Les Train Twins
Chapitre 37
Sea, sex and sun
La croisière touchait à sa fin et les matinées paraissaient de plus en plus longues. Bientôt, le navire entrerait dans la mer d’Hoenn, beaucoup plus froide que celle d’Orange au mois de février. Les jumelles décidèrent donc de profiter de la piscine tant qu’elles le pouvaient encore.
Lockpin dormait comme un bienheureux sur un transat. Givrali, au bord de la piscine, le bout de ses pattes trempé dans l’eau, se détendait elle aussi. Jenny sortit le buste du bassin avec la vénusté d’une millobellus et sourit au soleil.
« Aaah ! Ça fait du bien ! »
Elle se hissa par l’échelle et attrapa sa serviette en regardant ses pokémon en train de pioncer.
« Rai rai ! » Cria joyeusement Chu depuis sa bouée.
Son frère piailla à son tour depuis le rebord avant de faire la bombe, dérangeant lamantine et aquali en train de batifoler amoureusement dans l’eau. Heureusement, il n’y avait quasiment qu’eux dans la piscine à cette heure-ci.
Les jumelles avaient perdu leurs ceintures waterproof spéciales pour dresseur dans l’incendie de Verchamps, alors Jenny était sortie de la cabine en compagnie de ses trois pokémon et avait laissé les autres dans leurs pokéballs sur son lit. Jessy, elle, n’arrivait pas à se résoudre à sortir sans pokéball. C’était pire que de se sentir nue ou vulnérable, elle avait l’impression qu’on lui amputait un membre quand elle devait retirer sa ceinture de pokéballs. De fait, elle avait gardé sa sacoche, mais elle ne pouvait pas plonger dans la piscine avec. Elle se contentait de rester assise sur une chaise à jouer de la guitare au bord de l’eau. Les rares nageurs du matin appréciaient beaucoup cette douce ambiance musicale pendant leur baignade. Ils appréciaient aussi la jolie vue sur les deux rouquines à moitié dévêtues. Jenny jeta négligemment sa serviette sur les jambes de son lockpin assoupi.
« Je vais au petit-coin, pas de bêtise en mon absence Chu d’accord ?
- Rai ! Lança le pokémon depuis sa bouée.
- Tu le surveilles Pit.
- Rai rai ! »
Au bout du pont, Jenny croisa Fry qui venait à peine de se lever, son évoli niché sur son épaule.
« Salut Jane.
- Salut Fry. Tu es presque matinal aujourd’hui ! Où est Scott ?
- J’sais pas, il était déjà sorti quand je me suis levé. Il devrait pointer son nez, c’est moi qui aie la clef de sa cabine.
- J’espère qu’il n’est pas encore fourré avec les Dark Love, Jessy va finir par péter un plomb.
- Bah, tant qu’elle a sa guitare entre les mains ça devrait aller.
- Je reviens vite ! »
Jenny trotta en direction de l’escalier pour descendre jusqu’au pont principal. Elle descendit les marches d’un pas rapide. Scott aperçut Jenny de loin, il leva le bras pour la saluer, mais il se figea avant de pouvoir crier son nom. Elle était encore en bikini et cette vision le troublait à chaque fois, changeant ses petites joues de ratentif en baies tamato. Il soupira, affligé par sa propre candeur. Il vit ensuite un grand type suivre Jenny dans le couloir. Il l’avait déjà aperçu à plusieurs reprises, il venait souvent au gymnase, sans jamais parler à personne. Il matait les jumelles de manière "déplacée", selon le vocabulaire pudique de Scott. A côté de cet homme, Fry était un modèle de chasteté prude, même lorsqu’il fixait pendant cinq minutes l’arrière-train de Jessy. Les sourcils de Scott frémirent, les poils de ses bras se hérissèrent, quelque chose l’effrayait, son instinct était en alerte. Il ne comprenait pas bien cette sensation étrange… Tel un lucario guidé par son aura, les jambes de Scott se mirent à bouger malgré lui.
Jenny pénétra dans un couloir réservé au personnel. Il n’y avait plus grand monde dans la zone à cette heure. Les toilettes étaient au fond du corridor, elle se trouvait à mi-chemin quand une voix l’interpella dans son dos.
« Eh ! »
Jenny se retourna, un jeune homme d’un quart de siècle environ, aux cheveux bruns et longs lui tombant sur les épaules, s’approcha d’elle. Il gardait les mains enfoncées dans son short de vacancier. Jenny avait l’habitude des mecs comme lui, avec un air arrogant de prédateur persuadé de son charme. Il s’approcha de la jeune fille avec un sourire en coin.
« Tu t’appelles Jane c’est ça ? »
Jane n’aimait pas trop sa façon de s’approcher, elle avait du mal à prendre son sourire poli habituel. Elle baissa les yeux sur la ceinture du nouveau venu, elle aperçut trois pokéballs, alors elle se décida à être courtoise. Elle s’efforçait autant que possible de respecter ses adversaires.
« La plupart des gens m’appellent Jenny, surtout les dresseurs.
- Ouais, ça fait un moment que je vous regarde avec ta sœur... Je suppose qu’on te l’a déjà dit des centaines de fois, mais t’es absolument canon.
- Merci, répondit Jenny. Je te prie de m’excuser, j’ai une envie présente. »
Elle désigna la porte des toilettes à quelques mètres et reprit sa marche sans accorder plus d’intérêt à ce dragueur du dimanche. Elle venait de faire deux pas lorsqu’elle sentit une forte étreinte autour de son poignet, le dresseur l’avait agrippé par la main.
« Ça tombe bien, moi aussi. » Déclara-t-il.
Jenny le regarda à nouveau, avec un air beaucoup moins sympathique, de quel droit cet inconnu la touchait-elle ? Un rictus vicieux fendait le visage du jeune homme.
« Ça m’étonnerait qu’on parle de la même chose, répliqua-t-elle sur un ton un poil ironique mais toujours à peu près poli. Lâche-moi maintenant.
- Moi au contraire je crois qu’on est sur la même longueur d’onde. »
Il vint se coller à elle, elle sentit le tissu de sa chemise hawaïenne recouvrir son ventre nu. Elle frémit de dégoût. Cette fois, elle tira sur son bras en grognant, le type continuait de l’agripper.
« Mais lâche moi je te dis !
- Allons… Une fille qui s’habille comme toi c’est qu’elle demande que ça non ? Dit le jeune homme d’une voix doucereuse.
- Non ! Dégage où j’envoie mes pokémon te broyer la tête !
- Tes pokémon ? Tu veux dire ceux que tu as oublié de prendre avec toi ? » Renchérit le type avec un amusement malsain.
Il glissa un doigt entre la ficelle du paréo et la hanche de Jenny, lui rappelant avec horreur qu’elle n’avait ni sa ceinture de pokéballs, ni sa sacoche. Il continua de lui parler avec sa voix vicieuse en aventurant sa main là où personne d’autre que Jenny ne l’avait mise auparavant.
« Alors maintenant ma nirondelle, tu vas être bien gentille avec moi, tu vas même être très très gentille…
- Même pas en rêve ! » Siffla-t-elle entre les dents avec un regard digne de Jessy dans ses pires moments en essayant de dégager la main de ce connard.
L’homme lui agrippa les cheveux et tira la tête de Jenny en arrière avec violence. Elle porta ses mains à son crâne dans un réflexe et poussa un cri aigu de douleur, presque aussitôt étouffé par la main de son agresseur qui se plaquait sur sa bouche.
« Tu as intérêt à faire ce que je te demande. Moi je n’les ai pas oubliés mes pokémon… »
Il dégagea sa main gauche pour attraper une de ses pokéballs et l’agiter sous le nez de la rouquine.
Une voix familière tentant de se faire autoritaire résonna aux oreilles de Jenny et de son agresseur.
« Lâche-la ! »
Le sale type coinça Jenny contre le mur et se retourna pour voir qui venait de lui parler. Ses yeux gris hostiles se posèrent sur le chétif Scott au milieu du couloir, le jeune homme semblait en colère, mais aussi tétanisé par la situation.
« T’es qui toi rapion ? Tu ne vois pas que tu nous déranges ? Bouge de là. »
Scott fronça les sourcils.
« Ce n’est pas important qui je suis : je t’ai dit de la lâcher !
- Scott… » Couina Jenny, étouffée par le bras de son agresseur.
Elle aurait voulu qu’il file chercher sa sœur avant qu’il ne soit trop tard. Le type s’énervait, il pensait vraiment qu’il serait tranquille dans ce coin du navire et à cette heure matinale. Sans lâcher Jenny, il balança la pokéball qu’il tenait dans sa main gauche.
« Il ne va pas me faire chier longtemps celui-là. Ortide ! »
Pris de court, dans un mouvement mal contrôlé, Scott voulut dégainer une de ses pokéballs. Avec maladresse, il faillit la faire tomber et la dégoupilla juste à temps avant qu’elle ne lui échappe des mains, hélas Scott restait beaucoup trop lent.
« Ortide poudre-dodo ! Il va faire un bon petit somme le nabot. »
Le magnéti de Scott sortit de sa pokéball, tandis que le pokémon plante crachait un nuage de poudre bleutée sur eux. Scott essaya de se retenir de respirer, c’était peine perdue. Il s’écroula, dans sa chute ses lunettes se décrochèrent de son nez. La poudre dodo n’eut en revanche aucun effet sur Magnéti et le pokémon acier se retrouva sans dresseur dans une situation imprévue. L’œil unique de magnéti balayait la scène sans comprendre.
« Magnet niet. »
Le dresseur d’Ortide se tourna à nouveau vers Jenny avec un sourire tordu.
« J’aime bien quand elles crient, mais je crois que ce serait plus prudent et plus facile si tu faisais dodo toi aussi. Tant pis si je suis le seul à prendre mon pied. »
Jenny fit une dernière tentative pour se débattre, mais le type était beaucoup plus fort qu’elle. Elle voulait crier, il plaqua sa main encore plus fort sur sa bouche, elle avait l’impression d’étouffer. Le type se retourna vers son ortide pour qu’il vienne asperger la rouquine de spores. Magnet, alerté par les couinements de détresse de Jenny, avait finalement compris la situation, sa semaine d’entrainement auprès de Jessy lui avait été bénéfique et l’avait fait gagner en autonomie. Le pokémon lança une attaque éclair sur l’agresseur de Jenny. Comme le salopard tenait la jeune fille entre ses bras, elle fut électrocutée en même temps que lui. Sous le choc, l’inconnu relâcha Jenny. La rouquine et son agresseur poussèrent un même cri de douleur avant de tomber à genoux. Ortide cracha un jet d’acide sur Magnéti, là encore l’attaque n’eut pas d’effet. Jenny rassembla ses forces et dit au magnéti avec sa voix cassée :
« Magnet ca… Cage éclair… Sur eux… »
Magnéti écouta Jenny et paralysa ortide et son dresseur dans une même attaque cage-éclair. Les membres engourdis, Jenny contourna son agresseur et son pokémon en se trainant sur le sol. Avec répugnance, elle releva la chemise du type pour récupérer les trois pokéballs qui y étaient accrochées. Elle renvoya ortide dans sa ball, puis la verrouilla aussitôt ainsi que les deux autres. Son agresseur était encore conscient et comme la cage éclair faisait moins effet, il commença à s’agiter et essaya de lui attraper le bras pour récupérer ses pokéballs. Encore engourdie, mais moins que lui, elle se dégagea assez facilement et fit rouler les trois balls loin de lui dans le couloir. Elle miaula après magnéti.
« Magnet, cage-éclair encore une fois. »
Magnéti obéit immédiatement et tous les membres de l’homme se crispèrent. Une grimace de douleur sur le visage et des larmes au coin des yeux, sa bouche restait fermée et il ne pouvait pas crier, seul un gémissement étouffé filtrait derrière ses dents et ses lèvres closes. Un peu de bave moussante perla à leur commissure. Jenny, dont les jambes étaient encore trop lourdes, se traina en rampant jusqu’à Scott pour vérifier qu’il allait bien. Elle avait surtout peur à cause de son asthme. Elle écouta sa respiration : pas de sifflement. Il dormait comme un nouveau-né en ronflant légèrement. Il avait le visage apaisé, comme s’il s’était assoupi dans son lit et pas dans un couloir en face d’un mec glauque en train d’agresser une de ses amies. Jenny souleva aussi la chemise de Scott pour prendre la pokéball de pijako. Elle libéra le pokémon oiseau qui piailla joyeusement.
« Pija ! Jaja !
- Jako s’il te plaît, va chercher Fry ou Jessy, tout de suite ! C’est important ! »
Pijako regarda la dresseuse avec interrogation, après un bref regard pour son dresseur en train de dormir par terre, il s’envola à la recherche des deux autres adolescents. Magnéti se rapprocha de Scott et Jenny, la rouquine lui donna une caresse. Flatté, le pokémon se posta entre elle et son agresseur pour être sûr qu’il ne recommence pas ses conneries.
Quelques minutes plus tard, Jessy et Fry en maillot de bain déboulèrent dans le couloir, évoli et pijako sur leurs épaules, sans se douter de ce qu’ils allaient voir. Le type, très faible, commençait à récupérer l’usage de son corps.
« Il s’est passé quoi ? » Demanda Jessy en regardant magnéti, puis chaque humain à tour de rôle en terminant par sa sœur, toujours assise par terre près de Scott endormi.
« Ce type a essayé de me violer… »
Jessy enjamba le corps de Scott et alla donner un gros coup de pied dans le ventre de l’agresseur de Jenny. Le type se retourna sur le dos en hurlant de douleur. Jessy se baissa et l’agrippa par le col.
« Si tu t’approches encore de ma sœur, je t’arrache ton service trois pièces et je te balance par-dessus bord avec ton truc dans la bouche, pigé ?
- Ce… Tu… Tu bluffes… » Marmonna l’homme affaibli.
Même paralysé au sol, il n’avait pas peur d’une fille de seize ans. Jessy le relâcha et lui donna un violent coup de pied dans les parties génitales, le type hurla à la mort.
« Pigé ?!?
- Gyaah, ouiiii… Uh ah aaaah aah... »
L’homme se recroquevilla sur lui-même en pleurant.
« Jess… » Couina Jenny avec reconnaissance.
Sa sœur fusilla une dernière fois le pervers du regard avant d’aider Jane à se relever. Fry regarda Jessy, il était parcouru d’un frisson de terreur mêlé d’admiration et Jessy, sa jumelle entre ses bras, baissa les yeux vers Scott.
« Qu’est-ce qu’il a à dormir dans un moment pareil lui ?
- Il a respiré de la poudre dodo…
- Bah nous v’là bien.
- Je m’en charge. » Dit Fry avant de soulever Scott pour le porter dans ses bras.
Cela lui rappela Jessy pendant son combat contre Lucario, il réalisa que Scott ne pesait pas plus lourd qu’elle.
Ils emportèrent avec eux les trois pokéballs de l’agresseur de Jenny. La rouquine voulait d’abord récupérer ses propres pokémon, elle se sentait vulnérable sans eux et l’incident lui avait prouvé qu’elle avait raison. Jenny envoya pijako chercher Loki, Myria et Chu encore au bord de la piscine. Le raichu sentit immédiatement que quelque chose n’allait pas, il était dans tous ses états. Lockpin aida sa dresseuse à marcher, ses jambes flageolaient encore suite à son électrocution.
« Jane, est-ce que tu vas bien ? Demanda Jessy.
- Oui-oui ça va… » Répondit-elle en se frottant le bras.
Jessy n’était pas convaincue, Fry non plus. Dans tous les cas, elle allait voir le médecin de bord.
Dans un gémissement étiré, Scott commença lentement à ouvrir les yeux. Il se sentait bizarre et léger, comme si sa tête s’était transformée en doudouvet cotonneux et que ses pieds ne touchaient plus le sol. Il ne savait pas où il était, mais il avait l’impression de flotter. Il bascula la tête pour regarder en l’air, un visage familier était en train de le fixer.
« Salut la belle au bois dormant.
- Fry ! » S’écria Scott perturbé.
Quand il comprit que Fry le portait entre ses bras, il rougit immédiatement, mort de honte.
« Pose-moi par terre !
- A vos ordres mon prince ! » Dit Fry en riant à moitié.
Scott s’agita comme un flamajou en se redressant sur ses jambes avant de regarder les jumelles. Ses souvenirs ressurgirent brusquement en voyant Jenny, Lockpin était en train de la poser au sol elle aussi. Scott se souvenait de son agresseur, de l’ortide et de son propre magnéti. Magnet était toujours en liberté, en train de flotter derrière les deux rousses. Son pijako quant à lui était perché sur l’épaule de Jessy. Jenny avait récupéré sa sacoche avec ses pokéballs et l’avait raccrochée à sa taille par-dessus son paréo. Le groupe se trouvait devant le cabinet médical du navire. Scott bouscula Fry pour s’approcher de Jenny.
« Tu vas bien Jane ?!? » S’empressa de demander Scott en avançant les mains.
Dans un bref mouvement de panique, il voulut les poser sur les bras de Jenny. Il se retint au dernier moment. Jenny ouvrit la bouche pour lui répondre, mais elle fut tétanisée quand Scott s’écroula sur place.
« Scott ! »
Le jeune homme ne comprenait pas ce qui venait d’arriver à ses jambes, il cligna des yeux perturbés. Fry, inquiet s’empressa de le relever.
« Ça c’est la poudre dodo, lui expliqua Jessy. Vas-y doucement.
- J... Jane... »
La rouquine s’approcha de Scott et se força à lui sourire pour le rassurer, malgré son propre émoi. Dans l’immédiat, c’était la santé de Scott qui la tracassait.
« Il ne m’a rien fait, ne t’inquiète pas. Viens, toi aussi il faut que tu voies un médecin. »
Elle hésita à lui prendre la main, finalement elle préféra laisser Fry l’escorter. Elle se contenta d’ouvrir la porte du cabinet médical et de passer devant lui. Elle avait encore les membres un peu engourdis, mais au moins elle tenait debout contrairement à Scott.
Jenny expliqua rapidement la situation à l’infirmière, la soignante ordonna aussitôt au jeune technicien de s’allonger sur la table dans la salle d’examen, avant de filer chercher la doctoresse. En attendant, Jenny s’assit dans la petite salle d’attente. Jessy resta avec elle, mais Fry préféra retourner dans le couloir avec évoli, Scott avait récupéré ses autres pokémon. La médecin de bord examina d’abord Scott, puis Jenny. La rouquine lui raconta les évènements.
« Je suis tenue au secret médical pour les détails, mais je dois rapporter votre agression à Monsieur Becket. Il va sans doute vouloir vous parler, ça ira ? » Demanda la doctoresse en regardant Jenny droit dans les yeux.
La jeune femme était assise sur un lit d’hôpital dans la salle de repos, elle hocha positivement la tête. En face d’elle, Scott était installé sur un autre lit, il ne disait rien.
« Entendu. Reposez-vous en attendant, l’infirmière viendra vous voir tout à l’heure pour vérifier que tout va bien. »
La doctoresse sortit de la pièce et laissa Jenny et Scott en tête à tête. La jeune fille était épuisée, mais elle s’inquiétait encore pour son ami, il n’avait vraiment pas l’air bien. Scott crispa ses doigts et les enfonça à moitié dans le matelas en croisant le regard de la belle rousse.
« Ça va Scott ? Finit-elle par demander de sa voix la plus douce.
- Si tu savais comme je m’en veux ! J’aurais dû faire quelque chose ! Geignit Scott, en colère contre lui-même.
- Mais tu as fait quelque chose. Tu es intervenu, c’était très courageux de ta part.
- Et à quoi ça a servi ? Dit-il dépité. J’ai été pitoyable une fois de plus… Et toi tu as failli… »
Scott cogna son poing dans la cloison à côté de lui, ce qui fit sursauter Jenny. Il n’avait pas beaucoup de force, mais la brutalité du geste l’avait surprise. C’était la première fois que Jenny voyait Scott en colère. Elle cherchait à l’apaiser, mais elle avançait à l’aveugle dans une situation inconnue.
« Scott, tu as fait ce que toute personne droite et honnête aurait fait. Tu n’as rien à te reprocher. C’est ton magnéti qui m’a sauvé, si tu n’avais pas eu le réflexe de le sortir de sa pokéball, je n’ose pas imaginer ce qui se serait passé… »
Jenny grelota de peur et de dégoût. C’était la deuxième fois en quatre mois qu’elle se faisait agresser, elle, la topdresseuse de grand talent vivant dans un pays soit disant civilisé et pacifié. Elle ne voulait plus penser à ces épisodes ignobles. La détresse émotionnelle de Jenny restait perceptible derrière sa carapace de caratroc, elle mit Scott dans tous ses états.
« Je suis désolé ! J’aurais dû faire plus attention ! J’aurais dû être là pour guider magnéti !
- C’est moi surtout qui aurais dû faire plus attention, répondit Jenny. Je sais que c’est dangereux de ne pas avoir ses pokémon sur soi. Je n’ai pas été assez méfiante.
- N’importe quoi ! Dans quel monde de dingues on vit pour qu’une fille ne puisse pas se passer de ses pokémon cinq minutes ?!? »
Jenny le dévisagea, il était vraiment très en colère. Elle lui sourit avec résignation.
« Dans un monde pas toujours joli… Mais je vais bien et c’est grâce à toi, alors merci, et arrête de te tourmenter avec ça. »
Elle le regarda inspirer une bouffée de ventoline et reposer son inhalateur avec dépit sur ses genoux. Elle avait envie d’être seule. En présence de Scott, elle se sentait obligée de faire bonne figure pour ne pas l’inquiéter davantage et puis elle aussi était animée par le même type d’orgueil que sa sœur et sa mère, elle n’aimait pas que les autres la voient faillir.
Cette agression avait beaucoup plus ébranlée Jenny que celle du Bourg Palette. Au laboratoire, elle était tellement obsédée par ce qui pouvait arriver à sa mère et à ses pokémon qu’elle n’avait pas vraiment fait attention à son propre sort. De plus, et même si elle n’en avait pris pleinement conscience qu’après s’être remise de ses émotions, son agresseur avait vraiment une dégaine de pauvre type. C’était un voleur, un voyou, mais il lui avait suffi de quelques mots pour le déstabiliser et le faire renoncer à ses idées vicieuses. C’était un trouillard servile et facile à manipuler, Jenny l’avait senti instinctivement.
Mais ce type avec son ortide, elle était persuadée que c’était un récidiviste, elle l’avait vu dans son regard. Il n’en était pas à son premier viol et il se fichait de savoir si sa victime était mineure ou majeure. Visiblement, il avait un sentiment d’impunité propre aux hommes bon chic bon genre qui traitent les autres êtres vivants comme des objets qu’ils peuvent détruire et jeter. Elle avait eu plus peur de ce nouveau riche en vacances que du délinquant venu cambrioler sa maison.
Scott aussi voulait s’isoler, il voulait fuir et se cacher, comme à chaque fois qu’il se sentait mal. A défaut, il se contenta de s’allonger sur le flanc en tournant le dos à Jenny. Il avait du mal à retenir ses larmes de rage et de culpabilité contre sa propre impuissance. Jenny continuait de le fixer, en silence. Elle avait envie de se lever et de le consoler, les mots ne suffisaient pas à le calmer. Elle voulait lui caresser les cheveux, l’embrasser sur le front et le serrer dans ses bras, mais elle ne pouvait rien faire de tout cela sans le mettre dans un état émotionnel encore plus instable. Elle se sentait désolée et tout aussi impuissante que Scott.
Jenny demanda à l’infirmière pour emprunter la salle d’eau du centre de soin qui disposait d’une douche médicalisée. Elle ressentait brusquement le besoin de se laver et de cette façon elle pouvait laisser Scott un peu tranquille. Lorsqu’elle revint de sa longue douche, elle s’approcha du lit de Scott.
« Tu me raccompagnes à ma cabine ? » Murmura-t-elle.
Scott n’aurait pas imaginé qu’il en soit autrement. Après ce qu’il avait vu, il ne risquait pas de s’éloigner d’elle une minute, sauf après s’être assuré que Fry ou Jessy était avec elle.
Ils marchèrent en silence, escortés par raichu et lockpin. Une fois arrivés près de la cabine des jumelles, Scott se tritura les doigts et ne put s’empêcher de s’excuser une fois de plus.
« Jane… Je suis désolé.
- Arrête de t’excuser. Merci de m’avoir aidé. Tu es… Admirable. »
Elle était épuisée, mais elle rassembla ses dernières forces pour lui sourire avec gentillesse, espérant le rassurer un peu. La belle rousse passa à côté de Scott, elle s’arrêta un instant avec l’intention de l’embrasser sur la joue pour le remercier, mais elle se ravisa en repensant à l’effet qu’avait eu son baiser d’amitié dans l’Archipel Arc-en-Ciel. Elle s’éloigna, sans toutefois résister complètement : elle lui effleura le bras avec le dos de sa main dans une caresse furtive qui eut l’effet d’un électrochoc sur Scott. Il se retourna vivement, mais elle ne le regardait plus. D’un pas gracieux mais las, elle pénétra dans sa cabine déserte.
Enfin seule, Jane garda Chu et Loki avec elle pour se blottir contre eux sur le matelas d’appoint en théorie prévu pour Fry posé par terre. Elle avait besoin d’un câlin, un câlin sécurisant et réconfortant. Elle aurait aimé que sa sœur soit là aussi, mais elle ne voulait pas l’inquiéter inutilement.
« Rai rai ? » Demanda Chu en sentant la tension de sa dresseuse qui le serrait dans ses bras.
Elle ferma les yeux et caressa le sommet de son crâne, des larmes de fatigue perlait au coin de ses yeux.
« Tout va bien, Chu, tout va bien… » Souffla-t-elle plus pour se rassurer elle-même que pour le rassurer lui.
Avant que Scott n’intervienne, son agresseur avait eu le temps de caresser furtivement une partie de son corps que personne n’avait touché avant, ça la répugnait. Malgré la douche qu’elle avait prise au cabinet médical, elle se sentait encore sale. Le rideau était tiré devant le hublot. Dans l’obscurité de sa petite cabine, lovée entre Loki et Chu, Jenny sanglota en silence, plongée dans la rage et la frustration.
Contrairement à sa sœur encore ingénue, innocente et pure, même si ces qualificatifs pouvaient paraître un peu ridicules pour parler du féroce léviator rouge du Bourg Palette, Jenny, elle, était mature. Elle avait envie d’avoir une vie sexuelle, mais depuis des mois, chaque fois qu’un jeune homme l’attirait vraiment, il y avait un obstacle. Rem sortait avec Shoko, Loyd était aussi épris de Shoko, il lui était impossible d’approcher Corentin à cause des Dark Love que Jessy détestait, quant à Fry, il refusait systématiquement ses avances sous prétexte qu’ils travaillaient ensemble. A la place, le champion allait assouvir ses propres pulsions avec des filles moins belles qu’elle et qu’il ne reverrait sans doute jamais, comme Azura. Jenny était déjà très frustrée par cette situation et voilà que ces types dégueulasses, ces grorets immondes, venaient envahir son espace vital. D’abord Liam au Bourg Palette et maintenant cette ordure qui avait profité d’un moment d’inattention sans ses pokémon.
Jenny resserra son étreinte sur Chu. Le raichu s’était assoupi, dans son sommeil il remua un peu et se roula en boule contre le ventre de sa dresseuse à la manière d’un pichu sauvage sur sa mère. Parce qu’il l’avait aidé, Jenny pensait à Scott et son esprit vagabondait d’idée saugrenue en idée saugrenue. Elle en venait à se dire que ce gringalet malingre au moins pourrait la satisfaire. Il respectait les femmes, il était doux et docile, sans doute trop d’ailleurs pour être amusant dans l’intimité. Sauf qu’il était fou amoureux d’elle et que ce n’était pas réciproque, alors ce n’était pas une option envisageable. Elle ne pouvait pas jouer avec lui, même si elle en avait envie. Elle l’avait blessé une fois, il était hors de question de recommencer, surtout maintenant qu’il l’avait secouru. Plus que de l’amitié, elle ressentait un profond respect pour ce jeune homme frêle, mais beaucoup plus courageux qu’il n’y paraissait.
Jane finit par s’endormir comme ses deux pokémon, elle fut réveillée par Jessica qui toquait à la porte. Elle ouvrit les yeux mais se sentait dans le brouillard.
« Jane ! Tu m’entends ? Becket veut nous voir tous les quatre. T’es en état d’y aller ? »
Jenny se redressa et se massa les paupières.
« Oui… Oui... »
Elle se dégagea de Chu et Loki, son mouvement les réveilla. Elle enfila une tunique, raccrocha sa sacoche, en extirpa les pokéballs de raichu et lockpin pour les renvoyer à l’intérieur puis, enfin équipée, elle sortit de sa cabine.
Sa sœur l’escorta jusqu’au bureau de Monsieur Becket, sur le chemin ils retrouvèrent Fry et Scott, ils tiraient des têtes de skelénox. Jenny ne dit rien, elle chercha le regard de Scott et à peine l’avait-elle attrapé qu’il se mit à fixer ses chaussures.
Ils pénétrèrent tous les quatre dans le bureau du directeur de croisière. Assis sur son petit fauteuil, lui non plus n’avait pas l’air de transpirer la joie de vivre. Il n’y avait que deux sièges pour les visiteurs d’habitude, mais quelqu’un avait installé deux chaises pliantes en plus. Jessy fut la première à s’asseoir brutalement sur l’une des places du milieu en foudroyant du regard son patron. Jenny ferma la porte dans le dos de Fry et s’installa à côté de sa sœur, la mine grave. Une fois les garçons les fesses vissées sur les dernières chaises, Monsieur Becket ouvrit la bouche et parla sans détour en fixant Jenny.
« Doc m’a raconté ce qui s’est passé. Est-ce que tu vas bien ? »
Jenny hocha dignement la tête, Fry lui jetait de brefs regards en biais. Il avait toujours sous son crâne la voix de Seb qui répétait sans cesse :
"Jenny est un peu comme un pokémon de type roche… Pour briser la roche, il faut se lever de bonne heure…"
« Tant mieux. Est-ce que tu saurais reconnaître ton agresseur ?
- Blanc, brun, yeux gris, probablement avec des lentilles… Cheveux mi-longs aux épaules, un mètre quatre-vingt, environ vingt-cinq ans, grain de beauté dans le cou. Cabine 117, il porte sa clef en pendentif autour de son cou, j’ai vu le numéro. »
Très lentement, les deux garçons se penchèrent en avant pour dévisager Jenny, épatés par sa mémoire. Jane n’était pas une observatrice pokémon, mais c’était tout comme. Elle avait développé ses compétences avec son grand-père maternel. Jessy continuait de fixer Monsieur Becket, elle n’aimait pas la façon dont il parlait à sa sœur.
« Je vois… Tu comptes porter plainte ?
- Je n’y ai pas encore réfléchi.
- Très bien. J’ai pour habitude de régler ce genre d’histoire en interne.
- Ah parce que ça arrive souvent ? » Cingla Jessy.
Discrètement, Jenny posa sa main sur celle de sa sœur pour l’inciter à rester calme. Le directeur de croisière prit sur lui pour rester poli, mais son intonation leur fit comprendre qu’il fallait éviter les traits d’esprit, il n’était pas d’humeur et la discussion était sérieuse.
« Les petits bourgeois qui se croient tout permis c’est mon quotidien oui. »
Il se tourna à nouveau vers Jenny.
« Je double votre salaire, à tous les quatre. En échange vous ne dites pas un mot de ce qui s’est passé, à personne. Et pas de plainte.
- Pardon ? Releva Fry en secouant la tête, il n’était pas sûr d’avoir bien entendu.
- Pourquoi payer pour cette ordure ? Demanda froidement Jenny.
- Les histoires de ce genre, c’est pire qu’un naufrage. On a déjà eu une chute des fréquentations à cause de ce qui est arrivé au Lavandia Sea, pas besoin que des rumeurs viennent raconter qu’on tripote des mineures sur mon navire. Avec une publicité pareille, on va mettre la clef sous la porte.
- Et si je refuse ?
- Tu sais que ce type est probablement plein aux as ? Si c’est ta parole contre la sienne, tu n’auras pas gain de cause. C’est un combat que tu ne peux pas gagner, les pokéballs ne suffisent pas. On n’a rien à gagner à ouvrir nos gueules, ni vous, ni moi, ni les collègues.
- J’étais là, je peux témoigner, intervint Scott.
- C’est bien pour ça que j’ai dit tous les quatre et pas tous les trois, Monsieur Passe Bateau. »
Scott se leva brutalement de sa chaise et fit sursauter tout le monde.
« Il est hors de question qu’on achète mon silence ! Ce type a essayé de violer Jenny ! C’est un danger public il faut l’arrêter ! Cria Scott en s’étranglant à moitié.
- Calme-toi petit, fit lentement Monsieur Becket. Ta copine va bien et c’est à moi de protéger les passagers et les autres membres d’équipage, alors rassis-toi. On discute tranquillement là, entre nous.
- Scott, tout va bien. Je veux éviter des ennuis supplémentaires. S’il te plaît… » Dit Jenny d’une voix très douce.
Scott posa ses yeux sur elle, effaré. Il tremblait de la tête aux pieds et, comme à chaque fois que la situation lui échappait, il voulait s’enfuir et aller se cacher dans un coin isolé. Il se précipita vers la porte du bureau. Avant de sortir, il réussit à balbutier :
« Je-je… Ne dirais rien si Jenny me le demande… Mais je ne veux pas de votre argent ! »
Il laissa la porte grande ouverte, Jenny se pencha aussitôt par-dessus sa sœur pour aller taper dans le bras de Fry.
« Rattrape-le et calme-le. » Ordonna-t-elle.
Fry obéit aussitôt. Lui pensa à refermer la porte pour laisser Monsieur Becket dans la discrétion de ses négociations avec les jumelles. Jenny soupira en regardant la clenche claquer dans la serrure, si Fry réussissait à amadouer Jessy, il devrait pouvoir se débrouiller avec Scott. Elle reporta son attention sur son patron.
« Vous pouvez me promettre que vous allez tout faire pour qu’il n’agresse personne d’autre ?
- Sur le Nymphéa, je te garantis qu’il ne fera plus de sienne. Je te l’ai dit : j’ai l’habitude de régler ce genre de problème.
- D’accord. » Acquiesça Jenny en hochant la tête.
Jessy se murait dans le silence et foudroyait Monsieur Becket du regard. Pour ne pas causer de problèmes à Jane, elle prenait sur elle et se retenait de ravager le bureau. Elle rêvait de lâcher Lucario pour qu’il balance une aurasphère avant de vomir dans les quatre coins de la pièce, rattrapé par son mal de mer. Elle se leva sans un mot et sortit du bureau d’un pas raide. Le directeur de croisière ne la quitta pas des yeux jusqu’à ce qu’elle disparaisse dans le couloir.
« Tes amis aussi sont d’accord ? Finit-il par demander à Jenny.
- Ils feront ce que je leur demande. » Répliqua la rouquine.
Jane était fatiguée. Elle était plus solide qu’un gigalithe, mais elle aurait apprécié un peu de soutien de ses amis, or Jessy et Scott étaient plus ébranlés qu’elle. Elle avait bien vu que sa sœur faisait beaucoup d’efforts pour l’épargner, elle en était soulagée, mais il fallait encore gérer Scott.
Jenny quitta à son tour le bureau de Monsieur Becket, sa jumelle l’attendait dans le couloir, appuyée contre le mur.
« C’est définitif : je hais ce gros kaimorse…
- On ne va pas cracher sur une double paye, ça nous sera plus utile que d’aller porter plainte au commissariat de Poivressel.
- Mouais… Encore un sac à merde dans la nature quoi. »
Jessy tapa dans la cloison avec plus de force que Scott.
« Et pour Scott, on fait quoi ? Il n’avait vraiment pas l’air bien. »
Jenny pinça les lèvres. Sous son air impassible, elle avait énormément réfléchi à toute cette histoire. En apparence, elle était plus calme et plus raisonnable que Jessy, mais elle restait sa jumelle, leurs tempéraments n’étaient pas si éloignés l’un de l’autre. Jane n’était pas du genre à renoncer à une vengeance si elle en avait l’opportunité et sa colère avait beau être froide, elle était réelle.
Les filles retrouvèrent Scott et Fry dans leur cabine. Fry poireautait devant la porte, son évoli sur l’épaule. Il avait aussi libéré Katy, en théorie les pokémon de plus d’un mètre étaient interdits à l’intérieur des cabines, mais c’est tout ce qu’il avait trouvé pour calmer Scott. Le fauve électrique était allongé sur le lit tout contre Scott. Le technicien tenait son inhalateur dans une main et avait posé l’autre sur la fourrure de Luxray.
La porte s’ouvrit, Scott jeta un bref coup d’œil de pokémon affolé dans sa direction. Il vit Jenny sur le seuil avec Jessy et Fry en arrière-plan. On devinait aisément qu’il avait envie de rester tout seul.
« Vous pouvez nous laisser une minute ? » Demanda Jenny en se tournant vers sa jumelle et Fry.
Les deux dresseurs s’éloignèrent aussitôt en fermant la porte de la cabine. La rouquine put se concentrer sur Scott. Elle s’approcha et s’assit au bord du lit à côté des pieds de Scott et Katy. D’une voix à la fois douce et ferme, elle reprit :
« Je n’ai pas envie que ce sale type attaque d’autres filles, mais je ne partirai pas en croisade pour ça. Les seules personnes qui comptent vraiment pour moi sont les membres de ma famille, Fry et toi. Si vous vous allez bien, le reste de l’humanité peut bien disparaître, ça m’est complètement égal. »
Elle vit dans le regard de Scott de la consternation et une certaine désillusion. Il aimait tellement Jenny qu’il la voyait un peu comme une héroïne, sauf que l’altruisme ne faisait pas partie de ses qualités. Jane était forte et courageuse, certes, mais elle était surtout pragmatique, calculatrice et assez nombriliste. Jane pensait à sa mère, aux multiples rendez-vous avec la police, avec l’agent d’assurance et avec leur avocate après son agression et l’attaque du laboratoire, c’était une nouvelle épreuve morale pour la professeure Léon… Il était hors de question pour Jenny qu’elle se pourrisse la vie de la sorte.
Elle regarda un moment la main de Scott qui tenait la ventoline, elle voulait la prendre pour le consoler, c’était une mauvaise idée. Elle leva à nouveau les yeux pour regarder ceux de Scott.
« Jessy et moi nous sommes des dresseuses, on a l’habitude de régler nos problèmes avec nos pokémon. On peut t’apprendre à faire la même chose… »
Scott ne comprenait pas où elle voulait en venir, un sourire malin et presque sournois s’étira sur le visage de Jenny, après de longues cogitations, une idée lui était venue à l’esprit.
« Je suis bien d’accord, cette ordure mérite une punition. Tu serais prêt à faire quelque chose d’illégal pour moi ? »
Scott écarquilla légèrement les yeux tout en restant silencieux. Jenny pouvait deviner les rouages de son cerveau tourner derrière ses grandes pupilles myopes. Il finit par hocher discrètement et positivement la tête. Jenny agrandit son sourire et elle lui décrivit son plan en parlant assez bas, par sécurité. Scott l’écoutait attentivement, au fur et à mesure de son explication, il réfléchissait pour savoir si ce qu’elle lui demandait était faisable ou pas, s’il en était capable et s’il était équipé pour. Normalement, oui.
« Tu es d’accord ? »
Il pinça les lèvres avec un air grave, puis il hocha à nouveau positivement la tête. Le sourire de Jenny se transforma, Scott retrouva le visage sublime et envoutant qu’il adorait contemplé.
Ils devaient faire vite. Jenny sortit de la chambre pour prévenir Fry et Jessy, elle emprunta Pit à sa sœur. Katy retourna auprès de son dresseur et Jenny retourna s’enfermer dans la cabine de Scott. A l’aide de son pokédex, elle scanna les trois pokéballs qu’ils avaient dérobés au violeur. Outre l’ortide, elles contenaient un machoc et un nidorino.
« Je vais pouvoir les gérer avec Pit et Chu. Tu me dis quand tu es prêt. » Fit Jenny en dégoupillant les deux copainballs.
Jenny libéra à tour de rôle les pokémon de son agresseur. Les frères raichus debout sur le lit les maintenaient immobiles à coup de cage-éclair et ils n’avaient pas le temps de réaliser ce qui leur arrivait.
Scott s’était assis par terre dans la salle de bain au milieu de tout son matériel de bricoleur. Il détacha les puces biométriques des trois pokéballs et il les remplaça une à une par des puces piratées de la Team Rocket qu’il avait récupéré dans le hangar de l’île cinq. Lorsqu’il terminait chaque manipulation, Jenny renvoyait ortide, machoc puis nidorino dans leurs pokéballs respectives. Scott n’avait jamais fait l’expérience, il croisait les doigts pour que son bidouillage fonctionne. Les capsules s’étaient refermées correctement sur les trois pokémon, c’était déjà ça.
Le jour même, Fry déposa les trois pokéballs modifiées au guichet des objets trouvés, en indiquant l’emplacement du couloir où l’agression de Jenny avait eu lieu. Il prétendit les avoir trouvé là-bas par hasard.
Aucun des quatre ados ne revit l’agresseur de Jenny jusqu’à la fin de la croisière. Comme promis, Monsieur Becket leur donna le double du salaire prévu initialement. Faute de pouvoir graisser la patte de Scott, il glissa un billet supplémentaire pour Jenny. La jeune fille récupéra son argent avec son sourire figé.
En débarquant leurs instruments au port avec l’aide de leurs pokémon, absolument pas ravis de reprendre leur job de déménageurs, les Train Twins aperçurent une voiture de police au loin garée devant le centre pokémon. Une petite brigade sortit du bâtiment en encadrant un homme que Jenny reconnut immédiatement dans un frisson répugné. Le type gueulait avec véhémence, si bien que malgré la distance le quatuor arrivait à l’entendre.
« Je vous dis qu’il y a forcément une erreur ! Je n’ai pas volé mes pokémon, je les ai capturés y’a plus de dix ans ! Regardez ma carte de dresseur bordel ! »
Le visage de Jane s’étira en un sourire vengeur, tandis que les agents de police forçaient le type à monter dans le panier à salade.
« T’es pas encore au point comme trafiquant de pokémon Scotty. » Plaisanta Fry avec un sentiment de justice accomplie.
Scott ne souriait pas, il n’avait pas envie de plaisanter non plus. Il était juste soulagé de voir ce sale type aux mains des forces de l’ordre, même si ce n’était pas pour le bon motif. Il espérait qu’ils ne le relâcheraient pas trop vite et que la police ne remontrait pas jusqu’à lui ou son père.
Jenny baissa les yeux sur le bras de Scott. Elle avait envie de le prendre et de le remercier encore une fois…
« Eh Scott ! »
La voix enjouée de Matthieu appelant son nom sortit Scott de ses idées noires et Jenny de sa bouffée de gratitude. Le quatuor se tourna vers le guitariste, il était accompagné de deux de ses partenaires. Eux aussi avaient déchargé tout leur matériel et se retrouvaient encombrés d’une dizaine de malles.
« Ah… Bonjour Matt.
- Ça va vieux ? T’as pas répondu à mes derniers messages.
- Oui pardon, on a eu… Euh… Quelques problèmes ces derniers jours. C’est réglé maintenant. »
Matthieu remarqua la mine contrariée de Scott, ses trois compagnons ne semblaient guère plus guillerets. Il n’avait aucune idée du problème en question, donc il essaya simplement de se montrer le plus agréable possible.
« Notre invitation tient toujours.
- Quelle invitation ? Intervint Jessy.
- On va s’faire une petite tournée de concerts en attendant le concours. J’ai filé les dates à Scott, si ça vous intéresse.
- Mouais, pourquoi pas… Grinça Jessy entre les dents.
- Et tant qu’on est dans les parages, tu passes prendre un verre quand tu veux ! Renchérit Matthieu en donnant une tape amicale dans le haut du bras de Scott.
- Mer… Merci, c’est gentil. » Répondit le jeune technicien, un peu mal à l’aise, il sentait le regard assassin de Jessy posé sur sa nuque.
Artus débarqua en agitant une clef électronique de camionnette de location.
« On peut y aller Matt !
- On va t’aider à charger ! A plus vous quatre ! » Lança Corentin avec sympathie.
Cyril le suivit d’un pas las, il gratifia Scott d’un petit hochement de tête poli sans prendre la peine de saluer le reste du groupe. Matthieu sourit une dernière fois au petit technicien avant de reporter son attention sur Jessy. Sans animosité, il soutint son regard bleu électrique.
« Si on ne se revoit pas d’ici là, bonne chance pour le concours les Train Twins. »
Il agita la main pour leur dire au revoir et tourna les talons en direction du véhicule. Dos aux jumelles, son sourire malicieux s’étira jusqu’à devenir jubilatoire.
« Vous en aurez besoin… »
A suivre…