Overwatch : Recall
PROLOGUE
On ne naît pas héros, on le devient
***
17 mars 2076, Numbani, capitale économique du Nigéria
Le train venait d’arriver à destination dans un silence total, avec un freinage optimal, si bien que le peu de gens qui ne regardaient pas à travers la vitre furent surpris de constater qu’ils étaient bien arrivés. Ce fut le cas d’Ayodele, qui réveilla son petit frère, Mbaye, et son amie, Marieme, avant de prendre ses bagages. Ils revenaient d’un voyage scolaire optionnel réalisé au Mali.
— J’ai l’impression que le voyage a duré seulement trente minutes... soupira Mbaye avant de s’étirer.
— En fait, il a duré deux fois plus, mais tu as dormi la moitié du trajet, répondit sa grande sœur. Allez, dépêchons !
— Bah, on est rentré, plus rien ne presse, marmonna-t-il d’un ton lent, toujours affalé comme un cachalot sur son siège.
—J’ai juste envie d’être à la maison le plus rapidement possible. Voyager, c’est bien, mais rentrer...
Sa phrase se perdit dans un fracas indescriptible de verres brisés et de métaux tordus qui perça leurs tympans et envoya leur cerveau en état suprême d’urgence. Sous la surprise et le tremblement que le choc provoqua, Marieme tomba sur les fesses, tandis qu’Ayodele retombait sur son siège, cachant son visage avec les bras dans un réflexe de protection. Personne n’eut le luxe de crier face à la violence de ce qu’il venait de vivre. Lorsqu’Ayodele ouvrit de nouveau les yeux, le sol était jonché de débris de verre, et à la place de la fenêtre, elle pouvait voir un Or15 dont la partie haute du corps pendouillait dans leur cabine, une partie de la tête arrachée. Son frère, choqué, était sain et sauf, ainsi que Marieme.
C’est seulement après s’en être assurée qu’elle entendit les cris horrifiés de plusieurs centaines de personnes résonnant sous le grand toit de la gare, si bien qu’on pouvait à peine s’entendre.
— Waouh ! s'écria son frère après un moment de silence.
Elle espérait que c’était plus par surprise que par excitation, et lui attrapa la main.
—Il faut qu’on sorte d’ici immédiatement, ordonna-t-elle d’un ton ferme, alors qu’il essayait de voir ce qu’il se passait au-dehors. On ne prend que les sacs à dos. Marieme ça va ? Attention aux débris de verres.
— Je... Je vais bien, rassura cette dernière du ton le plus ferme qu’elle pouvait adopter.
Alors qu’elle attrapait son sac, des coups de feu retentirent. Puis, de nouveau, un fracas fulgurant faisant bouger le train. Un OR15 avait dû s’écraser contre celui-ci, plus loin.
— Qu’est-ce qui se passe, bon sang ? demanda l’adolescent.
Ils voulurent sortir dans le corridor du train, ou une masse de gens désordonnée étaient déjà en train de se bousculer pour trouver une sortie. Ayodele pouvait entendre leurs cris étouffés à travers le hublot de leur porte. S’ils ne se faisaient pas écraser en y allant, ils mourraient d’étouffement... ! Ses lèvres se faisaient tremblantes, et ses mains moites en pensant à ce qu’il adviendrait dans les secondes qui suivaient. Mais elle n’avait pas le temps de tergiverser.
— Venez avec moi... !
Elle s’approcha de l’OR15 et entreprit de le soulever pour le faire basculer de l’autre côté. Les deux autres l’aidèrent sans broncher. A trois, ils réussirent à le faire glisser jusqu’à ce que la carcasse tombe en dessous du train, lui-même lévitant en l’air par magnétisme. Là, il pouvait voir un peu plus l’agitation inhumaine qui prenait possession de la foule. On aurait dit qu’on avait tapé dans une fourmilière. Avec horreur, elle aperçut des gens inanimés au sol, qui se faisaient chevaucher lorsque ce n’était pas piétinés, par des voyageurs en proie à une panique totale. Beaucoup sautaient carrément sur les rails pour passer de l'autre côté.
— On va sortir par là, décida Ayodele, une fois son choc passé.
— Hein ? Mais attends, Ayo, on va se faire pulvériser si on sort là !
— C’est la seule solution pour s’échapper... ! Ou alors, attends... !
— Tout le monde est en train de venir vers ici.. murmura Marieme, disant à haute voix ce qu’Ayodele s’était mis à penser tout bas. Donc...
— Le danger vient de l'intérieur... finit-elle. Il y a un problème dans le hall...
Il fallait qu’elle réfléchisse vite. Au loin, elle pouvait voir les grandes portes qui menaient à la gare pulvérisée, et les baies vitrées des deux côtés de ces dernière brisées, sûrement par le vol plané des OR15 qui s’étaient fait battre, mais par quoi ?
— Marieme, je reviens immédiatement, restez ici avec Mbaye !
— Quoi, non ! protesta immédiatement son frère.
— Faites-moi confiance ! répliqua-t-elle.
C’est Marieme qu’elle regardait fixement en disant ça. Les deux amies se connaissaient bien.
— On a pas beaucoup de temps, trancha Ayodele. Autant ne pas le passer à se disputer. Je serai prudente.
— Mais qu’est-ce que tu vas faire ? s'enquit son amie, désespérée.
— Rien d’insensé.
Elle sauta sur le quai sous le regard surpris des voyageurs, et le soleil aveuglant de Numbani, dont les rayons filtraient à travers le dôme en verre. Une nouvelle déflagration se fit entendre à l’intérieur de la gare, provoquant une nouvelle vague de cris hystériques dont elle fit une fois de plus partie. Elle se tourna vers la droite et longea le train en slalomant le plus rapidement possible entre les familles et autres travailleurs.
— Accrochez-vous aux trains ! hurlait-elle à la cantonade. Montez dans le train !
Elle pouvait voir les voyageurs dans le train frapper contre les portes pour exiger que les contrôleurs leurs ouvrent, contrôleurs aux abonnés absents. Certains l’écoutaient, mais hésitaient à faire ce qu’elle demandait. Elle sortit de la gare en suivant la longue silhouette du train et se retrouva à l’air libre avec beaucoup d’autres voyageurs qui avaient décidés de s’enfuir par là. Les cris venant de l’intérieur étaient étouffés, mais cela ne fit que raviver l’anxiété d’Ayodele, qui avait laissé sa meilleure amie et son frère derrière...
Essoufflée et endolorie à force de prendre des coups de coudes, elle s’arrêta devant la porte du chauffeur et toqua furieusement. Rien que de lever le bras lui faisait mal. L’imposant battant ne mit pas longtemps à s’ouvrir sur une imposante et épaisse silhouette. Le chauffeur agita sa grosse moustache blanche comme un petit animal qui flaire le danger, et regarda Ayodele, avant de jeter un œil aux badauds terrifiés, puis de revenir sur elle, ses petits yeux désormais gonflés d’appréhension.
— Qu’y a-t-il, jeune fille ?
— La gare est attaquée ! Il faut absolument que vous redémarriez le train, monsieur !
— Hein ? Moi qui me disais qu’il y avait un évènement ou quoi... ! Ou une animation, peut-être...
— C’est une attaque terroriste ! insista-t-elle en se demandant s’il plaisantait. Redémarrez immédiatement, des milliers de gens en dépendent !
— Je m’en charge ! Mais vous, qu’allez-vous faire... ?
Elle laissa la question en suspens, et reprit sa course derechef. Elle sauta devant le train, traversa les deux lignes de rails, et remonta aisément sur le quai haut d’un peu moins de deux mètres. Ici, les voyageurs étaient perplexes, voire anxieux, mais il n’y régnait pas la panique de l’autre côté. Certains, curieux, avaient même sortis leurs téléphones pour filmer la scène. Ceux qui accueillaient leurs invités étaient agglutinés proche des trains, attendant avec impatience qu’ils en sortent. Ayodele, plissa sa jupe, et entreprit de reprendre son souffle entre le moment où elle toqua à la porte, et où cette dernière s’ouvrit.
De la même manière, elle conjura le chauffeur, qui cette fois était nettement plus circonspect, à redémarrer. Elle avança comme argument qu’elle avait déjà demandé à son confrère de le faire, mais ce n’est qu’en voyant ce dernier avancer lentement qu’il prit conscience de la situation.
— Bon, bon, très bien... finit-il par lâcher, les yeux rivés sur le train voisin. Mais, vous êtes qui, en fait... ?
La jeune femme s’était déjà détournée du grognon personnage et trottinait vers la foule en hurlant :
—Allez-vous en ! La gare est attaquée, rentrez immédiatement dans l’enceinte !
La plupart la regardaient comme une demeurée, mais quelques-uns semblaient hésiter à la suivre. C’est lorsque les cris et coups de feu se firent entendre de plus en plus, mais aussi et surtout lorsqu’ils virent le train toujours bondé de mondes partir, que la foule se mit à bouger, lentement mais sûrement, vers l’entrée. Cette fois, on ne la voyait plus comme une folle, mais comme le Messie. Pour ceux proche des trains, au fur et à mesure des secondes, la colère de voir les gens partir sans avoir pu les accueillir fit place à l’incompréhension, puis à la peur, arrivant au milieu de leur raisonnement comme un signal lancé par le cerveau depuis le département “instinct de survie”. Eux aussi s’éloignèrent du quai avec plus ou moins de brouhaha. La jeune femme, quant à elle, courrait d’un bout à l’autre du quai pour s’assurer que plus personne ne serait là quand les trains seraient partis.
— Oui, mesdames, il y a un problème, il faut rentrer, s’exclamait Ayodele à deux vieilles dames qui ne comprenait pas. Hé oh ! lança-t-elle plus violemment à un groupe de jeunes qui la regardaient comme des merlans frits sans savoir quoi faire. Il y a une attaque terroriste à quelques mètres de vous, alors bougez-vous le cul ! Non mais sans déconner...
Les mollassons se dirigèrent tant bien que mal vers l’entrée, mais pas trop vite, sûrement pour ne pas qu’elle pense qu’elle avait une quelconque emprise sur eux... ! “Si j’étais pas là, c’est la sélection naturelle qui prendrait soin d’imbéciles dans votre genre... !” grommela-t-elle furieusement au fin fond de son être alors qu’elle voyait un des garçons du groupe se moquer de son air paniqué. Bientôt, le quai se vida, et elle-même se dirigeait vers la sortie. Mais d’abord, elle voulait être sûr que les deux trains réussiraient à partir. La façade argentée de celle qu’elle avait devant elle sembla défiler indéfiniment et de plus en plus vite, dans un mouvement hypnotique, qui, peu à peu, lui fit oublier les fracas de métaux, les cris et les coups de feu, de plus en plus éparses.
Lorsqu’il le train disparut complètement, elle et ses sens revinrent brusquement à la réalité. Elle pouvait voir le quai d’en face, et les dernières personnes descendre sur les rails pour s’échapper. Un homme, seul au milieu d’une marée d’OR15 massacrés se tenaient seuls. Elle n’était pas impressionnable, mais elle ne pouvait qu'admirer stupéfaite la silhouette grande et imposante, droite comme un pic, qui avait au bout de son bras droit, un poing doré aussi gros qu’étaient larges ses pectoraux nus. Il portait un simple pantalon blanc et déchiré, et un pagne rouge à la taille. Son crâne chauve luisait au soleil. Elle ne pouvait voir précisément son regard, mais elle pouvait voir que de sa main nue, il portait à bout de bras un dernier OR15.
Ce dernier dysfonctionnait. D’une voix éraillée dans la gare désormais déserte, il ordonnait à l’individu de poser une arme qu’il n’avait pas, de mettre ses mains en évidence alors qu’elles l’étaient, et de répondre aux ordres de la police qui n’étaient pas là. De sa main dorée, comme si le robot était un beignet dont il voulait un bout, il attrapa le tronc de celui-ci et l’arracha lentement du reste du corps avant de jeter les deux parties au loin. Prise de panique, Ayodele inspira sans s’en rendre compte, et l’homme leva le regard vers elle comme s’il l’avait entendu. La jeune femme se figea sur place, se rendant compte d’un coup que la gare était désormais déserte, que plus une mouche ne volait, et qu’elle était en tête à tête avec Doomfist, “le successeur”.
Elle retrouva l’usage de ses jambes lorsqu’elle entendit des portes claquer derrière elle. Elle n’eut même pas le temps de se retourner que plusieurs agents de police, armes à la main, accompagnés d’OR15, braquaient leurs armes sur lui en lui criant des choses qu’elle n’écoutait pas. Mais elle fut définitivement tirée de sa paralysie par un policier qui mit ses mains sur ses épaules. Elle sursauta en poussant un petit couinement avant de pousser un soupir de soulagement. L’agent la ramena précipitamment à l’intérieur, alors que les coups de feu reprenaient.
Ce jour-là, Doomfist a saccagé la gare de Numbani et battu tous les policiers venus pour l’arrêter. Un train détourné était censé le récupérer pour l’emmener à la capitale, Oyo, mais sa fuite a été moins discrète que prévu, et sa fuite s’est fait en hélicoptère. Quelques jours avant cette incident, Faucheur et Widowmaker, deux de ses lieutenants principaux avaient essayé de voler pour lui le “Poing d’Enfer”, mais avaient été arrêtés par Winston et Tracer à la surprise de l’opinion mondiale. Désormais, ces quatre personnes sont activement recherchées... !
Voila pour l'intro ! J'ai toujours voulu écrire la fuite de Doomfist telle que je me l'imaginais, et je pensais que c'était bien de l'intégrer à mon histoire pour introduire son niveau de puissance et la peur qu'il inspire au peuple sénégalais depuis cette célèbre fuite. L'histoire commencera vraiment avec l'autre chapitre. Ayodele est un personnage que vous pouvez oublier pour l'instant, mais qui reviendra bien assez tôt dans l'histoire.