Je t'attendrai

Chapitre 23 : Chapitre vingt-troisième

5087 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 23:49

Chapitre vingt-troisième,

 

Tout était noir. Tout n’était que Ténèbres. Absolument tout. Comme toujours. Toute sa vie avait été emplie d’obscurité. Sa personne même avait été emplie d’obscurité. Il ne faisait pas chaud, il ne faisait pas froid. Ce n’était pas le jour, ce n’était pas la nuit. Il n’y avait rien.

Son corps flottait. Ou du moins, c’était ce qui lui semblait. Ses membres étaient enveloppés d’une épaisse couche de ténèbres dont il lui était impossible de se séparer. Son enveloppe charnelle baignait dans l’obscurité. Il n’y avait plus que ça : le noir. Plus aucune sensation ne lui parvenait, plus aucune douleur ne se faisait ressentir.

Son corps ne semblait plus fonctionner. Ses yeux étaient fermés, mais ils savaient déjà ce qu’il y avait derrière les boucliers que formaient ses paupières. Ils n’avaient pas besoin de s’ouvrir. Qu’auraient-ils vu, si ce n’était l’obscurité ? Son nez n’inspirait pas, il n’avait pas besoin de faire respirer son corps. Qu’aurait-il aspiré, si ce n’était le vide ? Ses oreilles n’écoutaient pas non plus, elles n’avaient pas besoin d’entendre. Qu’auraient-elles entendu, si ce n’était le néant ? 

Ses sens avaient abandonné son enveloppe charnelle, et même son esprit semblait avoir déserté. Il n’y avait plus que sa conscience, enfermée dans cette coquille vide qu’était devenu son corps. Les souvenirs étaient flous. Aucune de ses pensées n’étaient claires. Une forme indéterminée et sinistre l’enveloppait de ses grandes ailes sombres. Puis, celle-ci pénétra son corps, sans qu’on ne lui offre la moindre opposition. Et alors, les Ténèbres l’envahirent. Les Ombres se mirent à brouiller son cerveau et à se propager dans son être tout entier. Un pouvoir orageux se mit à infiltrer ses membres et la noirceur se fit plus profonde dans son cœur. La puissance parcourait ses veines, secouait ses entrailles et s’incrustait dans chacune de ses cellules.

Et soudainement, une image floue et ambiguë s’imposa à son esprit embrumé : celle d’une femme aux longs cheveux d’une noirceur sans égale, dont le corps était parsemé de vaisseaux sombres et qui était dotée d’une aura enténébrée. Mais le plus marquant restaient ses yeux, yeux emplis d’un pouvoir infini, yeux dans lesquels toutes les Ombres du monde semblaient avoir été réunies. Cette femme eut un sourire. Et l’instant d’après, elle plongea.

Elena se redressa brusquement. Qu’est-ce que c’était que ça ? Un songe ? Qu’est-ce que cela signifiait ? Pourquoi s’était-elle vue de la sorte ? Pourquoi cette forme terrifiante portait-elle son visage ? Son cœur battait la chamade, son sang frappait ses veines si fort que c’en devenait douloureux. Il faisait encore tout noir. Les images de cet effrayant rêve revenaient sans cesse et pour la première fois, elle sentait une peur nouvelle s’emparer d’elle. Elle s’empoigna la poitrine, comme pour attraper son cœur qui la lançait. 

Mais soudain, Elena se figea. Elle s’était... Empoigné la poitrine ? Elle s’était fait mal ? A cet instant, le temps sembla s’arrêter. Puis, elle recommença une nouvelle fois. Avec encore plus de puissance, d’insistance, elle se mit à serrer son propre sein. La douleur fut instantanée et le cerveau d’Elena mit quelques temps à transmettre l’information : elle ressentait la douleur. Elle ressentait le mal procuré par ses doigts sur sa poitrine. Elle ressentait. Une panique incroyablement excitée s’empara d’elle, et elle se mit à toucher son corps tout entier avec frénésie. Ce fut ainsi qu’elle le remarqua : elle respirait, et son odorat était revenu. Mieux encore ! Elle entendait ! 

Complètement déboussolée par ces nouvelles, Elena porta ses mains à son visage et l’explora du bout des doigts. Et lorsque ceux-ci rencontrèrent une fine membrane qui recouvraient ses deux globes oculaires, ils s’immobilisèrent quelques instants puis s’empressèrent de la retirer. 

Et alors, Elena ouvrit les yeux. De longues secondes s’écoulèrent avant que les images ne prennent forme dans son cerveau, mais petit à petit, le flou de sa vision s’évapora, et elle put voir : un mur de bois, un lit, une couette. Elle tendit ses mains devant elle et fut ravie de voir ses doigts apparaître dans son champ de vision. Durant de longues minutes, elle ne cessa de se toucher, de s’explorer comme pour la première fois, de regarder son corps, d’humer l’air. Et ainsi, elle le comprit : elle avait retrouvé ses sens. 

« Je... » Commença-t-elle, curieuse de voir si sa voix était revenue, elle aussi.

« Je suis en vie. »

Elena resta immobile durant un temps indéterminé. Même si sa tête était en feu, elle arrivait à réfléchir, à penser. Elle n’était plus dans ce monde vide et ténébreux dans lequel elle croyait avoir flotté durant une éternité. 

« Je suis... Elena. Elena Cewall. »

Elle s’était retrouvée, et ne pensait pas à tout ce que cela impliquait. Elle savourait juste l’instant présent, et le fait de se savoir en vie.

Puis, après avoir repéré avec soulagement ses sabres sur le bord du lit, Elena prit enfin le temps de regarder autour d’elle et ce qu’elle y vit la cloua sur place. Une petite pièce carrée entièrement faite de bois dans laquelle se trouvaient de grosses armoires emplies de remèdes en tout genre, ainsi qu’un bureau sur lequel traînaient bandages et potions. Elena eut un choc. Elle connaissait cette pièce. Les yeux d’Elena s’ouvrirent plus grand, et elle inspira l’air avec plus de soin. Cette odeur aussi, elle la connaissait. Il n’y avait pas de doute. Presque paniquée, elle se concentra pour écouter les sons qui provenaient de l’extérieur de la pièce. La mer. Et puis... Elle connaissait ces voix ! 

Alors, le cœur d’Elena sembla s’arrêter. Elle... Elle était... Sans perdre une seconde, elle rejeta les draps, et son pouls prit brusquement en rapidité. Après avoir brièvement regardé ses jambes entièrement recouvertes de bandages, elle posa ses pieds sur le sol et sursauta au contact du parquet froid. Mais elle ne s’arrêta pas pour autant. Elle se leva et sentit avec bonheur ses muscles se contracter à cet effort. Bordel, elle était en vie ! Puis, elle commença à marcher et s’empara de ses sabres, heureuse de pouvoir les retrouver. 

« Je suis de retour... » souffla-t-elle en se les appropriant.

Voyant que ses membres répondaient parfaitement à ses ordres, elle chercha à aller plus vite et se mit à marcher avec précipitation. Mais son pied droit ne suivit pas l’allure et avant de pouvoir comprendre, elle s’écrasa platement contre le sol dans un « BOOM » tonitruant.

Surprise par le contact du sol contre son corps et la légère douleur qui caressait sa joue, elle resta ainsi et se laissa aller sur le parquet agréablement froid. Elle n’en revenait tout simplement pas. Elle était vraiment en vie. Et ce constat se confirma lorsqu’elle entendit des pas précipités retentir à travers les planches boisées du sol. Elle n’eut même pas le temps de relever la tête qu’elle sentit la porte s’ouvrir et se refermer brusquement dans un violent courant d’air. Et l’instant d’après, deux arômes familiers lui chatouillaient les narines.

Ces odeurs...

Et alors, elle sentit deux paires de mains fines venir attraper ses bras pour la relever, et avant même de pouvoir dire un mot, elle se retrouvait dans les bras de deux sublimes femmes. Ces deux dernières la serraient contre elles avec force, comme si elles craignaient qu’Elena ne s’évapore sous leurs yeux. Celle-ci resta d’abord figée, encore bousculée par ce contact, ne sachant pas vraiment comment réagir. Mais cette crispation ne vécut pas bien longtemps, et elle finit par se laisser aller contre elles avec une incroyable sensation de bien-être. Elle avait l’impression d’être revenue là où elle aurait toujours dû être. Durant de longs instants, aucune d’entre elles ne prononça un mot. Elles savouraient juste ces retrouvailles ensemble, et dans le plus significatif des silences.

Puis, Elena murmura, comme pour elle-même :

« Je suis là... Je suis vraiment en vie... Là, avec vous... »

Et alors qu’elle s’accrochait désespérément aux hauts des deux femmes en question, l’une d’elle s’écarta légèrement et riva ses grands yeux bruns humides dans les siens :

  • Bien évidemment, confirma-t-elle, les larmes aux yeux.

  • Nami... Souffla Elena, en observant la rouquine comme pour la première fois.

Mais alors, la seconde femme la serra encore plus contre elle et l’enlaça de ses deux bras.

« Elena... Elena no baka... » Murmura-t-elle.

Etonnée, la concernée resta silencieuse quelques instants, jusqu’à ce que celle-ci s’écarte à son tour. Ce fut alors qu’elle découvrit le visage envahi de larmes de cette dernière, qui s’écria :

  • Sombre idiote !!! Qu’est-ce que tu attendais pour te réveiller ? J’ai eu peur !!! On s’est tous inquiétés, tu sais !!

  • Qu’est-ce que j’attendais... ? Répéta la concernée, dubitative.

  • Oui, ça fait près de deux semaines que tu dors ! DEUX SEMAINES, ELENA !!!

A ces mots, ladite Elena écarquilla ses yeux et resta silencieuse et immobile. Deux semaines... ?

« Si Chopper ne s’était pas occupée de toi, tu serais morte ! Tu le sais ça, hein ? »

La jeune femme ferma les yeux et inspira un bon coup. Lorsqu’elle les rouvrit, elle arborait une expression triste et lâcha à ses deux amies :

« Oui. Je suis désolée, Nami, Estel. Désolée pour tout... Désolée de vous avoir impliquées, désolée de vous avoir blessées, désolée de ne pas avoir pu vous protéger et de vous avoir inquiétées... »

Mais contre toute attente, lorsqu’elle releva la tête, elle fut uniquement confrontée aux deux sourires emplis de sincérité de celles qu’elle pouvait maintenant appelées ses amies. Nami chuchota :

« Tu es pardonnée depuis longtemps. Après tout, tu as tenu ta promesse. Tu as gagné. »

Et sur ce, la rouquine se leva, et Estel fit de même. Elena resta au sol, tandis que la magnifique femme au carré de cheveux bleus alla ouvrir la porte. La lumière envahit la pièce et Elena dut plisser les yeux, gênée. Puis, voyant qu’elle n’avait pas bougé, Nami se retourna et lui offrit sa main. 

« Allez, viens. Tout le monde t’attend. »

Nami s’était légèrement penchée sur elle. Son beau visage rayonnait, son sourire était chaleureux et empli de sincérité. Sa paume était tendue vers elle, comme porteuse de tous les sentiments de la rouquine. Derrière elle, la lumière semblait avoir formé un halo qui l’enveloppait de ses grandes ailes blanches. Exactement comme lors de leur première rencontre. 

Elena resta absorbée quelques secondes par ce tableau avant d’accepter, de saisir la main qu’on lui tendait. Alors, elle se leva et les suivit, prenant cette fois-ci le temps de refaire marcher correctement ses muscles endormis. Estel en tête, les trois femmes se dirigèrent vers la sortie de l’infirmerie. Elena quittait l’ombre de la chambre et se dirigeait vers la clarté du jour. Elle quittait les Ténèbres pour la Lumière. La métisse eut un sourire. La symbolique était trop évidente. Comme si sa vie toute entière avait été tirée d’un film. Bon, un mauvais film, certes, pas franchement drôle et un peu trop sanglant, mais un film quand même.

Cependant, elle avait beau s’être légèrement moquée intérieurement de cette scène un peu trop clichée pour elle, elle comprit en sortant que la symbolique était véridique, quoi qu’elle en dise. La Lumière l’aveugla à un tel point qu’elle dut fermer les yeux durant de longs instants, violemment agressée. Nami continua de la tirer par la main et bientôt, Elena se retrouva agrippée à une rambarde qu’elle connaissait parfaitement. Le contact familier de ses doigts avec le bois poncé lui arracha un sourire nostalgique, et elle se délecta du vent frais de la mer qui caressait son visage. Elle se sentait renaître. Elle se sentait en vie.

Puis, lorsqu’elle finit par rouvrir les yeux, avec réticence et prudence, elle les vit, eux, les membres de l’équipage des Mugiwara, éparpillés sur le pont. Sanji, qui fumait sa cigarette tout en discutant avec Usopp. Chopper, sur les genoux de Robin qui lisait un livre. Zoro, accoudé sur le rebord blanc du bateau, seul, le regard au loin. Brook, nettoyant son violon auprès de Franky, réparant une planche du bois du sol. Et pour finir, Luffy, assis sur la tête du Sunny, son chapeau de paille voletant dans sa nuque. Elle avait dû voir ce spectacle un nombre incalculable de fois et pourtant, aujourd’hui, il prenait une toute autre signification, une toute autre valeur. Elle aurait pu rester des heures à les observer de la sorte.

Guidée par Nami et Estel, la jeune Elena descendit lentement les marches et alla sur le pont. Elle fut aussitôt prise pour cible par Chopper qui lui sauta au cou, des larmes au coin des yeux, et par Robin, heureuse de la voir de nouveau sur pied. 

  • Elenaaaaaaaaa ! S’écria le petit renne en sanglotant. Elenaaaaaaa !

  • Chopper... Murmura-t-elle en le serrant contre elle. 

  • Tu as l’air d’aller bien mieux, renchérit Robin en se rapprochant. 

  • Oui, répondit-elle avec un sourire. Je suis contente de voir que tu as guérie, toi aussi.

  • Oui, les effets du poison des serpents se sont évaporés lorsque l’utilisatrice du fruit du démon a été battue. Enfin. Je crois que tu as beaucoup de choses à me raconter, Elena.

  • Je te dirais tout, promis.

Puis, Franky vint la trouver et lui donna une titanesque tape dans le dos qui la fit toussoter, ce qui lui valut les effrayantes menaces du médecin Chopper. Usopp vint également prendre des nouvelles, et Brook essaya bien entendu de lui demander sa culotte. Sanji, quant à lui, garda ses distances et la salua de loin. Mais elle comprit à son regard qu’il voulait juste la laisser respirer, et qu’il savait qu’elle avait des choses à régler. Elena eut un sourire presque attendri. Elle aimait énormément Sanji, qui derrière ses airs de gentleman fou furieux des femmes, était un mec vraiment bien, qui avait su la comprendre et la soutenir quand elle en avait eu le plus besoin. Elle chérissait réellement la relation qu’elle entretenait avec lui. Elle fut donc émue de voir tous les sentiments qu’il fit passer à travers ses yeux et son petit sourire, et lui fit comprendre à travers le sien qu’elle le remerciait. 

  • Merci de m’avoir soignée, Chopper, reprit-elle plus tard. Sans toi, je ne serais sûrement pas là. Tu es un incroyable docteur.

  • Ce n’est rien ! Rétorqua le petit renne en faisant onduler son corps. Et puis, si tu crois que tes compliments me font quelque chose, tu te trompes !

  • Tu dis ça, mais ton bonheur se lit sur son visage, maugréa Usopp. Au fait, Elena ! J’ai entendu dire que tu avais fait un magnifique combat. Luffy a dit que t’étais vraiment super cool ! J’aurais aimé voir ça.

  • Hein ? Il a dit ça ? Ah, euh, non, ce n’est-

  • Elle l’était, renchérit Chopper, des étoiles dans les yeux. Tu aurais dû voir ça, elle était vraiment trop forte ! Si cela n’avait pas été elle, je crois même que j’aurais eu peur !

  • Mais tu as eu peur, Chopper, ricana Nami, je t’ai vu !

Quelques minutes passèrent ainsi, dans cette bonne humeur habituelle qui caractérisait les Mugiwara. Il ne s’agissait là que de quelques minutes, mais ce court instant fut comme un baume au cœur d’Elena. Puis, lorsque les retrouvailles se terminèrent, Elena observa les alentours, à la recherche de cette personne. Mais à sa plus grande déception, il avait visiblement déjà disparu. Elena soupira. 

« Ne t’en fais pas pour lui, lui chuchota Nami, qui avait bien entendu surpris son regard. Je suis sûre que ça va s’arranger. »

Alors, Elena se tourna vers l’avant du Sunny et fit comprendre à Estel et Nami qu’elle devait les laisser. Calmement, elle s’avança alors et monta les marches qui menaient au pont avant. Elle resta là quelques instants, observant le Capitaine des Mugiwara qui, perché sur la tête du Sunny, observait la mer. Puis, elle décida d’y monter elle aussi, et sans toutefois prendre place sur la tête du lion qu’elle savait réservée à Luffy, elle alla s’installer sur la proue, en tailleur. Il la regarda s’asseoir près de lui et lorsqu’il la reconnut, un gigantesque sourire étira ses lèvres. Il sauta sur ses jambes, faisant claquer ses sandales contre la crinière orange du lion, et s’écria :

  • Oh, ‘Lena ! Tu t’es enfin réveillée ! Yokatta*! Tu peux marcher ? Comment vont tes blessures ?

  • Oui, je vais bien, répondit-elle avec un sourire. Je ne sens rien pour l’instant, je crois que la douleur viendra après. Mais je vais revenir en force, ne t’inquiète pas !

  • Content d’entendre ça ! S’exclama-t-il.

Puis, il retourna s’asseoir, sans toutefois la quitter du regard. 

  • C’était incroyable, ce combat... Quand tu-

  • Luffy, le coupa-t-elle.

Il la fixa quelques instants. Elle avait rivé son regard vers la mer et une lueur étrange brillait dans son regard. Luffy perdit le sourire. C’était cette même lueur qu’il lui avait vue tant de fois dans les yeux, cette même lueur qu’il n’avait jamais su interpréter. A son tour, il regarda la mer.

  • Tu sais, je ne suis pas sûre que ma place soit ici. Au fond, je ne suis pas vraiment... Et puis, je vous ai trahi, Luffy. 

  • J’en ai marre de t’entendre dire ça, rétorqua-t-il. Tu n’as pas entendu ce que je t’ai dit, l’autre fois ? Dans la grande salle ?

Elle soupira, les jambes battant le vide au-dessus de la mer.

  • Si... Si, j’ai entendu. Mais je pensais qu’une fois que tout serait fini, tu y réfléchirais peut-être à deux fois... Tu as dû le voir comme moi. J’ai complètement pété les plombs. Cette fois-ci, j’ai miraculeusement été arrêtée parce que... Parce que j’ai entendu la voix de ma grand-mère. Mais la prochaine fois... 

  • Tu ne le referas pas, se contenta-t-il de répondre.

  • Oui, ça serait bien... Mais comment peux-tu en être sûr, Capitaine ? Personne n’en a aucune garantie. Pas même moi. Qui sait ce qu’il pourrait se passer. Je pourrais très bien recommencer demain, et essayer de tous vous tuer. Moi-même... Moi-même je ne connais pas les limites de ce monstre qui se trouve en moi.

  • Alors il te suffit d’apprendre à le contrôler. 

Un sourire étira les lèvres d’Elena et elle rejeta sa tête en arrière.

  • Le contrôler ? Me contrôler, hein ? Se souffla-t-elle, comme à elle-même. J’aimerais vraiment être comme toi, Luffy. Tout semble si facile, lorsque c’est toi qui le dis...

  • Regarde-moi, Elena.

Avec surprise, elle se redressa et le regarda. Il ficha ses grands yeux sombres dans les siens et sa bouche s’ouvrit de stupéfaction, comme à chaque fois qu’elle lisait la détermination inébranlable qui habitait ce jeune brun.

« Je n’ai pas changé d’avis, et je n’en changerais pas. Dangereuse ou pas, monstre ou pas, tu es ma camarade, ‘Lena. Tu ne sembles toujours pas avoir compris, donc je vais te le répéter. Je ne te laisserais pas partir. Quoi que tu sois. Quoi que tu dises ! Alors, tu peux recommencer autant de fois que tu veux, si c’est ce que tu souhaites. Je t’arrêterais ! Et si je ne suffis pas, on t’arrêtera. Tous ensemble. »

Il y eut un silence. Puis, il souffla : 

« Tu n’es plus seule. »

A ces mots, il la fixa avec intensité, avant de se détourner, et de se remettre à contempler la mer. Elena resta bloquée quelques secondes sur son visage, les yeux grands ouverts. Le vent souffla, il y eut un silence. Elle se passa les mains sur le visage et soupira. Il était vraiment chiant, avec ses phrases tout droit tirées de ces séries émouvantes trop clichées ! Elle avait bien cru qu’elle allait se mettre à pleurer. Sérieusement, elle devait faire quelque chose pour cette manie qu’elle avait depuis quelques temps de pleurer à chaque parole de ce type.

  • Tu sais, reprit-il en se levant, soudainement plus calme. J’ai vraiment eu peur. Il y avait tout ce sang et ce liquide noir qui coulaient de tes yeux... Tu saignais tellement... Tu n’arrivais plus à marcher, ni à parler, tu ne nous voyais même plus. Tu allais tomber, et Zoro t’a rattrapée. Pendant quelques instants, tu es restée calme, tu as même souri. Mais après, tu as soudainement commencé à cracher du sang, tes yeux se révulsaient et tu... Tu te convulsais si violemment que même Zoro a eu du mal à te maîtriser. Et après, plus rien. Tu ne respirais plus. Ton cœur ne battait plus... On a vraiment paniqué. Je n’avais jamais vu autant de sang de toute ma vie, j’ai fini par croire que tu t’étais vidée de ton sang. C’était... On a bien cru qu’on t’avait perdue.

  • Luffy... Tu...

  • Je ne veux plus jamais revivre ça. JAMAIS, tu m’entends ?

  • Oui, finit-elle par répondre après de longues secondes de silence, se levant à son tour. Mais... Je... Luffy, comment me faire pardonner ?

  • Pardonner ? Répéta-t-il. Ne sois pas idiote. Tu l’es déjà depuis bien longtemps. La seule qui ne veut pas te pardonner, c’est toi-même.

A ces mots, les yeux d’Elena s’écarquillèrent. Au regard pénétrant que Luffy lui lança, le vent souffla un violent coup qui la gifla de front et ses cheveux s’envolèrent. Ils restèrent ainsi de longs instants, plongés dans les prunelles l’un de l’autre. Puis, Elena eut comme une intuition et ses yeux s’écarquillèrent davantage lorsqu’elle vit Sanji, seul, adossé contre le mur du pont, une cigarette à la main, le haut du visage masqué, qui souriait. 

C’était exactement comme il l’avait dit. Ce Sanji...

« Si tu ne te pardonnes pas toi-même, ça risque d’être compliqué. »

Une nouvelle fois, Elena crut bien qu’elle allait pleurer. Mais les larmes ne coulèrent pas. Peut-être avait-elle trop pleuré au cours des derniers jours qu’elle avait passé en tant que « vivante ». C’était mieux ainsi, de toute façon. Elle en avait marre de pleurer. Elle avait toujours méprisé ceux qui le faisaient pour un rien, d’ailleurs.

Elena se prit le visage entre les mains, et un sourire étira ses lèvres. Quels imbéciles, ceux-là... Et aussi, quelle imbécile était-elle.

Mais maintenant, elle s’en rendait compte. Elle avait véritablement quitté les Ténèbres pour la Lumière, quoi qu’elle en dise. Oui... Elle avait compris. Ils étaient la Lumière. L’équipage des Mugiwara. Sa Lumière.

Et alors, elle se jeta dans les bras de Luffy qui faillit tomber à la renverse. Stupéfait, il ouvrit grand ses yeux lorsqu’il sentit ses cheveux venir caresser son visage et resta de longues secondes en proie au choc. Mais les secondes passèrent, il finit par s’y faire, et non sans réticence, lui rendit son étreinte.

« Tu sais, souffla-t-elle, j’aurais vraiment aimé te rencontrer plus tôt, Capitaine... »

Il sourit.

« Oui, je sais... Moi aussi. »

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