qu’elle me regarde en attendant une réponse plus concrète.


“...”


“Tu… Tu es déçu que j’aie grandi d’un seul coup ?” Dit-elle d’une voix tremblante.


“Hein ? Non. Évidemment que non !”


Son visage change dans une expression plus enfantine, à nouveau. Comme une gamine faisant les yeux ronds dans l’espoir d’avoir l’air mignonne. Sauf que la connaissant, elle n’en a probablement même pas conscience.


“C’est juste que… Je ne sais plus quoi penser. Entre la Ember d’aujourd’hui, la Ember d’il y a un mois, et celle d’il y a des années…”


Ses yeux s’écarquillent alors qu’elle me fixe, bouche bée. Quant à moi, je lève enfin mon regard afin de rencontrer le sien.


“Mais les choses ne peuvent pas continuer ainsi.” Je continue, “Et, si tu nous as amenés ici, c’est que tu as décidé de prendre les choses en main, n’est-ce pas ?”


“Tu as raison.” Dit-elle, regagnant confiance en elle. Son regard maintenant déterminé. “L’histoire que je suis sur le point de te raconter, Azul, ce n’est pas une histoire agréable à entendre.”


Acquiesçant, je fais comprendre à ma partenaire que je suis prêt. Elle reprend alors son souffle, comme pour se préparer une dernière fois, mentalement, puis…


“Il y a dix ans, à Bourg-Palette…”





















Ce matin, je me suis levée avec une nouvelle résolution. Celle de passer une journée seule. Mais, en entrouvrant la porte d’entrée, je vis mon tout premier obstacle.


“Green… Il est déjà en train de m’attendre…” Je chuchote, regardant l’horloge murale de la cuisine, indiquant sept heures du matin.


Je referme doucement la porte, et prends un moment pour réfléchir. Comment quitter la maison sans que ce pot de colle ne me voit…?


“Scarlett ? Tu es déjà debout ?”


Je sursaute en entendant la voix de maman. Elle sort du salon, une tasse de café à la main. Et lorsqu’elle me voit, déjà habillée, un seau et une canne à pêche sous le bras, son visage change dans une expression de colère.


“Tu allais sortir sans déjeuner ?”


“Ha ! Euh… Je…”


Je ne trouve pas d’excuse… Si je lui dis que j’étais prête à sacrifier un repas pour ne pas avoir à me coltiner Green toute la journée, elle me disputera sans aucun doute.


Poussant un long soupire, ma maman me traîne jusqu’à la cuisine.


Mon nom est Scarlett. J’ai dix ans et j’habite dans un petit village de pêcheurs du nom de Bourg-Palette.


Ici, la vie est calme. Les gens sont gentils et la mer ainsi que les grandes prairies font de cet endroit un paradis pour les enfants. Pourquoi ? Car chaque jour est une nouvelle aventure !


Rien n’est plus amusant et cool qu’une aventure ! L’excitation de l’inconnu, du danger et de la découverte !


Mangeant les tartines à la confiture faites par ma maman, je me balance sur ma chaise en imaginant les aventures que je vivrai aujourd’hui. J’ai pris une canne et un seau dans l’espoir d’aller pêcher, mais puisque je souhaite éviter Green, ce sera l’occasion d’aller attraper des poissons dans des coins plus éloignés.


“Tu t’en es mis partout sur le visage…” Soupire ma maman en m'essuyant le visage avec une serviette humide. OH ! Je sais !


“Maman ! Est-ce que je peux venir avec toi à la boutique ?!”


“Hm ? Ça ne me dérange pas, mais tu ne vas pas jouer avec le petit-fils du professeur ?”


“Je veux passer la journée avec toi…”


Baissant la tête, je lève les yeux dans sa direction en gonflant mes joues. C’est une technique de persuasion que j’ai apprise il y a longtemps. Elle est particulièrement efficace sur les adultes.



Comme prévu, Green n’eut d’autre choix que de me laisser lorsque ma maman lui expliqua que j’allais l’aider dans son magasin. Évidemment, il a essayé de demander à aider aussi… Mais même lui ne peut rien faire face au pouvoir d’une mère poule !


Le problème, c’est qu’aider à ranger les rayons n’a rien d’une aventure. Cependant, selon mes calculs, si je fais cela pendant une heure, j’aurai bientôt la légitimité de réclamer ma liberté !


Ma maman est la propriétaire du seul magasin de pêche du village. Elle y vend donc des cannes, des barques, mais aussi des hameçons, des flotteurs, des fils… Bref ! Tout ce qu’il faut pour attraper des poissons !


C’est pratique, car je récupère souvent du matériel que personne n’achète. Comme ma vieille canne par exemple ! Le hic, c’est que gérer un magasin, c’est pas rigolo…


Fixant l’horloge en forme de poissirène derrière le comptoir, je suis le mouvement de l’aiguille des secondes.


Ça y est presque… Encore un tout petit peu… Alleeeeeez…


HUIT HEURES TRENTE ! Ça fait officiellement une heure que je suis ici !


“Maman ! Je m’ennuie ! Est-ce que je peux aller jouer ?!”


“C’est donc pour ça que tu as pris ta canne avec toi…” Dit-elle en regardant l’heure à son tour.


Je vois dans ses yeux qu’elle est déçue et énervée. Je commence à ressentir du regret… Peut-être que je devrai—


“Vas-y.”


“Merci maman ! À toute !”



Marchant entre les rochers, je m’éloigne peu à peu des étendues de sable pour trouver un coin tranquille, en bord de mer, où me poser avec ma canne à pêche.


J’attrape un aspicot que je gardais de côté, dans une boîte, puis l’accroche à mon hameçon. Et enfin, je lance ma ligne loin en direction de l’horizon. Je bloque ensuite ma canne entre deux rochers, et sors un vieux carnet de ma sacoche.


Bercée par le son des vagues, je relis à nouveau les aventures écrites par le propriétaire de ce livre.


“Oh ! J’aime bien ce passage !”


La partie que j’ai décidé de lire aujourd’hui relate de sa rencontre avec une maman ossatueur, dans une des Tours Funèbres de Lavanville. Je me souviens que Daisy et Green m’ont suppliée d’arrêter lorsque je leur ai raconté cette histoire, la dernière fois…


En fait, la maman ossatueur est un fantôme depuis le début, et sa véritable forme n’est dévoilée que lorsque l’aventurier la regarde à travers une lentille spéciale. C’est une histoire qui semble faire peur aux autres enfants, mais j’aime ce moment où l’aventurier comprend que le fantôme n’est pas un ennemi, mais juste une mère inquiète pour son bébé osselait qui a été enlevé par des braconniers.


“Il y a beaucoup de méchants adultes en dehors de Bourg-Palette… Il faudrait peut-être que j’apprenne à me battre pour quand je partirais à l’aventure.”


Je regarde l’horizon, par-delà la mer, pensant longuement aux types d'entraînements qui pourraient me rendre forte.


Mm… Hm ?


Mes yeux se tournent en direction de l’endroit où mon flotteur était censé être plus tôt. Il n’y est plus… Et ma canne tremble.



“UN POISSON !”


J'attrape ma canne avec mes deux mains, et commence à rembobiner le fils en tirant de gauche à droite afin de fatiguer ma proie. Finalement, lorsque la ligne est suffisamment proche, je tire la canne en arrière de toutes mes forces !


C.. C’est…!


“Un… UN CHAT ?!!”


Un chat tout rose avec une très longue queue jaillit de l’eau, mon hameçon dans la gueule. Il atterrit finalement contre un rocher, lâchant un gémissement de douleur à l’impact.


Je le fixe, bouche bée, alors que l’animal tremble de souffrance… ou de froid ?


“C’est un chat…? Non… Les chats ne vivent pas dans l’eau ! À moins que ce soit… UN BARBICHA ?!!”


Mon père en parlait dans son journal de pêche. Il appelait ça un poisson-chat. Mais je ne pensais pas qu’il ressemblerait plus à un chat qu’à un poisson…


Alors que je réfléchis encore aux origines de ma nouvelle trouvaille, cette dernière reprend connaissance, recrachant mon hameçon comme s’il s’agissait d’un vulgaire pépin.


Après cela, le chat-poisson se redresse sur ses quatre pattes pour se remuer rapidement, me pulvérisant d’eau avec ses poils mouillés.


“H..HAH ! Attends !” Je crie, lui bondissant dessus. “Je dois montrer ça à maman !”


“AAAH ! Lâche-mew ! Espèce de petite humaine !!”


Hein ? … HEIN ?!!!


“UN BARBICHA QUI PARLE ?!!!”


“Barchicha ?! Je ne sais pas de quoi tu parles !!” Hurle-t-il d’une voix aiguë avant de glisser entre mes bras pour s’échapper. Il s’arrête ensuite dans les airs, me regardant en tirant la langue.


Un instant…


“UN BARBICHA QUI VOLE !!!”


“Mew n’est pas un barbicha ! Mew ne sait même pas ce qu’est un barbicha !!”


P.. Pourquoi est-ce qu’il commence chacune de ses phrases en miaulant…? Parce que c’est un chat ? C’est à la fois fascinant et ridicule.


“Peu importe ! Je t’ai attrapé ! Donc redescends, maintenant !!” J’essaie de lui ordonner, mais le chat tourne juste sur lui-même dans les airs en ricanant.


“Est-ce que tous les humains sont aussi insolents et obsédés par le fait de capturer tout ce qu’ils voient ?”


Ha… Mince ! Il a raison. Je me comporte comme les braconniers qui ont fait du mal à la maman ossatueur… Mais je ne peux pas juste le laisser partir comme ça ! C’est ma toute première vraie aventure !!


“D.. Désolée… Je ne voulais pas être méchante.” Je dis en baissant la tête de honte.


“Mm… Mew ne sait pas s’il peut te pardonner. Tu as fait très mal à Mew avec ton piège, après tout !”


Mon piège ? Il parle du hameçon ? Est-ce que c’est si méchant que ça…? Papa et maman m’ont toujours dit que c’était important pour attraper des poissons. Et que sans les poissons, il n’y avait pas de nourriture dans l'assiette.


En tout cas, je ne sais pas comment me faire pardonner par le barbicha… Est-ce qu’il acceptera si je lui propose de lui pêcher un poisson-souris ?


“Je sais !” S’exclame le poisson-chat. “Comment t’appelles-tu, petite humaine ?”


“S.. Scarlett.”


Le chat volant se moque ouvertement de mon prénom, disant qu’il est bizarre, ce qui m'énerve un peu, mais je décide de ne rien dire pour le bien de mon aventure.


“Bien ! Scarlett, tu devras jouer à un jeu avec mew !”


“Un jeu ?” Ma tête se penche naturellement sur le côté, alors que je n’arrive pas à cacher ma surprise.


“Oui ! Mew se cachera quelque part dans ce village, là-bas !” Dit-il en pointant en direction de Bourg-Palette avec sa petite patte rose. “Tu as jusqu’à demain, à l’aube, pour trouver mew ! Si tu ne trouves pas mew, alors mew gardera ça !”


Soudain, la queue du chat, qui était cachée derrière son dos, se déroule vers le bas. Elle est enroulée autour du vieux carnet d’aventure que je tenais tout à l’heure. Quand est-ce qu’il me l’a volé ?!!


“Hey ! Rends-moi ça !!” Je crie en étant vraiment en colère.


Ce satané chat continue de rire, volant à peine trop haut pour que je puisse atteindre mon livre. Et alors que je sens mon visage chauffer et mes dents se serrer de haine, il reprend la parole.


“Si tu arrives à trouver mew, alors mew accordera un de tes vœux ! Bien que ce ne soit pas la spécialité de mew…”


“Un vœu…?”


“Bonne chance, Scarlett ! Hihi !”


Le chat s’envole très vite dans les airs, en direction du village. Trop vite pour que j’arrive à le poursuivre.



“SALETÉ DE BARBICHA !!!”


Je mets un coup de pied dans mon seau d’eau, qui reposait au sol. Je suis énervé ! Mais… Je suis aussi déterminé ! Ce jeu… Je l’emporterai ! Et j’écrirai cette aventure dans la première page de mon propre carnet plus tard !!



De retour à Bourg-Palette, je regarde partout, autour de moi. Mes poumons me font mal et j’ai une soudaine envie de vomir après avoir couru sans m’arrêter. Mince… C’est vraiment pas juste ! Une partie de cache-cache dans un village entier !


Ce sera impossible de le retrouver toute seule. Mais si je demande de l’aide, il serait peut-être capable de dire que j’ai triché ! Pour commencer, je devrais essayer de chercher toute seule. Et, si possible, poser des questions aux villageois sans leur parler du jeu.


Je commence donc à fouiller dans les arbustes, les petits coins, les poubelles. Bref, tous les endroits où un chat pourrait se cacher. J’espère juste qu’il n’est pas entré dans une maison…


“Scarlett ? Qu’est-ce que tu fais la tête dans une poubelle, ma petite ?”


Hah ! C’est une des mamies du quartier !


“Vous auriez vu un barbicha dans le coin ?!” Je demande, des morceaux d'arête coincée dans mes cheveux.


“Je ne sais pas à quel jeu vous êtes encore en train de jouer, mais tu ne peux pas fouiller ainsi dans les poubelles des gens ! C’est très mal poli !” Répond-elle en m’attrapant par le bras. “Allez, viens avec moi.”


Naïvement, je la suis à travers le village, jusqu’à ce que nous nous retrouvions face au magasin de ma maman…


“P.. Pourquoi vous m’emmener voir ma mère ?!!”


“Pour que tu puisses lui expliquer ce que tu étais en train de faire.” Dit-elle, d’un air fier.


Je cherchais un barbicha dans les poubelles, et j’y ai trouvé une ordure ! Je tire sur ma main pour échapper à l’emprise de la vieille sorcière, lorsque quelqu’un m’appelle par mon prénom.


“Scarlett ? Que se passe-t-il ?”


“M.. Maman…”



Après m’être faite disputée puis punie, je me retrouve de nouveau à la case départ. C'est-à-dire à trier les étagères du magasin…


Lâchant un très long soupir, je constate que ma défaite face au barbicha est assurée.


“Un barbicha dans une poubelle… Parfois, je me demande ce qu’il se passe dans ton crâne pour penser à des choses pareilles.” Dit ma maman sur un ton coléreux.


“Mais c’est vrai ! J’ai pêché un barbicha dans la mer tout à l’heure ! Mais il s’est enfui dans les airs…”


“Tu l’as probablement confondu avec un autre poisson. Il n’y a pas de barbicha dans les eaux de Kanto.”


Ma maman ouvre une encyclopédie des poissons, qu’elle vend pour seulement quatre-cents pokédollars. Elle pointe du doigt un gros poisson moche, en dessous duquel il est écrit…


“Barbi… HEIN ?! C’EST ÇA UN BARBICHA ?!! Ça ne ressemble pas du tout à un chat !!!”


“On l’appelle comme ça, car il a des moustaches comme les chats.”


“C’est stupide ! Le vieux Robert qui vend les poissons à Jadielle a une moustache lui aussi ! Et on ne l’appelle pas Papicha !”


“Peu importe…” Dit-elle en soupirant. “Ce que tu as attrapé n’est pas un barbicha.”


Mais c’était quoi alors ? Un poisson pacha ? Ou un chat pas poisson ? Je ne comprends plus rien…


Quoi qu’il en soit, je suis désormais prisonnière du magasin, obligée de travailler toute la journée. Fichue mamie ! Je jure de me venger lorsque j’en aurais l’occasion !



Alors que l’ennui et le sommeil s'allient entre eux pour me torturer, des cris de personnes pas contentes se font entendre à l’extérieur. Je regarde l’heure sur l’horloge poissirène. Quatorze heures vingt-sept.


“J’ai faim…”


“Fermons une petite heure le temps d’aller manger.” Propose ma maman, qui était tellement concentrée sur ses livres de compte qu’elle en a oublié de nourrir sa propre fille…


Mais à l’instant où nous posons les pieds dehors, une foule en colère nous attend.


“Ha ! La voilà !” Dit un pêcheur en me pointant du doigt.


“Rends-moi les dossiers que tu as volés dans le laboratoire !” Cri un des chercheurs travaillant pour le papi de Green.


“Et tu vas rembourser la fenêtre que tu as cassée !” Ajoute la dame avec un monosourcil qui vit à la sortie de la ville.


“Tu vas aussi rembourser les poissons que tu as mangés !!”


Q.. Qu’est-ce qu’il se passe ?! Pourquoi tout le monde m’accuse de choses que je n'ai jamais faites !!!


Ma maman me lance un regard noir, ses mains tremblantes posées sur ses hanches.


“N.. Non ! Je n’ai rien fait ! Je te le promets !!!”


“Bien essayé, mais il y a des témoins dans tout le village !” Dit le pêcheur en s’approchant d’un pas assuré, comme s’il était sur le point de m'attraper !


“Un instant !” Ma maman se met entre deux, me protégeant derrière elle, fixant le pêcheur avec une expression terrifiante. “Quand est-ce que ça s’est passé ?”


“Il y même pas vingt minutes ! Elle a passé la matinée à courir dans le village, à voler, à taper et à se moquer des gens qu’elle croisait !”


“C’EST FAUX ! JAMAIS J’AURAIS FAIT UN TRUC AUSSI MÉCHANT !!”


“Je viens de te dire qu’on a des témoins !”


“Il y a vingt minutes, vous dites ? C’est impossible.” Dit ma maman en passant sa main derrière moi pour me tirer contre elle. “Scarlett a passé quasiment toute la matinée dans le magasin, à m’aider.”


Tous les villageois en colère regardent ma mère en fronçant les sourcils.


“Delia, je comprends que tu souhaites défendre ta fille, mais nous avons tous—”


“Vous voulez des preuves ? J’ai des caméras de surveillance dans mon magasin. Elles ont été installées la semaine dernière.”


Un long silence s’installe, suivi de murmures. Je regarde les villageois, puis ma maman, qui me fait un sourire.


“C’est bizarre…” Remarque l’un d’entre eux.


“Peut-être qu’une enfant qui lui ressemble est venu de Jadielle pour nous jouer un tour…?”


Les théories fusent dans tous les sens, alors que ma mère ferme les portes de son magasin, s’excusant auprès des villageois, car nous devons aller manger.


Alors que nous nous éloignons de la foule, je sens la main de ma maman se serrer autour de la mienne de plus en plus fort.



Une fois à la maison, maman commence à allumer la gazinière tandis que je pars me poser sur une chaise. Pourquoi les gens pensaient tous que j’avais fait toutes ces bêtises…?


“Scarlett.”


“Hm…?” Je tourne mon regard en direction de ma maman, qui est encore en train de cuisiner.


“Tu as dit avoir pêché un chat étrange, ce matin. Qu’est-ce que tu peux me dire de plus à propos de ça ?”


Ah. AH ! Le chat qui n’est pas un barbicha ! Est-ce que ce serait à cause de lui ? Mais le jeu ne consistait qu’à le trouver… Et puis, comment aurait-il pu faire ça ?


“Je… Je ne peux rien te dire ! Il faut que ce soit moi qui le trouve !!”


“De quoi tu parles…?”


“Il…” J’hésite un instant, avant de répondre à ma maman. “Il a pris le journal de papa. Et si je ne gagne pas à son jeu, il le gardera pour toujours !”


“Son jeu ?” Ma maman se tourne vers moi, me regardant d’un air surpris.


Finalement, je décide de tout expliquer à maman. Elle a l’air troublée, mais écoute quand même et finit par acquiescer.


“Si tu as lu le journal de ton père, tu devrais savoir que certaines créatures ont des capacités étranges. Elles sont dangereuses, et ne devraient pas être prises à la légère. C’est pourquoi tu dois laisser les adultes s’occuper de ça.”


“HEIN ?! NON ! Papa m’a donné ce journal avant de partir !! C’est mon trésor le plus précieux !!!”


Et puis…


“Si les autres villageois apprennent pour le chat bizarre… ils vont lui faire du mal, non ?” J’ajoute, ravalant ma salive.


Ma mère baisse les yeux un instant, avant de prendre un air surpris. Le contenu dans sa casserole est en train de brûler. Elle se tourne alors rapidement pour s’en occuper. Je profite de ce moment d'inattention pour me lever de table et courir en direction de la porte d'entrée.


“Je le retrouverai avant quiconque ! Et si tu en parles à qui que ce soit, je ne te le pardonnerai jamais !!!”


“Scar—” Ne la laissant pas finir sa phrase, je claque la porte derrière moi, courant à travers les rues de Bourg-Palette à la recherche de ce stupide chat.


En plus de ma détermination, j’ai peut-être eu une idée. Si j’en crois ce que dit ma maman, alors ce chat, en plus de savoir voler et parler, peut aussi copier les gens… Ha ! C’est pour ça qu’il m’a proposé un cache-cache ! Ce sale tricheur…


En tout cas, ça va me rendre la tâche plus simple. J’aurais juste à voir qui agit de manière bizarre.


Le problème… C’est que tout le monde est bizarre aujourd’hui ! Les villageois me lancent tous des regards noirs lorsqu’ils me croisent.


Comment vais-je faire pour les différencier…? Je pourrais tous les accuser d’être des chats jusqu’à trouver le vrai, mais mon adversaire n’a jamais précisé les règles de notre jeu.


“Scarlett !” Une voix d’enfant cri mon nom. Il s’agit de Green, qui court dans ma direction. Moi qui voulais passer une journée sans lui… J’imagine qu’il pourra m’être utile. “J’ai entendu les adultes t’accuser de plein de choses fausses ! Mais ne t’en fais pas ! Je crois en toi !!”


Hm. C’est le vrai. Aucun doute là-dessus.


“Merci Green. Je cherche des gens qui agissent bizarrement. Tu veux m’aider ?”


Son visage change dans une expression de joie inquiétante alors qu’il accepte instantanément. Je lui demande donc d’aller parler aux villageois à ma place pour voir leurs réactions. Green n’a pas été vu en train de faire des bêtises, lui. Il devrait donc avoir des réactions plus normales que moi.


“Je vais demander de ce côté ! On se retrouve plus tard pour faire le bilan !” Dit-il en courant dans la direction opposée de là où je me dirigeais à la base.


Mon cœur se sent plus léger en le voyant s’éloigner. Green est le seul enfant de mon âge dans le village, je n’ai donc pas vraiment d’autres choix que d’être son amie. Mais il est vraiment étouffant au quotidien.



Hah…? Je m’arrête, et me tourne doucement pour voir la silhouette de Green s’éloigner de plus en plus alors qu’il continue de courir.


Green… aurait tout fait pour rester avec moi. Il n’aurait jamais proposé d’enquêter dans son coin ! Je décide donc de courir après lui. Heureusement, je ne l’ai jamais précisé, mais suis super rapide, je n’ai donc aucun mal à le rattraper.


“Arrête-toi là !” Je crie en attrapant son t-shirt.


“Aie !” Gémit-il en réaction, alors que je n’ai touché que ses vêtements… qui ont l’air d’être collés à sa peau !


Mes mains tremblent. Je ravale ma salive, me souvenant de ce que ma maman a dit. Que certaines créatures étaient dangereuses et trompaient les gens pour leur faire du mal.


Je pourrais le démasquer ici, en pleine rue. Comme ça, les adultes me protégeront s’il m’attaque. Mais… Si je fais ça, c’est lui qui sera en danger.


Prenant une grande inspiration, je regarde « Green » droit dans les yeux et lui demande de me suivre.



Une fois à l’abri des regards, derrière ma maison, je lâche son poignet que je tenais fermement pour pas qu’il ne m’échappe. Après quoi, je lui lance un regard sévère.


“Je t’ai trouvé ! J’ai donc gagné ton jeu !”


“Hah ?” Demande-t-il, me regardant avec des grands yeux, comme s’il ne comprenait pas.


“Ça ne sert à rien de faire semblant ! Tu peux te transformer en gens ! Je le sais parce que tu t’es transformé en moi pour faire des bêtises partout ce matin !!”


“De quoi tu parles, Scarlett…?”


“Et puis je connais Green par coeur ! On joue ensemble tous les jours depuis super longtemps ! Tu ne sais pas l’imiter !!!”


“...”


« Green » soupire, avant de chuchoter un “Trop facile, hein ?”. Son corps se transforme alors en une sorte de liquide rose bizarre, juste devant mes yeux.


Je retiens un cri et vois le liquide prendre la forme d’un chat de la même couleur avec une longue queue. C'était bien lui !


“Mew te pensait plus stupide. Mew aurait raccourci le temps imparti si mew savait.” Dit-il en miaulant à nouveau… Il le fait exprès, pas vrai ?


“Pourquoi as-tu fait tout ça ?!” Je lui demande, suivant ses mouvements du regard alors qu’il recommence à voler dans les airs tel un ballon d’hélium.


“Mm ? Car c’est rigolo.”


“R.. RIGOLO ?! TOUT LE MONDE ME DÉTESTE À CAUSE DE TOI !!”


“Et alors ? Du moment qu’on a bien ri !” Répond-il en ricanant. Ce chat est vraiment méchant ! “Bref ! Tu as gagné. Bravo. Tu as le droit à un vœu du coup.”


Un vœu…? AH ! C’est vrai ! Je pourrai lui demander mon journal, mais j’ai le sentiment que ce serait trop simple !!


“......”


“Tu ne sais pas quoi choisir ? Mew pourrait te rendre ton livre si tu le souhaites.” Propose-t-il en prenant un air moqueur.


Maintenant que j’y pense, il ne m’a jamais attaqué… Il a été méchant, mais je me demande si ce n’est pas juste parce qu’il pense qu’à s’amuser.


J’ai une idée un peu risquée. J’aimerais vraiment récupérer mon livre, mais si tout se passe comme prévu…


“Mew commence à s’ennuyer ! Dépêche-toi !”


“Deviens mon ami.”


“... Hein ?” Le chat se met à l’envers dans les airs, sa longue queue prenant une forme de point d'interrogation.

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