Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 72 : La fin d'une ère

Chapitre final

11757 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 15/07/2022 12:07

      Il attendait. Cela faisait bien six heures, que Dracaufeu patientait dans une cellule, assis par terre dos contre les barreaux, la main sur le ventre et museau baissé. Il fut interné dans le plus grand poste de la ville, en attente de son jugement qui arrivait à une vitesse jamais égalée. Tout se déroulait si vite qu’il perdit la notion du temps. Voilà pourquoi il restait silencieux, à l’écoute du boucan extérieur, toujours le même depuis ces deux derniers jours. Le monde entier l’avait vu. Pourtant, le chaos ne commença que le lendemain.

 

L’histoire de la Dream Team – Chapitre 72 : La fin d’une ère

 

« La mort de Pharamp »

Comment faire plus simple ? Comment faire moins angoissant ? Le peuple Pokémon venait de perdre leur étoile, leur protecteur, leur légende vivante, leur invincible héros. Le jour qui suivit la bataille entre le plus grand des explorateurs et le boss de la DDR – le jour de la révélation – les quartiers riches de Loliloville devinrent chaotiques. Les habitants hurlaient à la fin du monde, certains cassaient le bien matériel d’autrui, d’autres en profitaient pour cambrioler boutiques et appartements. Les explorateurs étaient débordés, ce fut bien la première fois dans cette partie de la ville. Comme d’habitude, les politiques rejetaient la faute sur les pauvres. Mais de leur côté, les ruelles étaient calmes. Eux aussi, venaient de perdre les dieux de leur territoire. Pourtant, ils n’étaient ni en colère, ni sous le choc. Le silence qui régnait semblait plutôt dirigé vers les deux Pokémon coincés dans une cellule, à l’attente de leur jugement. Ceux qui représentaient leur avenir, c’est-à-dire le Prédateur Carnassier et l’éclair rouge.

Le procès du premier fut rapidement expédié car il n’avait pas demandé d’avocat. On lui en attribua un d’office, qui bien sûr n’en avait que faire de défendre un cas pareil. Pour le coup, son image en prendrait un coup si, justement, il venait à l’aider. Crocorible fut donc condamné à dix ans de prison ferme et soixante-mille Pokés d’amende pour avoir collaboré avec un groupe terroriste. Sa peine aurait été divisée par trois si les témoins s’étaient prononcés, ce qu’ils auraient tous fait. Mais il assumait son erreur, il pensait mériter une telle peine.

- (Crocorible) Je suis désolé. Je promets à mon peuple que jamais je ne les abandonnerai, mais en attendant mon retour… vous devez tenir le coup. S’il vous plaît, ne cédez pas à la facilité. Ne leur donnez pas raison, ne les laissez pas tous nous condamner.

Affirma-t-il la main sur le cœur, en fixant la caméra les larmes aux yeux. Il n’avait rien dit, ni sur son frère, ni sur Roitiflam, ni sur la destruction de ses biens matériels par l’éclair rouge. Aucune haine, aucune rancune. Difficile de le faire passer pour le méchant de l’histoire, après cela.

Dans la même journée, d’autres concernés reçurent différentes sanctions en un temps record. L’équipe RS fut officiellement dissoute et ses membres perdirent leur diplôme à jamais. Lucario, Laporeille et Macronium étaient au cœur d’une affaire à cause de la dernière mission de la Dream Team qui leur demanda de faire sortir Reptincel de l’hôpital sans autorisation et d’infiltrer le plus grand laboratoire de la ville, tandis que Tortank fut certes éloigné de toutes accusations, cependant il fut assigné à résidence pendant plusieurs mois et soumis à un suivi psychiatrique pendant une année minimum. La juge le considéra comme victime des événements car son avocat – recruté par Mysdibule le jour dernier – parvint à prouver que non seulement il fut drogué à son insu, mais en plus qu’il n’acheva aucun Pokémon lors de son excursion avec sa sœur et Crabagarre. Le crabe, justement, fut condamné à douze ans de prison pour avoir fait ce pourquoi Tortank ne fut pas condamné.

Bref, la journée fut longue et le jugement de Dracaufeu approchait. Oui, ils comptaient tous les faire d’un coup et oui, c’était du jamais vu. Le maire de la ville lui-même, soit l’homme aux pouvoirs politiques les plus puissants du monde, avait fait voter l’importance de cette affaire d’ordre maximale par son assemblée. Et pour la première fois dans l’Histoire, les décisions furent prises à peine trois jours après les faits. Bien évidemment, cela n’avait de sens que si le maire souhaitait faire condamner les concernés, sans qu’ils n’aient le temps de préparer leur défense avec un avocat. Bienheureusement pour l’éclair rouge, ce quelqu’un avec qui Mysdibule s’était entretenue n’avait pas l’intention de s’arrêter à Tortank. Et ce quelqu’un, il n’imagina aucunement d’à quel point il pouvait avoir confiance en lui.

Un explorateur ouvrit sa cellule.

- Allez, sors de là !

L’engueula-t-il en le tapotant d’un pied répugné. Dracaufeu s’exécuta, s’étira les ailes une fois debout puis salua celle qui avait obtenue l’autorisation d’accompagner les autorités pour l’emmener au tribunal.

- (Mysdibule) Alors… comment te sens-tu ?

Lui demanda-t-elle dans la voiture, assise à ses côtés sur la banquette arrière pendant le trajet.

- (Dracaufeu) Mieux que je ne l’imaginais. De toute évidence, j’ai suffisamment pleuré. Maintenant, il faut avancer.

- (Mysdibule) Ça ne fait que trois jours, c’est normal de ne pas être capable de passer à autre chose. Le monde entier n’arrive pas à le supporter, à croire que Pharamp maintenait l’équilibre du monde. Le pire est que pour se défouler, ils s’en prennent aux futures générations…

Un silence s’imposa, tout du moins jusqu’à ce qu’elle ne remarque le regard perplexe de son interlocuteur.

- (Mysdibule) Quoi ?

- (Dracaufeu) Vous parlez de Tortank et moi ?

- (Mysdibule) Ça va, c’est bon, je sais qu’il me déteste ! Ça m’importe peu, je ne fais pas ça pour lui.

Elle baissa la tête, l’air frustré.

- (Mysdibule) M’assurer que vous ne finissiez pas le reste de vos jours derrière les barreaux est la dernière chose que Pharamp attendait de moi. Autant ce fut simple pour Tortank, autant pour toi… je n’ai aucune certitude. Mais je ne veux pas le décevoir, je refuse de le décevoir… !

Elle se crispait à s’en faire trembler les poings. Ses épaules ne furent sans doute jamais aussi lourdes qu’à ce jour.

- (Dracaufeu) … Je suis désolé. Si j’avais été plus fort…

- (Mysdibule) Arrête-toi là. Personne n’aurait rien pu y faire, personne. C’est pour ça qu’il était unique, pourtant… *soupir* je pensais vraiment qu’on pouvait l’emporter. Combien de fois me la suis-je imaginée, cette fin de journée au sommet du plus grand bâtiment de la ville, à observer le coucher du soleil en mangeant à ses côtés comme simple récompense ? Celle d’avoir sauvé le monde et de s’en être sorti… ? Combien de fois… tout ça pour qu’il mène son dernier combat sans moi… *snif*

Dracaufeu hésita, mais se convainc finalement de poser au moins une patte sur son épaule.

- (Mysdibule) Tant pis… *snif*

Elle essuya ses larmes.

- (Mysdibule) La vie continue. Il reste beaucoup de choses à changer, beaucoup de gens à aider et beaucoup d’ordures à arrêter. Quoiqu’il arrive, je serai là. Je serai là…

- (Dracaufeu) Bien dit. Après tout, ces événements ont fait de vous la numéro une des explorateurs.

- (Mysdibule) Non, je ne suis plus exploratrice.

- (Dracaufeu) Quoi… ?

- (Mysdibule) À quoi t’attendais-tu ? J’ai traîné Carabaffe hors de la ville alors que nous avions pour obligation de le garder sous haute surveillance. J’ai emmené des mineurs en territoire sauvage et les ai mis en danger lorsque la DDR a attaqué. La sentence fut la dissolution officielle de l’équipe RS, là-dessus rien de nouveau. En revanche, le gouvernement nous ôta à tous notre diplôme d’explorateur avec pour interdiction de pouvoir le redevenir.

- (Dracaufeu) Donc… c’est terminé ?

- (Mysdibule) Pour Arkéapti, Sapereau et Mustéflott… oui. Pour moi et Dedenne, ça ne l’est qu’officiellement.

- (Dracaufeu) … Je vois.

- Nous arrivons au tribunal !

Clama l’explorateur chargé de l’y escorter, au volant d’une voiture qui se fit rapidement huer par la foule. Celle qui attendait devant, celle qui en voulait furieusement à Mysdibule, mais surtout à Dracaufeu. Après tout, il n’était pas ici pour rien.

- C’EST TA FAUTE, TROU DU CUL !!! PHARAMP EST MORT PAR TA FAUTE !!!

- TU AS CONDAMNÉ TOUS LES EXPLORATEURS !!!

- ASSASSIN !!! PONCHIEN DE LÂCHE, VA CREVER EN PRISON !!!

On lui jetait des tomates, boîtes de conserves et autres projectiles. D’un simple mouvement d’aile, il aurait pu les ôter du passage. Mais il ne le souhaitait pas, il resta silencieux et garda le museau baissé. Mysdibule et l’explorateur parvinrent à lui frayer un chemin jusqu’au tribunal, dans lequel il put reprendre un souffle incertain en entrant. Où tout cela allait le mener ?

Il fut guidé dans une petite salle munit d’une simple table et de deux grinçantes chaises où à nouveau, il devait attendre. Il resta donc seul, certainement parce qu’on interdisait quiconque d’entrer en contact avec lui. Pourtant, il le sentait. Il sentait que du monde s’était déplacé pour lui. Presque une heure plus tard, Mysdibule entra dans la pièce. Elle n’était pas revenue seule, non. Avec elle se trouvait ce fameux avocat, un Pokémon qu’il reconnut immédiatement.

Bleu de plumage, ce grand volatile se démarquait de par sa robustesse et son élégance inégalée. Un richou, sans aucun doute. Son regard était strict, son accoutrement noir et sa seule aile sacrément musclée du fait de tous les dossiers qu’il portait chaque jour pour le travail. Et aujourd’hui, il se lançait dans une affaire qui le touchait personnellement.

- (Hélédelle) Bonjour, Dracaufeu.

Le dragon écarquilla les yeux, se levant pour l’accueillir non pas d’une poignée de main, mais d’un câlin qui lui réchauffa le cœur.

- (Dracaufeu) Hélédelle… ! Je n’en reviens pas, c’est donc toi mon avocat… !

- (Hélédelle) … J’aurai aimé l’être pour tout le monde, hélas le temps presse.

Il le déposa, et l’oiseau dévisagea son épaule droite.

- (Hélédelle) Mes condoléances, pour toutes ces mésaventures. J’ai appris pour ton père, pour Raichu, pour ton bras…

- (Dracaufeu) Hum…

Hocha-t-il d’un mouvement de tête.

- (Dracaufeu) La vie continue, je suppose. Je dois aller de l’avant, je dois devenir plus fort.

- (Hélédelle) Bien, voilà au moins quelque-chose qui aura survécu.

Rétorqua-t-il le sourire au bec, en lui tapotant la poitrine après avoir déposé ses dossiers sur la table. Il le dévisagea ensuite d’un regard couplant admiration et peine.

- (Hélédelle) Bon sang… *soupir* que suis-je supposé dire en constatant cette carrure si imposante ? Tortank et toi avez évolués si rapidement, c’est du jamais vu. Normalement, c’est à trente-six ans que tu devrais apprendre à voler, et lui à se servir de ses canons aquatiques. Vous êtes tout juste des adultes, comment… comment est-ce possible ?

- (Dracaufeu) Je ne sais pas, j’imagine que j’ai poussé mon corps de Reptincel au bout de ses limites.

- (Hélédelle) Juste comme ça, naturellement ?

- (Dracaufeu) Je n’ai jamais rien consommé, si c’est ta question.

- (Hélédelle) … Entendu, je te crois.

- (Dracaufeu) Tu devrais le savoir, Hélédelle…

- (Hélédelle) Navré, vivre à Loliloville m’aura appris à douter de tout. Certaines personnes ne sont pas celles qu’elles essaient de te faire croire, et les dieux savent à quel point il est facile d’omettre certains détails dans un dossier. J’ai déjà été déçu, j’ai déjà été trahi. Parfois… *soupir* je me revois à la guilde d’exploration. Tout paraissait tellement plus simple, à cette époque.

Le dragon souffla du museau, l’air pensif.

- (Dracaufeu) Ouais…

- (Hélédelle) Bon… et qu’est-ce que ça te fait, d’être devenu un Dracaufeu ?

- (Dracaufeu) … J’ai l’impression de griller des étapes. Pourtant… j’ai l’impression d’être encore un enfant. Tellement de choses m’échappent, tellement d’évènements ne sont pas à ma portée. Récemment, j’ai constaté l’écart qui me séparait du sommet, et… ça me terrifie.

- (Hélédelle) Ça ira, mon ami.

Avec sa seule aile, il enlaça la seule main de son protégé.

- (Hélédelle) Tu n’es plus seul, désormais.

Il parvint à le faire sourire, de quoi le motiver à se concentrer une dernière fois avant un long, très long repos. Bref, ils s’installèrent autour d’une table et échangèrent sérieusement sur la situation. Il n’y avait pas de temps à perdre, le procès allait bientôt commencer.

Il entra dans la cour d’assise. Tous les regards se placèrent sur lui. D’abord celui de ceux qui n’espéraient qu’une chose : que la vérité soit rétablie, c’est-à-dire Tortank, Macronium, Lucario, Laporeille, Mysdibule, Arkéapti, Sapereau, Mustéflott, Dedenne, Leuphorie, Nidoran, Sabelette, Bulbizarre, Grotichon, Tarsal, Vivaldaim, Bétochef, Granbull, Chaglam, Vaututrice, Mégapagos et même Ptyranidur. Il arriva de pied ferme devant la barre, là où les six jurés, les deux assesseurs et la présidente de la cour le dévisagèrent strictement.

Rude, ça elle l’était. Sa peau rocheuse d’un bleu profond et les cristaux rouges scintillants qui renforçaient sa carrure ne trompaient personne : la juge Gigalithe était connue pour être parfaitement impartiale.

- (Gigalithe) Je déclare l’audience ouverte !

Exclama-t-elle sans tarder.

- (Gigalithe) Dracaufeu de Bourg-Tranquille, reconnaissez-vous votre identité ?

- (Dracaufeu) Oui, votre honneur.

- (Gigalithe) Bien. Vous êtes accusé d’avoir commis l’assassinat de Roitiflam durant la nuit du 2 Juillet 236 au Mont Terrociel. Vous avez le droit à un avocat, ici sieur Hélédelle qui prendra votre défense.

Le volatile s’inclina pour se présenter à elle.

- (Gigalithe) Tandis que dame Miradar défendra l’État.

Ce fut à son tour de baisser la tête. Un grand Pokémon fin d’au moins deux mètres. Une femme au regard intimidant et froncé, à la fourrure brune et à la queue si grande qu’elle remontait jusqu’à l’arrière de son crâne. Son accoutrement d’avocat lui seyait parfaitement le corps, comme si elle était faite pour ça. Et pour une représentante de l’État, elle savait rester stricte et physiquement antipathique.

- (Gigalithe) Vous avez le droit de garder le silence. Maintenant, procédons à l’énonciation de l’accusation.

Elle ouvrit un grand dossier qui portait le nom de l’accusé et n’agrippa qu’une feuille, à croire qu’ils possédaient bien plus d’informations à son sujet qu’il ne pouvait l’imaginer.

- (Gigalithe) Roitiflam était un Pokémon de type feu de cinquante-huit ans, de deux mètres quatre et de cent-vingt-huit kilos. La dernière fois qu’il fut aperçut vivant était en Juillet 231, proche des quartiers pauvres de Loliloville. La nuit du 2 Juillet 236, il fut retrouvé mort au premier étage du Mont Terrociel par l’équipe Déflagration, alors chargée d’inspecter les lieux. Il était vidé de son sang, couvert de blessures avec un pieu en bois enfoncé dans le cœur. Sa poitrine droite était également transpercée.

Elle descendit son regard vers l’accusé.

- (Gigalithe) Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?

- (Dracaufeu) Je ne suis pas… responsable du pieu dans le cœur.

Hésita-t-il un court instant. Les experts et le jury l’annotèrent.

- (Gigalithe) Bien. Nous allons procéder aux témoignages.

Des témoignages qui n’en finirent plus.

La parole fut d’abord donnée à l’attaque. Miradar, donc, appliqua un plan soigneusement préparé. Elle demanda à Mysdibule :

- (Miradar) Reptincel vous accompagnait-il ? Était-il prévu dans votre programme d’excursion thérapeutique ?

Et sèchement, l’ancienne exploratrice rétorqua avec négation.

- (Miradar) Donc il est arrivé par magie. Il connaissait le lieu de l’emplacement et est intervenu après le début de l’assaut de la DDR. Suspect, n’est-ce pas ? Comment pouvons-nous être sûr qu’il les confrontait bien ? Comment pouvons être sûr qu’ils n’étaient pas de mèche ?

Dracaufeu et Hélédelle s’échangèrent un regard blafard. Faire passer l’accusé pour un complice de la DDR était une stratégie évidente, mais délicate et compliquée à mettre en place. Miradar ne semblait pas s’en inquiéter. Elle appela ensuite Tarsal.

- (Miradar) Est-ce vrai qu’il vous aurait abandonné au campement après vous avoir sauvé ?

- (Tarsal) Euh… abandonné, c’est peut-être un peu fort. Il nous a laissé là-bas parce qu’il pensait qu’on serait bien plus en sécurité au campement qu’ailleurs, et surtout pas là où il allait.

- (Miradar) C’est ce que vous pensez, oui. Mais dans les faits, il a laissé quatre enfants seuls alors que des terroristes traînaient dans le coin à la recherche de chaos.

- (Gigalithe) Le campement n’était pas vide, si on en croit le dossier.

- (Miradar) Et bien justement… !

Ce fut au tour d’Arkéapti, de venir à la barre. Maintenant qu’il n’avait plus de bandages, tout le monde pouvait constater l’état pitoyable du vieil oiseau. Miradar tenta d’en jouer et alla droit au but.

- (Miradar) Regardez-vous ! Cette bataille a détruit votre vie, et qu’est-ce qu’un oiseau qui n’est plus capable de voler ? Vous devez lui en vouloir, pas vrai ?

- (Arkéapti) Qui ça ? Capidextre ?

- (Miradar) Vous savez très bien de qui je parle. Il vous a laissé tant de victimes dont vous ne pouviez vous occuper, cela n’a-t-il pas influencé votre façon de combattre ?

- (Arkéapti) … Certainement.

- (Miradar) Et voilà ! Un argument de plus qui tend à prouver que Dracaufeu est de mèche avec la DDR ! Alourdir les épaules des explorateurs pour plus facilement baisser leurs défenses et permettre à l’adversité de trouver des failles, une véritable stratégie fourbe !

- (Arkéapti) Euh… excusez-moi mais… c’est le règlement.

- (Miradar) Pardon… ? Euh… bref, j’aimerai appeler à la barre… !

- (Gigalithe) Attendez, laissez-le s’exprimer.

- (Arkéapti) Que vouliez-vous qu’il fasse ? À ma connaissance, il partait récupérer Grotichon au Mont Terrociel. Les petits étaient sous ma surveillance, la responsabilité de les protéger me revenait de droit tandis que la sienne était de porter secours le plus vite possible aux victimes restantes. Il a agi selon les règles.

- (Miradar) Pourquoi cherchez-vous à le défendre ? Il a détruit votre vie !

- (Arkéapti) Je ne le tiens pas responsable de ce qui m’est arrivé, si c’est ce que vous attendiez de moi.

- (Miradar) Autant de solidarité n’est pas à votre avantage, Arkéapti. Vous n’êtes même plus explorateur…

- Il suffit !

Exclama le greffier, placé à gauche de la juge et qui se leva de son siège les poings fermés.

- Vous vous éloignez du sujet, veuillez le recentrer sur Dracaufeu !

- (Miradar) Mes condoléances. Bien, j’appelle à la barre… Grotichon.

Et contre toute attente, le fils du défunt accepta de venir témoigner. L’avocat, elle, ne changea pas son angle d’attaque.

- (Miradar) Roitiflam était votre père. Le soir du 2 Juillet, l’avez-vous mourir ?

- (Grotichon) Nan, on est parti avant.

- (Miradar) Avant que le pieu ne l’achève ?

- (Grotichon) Nan, y avait pas de pieu.

- (Miradar) Pourtant, l’équipe d’inspection des lieux le retrouva avec…

Disait-elle d’une voix plus douce, comme pour lui semer le doute.

- (Miradar) Tu sais qu’il ne faut pas mentir, dans un tribunal ?

- (Grotichon) Mentir… ?

- (Hélédelle) Demande d’intervention, votre honneur.

- (Gigalithe) Demande accordée.

Le volatile approcha à son tour la barre. Miradar le dévisagea sèchement.

- (Hélédelle) Grotichon, nous confirmez-vous avoir vu Reptincel perdre son bras droit lors de la confrontation avec Roitiflam, au premier étage du Mont Terrociel ?

- (Grotichon) Ouais.

- (Hélédelle) Et son bras gauche, alors ? Pourquoi ne pas l’avoir utilisé alors qu’il est gaucher ?

- (Grotichon) Parce qu’il était cassé, parce que Roitiflam l’avait cassé.

- (Hélédelle) Voilà. Comment Reptincel aurait-il pu planter un pieu dans le cœur d’un Roitiflam déjà à terre, si son bras gauche était cassé et que le droit fut désintégré lors de la bataille ?

Demanda-t-il en se tournant vers la juge.

- (Hélédelle) J’ajouterai que ses vêtements furent éradiqués par la bataille. C’est normal, après tout, ce fut une guerre enflammée. Mais si le pieu lui appartenait, comment l’aurait-il gardé jusqu’au bout ? Il était en bois, et le bois ne résiste… mais alors pas du tout aux flammes.

- (Gigalithe) Hum…

Marmonna la juge d’un air pensif. Alors immédiatement :

- (Miradar) Votre honneur, je demande intervention !!

L’avocat de l’État attira de nouveau l’œil.

- (Gigalithe) Demande accordée.

- (Miradar) Et qu’en est-il de la poitrine droite de Roitiflam ? Elle fut – elle aussi – retrouvée trouée, cette fois avec en son sein des cendres appartenant au même ADN que Reptincel ! Grotichon, dites-nous donc comment il a perdu son bras droit !

- (Grotichon) … Il allait se faire massacrer. Roitiflam était sur le point de l’abattre, quand…

Il détourna un court instant le regard vers Dracaufeu, l’air hésitant. Le dragon lisait en lui, il savait parfaitement ce qu’il allait dire et nia d’un léger mouvement de tête l’idée de s’y tenter. Mais Grotichon n’en avait que faire.

- (Grotichon) … Quand je suis intervenu pour l’aider.

Tout le monde écarquilla les yeux.

- (Leuphorie) Pardon… ?

Marmonna sa mère, en se couvrant la bouche de terreur.

- (Vivaldaim) Quelle horreur… ! Tu m’étonnes qu’il ait été traumatisé…

- (Tarsal) Et dire que j’étais trop occupée à m’embrouiller l’esprit à cause de Flagadoss… Grui souffrait, et je n’ai rien senti…

Ses frères, en revanche…

- (Nidoran) Wow, trop la classe… !

- (Bulbizarre) Il n’a peur de rien, Grui, j’te l’avais dit, ah ah !

De toute évidence, cette partie de l’histoire n’avait pas été indiquée dans les dossiers.

- (Gigalithe) Comment ça, intervenu… ? Tu as participé à la confrontation ?

- (Grotichon) … Je ne voulais pas perdre mon héros. Alors quand j’ai vu qu’il n’avait plus aucune chance de s’en sortir seul, j’ai sauté dans les flammes pour agripper la poigne de Roitiflam. Tout ce que je voulais, c’était que sa griffe ne lui transperce pas le cœur. Et j’ai eu plus, bien plus que ce que j’espérais. Dracaufeu… enfin Reptincel s’est relevé et a retourné la situation à son avantage. Ce n’est plus Roitiflam qui dominait, mais lui qui se faisait dominer par les flammes de sa proie. Et je crois que Reptincel a fait le choix de déchaîner ses pouvoirs sur sa poitrine droite, voilà toute l’histoire…

- (Miradar) Ah ! Donc ses cendres ne sont pas là par hasard !

- (Hélédelle) Il ne l’a pas tué. Mieux encore, il a fait le choix de ne pas viser le cœur.

- (Miradar) Vous êtes-vous renseigné sur l’impact de la blessure ? Roitiflam n’aurait jamais survécu !

- (Hélédelle) En fait si, il aurait survécu. Ceci-dit je reconnais que n’importe quel autre Pokémon, même de type feu, n’aurait pu encaisser une telle capacité. Mais de toute évidence, c’était un acte de légitime défense. De plus, Dracaufeu est explorateur. S’il reconnait avoir été en mission, qu’il soit reconnu coupable ou non, alors il est entouré de fortes circonstances atténuantes. Dois-je vous rappeler l’ampleur du cas Roitiflam ? Hum… ?

Il se tourna vers le public.

- (Hélédelle) Devrais-je ne serait-ce que mentionner l’hypocrisie dont le monde entier fait preuve, envers un explorateur qui n’a fait qu’éradiquer une menace qu’ils craignaient tous ?

- (Miradar) La meurtre est condamné, sieur Hélédelle !

- (Hélédelle) Bien sûr. Je souhaitais juste le souligner, rien de plus. Si Reptincel avait échoué, ce soir-là, ces mêmes personnes l’auraient certainement traitées de pauvre idéaliste. Sauf qu’il l’a fait. Il fut capable de réaliser ce dont personne, pas même l’équipe RS, pouvait espérer accomplir.

- (Miradar) Tuer de sang-froid un Pokémon ?

- (Hélédelle) Sauver la moitié de Loliloville.

- (Gigalithe) Sieur Hélédelle, vous pensez-vous capable de nous prouver qu’il était bien en mission ?

Demanda la juge d’un air sincèrement intrigué.

- (Gigalithe) Pour le moment, les témoignages tendent plutôt à prouver qu’il aurait effectivement été de mèche avec la DDR.

- (Hélédelle) Parce qu’abattre le chef de l’organisation n’est pas une preuve suffisante ?

- (Miradar) Pas si ce n’était pas son objectif, ce que selon vous ce n’était pas.

- (Hélédelle) … *soupir* Bien, je demande à la barre Bétochef.

Suite à quoi la parole fut donnée à la défense. Miradar s’installa le sourire aux lèvres, globalement fière de sa prestation. Le grand gaillard, de son côté, essaya de tenir correctement debout sur le piédestal.

- (Hélédelle) Monsieur Bétochef, vous travailliez pour Crocorible en tant que garde du corps dans sa boîte de nuit et Reptincel était votre collègue, n’est-ce pas ? Comment votre relation se vivait-elle ?

- (Bétochef) C’est… compliqué. Au début, il était notre héros. Il a su redonner vie à la boîte en apportant la sécurité dont elle avait besoin. Moi, je cherchais à le faire fuir parce que je détestais l’idée qu’un mec sorti de nulle part bosse direct pour le patron du territoire. Puis on est devenu ami parce que… parce que je m’suis rendu compte que j’étais contreproductif. Tout c’que je voulais, c’était rendre ma vie et celle du patron la meilleure possible. Reptincel nous y aidait, que ce soit dans la boîte ou après, en tant qu’éclair rouge.

- (Gigalithe) Le saviez-vous dès le début ?

- (Bétochef) Non, je l’ai appris le soir où Grotadmorv a pris possession d’moi. C’est paradoxal, mais Reptincel m’a sauvé en me cassant la gueule.

Là, les membres du jury se mirent à chuchoter. Ils ne semblaient pas connaître cette version de l’histoire non plus, après tout, Dracaufeu cherchait à tout prix à rester dans l’ombre à cette époque.

- (Gigalithe) D’accord, et après ?

- (Bétochef) Après, il a pété un câble. Un soir, il s’est foutu sur la gueule avec le patron et la boîte a été massacré par leur affrontement. Si je n’étais pas intervenu… *soupir* non, je suis incapable de savoir ce qu’il aurait fait.

- (Miradar) Wow, quel comportement héroïque ! Dommage que Crocorible ne soit pas là pour témoigner…

Hélédelle se tourna vers son client.

- (Hélédelle) Pourquoi avoir fait ça ?

- (Dracaufeu) Crocorible était en contact avec la DDR, et la DDR venait de prendre mon père.

- (Miradar) C’est vrai que l’impulsivité et l’enragement est un trait de caractère attendu des grands hé… !

- Silence, Miradar… !

Marmonna le greffier en lui coupant la parole.

- (Gigalithe) Et si Bétochef n’était pas intervenu ? Qu’auriez-vous fait à Crocorible ?

- (Dracaufeu) … Je l’aurai certainement tué.

À nouveau, l’audience fut choquée. Mais il fut honnête, à vrai dire Hélédelle lui en avait parlé.

- (Hélédelle) Navré d’être sec, mais tu seras condamné. La juge subit une pression énorme, que ce soit de l’État ou de la population elle-même. À ce stade, te faire reconnaître coupable du meurtre de Roitiflam est trop important pour la stabilité de la société, qu’importe la véracité de ta culpabilité.

- (Dracaufeu) Peu importe, je mérite d’être condamné.

- (Hélédelle) Tu ne le seras pas à la hauteur d’un meurtre, je peux te jurer que je ferai tout pour m’en assurer ! Il va falloir jouer sur des points clés de ton histoire, ne pas tourner autour du pot et surtout… par-dessus tout, toujours dire la vérité. Même quand elle fait mal, même quand elle n’est pas à ton avantage. On est d’accord ?

- (Dracaufeu) … Entendu, je suivrai ton plan à la lettre.

- (Gigalithe) Et Roitiflam… avez-vous pensé à le tuer ?

- (Dracaufeu) … Oui. Quand je l’ai vu à terre dans un état pitoyable, oui, j’ai songé à désobéir au règlement des explorateurs.

- (Hélédelle) Il n’a fait qu’y penser.

- (Gigalithe) Certainement…

Elle prit des notes, et le volatile toussa pour de nouveau attirer l’attention.

- (Hélédelle) Bétochef, est-ce suite à cet incident que vous l’avez appris ? La relation entre votre patron et la DDR ?

- (Bétochef) Ouais, et c’était un peu surprenant… Je savais qu’il s’était déjà fait approcher, mais pour qu’il accepte…

- (Hélédelle) Hum, je comprends. Et qu’avez-vous fait pour y remédier ?

- (Bétochef) Je suis allé voir Reptincel chez lui pour lui en parler, pour lui demander de l’aide.

- (Gigalithe) Vous avez fait ça après les avoir vu se battre ? Étrange, ce n’était pas le soutien le plus approprié.

- (Bétochef) Pourquoi, vous connaissiez des gens à qui j’aurai pu en parler, dans les quartiers pauvres ?

Demanda-t-il sèchement. Tout le monde baissa les yeux, il imposa le silence et put reprendre à son aise.

- (Bétochef) Des gens de confiance, mieux, des vrais amis… ça ne se trouve pas à chaque coin de rue, madame la juge. Reptincel avait merdé, mais on fait tous des erreurs. Vu l’état psychologique dans lequel il était et vu que dans les faits… bah Crocorible l’avait trahi, je pouvais comprendre et tenter de le pardonner. Tout c’que j’voulais, ça n’avait pas changé : qu’on ait la meilleure vie possible, le patron et moi, rien de plus. Alors oui, c’est lui que je suis allé voir. Je lui ai expliqué la situation et il a accepté de m’aider.

- (Hélédelle) Que saviez-vous, à ce moment-là ?

- (Bétochef) Que Crocorible pouvait se faire pêcher d’un moment à l’autre par la DDR, qui l’emmènerait sur les lieux de l’assaut sans le prévenir avant. Ils ne devaient pas lui faire confiance, vu que contrairement à eux, mon patron n’est pas une ordure vivante.

- (Hélédelle) Et qu’est-ce que Reptincel a fait ?

Les regards se tournèrent vers le concerné.

- (Dracaufeu) … Une double boussole. Crocorible a accepté d’en garder une sur lui, afin que je puisse le localiser.

- (Hélédelle) Voilà comment il put connaître le lieu de l’assaut.

- (Gigalithe) … Et la date ?

- (Dracaufeu) Il a réussi à m’envoyer un message le jour J. Mais de toute façon, je pense que j’aurai remarqué son départ.

À nouveau, le silence s’imposa. Le jury prenait des notes, la juge paraissait perplexe. Tout cela énerva Miradar.

- (Miradar) Attendez, vous le croyez si simplement… ? Comment pouvons-nous être sûr qu’il possédait une double boussole sur lui !?

- (Hélédelle) Si vous me laissez appeler à la barre monsieur Granbull, je pourrais vous le prouver.

- (Gigalithe) Faites donc.

Il s’exécuta, et le Pokémon canin accepta d’approcher, une feuille sous pochette plastique en main.

- (Granbull) J’ai… euh… je fais toujours des certificats de détention, histoire de savoir à qui j’ai refilé quoi et à quelle date. On ne sait jamais, peut-être qu’un jour, quelqu’un se servira de mes biens pour faire du mal à autrui et… bref, voici celui de la double boussole.

Il donna le papier à l’avocat, qui le donna à la juge. Effectivement, toutes les informations coïncidaient avec les propos racontés par Bétochef. En plus de cela, Hélédelle sortit à son tour une feuille.

- (Hélédelle) Et ci-joint se trouve l’analyse que je suis allé faire en vitesse du papier que vous tenez. Selon les experts, il aurait bien été imprimé il y a plus d’un mois. Donc aucun trucage, aucune tentative de bluff, que des faits.

- (Gigalithe) Inutile de le préciser. J’en suis persuadée, désormais.

Le regard de Miradar se tourna brusquement vers elle.

- (Miradar) P… pardon ?

- (Gigalithe) Le dossier de Crocorible ne vous était pas accessible, mais les médecins auraient retrouvé dans ses sous-vêtements les morceaux d’une boussole détruite. Je souhaitais entendre la fin de votre histoire avant de vous le dire, mais il m’apparaît désormais évident que vous ne cherchez pas à mentir.

Elle se tourna vers l’accusé.

- (Gigalithe) Surtout avec de telles réponses.

Dracaufeu écarquilla les yeux, il ne s’attendait pas à cela. Hélédelle retourna à sa place, il était l’heure pour le jury de poser des questions. Mais en réalité, ils n’en posèrent qu’une seule :

- Pourquoi avoir hésité ?

Osa l’un d’entre eux.

- Lorsque l’on vous demanda de nous dire si vous étiez responsable du meurtre de Roitiflam, pourquoi avoir eu du mal à finir votre phrase ?

- (Dracaufeu) … Parce que je me suis mal exprimé. J’ai dit que je n’étais pas responsable du pieu dans le cœur, je ne pense pas que ce soit si vrai que ça. L’explorateur idéal aurait été capable d’arrêter son adversaire sans le blesser, tout du moins sans le faire gravement. Mais je n’en ai pas été capable. Prendre le risque de le laisser mourir le temps que les secours arrivent est condamnable, j’en suis parfaitement conscient. Et ce pieu dans le cœur, même si je n’ai aucune idée de sa provenance, il est là par ma faute. Roitiflam fut une proie facile par ma faute, et j’en suis navré.

S’exprima-t-il d’une sincérité sans faille. Tout le monde l’annota, même le public. Gigalithe soupira simplement…

- (Gigalithe) Est-ce que quelqu’un voudrait rajouter quelque chose ?

… Puis ferma le dossier portant le nom de l’accusé après n’avoir entendu qu’un lourd silence.

- (Gigalithe) Bien. Dans ce cas, je déclare le procès clos ! Nous enchaînons avec le jugement concernant la fuite de Dracaufeu et de ses proches de l’hôpital, mais avant cela… *soupir* il est temps de débriefer.

Le premier jugement se termina là-dessus. Le débrief dura une bonne heure, durant laquelle l’accusé et son avocat attendirent sagement dans leur coin, toujours sans moyen d’être approchés par leurs proches.

Le second procès débuta dès leur retour, avant même que la sentence ne soit exprimée. Et ce second tour fut bien plus rapide et concis que son précédent. Hélédelle et Dracaufeu suivaient leur règle d’or et ne démentirent aucune accusation. Mieux encore, ils déclarèrent véridique la théorie foireuse de Miradar, qui voudrait que Reptincel ait forcé la main aux membres de la Dream Team pour s’introduire dans le plus grand laboratoire de la ville. Lucario, Laporeille et Macronium rentrèrent dans leur jeu et furent disculpés de tout soupçon pour cela. Ce fut la volonté du dragon et ils la respectèrent. Le fait que ses empruntes furent retrouvées proche de la vitre brisée et pas celles des autres fut une preuve de taille qui suffisait aux juges. Malgré tout, Hélédelle parvint à trouver des circonstances atténuantes. Grâce au témoignage de Tortank sur le supplice vécu durant sa captivité, il convainquit le jury qu’il n’aurait certainement pas survécu sans l’intervention de la Dream Team. Cela n’excusait pas tout, mais ils l’annotèrent.

Là, il ne leur fallut qu’une demi-heure pour débriefer la situation.

Lorsqu’ils revinrent, le silence fut total. Hélédelle serrait l’aile, Dracaufeu inspira un grand coup. Il fut appelé à la barre par la présidente de la cour, qui elle aussi se prépara nerveusement à annoncer les résultats.

- (Gigalithe) Dracaufeu de Bourg-Tranquille… je vous déclare coupable du meurtre de Roitiflam, responsable de votre évasion de l’hôpital et de l’invasion du laboratoire.

Cette phrase glaça le sang de tout le monde.

- (Gigalithe) La justice devrait vous sanctionner trente-cinq ans ferme.

Le public paniqua encore plus. Mais en entendant cette formulation, Hélédelle soupira enfin.

- (Gigalithe) Cependant, chacune des affaires susnommées comportent de fortes circonstances atténuantes. Concernant la première affaire, votre diplôme d’explorateur, la preuve que vous étiez en mission contre la DDR, votre situation de légitime défense, le dossier de la victime et le sauvetage inextrémiste et improvisé de six enfants et une adulte atténuent sévèrement votre peine. En ce qui concerne la seconde affaire, le cas de Tortank ainsi que votre capitulation à fuir la loi le lendemain vous épargne de la sanction complète. Ainsi, Dracaufeu de Bourg-Tranquille, je vous condamne à une peine de quatre-vingt-six mois de prison fermes à la prison Corvaillus. Vous serez transféré dans la journée.

Ça y est, la sentence fut prononcée. Quatre-vingt-six mois, ou sept ans et deux mois de prison… comment réussir à se l’imaginer ? Qui est capable de s’imaginer dans sept ans ? Cela paraissait gigantesque, et ça l’était. Mais savoir que sa peine aurait pu être multipliée par cinq sans l’intervention d’Hélédelle rassura grandement le public. Sept ans, c’est beaucoup. Mais dans sept ans, il le pourra encore. Dracaufeu pourra encore devenir plus fort.

Pour la dernière fois, il fut emmené dans sa salle d’attente. Il enlaça chaleureusement Hélédelle, en attente de l’arrivée du public qui enfin pouvait le rejoindre.

- (Dracaufeu) Merci infiniment. Hélédelle, sans toi, je… *snif* merci pour tout.

- (Hélédelle) Tu mérites une belle vie, Dracaufeu. Se refaire après une sortie de prison est toujours compliqué, mais je sais que tu y arriveras. C’est quand on apprend à te connaitre, qu’on reprend espoir en l’avenir.

La porte s’ouvrit alors une première fois. Il s’agissait de la juge elle-même, approchant avec une expression plus expressive que jamais.

- (Hélédelle) Votre honneur…

- (Gigalithe) Je ne suis pas venue en tant que présidente de la cour d’assise, alors appelez-moi Gigalithe.

Elle se tourna vers le type feu.

- (Gigalithe) Comment vous sentez-vous ?

- (Dracaufeu) … Responsable.

- (Gigalithe) Je suis sincèrement navrée.

- (Dracaufeu) Navrée… ? Madame Gigalithe, en toute honnêteté, me considérez-vous coupable de son meurtre ?

Elle baissa la tête, soupirant d’un air chiffonné face aux deux hommes contraints de comprendre l’ampleur des problèmes de cette société.

- (Gigalithe) Notre peuple a besoin de retrouver une étoile. Vous condamner sévèrement aurait solidifié les piliers qui maintiennent la société des explorateurs, mais je ne pense pas que fuir éternellement le problème nous aidera à aller de l’avant. Alors tenez bon, Dracaufeu, je pense que vous avez encore un rôle un jouer dans cette grande Histoire.

Il acquiesça d’un mouvement de tête, puis la juge se retira. Enfin, le public débarqua.

- (Bulbizarre) M’sieur Dracaufeu !!

Comme à son habitude, Bulbizarre lui sauta dans les bras. Le reste de l’orphelinat approcha, suivi des anciens membres de l’équipe RS et de Macronium, Laporeille, Lucario, Tortank, Mégapagos, Bétochef, Granbull, Chaglam, Vaututrice et Ptyranidur. Le dragon déposa son ami, qui sautilla tout autour de lui avec des étoiles dans les yeux.

- (Bulbizarre) Vous êtes trop classe, comme ça !! Ces ailes, ces muscules, ces dents… ! Vous pouvez cracher du feu !?

- (Dracaufeu) Hum… là maintenant, ça risque d’être compliqué.

- (Vivaldaim) Laisse-le un peu respirer, Bulbi !

Exclama la grande sœur, en le tirant par le bulbe. Grotichon approcha.

- (Grotichon) Hé, euh… je n’ai pas trop eu l’temps de l’dire avant, alors… merci. Si j’avais su que l’homme que j’ai toujours cherché à retrouver était prêt à me tuer sans le moindre remord…

- (Dracaufeu) C’est toi le héros de cette histoire, Grotichon.

Il s’agenouilla pour le regarder à sa hauteur.

- (Dracaufeu) Tu es un garçon courageux. Ce que tu as fait, ce que tu as dit ce même soir, sans tout cela, aucun d’entre nous n’en serait là.

- (Grotichon) Au tribunal… ?

- (Dracaufeu) Non, andouille, aucun d’entre nous ne serait vivant.

Rigola-t-il en lui tapotant le groin.

- (Dracaufeu) Si dans sept ans tu as besoin de quoique ce soit, viens me voir, d’accord ? Tu n’as pas à affronter ce genre de problème seul.

- (Sabelette) Il ne le sera plus jamais.

L’adolescent se retourna, admirant les larmes aux yeux sa grande famille reconstituée.

- (Grotichon) Les amis… *snif*

Ils s’enlacèrent tous chaleureusement. Dracaufeu se redressa en admirant cette complicité, puis se tourna vers celui qui attendait patiemment dans un recoin : Ptyranidur, se tapotant les griffes en détournant le regard de son objectif. Le dragon commença à approcher, lorsqu’il fut interrompu par ses rencontres faites durant cette folle année dans les quartiers pauvres de Loliloville.

- (Chaglam) Alors, dégouté ou pas ?

Se moqua gentiment la journaliste de Quoti’Ville.

- (Dracaufeu) Je pense que j’ai eu assez de chance pour me plaindre. Et toi, jouer la reportrice de guerre a aidé ?

- (Chaglam) Mouais, je m’attendais à c’que l’patron me lèche les pattes mais bon… j’imagine qu’être promue est déjà un bon début.

- (Dracaufeu) C’est bien que tu sois haut placé dans le journalisme. Les quartiers pauvres ont besoin d’informer.

- (Chaglam) Et crois-moi je compte bien l’obtenir, cette autorisation de siéger là-bas !

- (Granbull) En parlant de siéger, ta présence a changé nos vies, Dracaufeu. Jamais nous ne te remercierons assez pour tout ce que tu as apporté.

- (Bétochef) Maintenant que Roitiflam n’est plus, la DDR a perdu le contrôle de nos quartiers. Quand Crocorible sortira de taule, une nouvelle ère débutera pour nous tous. Nous irons vers le droit chemin, je te le promets.

- (Vaututrice) Et bien sûr, tu seras le bienvenu dès que tu le voudras. Notre refuge n’est qu’une de tes nombreuses maisons.

- (Granbull) Hum, d’ailleurs je me chargerai de récupérer tous tes biens, avant qu’ils ne réquisitionnent ton appart, ne t’en fais pas.

- (Bétochef) On ne l’a toujours pas terminé, ce foutu documentaire sur les bouches d’égout d’la ville. Alors t’as pas intérêt à m’oublier, l’merdeux ! Le taf est déjà tellement plus monotone sans toi…

- (Dracaufeu) Wow, vous me parlez comme si je m’apprêtais à disparaitre pendant bien plus que sept ans…

- (Vaututrice) Hé bien… nous présumions que tu trouverais une autre habitation digne de ce nom, à ta sortie de prison.

- (Dracaufeu) Il le faudra bien, puisque j’aurai perdu mon logement. Mais je ne compte pas quitter les quartiers pauvres.

Les concernés s’échangèrent un regard plus que surpris.

- (Bétochef) Vraiment… ?

- (Dracaufeu) Vaincre Roitiflam ne règle pas tous les problèmes, ça va même en créer. Si je peux reprendre le discours de Crocorible, alors tenez bon jusqu’à mon retour également. Je suis des vôtres, les amis.

Il leur tendit son poing, et tous le lui répondirent d’une tape amicale. Leur histoire n’était pas terminée non plus.

Suite à cela, il put reprendre le chemin. Ptyranidur était juste là, seul et vraisemblablement prêt à parler, même s’il continuait de détourner le regard. Dracaufeu allait l’atteindre, il allait enfin pouvoir s’exprimer à cœur ouvert… lorsqu’une nageoire toucha son épaule.

- (Mégapagos) Mon enfant…

Le dragon se retourna, faisant face au sage de Bourg-Tranquille qui, désormais, faisait sa taille.

- (Mégapagos) Tortank m’a tout raconté, merci pour tout…

- (Dracaufeu) C’est lui qui a fait le plus dur, monsieur Mégapagos.

- (Tortank) Toujours aussi modeste, le lèche-cul ?

Le type eau approcha les mains dans les poches. Il échangea un sourire sincère à son père adoptif, que lui dépassait de quelques centimètres. Dracaufeu les admira d’un sourire timide.

- (Dracaufeu) Vous formez une très belle famille, tous les deux.

- (Tortank) Et pourtant, ce n’était pas gagné. Mais je vais me rattraper, je le dois.

- (Mégapagos) Enfin, mon grand, ne te ménage pas trop pour cette vielle croute…

- (Tortank) Trop tard, j’ai déjà pris mes vacances. On rentre au village ensemble.

- (Mégapagos) Vraiment… ?

- (Tortank) Ouaip, j’espère que tu n’as pas viré mon lit !

- (Mégapagos) Jamais ! Voyons, tu auras toujours ta place dans ta propre maison, mon héros… !

Sur ces mots, le père enlaça son fils et Tortank répondit de même. Jamais il n’avait enlacé qui que ce soit en public, Dracaufeu se demanda même si il avait déjà éprouvé de l’affection pour Mégapagos hors de leur espace privé. En tout cas, ce n’était plus une question d’actualité. Suite à cela, le vieil homme regagna un siège à l’autre bout de la pièce. Les deux jeunes adultes l’observèrent se débrouiller malgré l’âge.

- (Tortank) *soupir* Comment j’ai pu le délaisser ? Après tout ce qu’il a fait pour moi…

- (Dracaufeu) Le plus important est que tu puisses encore rattraper le temps perdu.

- (Tortank) Ouais, je suppose. Je t’avoue que je ne prends pas que des vacances pour me débarbouiller l’esprit de Loliloville. Ces histoires de lettres jamais reçues me terrifient, ça m’angoisse de savoir que la DDR interagissait déjà avec lui par ma faute. Je veux m’assurer qu’il soit en sécurité.

- (Dracaufeu) Ça t’inquiète encore ? Je croyais que c’était Carapuce, la responsable de cette histoire de communication ?

- (Tortank) Peut-être, là est le problème. Le boss est mort, mais la relève est toujours en liberté. Toi plus que quiconque sait qu’il ne faut pas sous-estimer Capidextre ou Flagadoss, sans compter leur merdre qui change de forme ou cette assassin qui sait arracher des vies beaucoup trop rapidement pour ne pas être une psychopathe. Ils sont introuvables depuis la bataille et à mon avis, ils ont de quoi se cacher encore longtemps.

- (Dracaufeu) Des contacts ?

- (Tortank) La DDR est partout. Il va falloir renforcer notre sécurité, à commencer par nous assurer que nos proches ne sont pas en danger. De mon côté, je ne me ferai plus jamais avoir…

- (Dracaufeu) J’en suis certain. D’ailleurs, si tu as besoin de me confier quoique ce soit à propos de tout ce qui est arrivé…

- (Tortank) Hum… t’as mieux à foutre de ton temps, je crois.

- (Dracaufeu) Dis-moi au moins comment tu te sens, par rapport à ta sœur ?

- (Tortank) … Idiot. Tu dis souvent que le plus important est d’avoir compris malgré l’erreur, mais je n’arrive pas à croire que je sois tombé aussi bas, cette année. Je suis passé de sauveur du monde à fils indigne, tout ça parce que ouais… c’est vrai, j’étais putain d’obsédé par mes origines.

- (Dracaufeu) Et maintenant… ?

- (Tortank) Il me manque des réponses mais… je m’en fous, c’est du passé. Mes parents étaient peut-être des héros. Le plus important dans cette phrase, c’est « peut-être ». En revanche, pour l’avenir que toute cette histoire m’a offert, je ne peux pas me contenter d’un « peut-être ». Je dois m’y consacrer à fond, je ne dois plus rester accroché au passé. Je dois me détacher de la seule chose qui peut encore me rendre fou, et je compte bien le faire en réussissant là où ils ont échoué.

Le dragon hocha la tête.

- (Dracaufeu) Bien. Solidifie ta carapace en mon absence, Tortank.

- (Tortank) Le poing que j’te mettrai dans la gueule quand on s’affrontera de nouveau sera aussi solidifié, Dracaufeu !

Le type feu lui sourit, toujours quelque peu animé par cette rivalité. Mais Tortank baissa les yeux, avant de nier ses propos d’un mouvement de tête.

- (Tortank) Nan, ça suffit.

Dracaufeu écarquilla les yeux.

- (Dracaufeu) Qu’y-a-t-il ?

- (Tortank) Pharamp voulait qu’on reprenne le titre ensemble, pas qu’on se batte pour l’obtenir. Mettons fin à cette histoire ridicule, tu veux ? On est adulte, maintenant…

Il lui tendit la main gauche.

- (Tortank) Devenons le numéro un ensemble !

Là, il lui sourit sincèrement. Les deux amis se serrèrent la main, tous les deux prêts à avancer sur ça aussi. Le type eau rejoignit ensuite Macronium, Lucario et Laporeille, que Dracaufeu promis de retrouver dès qu’il aura fait ce qu’il cherchait à faire depuis le début : parler à Ptyranidur.

Il était juste en face de lui, plus personne n’était sur son chemin. Il fit un premier pas, se faisant remarquer par ce dernier. Il en fit un second, inspirant un grand coup avant de se préparer à en faire un troisième pour enfin s’exprimer. Mais avant qu’il ne pose la patte, la porte à côté d’eux s’ouvrit brusquement. Deux explorateurs entrèrent, des menottes en main.

- Monsieur Dracaufeu, il est l’heure de vous emmener !

Il en écarquilla les yeux d’angoisse. Tous les regards se placèrent sur lui, le silence s’imposa. Les explorateurs commençaient à approcher, il n’avait plus le temps. Alors il adressa un dernier regard à Ptyranidur, qui à sa grande surprise se rapprocha au dernier moment.

Les deux museaux se groupèrent, les deux hommes fermèrent les yeux et tendrement… ils s’embrassèrent amoureusement.

Cela ne dura que dix secondes. Pourtant, cela parut être une éternité pour tout le monde. Les enfants étaient répugnés parce que c’étaient des enfants, certains adultes l’étaient parce qu’ils n’y connaissaient rien, mais leurs vrais amis leur accordèrent simplement ce dernier temps de répit avec respect. Ils savaient que cela faisait longtemps, beaucoup trop longtemps qu’ils s’attendaient. Et malheureusement, ils allaient encore devoir attendre sept ans.

Malgré tout, ce sont avec les larmes aux yeux que Ptyranidur affirma, en caressant les joues tremblantes de celui qu’il aimait :

- (Ptyranidur) … J’attendrai encore. Dracaufeu, j’attendrai le temps qu’il faudra… !

Et le dragon ne fit qu’hocher la tête. Il pleurait trop pour s’exprimer correctement, son esprit s’emmêlait, il n’avait aucune idée de quoi lui dire. Le remercier pour sa patiente ? L’embrasser à son tour par amour ? Le convaincre de passer à autre chose pour son bien… ? Heureusement, les explorateurs le saisirent avant qu’il ne trouve la force de raconter n’importe quoi.

L’adrénaline passera, les larmes sècheront.

En attendant, il comprit pour de bon qu’il ne serait pas seul, dans sept ans.

Et là-dessus, Dracaufeu fut emmené à la prison Corvaillus.

Tout le monde l’observa s’éloigner avec peine. Mysdibule soupira. Les anciens membres de son ancienne équipe s’en allèrent peu après, non sans n’avoir fait que la dévisager durant la journée. Le monde Pokémon avait besoin d’une nouvelle étoile, hélas il devait encore attendre.

Quelques jours plus tard fut organisé l’enterrement de Pharamp. La célébration fut titanesque, la ville entière réquisitionnée pour des feux d’artifices et autres défilés tandis que du monde s’était déplacé. Beaucoup de monde, venu des quatre coins de la planète pour pleurer le défunt héros. Il eut bon nombres de discours, beaucoup d’éloges et quelques crises d’angoisse. Oui, après tout il est difficile de s’imaginer un avenir radieux, sans le plus grand de tous les explorateurs pour disperser les rayons du soleil sur le monde entier. Il fut décidé de lui construire une statue gigantesque sur la place de la mairie. Le jour du 14 Juillet devint un jour férié. Dracaufeu n’y assista pas pour des raisons évidentes. De son côté, Tortank avait pris la décision de rester à Bourg-Tranquille. Malgré tout, il lui accorda une minute de silence ce même-jour. Seul au sommet de la colline au grand arbre, les mains dans les poches et les accoutrements s’envolant au gré du vent, il laissa son regard être bercé par les cieux.

- (Tortank) Où que vous soyez… merci, Pharamp.

Après cela, il retourna dans sa maison d’enfance, là où Mégapagos l’attendait pour déjeuner.

La vie continuait, voilà la plus important.

Elle continuait pour tout le monde.

Absolument tout le monde…

Ils étaient tous les quatre assis sur des matelas, tous aussi vides et crades les uns que les autres. Je parle des matelas, hein… enfin à vrai dire, eux ne valaient pas mieux non plus. Le silence était total, certainement car plus aucune machine ne fonctionnait. Il n’y avait pas d’électricité, pas d’eau à disposition et aucune ressource sur laquelle espérer compter. La toute dernière base de la DDR était complètement délabrée, vide de contenu et sans doute bientôt à disposition des explorateurs. Les derniers soins qu’ils s’étaient dégotés se maintenaient difficilement sur leur corps et nulle part ailleurs. Oui, ils n’avaient plus rien. Plus rien du tout. Plus de ressources, plus de chef, plus de motivation.

Léopardus, Flagadoss, Capidextre et Métamorph n’étaient plus que de pauvres criminels recherchés activement dans le monde entier. Plus personne ne croyait en l’idée qu’un jour peut-être, l’organisation refaçonnerait le monde à son image. Qu’est-ce qui les retenait ? Le désespoir.

- (Capidextre) … On va nous tuer. Le premier qui nous trouve cherchera à nous tuer sans se poser de questions et sans matos, on est complètement foutu… !

- (Léopardus) Flagadoss, tu ne pourrais pas créer un portail vers un autre monde ou un truc du genre, comme tu l’avais fait à Bourg-Lavaley… ?

Le type psy rigola nerveusement.

- (Flagadoss) Et puis quoi, encore… ? Je n’arrive à rien ! Je suis trop fatigué pour concentrer mon esprit psychique et je cauchemarde trop pour me reposer, c’est un foutu cercle vicieux… !

- (Métamorph) … Père. Si ils m’attrapent, est-ce qu’ils me remettront en cuve… ?

- (Capidextre) … Non, mon grand. Ils te maintiendront en vie et tortureront à jamais pour tester tes limites et essayer de te reproduire à l’identique. Si tu es un monstre, alors eux en veulent une armée.

- (Métamorph) Je ne veux pas que ça arrive… je ne veux pas que ça arrive…

Marmonna-t-il en tremblotant.

Soudainement, la porte du dortoir s’ouvrit. Il avait entendu du bruit et s’était douté de qui se trouvait derrière.

- (Machoc) Vous êtes encore là… ?

Demanda avec peine le petit Machoc, fils du boss de la DDR et rongé par la trahison de l’explorateur qu’il admirait. Il était couvert de lourds vêtements cachant sa peau pâle et son anorexie, portait un grand sac sur le dos et s’apprêtait à mettre les voiles.

- (Machoc) Je vous ai déjà demandé de partir. Il n’y a plus rien ici, et vous n’avez plus à travailler avec la DDR.

- (Capidextre) La DDR n’existe plus… !

- (Machoc) Si, elle existe encore parce que je suis là.

Tous les regards se placèrent sur lui.

- (Léopardus) Et que comptes-tu faire, au juste ?

- (Machoc) Terminer ce qu’il a commencé. Mon père m’a confié une mission, et je compte bien l’accomplir.

Il se retourna, resserrant son sac et s’apprêtant à quitter les lieux seul.

- (Flagadoss) Une minute, petit, de quelle mission parles-tu ?

Interrompit Flagadoss, en se redressant le premier d’un air intrigué.

- (Machoc) Son monde idéal n’est pas inaccessible. Je peux encore le construire.

Capidextre se redressa à son tour.

- (Capidextre) C’est-à-dire… ?

- (Machoc) … C’est une longue histoire. Disons que mon père m’a… ouvert les yeux. Qu’il s’attendait à mourir ou non, ce qui est sûr est qu’il avait anticipé le pire des cas. Le jour où Roitiflam m’a confié à lui pour participer à votre assaut, je l’ai redécouvert. Il m’a expliqué tellement de choses sur moi, sur lui, sur notre héritage. Il m’a confié la suite du parcours. Aujourd’hui, je sais ce que je dois faire. Je sais où je dois aller et je sais quel rôle j’ai à jouer dans toute cette histoire.

- (Métamorph) Dis, euh…

La créature se redressa à son tour.

- (Métamorph) Ce monde idéal, tu penses pouvoir le créer seul… ?

- (Machoc) Hum… sans doute. Sinon, pourquoi m’aurait-il confié une telle mission ?

- (Métamorph) Et du coup… pourquoi est-ce qu’il nous a sauvé ? On venait d’échouer, il n’avait aucun intérêt à nous garder en vie, surtout si tu prenais déjà le relais. Pourtant, il a fait l’effort de nous téléporter en sécurité avant de mourir.

- (Capidextre) Il compte sur nous pour l’épauler, forcément. Il nous aurait abandonné si Carabaffe n’avait pas retourné sa veste, mais puisqu’il l’a fait, je suppose que nous sommes sa roue de secours.

Les trois hommes s’échangèrent un regard perdu, mélangeant perplexité et adrénaline. Ils se tournèrent vers Léopardus, qui les dévisagea hautainement.

- (Léopardus) À quoi bon s’y tenter ? Notre escouade est une erreur, depuis le début. Le boss s’est juste planté, rien de plus…

- (Capidextre) Peut-être, mais au moins on resterait ensemble.

- (Léopardus) Ensemble… ? En quoi est-ce quelque-chose d’important pour toi ?

- (Flagadoss) Il a raison, Léopardus. Ça m’ennuie d’avoir à avouer un truc pareil, mais je préfère rester avec vous que de faire cavalerie seul. Notre tête est à prix et nous sommes tous H.S. Le travail d’équipe, ce ne sont pas que des paroles en l’air. Ensemble, on aura tous beaucoup plus de chance de survivre.

- (Léopardus) … Vous essayez vraiment de me convaincre, là ? Vous croyez vraiment qu’on a le temps de se battre pour une cause !?

- (Machoc) Moi aussi, j’essaie de survivre.

- (Léopardus) N’importe quoi, tu n’es pas recherché ! PERSONNE NE TE CONNAIT !!!

Hurla-t-elle en serrant les griffes.

- (Métamorph) Léopardus…

Marmonna la créature, attristé par l’état pitoyable de celle qu’il considérait être son amie.

- (Machoc) … Ce ne sont pas les explorateurs, que je crains. Si je fais tout ça, c’est avant tout pour m’en sortir.

- (Léopardus) Te sortir de quoi !?

- (Machoc) De ce corps…

Sur ces mots, il leva sa veste et son t-shirt. Tout le monde observa son ventre, tout le monde constata sa sévère anorexie qui exposait dangereusement ses os. Léopardus s’en couvrit la bouche de dégoût.

- (Léopardus) Oh…

- (Machoc) Mon père m’a juré que je deviendrai comme lui. Il ne m’en faut pas plus pour me motiver et de toute façon, je suis obligé de devenir plus fort. Plus personne ne s’occupera de moi, désormais…

- (Flagadoss) Hum… pauvre bonhomme.

- (Machoc) Je ne pensais pas que vous restiez ici par peur de vous confronter à nouveau aux explorateurs. Vous savez qu’ils finiront par trouver cette base ?

- (Léopardus) Et que veux-tu que l’on fasse, au juste ?

- (Machoc) Je n’en sais rien, je ne vous connais pas. Pour ma part, il est hors de question que je me fasse attraper avant d’avoir tout tenté. Que je sois connu ou pas, si ils font le rapprochement entre mon père et moi, je suis fini aussi.

- (Flagadoss) Ça me va !

Le type psy bondit de son lit.

- (Flagadoss) Je t’accompagne !

Le petit gars écarquilla les yeux. Avant qu’il n’ouvre la bouche, Métamorph descendit à son tour.

- (Métamorph) Pareil, je suis de la partie !

- (Capidextre) Mon grand… ?

- (Métamorph) Père, c’est notre chance de partir !

- (Capidextre) … Oui. Oui, bien sûr.

Le scientifique les rejoignit.

- (Capidextre) Je sais, je suis juste surpris que tu aies décidé avant moi.

- (Métamorph) Oh…

- (Machoc) Comment savoir si je peux vous faire confiance ?

- (Flagadoss) Petit, si on voulait se venger de ton père, crois-moi, on n’aurait pas attendu que tu te décides à partir pour s’y tenter. Nous ne sommes pas parfaits, mais on sait se prêter main forte.

- (Machoc) Se venger de mon père… ? Pourquoi vouloir m’aider à accomplir son objectif, alors ?

- (Capidextre) Parce que Roitiflam nous l’a bien vendu. Tout ce que je veux, c’est être seul et tranquille dans le plus grand et confortable laboratoire du monde, à pousser la science à ses limites et à être reconnu mondialement pour ça ! Cette société me l’interdit et m’a déjà condamnée, alors si je dois te suivre pour espérer la reconstruire, je m’engage à fond !

- (Métamorph) Moi, je m’fiche pas mal de ton père. C’que j’veux, c’est aider l’mien en devenant une machine de guerre inarrêtable ! Et ça, je ne l’accomplirai pas en restant ici.

- (Flagadoss) Et moi, je veux diriger. Je veux prouver au Multivers la puissance du psychisme en m’imposant par la force de mon esprit !

- (Capidextre) Hum… ça va le melon… ?

- (Flagadoss) Hé !! Est-ce que je juge ton rêve de merde, moi !?

- (Capidextre) Tu viens de le faire.

- (Flagadoss) PARCE QU’IL EST ABOMINABLE, COMME TOI !!!

- (Métamorph) Wow wow wow… !

La créature s’interposa.

- (Métamorph) On se calme, s’il vous plaît… !

Ces interactions amusèrent Machoc.

- (Léopardus) Vous voulez reformer l’escouade, hein… ?

Finalement, l’assassin sauta à son tour du lit. Elle approcha d’une démarche intimidante.

- (Léopardus) C’est une mission suicide, mais je suppose qu’on ne peut plus vivre sans risque.

- (Capidextre) Ça veut dire que tu acceptes ?

- (Léopardus) À une seule condition : il nous faut un chef.

Malgré elle, elle imposa le silence.

- (Léopardus) … Allo ?

- (Flagadoss) Super. Trouvons-nous un vrai nom d’équipe, tant qu’on y est ! On arrêtera de faire semblant de ne pas imiter les explorateurs.

- (Capidextre) Non, elle a raison. C’était Roitiflam qui nous guidait, mais maintenant…

Automatiquement, l’attention se porta sur le fils du boss.

- (Machoc) Moi… ?

Demanda-t-il en se pointant d’un doigt lui-même perplexe.

- (Léopardus) C’est une blague ? C’est un enfant !

- (Flagadoss) Si seulement il n’était qu’un enfant.

- (Capidextre) C’est lui que l’on suit, faire de lui notre chef me semble évident.

- (Léopardus) Mais il n’a aucune expérience dans le domaine !!

- (Capidextre) Parce quelqu’un ici sait diriger, peut-être ? … Baisse ton doigt, toi.

Termina-t-il en direction du type psy, qui ne chercha même pas à argumenter.

- (Métamorph) Moi, ça me va. Vu comment vous vous disputez tout le temps, peut-être qu’il ne vaut mieux qu’aucun d’entre vous n’ait de l’autorité sur l’autre.

La criminelle détourna honteusement le regard.

- (Léopardus) *soupir* J’hallucine…

- (Capidextre) Léopardus, tu as parlé d’un chef, pas d’un boss.

- (Léopardus) Qu’est-ce que ça change ?

- (Capidextre) Absolument tout ! Arrêtons de faire de la DDR une dictature ! Plus de dirigeant, plus d’esclaves. Tout le monde s’écoute et donne son avis, comme…

- (Flagadoss) Dans une équipe d’exploration ?

Coupa le type psy pour se moquer. Pourtant :

- (Capidextre) … Ouais.

Le scientifique le pensait sincèrement.

- (Capidextre) Comme dans une équipe d’exploration. Une excellente équipe capable de tout surmonter grâce au travail d’équipe.

- (Métamorph) … La Dream Team…

- (Capidextre) Inspirons-nous un peu de nos ennemis, pour progresser. Ils représentent le sommet de cette société pour l’instant inatteignable, de toute façon.

- (Flagadoss) … Dis comme cela, je suis convaincu.

- (Métamorph) Moi de même.

- (Léopardus) … Très bien, faisons ça.

- (Capidextre) Ah ! Enfin !! Ça veut dire que tu nous considères enfin un peu ?

- (Léopardus) La ferme !

- (Capidextre) Oké…

- (Léopardus) Allez, on se tire de là avant que je devienne folle !

- (Machoc) Donc… vous me suivez ?

- (Métamorph) T’inquiète, on ne te ralentira pas !

- (Capidextre) Allez, montre-nous le chemin à suivre, petit gars !

- (Machoc) Euh… très bien. Dans ce cas…

Il se retourna, pointant du doigt la sortie d’un air déterminé. Flagadoss, Capidextre, Métamorph et Léopardus se tenaient derrière lui, poings et pattes fermées, le regard plus ou moins confiant en direction de ce que le petit garçon leur montrait.

- (Machoc) En avant, DDR !!

Ainsi fut réanimé la DDR.

Elle avait frôlé la fin du parcours et repartait de rien, tout au fond du gouffre.

Mais elle avait survécu et comptait bien se défendre coûte que coûte de l’avenir et de ce qu’il leur réservait.

Ils n’avaient pas dit leur dernier mot, loin de là…

Très loin de là…

..

.

 – FIN –

[Et oui, la troisième partie achève "L'Histoire de la Dream Team", mais celle de Dracaufeu n'est pas encore terminée.

Le prochain récit sera stylisé de manière plus pro, c'est justement parce que la différence est telle que j'ai décidé de créer une nouvelle histoire.

Merci d'en être arrivé ici et à bientôt pour une suite encore plus épique.]

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