L'Émeraude de Tatsumaki
Onzième chapitre !! Qu'en pensez-vous ? Dites-le moi en commentaire ou par évaluation ^^
D'ici-là, bonne lecture à tous :-)
Les dix heures d'attente furent particulièrement longues et éprouvantes pour Fubuki. Malgré les recommandations de Kioshy, elle n'a pas réussi à fermer l'œil, et ce malgré l'épuisement émotionnel et psychologique qui l'étreint comme un harnais. Au lieu de ça, elle a pleurée, longuement, évacuant par des larmes et des sanglots toute l'angoisse et la terreur accumulée en si peu de temps, mais qui ne demandaient qu'à sortir, comme si son esprit était une cocotte minute maintenant sous pression un puit d'émotions bouillonnantes. Ensuite, une fois ses yeux secs à en rougir, elle c'est mise à cogiter, intensément. Tout d'abord, Fubuki a tenter de se rassurer, de rationaliser la situation, de se convaincre que sa grande sœur, son idole, sa seule famille, ne pouvait pas mourir. Elle ne peut pas mourir car c'est Tatsumaki, la Tornade Tragique, seconde de la Classe S et un des piliers, un des atouts de l'association. Les dix heures d'opération qui l'attendent, c'est de l'excès de zèle, pour s'assurer que tout va bien, et Fubuki est sûre que Tatsumaki est en train de s'énerver à devoir rester allongée pendant qu'une batterie de blouses blanches s'occupent d'elle, car non, elle ne peut pas être blessée au point que sa vie soit en danger, non c'est impossible, pas elle. Fubuki tournera ça dans tous les sens à s'en faire des nœuds au cerveau, se répétant les mêmes arguments, énumérant les raisons qui font que Tatsumaki est presque invulnérable, et rejetant en bloc tout ce qui atteste pourtant de la gravité de la situation. Cependant, la raison et la réflexion finiront par l'emporter sur l'émotivité, et c'est avec une horreur et un désespoir grandissant que Fubuki admettra l'inéluctable.
Puis vient la colère, une colère sourde et générale, dirigée contre un monde profondément cruel et injuste. Elle était en colère après sa sœur, sa sœur qui va peut-être l'abandonner à ce monde qu'elle déteste tant, qui l'a laisse seule, en proie à cet horrible sentiment d'abandon, juste parce-qu'elle a pris des risques inconsidérés pour encore prouver au monde qu'elle est meilleure que lui. Elle est en colère après son arrogance, sa suffisance, son égoïsme, sa trop grande confiance en elle qui lui a coûté si cher. Elle est aussi en colère après l'association des héros qui l'a envoyé à l'abattoir et qui est prête à la cacher comme on cache un tas de poussière sous le tapis, qui n'a de considération que pour les pouvoirs et la puissance de Tatsumaki, sans se soucier du reste, elle est en colère après cette organisme qui se veut philantrope, charitable et humanitaire, mais qui déshumanise ses héros en les réduisant qu'à un numéro dans un classement, aisément remplaçable comme des pions sur un échiquier. Elle est aussi en colère après elle-même, pour ne pas avoir été là, pour ne pas être assez puissante, pour ne pas avoir été assez présente... elle est en colère après sa propre arrogance, sa vanité, sa jalousie... elle est en colère après elle-même pour avoir souhaité parfois que Tatsumaki ne soit plus, que elle, Fubuki, soit la seule télékinésiste de l'association... et maintenant que ça va peut-être arriver, elle se demande si ce n'est pas de sa faute, si quelqu'un quelque part, au nom d'une farce idiote, n'a pas chercher à réaliser ce vœu qu'elle regrette maintenant amèrement. Elle repense à tous ces moments gâchés, passés à se disputer pour des broutilles au lieu de simplement profiter de la présence de sa sœur. Elle regrette de ne pas lui avoir dit qu'elle l'aime, d'avoir été tout le temps si pudique, de ne jamais l'avoir prise dans ses bras, car si elle meurt... Fubuki éclate à nouveau en sanglots. Des larmes sèches, qu'elle aurait pourtant aimé verser. Elle serait prête à donner son groupe, ses pouvoirs, sa place dans l'association, sa vie, son âme pour ne serait-ce que revoir sa sœur, là, devant elle, bien portante, et la serrer tellement fort dans ses bras et lui dire qu'elle regrette pour tout. Puis, vient la dépression. Sa sœur est bien au bloc opératoire, entre la vie et la mort, son destin dans les mains d'une cohorte de médecins. Pendant que elle, Fubuki, ne peut rien faire d'autre qu'attendre, prendre son mal en patience, et espérer. En espérant, elle s'est mise à souvent regarder la porte. "Si quoi que ce soit arrive, je demanderai à vous faire parvenir toute information que je juge pertinente là-bas". Pertinente. Les mots de Kioshy passent en boucle dans sa tête. Pertinente. Qu'est-ce que ça veut dire ? Quelle est la notion de pertinence pour lui ? Quelle est la place de la pertinence dans une telle situation si chaotique ? Elle n'en sait rien, et elle en est à ne pas savoir si elle doit espérer que personne ne franchira cette porte pour lui transmettre des mauvaises nouvelles, ou si elle doit s'inquiéter que cette porte reste désespérément close. Elle regarde ensuite le téléphone. "Si vous avez besoin de moi, il y a un téléphone là qui donne une ligne directe à mon bureau". Combien de fois elle a voulu le prendre, et demander. Pourquoi elle ne l'a pas déjà fait ? Parce-qu'elle a peur. Non pas de déranger Kioshy, elle a dépassé ce stade il y a longtemps. Elle a peur de ce qu'il pourrait lui dire, et ce peu importe les réponses qu'il donnerait, car tout pourrait être un sous-entendu macabre. Pas d'évolution. Ça veut dire quoi ? Qu'elle est condamnée ? Que sa situation ne se stabilise pas ? Qu'il cache quelque chose ? Elle va bien. Mais qu'est-ce que ça veut dire bien ? Lui qui disait que son état était tellement préoccupant qu'il ne fallait pas trop espérer, et maintenant elle va bien ? Pourquoi ? Les scénarios se bousculent dans la tête de Fubuki avec la frénésie et l'intensité d'un match de hockey sur glace, au point de lui donner la migraine. Et pour finir, sans doute la chose la plus angoissante de la pièce : l'horloge. Cet objet circulaire, qui avance à son rythme, en cadence avec un tic-tac oppressant. Dix heures. C'est tellement long. Parfois Fubuki a même l'impression que le temps est figé, que les aiguilles, malgré l'oscillation, ne progressent pas. Mais pourtant le temps s'égrène, comme dans un sablier. Il défile, imprimant chaque seconde comme une angoisse perpétuelle dans l'esprit et le cœur tourmenté de Fubuki. Puis la dernière oscillation vient. 10h... 10h15... 10h30... les mains, la mâchoire de Fubuki tremblent, ses yeux fixent intensément les aiguilles qui continuent leur progression parmis les chiffres de l'horloge. Dix heures d'attente, et pourtant... Fubuki pense à appeler Kioshy, à exiger de savoir pourquoi les heures passent sans nouvelles. Alors que la jeune femme s'apprête à prendre le combiné, le téléphone sonne...