Une courte immortalité

Chapitre 7

Catégorie: T

Dernière mise à jour 16/03/2012 20:02

Lunatica – How did it come to this : http://www.youtube.com/watch?v=OoPbeRLuNZc

 

 

Elle avait parlé. Les mots étaient sortis de sa bouche de manière fluide, comme si cela lui était naturel. Comme si elle avait toujours su parler. À présent, elle parvenait à former des phrases, à parler normalement comme n'importe quel être humain. Elle pouvait parler en anglais aussi bien qu'en espagnol. Elle avait retrouvé son aisance innée dans ces deux langues, et était dorénavant capable de communiquer avec tout le monde.

Ce soir-là, lorsqu'elle avait parlé à Jack, elle ne s'en était pas aperçue. Ce fut peu après qu'elle se rendit compte du retour de sa véritable voix, ce dont elle était heureuse. Elle n'avait pas attendu la réaction de Jack au moment où elle lui avait expliqué la raison pour laquelle elle avait brisé la bouteille et s'était éclipsée. Depuis, ils étaient en froid.

Son père n'était pas idiot. Pourquoi s'embêter à conserver des bateaux dans des bouteilles ? Il s'en servait uniquement comme trophée, après l'avoir fait couler. Il n'aimait pas tellement repêcher les épaves pour les mettre dans une prison de verre. À la place, il créait une réplique miniature avec son épée, qu'il enfermait dans une bouteille. Il n'y avait rien de plus. Le Black Pearl se trouvait au fond de l'océan. Il avait fait son temps.

Angelica n'avait fait que libérer ses deux compagnons d'un espoir vain, futile. Ils vivaient dans une illusion, en gardant l'espoir de le faire sortir de cette bouteille et de l'utiliser à nouveau. À nouveau ? Comment cela, à nouveau ? Auraient-ils déjà navigué sur le Black Pearl ? Jack en aurait-il été le capitaine ? Dans ce cas, le jour de la bataille, pourquoi avait-ce été Barbossa aux commandes du somptueux bateau ? Où était-il, durant ce temps ?

Et comment avait-elle seulement deviné que Jack avait été le capitaine ? Il aurait pu être un pirate quelconque convoitant ce navire, quand bien même son expression lorsqu'il regardait le Black Pearl prouvait qu'il y portait une attache plus profonde, comme s'il faisait en quelque sorte partie de sa vie. Comme si c'était son unique but dans la vie que de le faire sortir afin de naviguer dessus.

Angelica n'avait vu le Pearl qu'une fois dans sa vie, et, à son souvenir, Jack ne se trouvait pas dessus. Dans ce cas, où l'avait-elle rencontré ? Pourquoi n'apparaissait-il jamais dans ses souvenirs, alors qu'elle était sûre et certaine de l'avoir déjà croisé auparavant ? Où, dans ce cas ? Quand ? Comment ? Pourquoi ses questions le concernant restaient-elles sans réponse ? Pourquoi ne parvenait-elle pas à se souvenir de lui ? Elle l'avait connu, elle le savait, tout simplement.

De plus, ceux qui l'avaient retenue captive avaient dit sans cesse que c'était de la faute de Jack Sparrow. Il s'agissait là d'une autre preuve de son implication. Pourquoi son esprit refusait-il de lui fournir une réponse ? Elle voulait juste savoir. Elle le détestait, mais en même temps elle ne pouvait s'empêcher de craindre qu'il partît. Comme si cela s'était déjà produit…

La jeune femme à la jeunesse rallongée se doutait qu'il l'avait faite énormément souffrir par le passé. Elle ne savait ni quand, ni comment exactement, toutefois c'était l'impression qu'elle avait lorsqu'elle le voyait. S'il l'avait tant fait souffrir, alors pourquoi restait-elle à ses côtés ? Pourquoi refusait-elle de partir ? De plus, maintenant que le problème du Black Pearl était résolu, elle ne lui était plus d'aucune utilité. Allait-il l'abandonner sur une île déserte ?

Une île déserte… Elle y avait vécu plusieurs mois après la mort de son père, Edward Teach. Néanmoins, elle n'avait jamais compris comment elle s'y était retrouvée. Jack était-il impliqué dans cette histoire ? Qu'était-elle censée penser de tous ces événements ? Elle ne pouvait qu'éternellement supposer. Certes, elle pouvait demander des réponses à Jack, or, depuis ce soir-là, il semblait avoir du mal à la supporter. Il comptait réellement se débarrasser d'elle, alors.

Cette idée la blessait profondément. Elle n'avait pas envie de partir. Elle se sentait bien, ici. S'il l'abandonnait, que ferait-elle ? Et si les Espagnols la retrouvaient ? Cette perspective la terrifiait. Elle savait pertinemment ce qu'ils feraient, surtout que les six mois devaient presque être écoulés. Le moment arrivait presque. Bientôt, elle ne pourrait échapper à son destin, avec ou sans les Espagnols. Si elle était retrouvée, cela signifierait qu'elle expérimenterait ce moment sans Jack. Elle se retrouverait alors toute seule.

Pourquoi ressentait-elle un tel attachement à son égard ? Depuis le début, Angelica l'avait toujours évité. Elle avait même hurlé en le voyant dans la prison, tellement son visage lui inspirait de la terreur, après tout ce que les Espagnols lui avaient dit. Cela signifiait tout de même une chose : à cette époque-là, elle ne possédait plus aucun souvenir, pourtant elle l'avait reconnu. Qui était-il pour elle, enfin ?! Pourquoi n'avait-elle conservé que son visage en mémoire ?

Jack devait la haïr, à présent. Il avait tellement cru pendant tout ce temps qu'il récupérerait son précieux bateau. Le Black Pearl était une légende, de toute manière, qui ne désirerait pas en être le capitaine ? Monsieur Gibbs semblait lui aussi y être attaché, mais pas de la même façon. Il n'avait pas l'air de vouloir le contrôler, comme un capitaine, mais plutôt de naviguer dessus, en tant qu'un membre de l'équipage. Il ne fallait toutefois pas oublier qu'il était le second, en ce moment.

Aurait-elle un jour sa place dans l'équipage ? Angelica ne voulait pas retourner là-bas. Cette prison souterraine dans laquelle elle avait été enfermée depuis longtemps la terrorisait. Elle n'avait pas envie de revivre ce qu'on lui avait fait subir. Si on venait à la retrouver, cela serait encore pire, puisque le moment était presque arrivé. Sa situation ne faisait qu'empirer au fur et à mesure que les jours passaient, et les Espagnols ne tarderaient sûrement pas à la retrouver.

Si elle restait ici, Jack la défendrait peut-être… Qu'est-ce qu'elle s'imaginait donc ? Jack était égoïste et lâche, jamais il ne la protégerait. Son unique but en la libérant était forcément de faire sortir le Pearl de la bouteille, et cette affaire était à présent réglée. Il l'abandonnerait bien vite, et elle serait alors en proie aux Espagnols. Gibbs la protégerait peut-être, néanmoins il n'était certainement pas aussi fort que Jack, même s'il était parvenu à survivre jusque là.

Angelica ne savait pas ce que l'avenir lui réservait. Ne pas savoir l'effrayait encore plus que de savoir. Elle se doutait du sort qu'on lui préparait, or elle n'avait toujours pas reçu de confirmation, ce qui la laissait s'attendre au pire. Cette boule ne quittait pas son ventre dont la douleur croissait au fur et à mesure que le temps s'écoulait. Il ne s'agissait plus seulement de ses poumons, dorénavant. Il n'y avait plus aucun espoir pour elle.

Allongée sur son lit, la jeune femme fixait le plafond. Il était encore tôt, le soleil n'était pas encore levé. Dehors, c'était encore nuit noir. La douleur l'avait réveillée et ne la quittait pas. Recroquevillée sur elle-même, elle portait ses mains sur son ventre, comme si cela allait stopper la souffrance qu'elle ressentait. Elle se leva tant bien que mal, puis, transpirante, elle marcha jusqu'à la porte. Il lui fallait prendre l'air. Elle voulait en respirer un maximum avant le moment venu. Ce vent avait l'odeur de la liberté.

Angelica marcha lentement et en titubant jusqu'au pont désert puis se laissa tomber contre la barrière. Les quelques vagues s'écrasant contre le bateau lui donnaient quelques gouttes qui la rafraîchissaient et lui permettaient de penser à autre chose. Le bruit de la mer la calma progressivement, sa respiration se fit de plus en plus régulière, puis, enfin, la douleur s'apaisa. À présent, elle se sentait mieux.

La jeune femme resta de longues minutes assise à regarder dans le vide, sans remarquer une silhouette qui s'approchait doucement dans cette nuit au ciel d'encre.

 

Le Black Pearl n'était plus. Il avait coulé et reposait à présent au fond de l'océan. C'était impossible. Il ne pouvait pas le croire. Le Pearl n'aurait jamais coulé de la sorte. C'était un navire que Davy Jones lui-même lui avait donné. Il s'agissait le bateau le plus rapide du monde ! Il n'aurait jamais pu sombrer ainsi ! Si Barbe Noire était encore vivant, il le renverrait éternellement dans sa tombe. Sa colère était indescriptible. Il le maudirait jusqu'à la fin des temps.

Et il n'avait rien pu faire. Barbossa avait récupéré son bateau pendant ce temps, et cet incapable avait laissé Teach s'en emparer. Comment avait-il pu le laisser couler son bateau ? Il tâcherait de le tuer, lui aussi. C'était entièrement de sa faute s'il se retrouvait sans son navire. Que pouvait-il faire, à présent ? Il ne pouvait plus devenir immortel et son trésor s'était envolé sous ses yeux. Pendant deux ans, il avait gardé espoir pour rien.

Pourquoi Angelica avait-elle attendu jusqu'à maintenant pour lui dire la vérité ? Et, surtout, pourquoi n'avait-elle pas parlé jusqu'à présent, alors qu'elle en était parfaitement capable ? Elle le lui avait montré en lui parlant juste après avoir détruit la bouteille. Pourquoi s'était-elle tue jusqu'alors ? Que cachait-elle encore ? Allait-elle lui dire que son père avait ressuscité, à présent ? Il était complètement fichu.

Se serait-elle joué de lui depuis sa libération ? Avait-elle simulé son incapacité à parler depuis le début ? Elle possédait encore ses souvenirs, elle l'avait prouvé en résolvant le problème du Black Pearl. À quoi jouait-elle depuis le début ? Quel était son objectif ? Était-ce sa vengeance ? Elle avait prouvé la fourberie des femmes juste maintenant. Les femmes manipulaient les hommes afin d'arriver à leurs fins, Angelica n'était pas une exception. Il s'était fait avoir en beauté. Et dire qu'il avait réellement cru à sa faiblesse.

Jack regrettait de l'avoir libérée. Elle l'avait certes sorti de son faux espoir, néanmoins rien ne prouvait que ce qu'elle disait était vrai. Et si le Black Pearl se trouvait toujours quelque part ? Dans ce cas, comment faire pour le retrouver ? Surtout que la bouteille était brisée. Et si c'était le moyen pour brouiller toutes les pistes ? Qu'avait-elle manigancé depuis le début ? Tenait-elle à ce point à le faire souffrir ? Il lui ferait payer.

Sa main, d'instinct, toucha son compas qu'il n'avait quasiment pas utilisé depuis deux ans, étant donné qu'il pointait dans la mauvaise direction. Or, à présent, il en était sûr et certain, c'était le Black Pearl qu'il désirait plus que tout. Sans hésitation, il l'ouvrit, puis l'examina à la lumière de la lune. Il pointait vers le pont. Ce compas ne donnait pas de distance, néanmoins, peut-être qu'un indice quelconque s'y trouvait.

Angelica dormait encore dans sa pièce, elle ne se trouvait pas sur le pont, ce qui signifiait qu'il pointait réellement vers le Pearl. Prenant garde à ne pas réveiller monsieur Gibbs avec qui il dormait depuis l'arrivée de la jeune Espagnole, Jack sortit de sa chambre puis se dirigea vers le pont. Il faisait nuit, c'était encore calme. Le léger vent fit voler ses lourdes mèches et remplit ses narines du parfum de la mer.

Le silence ne l'aida pas à remarquer qu'Angelica se trouvait contre la barrière, apparemment endormie, à en juger ses yeux fermés. Pourquoi se trouvait-elle là ? Avec crainte, Jack baissa les yeux vers le compas. L'aiguille pointait vers elle. C'était une blague, n'est-ce pas ? Deux maudites années qu'il pointait sur elle, ne pouvait-il pas changer un peu de direction ? Était-il détraqué ? La magie perdait probablement son effet.

Avec rage, Jack ferma le clapet de son compas puis le remit à sa taille en la regardant d'un air dur. Il lui en voulait encore. Il était très rare pour lui d'être en colère, toutefois il avait de bonnes raisons à disposition. Cette garce lui avait pris son bien le plus précieux, son Black Pearl ! Elle avait abusé de son hospitalité bien trop longtemps. Depuis le début, deux ans plus tôt, elle l'avait bien roulé.

« Tu avais bien l'intention de m'arnaquer, deux ans plus tôt, lorsqu'on recherchait la Fontaine de Jouvence et que tu m'avais proposé le Black Pearl en échange du chemin. »

Ce n'était pas une question, mais plutôt une accusation, une constatation. Angelica ouvrit lentement les yeux, puis tourna la tête vers Jack qu'elle regarda un moment avant de se relever en s'aidant de la rambarde. Elle resta silencieuse en soutenant son regard. Il attendait une réponse, prêt à rejeter toute justification. À la place, elle ne disait mot et se contentait de le regarder dans les yeux. Comptait-elle jouer l'infirme une fois de plus ? Ce petit jeu ne marcherait plus. Il ne prenait jamais rien au sérieux, sauf quand cela concernait l'immortalité et son bateau.

« Inutile de prétendre que tu ne parles pas, ou que tu ne te souviens pas. Tu t'es bien moquée de moi, es-tu satisfaite à présent ? Tu t'es bien vengée. »

Angelica persistait à conserver son silence. Elle écoutait ce qu'il disait. Qu'entendait-il par la Fontaine de Jouvence ? Avait-il été leur guide ? Dans ce cas, pourquoi ne s'en souvenait-elle pas ? Quel rôle avait-il joué dans sa vie ? À supposer qu'il l'avait réellement fait souffrir, cela justifiait le fait qu'il parlât de vengeance. Aurait-elle juré de se venger ? Dans ce cas, pourquoi ne parvenait-elle pas à en trouver le moindre souvenir ?

« C'est exact, Jack. Ton pauvre Pearl repose à présent au fond de l'océan, mais je ne vois pas en quoi c'est de ma faute. Tu n'avais qu'à être là et l'en empêcher. Tu ne crois quand même pas que mon père était assez stupide pour mettre de véritables bateaux en bouteille. À quoi ça lui servirait ? »

Apparemment, elle ne se trompait pas lorsqu'elle pensait qu'il n'était pas là lors de l'attaque du Black Pearl par le Queen Anne's Revenge, à en juger sa réaction. Elle devait faire attention à ses paroles si elle comptait lui faire croire qu'elle se souvenait toujours de lui. Il ne la croirait pas si elle disait le contraire, de toute manière. Elle ne pouvait que prétendre le connaître. Il l'abandonnerait sur une île déserte de toute manière. Mais pourquoi restait-elle fixée sur cette île déserte ? Il possédait forcément un lien avec le fait qu'elle y eût vécu pendant des mois.

Elle regardait Jack qui fulminait suite à ses paroles. Elle passait pour la méchante de l'histoire. À vrai dire, elle s'en moquait bien. Le moment était presque venu, et même lui ne pourrait rien y faire. Il n'avait pas l'air d'être attaché à elle, et c'était pour le mieux. Elle ne souhaitait pas entraîner d'autres personnes dans sa chute. Et certainement pas lui. Il l'avait quand même libérée, au fond. Elle lui était en quelque sorte redevable. Elle ignorait ce qu'il lui avait fait par le passé, néanmoins elle vivait dans le présent.

Un coup de vent traduisit leur silence. Ils se regardaient dans les yeux, sans faillir, sans dire mot. Angelica refusait de paraître faible. Elle aimerait tout de même savoir ce qu'il lui avait fait durant toutes ces années. Non seulement il était l'une de ses connaissances, mais il avait déjà rencontré son père, Barbe Noire, et voyagé avec eux. Il jouait un rôle majeur dans son passé qui lui était inaccessible concernant certains points.

Jack était particulièrement remonté contre elle à cet instant précis. Il ne faisait pas tous ses gestes inutiles ni ne divaguait. Il n'avait absolument pas envie de plaisanter, comme il en avait l'habitude. Il avait raison, elle s'était bien amusée depuis le départ. Néanmoins, ces yeux brillants de peur dans la prison avaient-ils réellement été simulés ? Il en doutait fort. Si elle avait su parler depuis leurs retrouvailles, elle aurait certainement prononcé des mots.

Deux mois plus tôt, elle avait été totalement perdue, comme une coquille vide. Ses yeux vides n'exprimaient que la terreur, elle se contentait de crier lorsqu'elle ne parvenait pas à se recroqueviller sur elle-même. Il était impossible que tout cela fût une mise en scène. Il avait observé sa progression durant ces deux mois. S'il y réfléchissait bien, il pouvait deviner qu'elle n'avait pas joué un rôle durant tout ce temps. Il ne savait pas quand elle avait retrouvé l'usage de la parole, mais cela devait remonter à peu de temps. Elle avait changé radicalement après avoir vu le Black Pearl dans la bouteille. Avait-ce été un élément déclencheur ?

Angelica était une manipulatrice, mais pas à ce point. Les Espagnols lui avaient fait quelque chose. Elle n'avait jamais évoqué son « séjour » à Valence. Il remarquait que ses yeux se trouvaient souvent dans le vague pendant que son visage exprimait une légère expression de douleur. Elle ne simulait rien depuis le début. Il était impossible d'imiter une telle expression. Il lui était arrivé quelque chose durant ces deux années où il l'avait abandonnée une fois de plus. Mais, surtout, elle n'était pas totalement honnête. Elle lui cachait encore quelque chose, il le sentait.

« Qu'est-ce que tu me caches encore, Angelica ? »

Jack fit un pas en avant, s'approchant de la jeune femme qui eut une expression de peur sur son visage. Il avait touché dans le mille. Elle gardait un autre secret. Quelque chose de bien plus profond, il le sentait. Angelica aurait bien fait un pas en arrière si elle ne s'était pas retrouvée dos à la rambarde. Elle était coincée. Il nota sa nervosité qui s'aggrava, le laissant perplexe.

Il savait. Il avait remarqué. Elle avait fait de son mieux pour le cacher, or il avait découvert. Il ne savait pas encore ce qu'elle portait au fond d'elle-même, cependant il avait des doutes. C'était plus que suffisant pour l'effrayer. Elle ne voulait pas que quelqu'un sût. Cela ne changerait rien, de toute façon. Il n'empêcherait pas ce moment d'arriver. Il ne pourrait qu'assister à la scène, impuissant. Il ne lui restait plus très longtemps, alors ne pouvait-il pas juste la laisser tranquille ?

La douleur qu'elle ressentait habituellement au niveau des poumons arriva subitement, suivie d'un mal de ventre, comme tout à l'heure. Son premier réflexe fut de se cambrer, puis de mettre une main à la bouche. Elle n'avait pas de mouchoir sur elle. Quelle idiote ! Et pourquoi cela arrivait-il à un instant pareil ? Elle ne pouvait dorénavant plus le cacher, il obtiendrait les preuves souhaitées d'ici quelques instants.

Une toux plus violente que les précédentes se manifesta. Angelica se mit à tousser sans parvenir à s'arrêter un seul instant. Quelques gouttes de sang atterrirent sur sa main et restèrent invisibles à Jack. Puis des gorgées entières sortirent de sa gorge et dégoulinèrent le long de son bras. Elle toussait de plus en plus à chaque fois, sa situation empirait toujours. Était-ce déjà le moment ?

Le temps lui parut durer une éternité. Elle avait l'impression de se vider de son sang, alors que cela n'arriverait jamais. Les Espagnols avaient tenté de l'en vider entièrement mais n'y étaient jamais parvenus. Son sang était comme une réserve inépuisable, ce qu'ils avaient évidemment remarqué.

Plus elle crachait du sang, plus elle sentait sa tête lui tourner. Elle ne sentait pas les mains de Jack sur ses épaules, qui l'aidait à se maintenir. Elle n'entendait plus sur ses cris, il lui semblait toutefois qu'il appelait son nom d'une manière désespérée. Ah ah. Finalement, il se souciait d'elle ? Ne pouvait-il pas simplement la laisser là où elle se trouvait et continuer son chemin ? Faire comme si rien ne s'était produit ?

Angelica ne remarqua pas la flaque de sang qu'elle avait formée. Elle en avait donc craché autant ? Elle ne parvenait plus à respirer, le sang bouchait sa gorge et elle ne parvenait pas à inspirer, elle ne pouvait que tousser. Cela ne pouvait-il donc pas finir ? Il lui sembla entendre une dernière fois Jack crier son nom au moment où elle perdit conscience. Au moins, juste avant la fin, elle savait qu'il tenait à elle, ne serait-ce qu'un tout petit peu, quand bien même elle ne se souvenait toujours pas de lui…

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