Okami - La prophétie du renard
La lune était haute dans le ciel nocturne de Kamui. Eclairant l’endroit de sa lumière blafarde, la neige semblait scintillait sous les yeux lunaires, donnant un doux aspect au paysage enneigé des terres du nord. L’endroit semblait paisible, nullement perturbé par les démons. Cependant, deux silhouettes se démarquaient de ce tableau de neige, se mouvant avec aisance dans la nuit noire grâce à une lanterne, seul point de lumière. Il s’agissait de deux jeunes filles, dont l’une se déplaçait avec beaucoup plus de sûreté que l’autre. Tenant dans sa main droite la lanterne, la lumière qu’elle produisait éclairait son visage fin et ses grands yeux prune. Ses longs cheveux d’un mauve clair presque blanc s’agitaient doucement dans son dos, plusieurs mèches encadrant son visage étant décorées de perles, tressées, ou encore enroulées de rubans noirs. Vêtue d’un épais manteau violet pâle aux manches plus sombres, elle avait enfilé des mitens, ce qui ne protégeait cependant pas ses doigts fins du froid. Sa camarade quant à elle dissimulée son visage derrière un élégant masque de couleur violine, rappelant sans mal un papillon. Ses épaules dénudées malgré le froid étaient décorées de tatouages blancs et autour de son cou elle arborait un ruban noir, rappelant l’ébène de ses cheveux, ramenés en une tresse basse.
“Hikari, tu es sure que c’est une bonne idée ? demanda-t-elle alors, jetant des regards inquiets autour d’elle.
- Mais oui ! Arrête de t’inquiéter, répondit la seconde en levant les yeux au ciel.
- On ne devrait pas être là, tu sais très bien que c’est dangereux... La dernière fois qu’on a fait quelque chose comme ça c’était il y’a cinq ans et je me souviens encore de la rouste que nous a mis Kemushiri !
- Yuna, on ne fait rien de mal, et Kemushiri n’est plus là pour nous punir, je récupère juste ce qui m’appartient, rétorqua la dénommée Hikari.
- Par pitié remets ton masque ! Si Samaikuru apprend tout ça...
- Mon père ne dira rien parce qu’il ne saura rien, la coupa la jeune fille, et il me gêne pour combattre, je le remettrai en rentrant au village.”
Yuna poussa un long soupir mais ne répliqua pas, voyant qu’il ne servait à rien de faire vouloir changer d’avis à son amie. Hikari effleura du bout des doigts son masque, qu’elle avait relevé sur le haut de son crâne. Elle avait beaucoup de mal avec cette tradition de la tribu, jugeant le masque encombrant, même si elle était plutôt heureuse d’être représentée par un renard des neiges, animal qu’elle jugeait rusé et intuitif malgré son petit gabarit, elle se retrouvait beaucoup en lui. Même si elle entamait sa seizième année d’existence, Hikari était toujours assez petite de taille, ce qu’elle compensait sans mal par une grande rapidité. Au plus grand désespoir de son père, la jeune fille se vouait à devenir une grande guerrière. Même si elle respectait la voix du shaman qu’avait suivi la mère de Yuna, Tusukuru, Hikari ne se voyait vivre qu’avec une épée à la main.
“Tu tiens tant que ça à cette broche ?
- Oui, elle appartenait à ma mère, je dois la reprendre à ce Namahage.
- Un Namahage ?! glapit Yuna.
- Arrête de t’inquiéter, ceux sont des démons faibles.
- Si tu le dis...”
Hikari esquissa un petit sourire en voyant la mine déconfite de son amie. La veille au soir, la jeune fille avait quitté Uepekere pour s’entraîner sur l’une des étendues d’eau gelée de Kamui. Elle avait posé ses affaires de côté et n’avait pas remarqué le Namahage, qui avait commencé à fouiller dans son sac de toile pour en tirer la fameuse broche. Au moment où Hikari l’avait remarqué, il avait aussitôt détalé. Il était hors de question qu’elle laisse ton précieux bijou entre les mains des yokaï, l’un des seuls objets qu’elle gardait de sa mère.
Perdue dans ses pensées, des bruits de pas s’enfonçant dans la neige lui firent redresser la tête. Levant son bras pour mieux s’éclairer, elle discerna deux formes rachitiques, sautillant dans la neige et sourit en reconnaissant le visage grotesque d’un Namahage.
“C’est lui tu penses ? demanda Yuna.
- Je ne sais pas, c’est ce qu’on va voir.
- Que comptes-tu faire ?
- Je vais les attaquer, dès que je t’appellerai c’est que j’aurai récupéré ma broche, il faudra que tu cours la récupérer et que tu rejoignes le plus vite possible le village, ils ne te suivront pas jusque-là.
- Je vais devoir me rapprocher de ces démons ?!
- Yuna tu es l’une des plus rapides de la Tribu, j’ai besoin de toi, s’il te plaît...” implora Hikari, les mains jointes en signe de prière.
Yuna la toisa du regard pendant de longues secondes avant de finalement pousser un long soupir, résignée. Hikari se mit à taper dans ses mains avant de lui indiquer un rocher où se cacher. Hikari se mit à avancer d’un pas lent vers les démons, tentant de dissimuler la lumière de la lanterne. Lorsqu’elle fut à distance respectable et les démons n’ayant pas remarqué la lueur dans leur dos, la jeune fille posa la lanterne dans la neige, la main sur la garde de son épée. La retirant d’un mouvement sec, le cliquetis métallique attira aussitôt l’attention des deux démons qui tournèrent leur masque grotesque vers l’adolescente. De couleur verte et représentant une sorte de visage aux crocs apparents, les deux monstres portaient dans leur dos un panneau de bois, semblable à ceux que l'on trouve devant les habitations des terres du nord. Vêtus de vêtements de paille, les Namahages se mirent à pousser des petits cris en observant Hikari, qui tentait de savoir, lequel des deux était le voleur de broche. Au bout de longues secondes d’observations, Hikari discerna finalement un petit objet brillant dans les vêtements de paille du yokaï de droite. L’adolescente pointa son épée sur ce dernier, le regard soudain déterminé.
“Toi, rends-moi ce qui m’appartient.”
Le Namahage se mit à hurler, s’agitant en tous sens, visiblement en colère. Son compère se jeta alors sur l’adolescente qui l’esquiva en s’abaissant simplement. Soulevant son épée tandis que le yokaï passait au-dessus d’elle, elle réussit à lui entailler la cuisse, lui arrachant un cri. Tapant le sol de ses mains, le démon s’empara alors du panneau qu’il avait dans le dos et le lança sur la guerrière Oina. Fléchissant les genoux, elle effectua un bond puissant par-dessus l’arme de fortune de son adversaire, exécutant un salto parfait. Avant qu’il ne puisse récupérer son panneau, Hikari atterrit au sol et se jeta sur le yokaï. Son épée brandit, elle lui entailla le poitrail. Le Namahage chancela et avant qu’il ne puisse esquisser le moindre geste, Hikari lui trancha la gorge d’un geste précis. Le sang du démon gicla, tâchant la neige d’un liquide rouge sombre presque noir avant de s’effondrer sur le sol et de disparaître dans un nuage de fumée. Ne prenant même pas la peine d’essuyer son arme, la jeune fille se tourna vers le démon voleur qui n’avait pas bougé. Hikari amorça un geste vers lui et le yokaï se mit alors à pousser un cri aigu qui fit grimacer l’adolescente. Et soudain, deux autres Namahages s’extirpèrent de la neige, beaucoup plus gros que leurs congénères, un énorme sceau en bois reposant dans leur dos. Le regard attiré par un mouvement furtif dans le ciel, deux autres yokaï arrivèrent, comme deux oiseaux de malheur dans le ciel nocturne, leurs masques bleus formant un sourire menaçant. En quelques secondes à peine, Hikari se retrouva entourée de cinq yokaï, et elle n’était pas vraiment sure de pouvoir les battre. La main crispée sur son épée, la jeune fille la souleva devant elle, un pied en appui derrière elle, détaillant les monstres. En réalité, ses yeux restaient rivés sur le voleur qui s’agitait au milieu de ses congénères comme pour exprimer une joie malsaine. La colère montant, l’adolescente ne remarqua pas qu’un des deux Namahages volant venait de s’envoler plus haut dans le ciel nocturne, pour finalement repiquer sur elle.
“Hikari, attention !”
La voix aiguë de Yuna la ramena à la réalité. La jeune fille eut juste le temps de rouler sur le côté pour esquiver le démon qui atterrit lourdement dans la neige. Se ramassant sur elle-même, elle dut de nouveau esquiver un autre de ses assaillants volant. Les deux Namahages des neiges s’étaient enfoncés dans la poudreuse tandis que le vicieux voleur observait la scène en s’agitant en tous sens. Ses yeux allant de tous les côtés, Hikari tentait tant bien que mal d’esquiver chacun des assauts des démons sans parvenir à les toucher. Finalement, l’un de ses deux assaillants aériens finit par la toucher, lui griffant l’épaule droite. Le tissu de sa veste se déchira sans mal et l’adolescent grimaça en sentant sa peau soudaine brûlante. L’autre Namahage volant profita de son moment d’inattention pour fendre sur elle et lui entaillait la joue. La colère monta dans le cœur de l’adolescente, elle sentait le sang battre à ses tempes. Dans un geste rageur, elle parvint à atteindre le planeur d’un des deux démons, le faisant tomber dans la poudreuse. Poussant un petit cri victorieux, sa joie fut de courte durée lorsqu’elle le sol se déroba sous elle. Hikari tomba, et remarqua alors le Namahage des Neiges qui la tenait par les pieds, son corps à moitié enseveli dans la neige. Son camarade s’extirpa alors du sol gelé brandissant son étrange arme en bois, prêt à assommer l’adolescente pour l’emmener elle ne sait où. Cependant, alors que le démon se rapprochait de plus en plus d’elle, une forme sombre se jeta sur lui, le faisant rouler dans la poudreuse. Surpris, le yokaï lui maintenant les jambes relâcha sa prise et Hikari en profita pour se libérer. Ramassant son épée en se relevant, l’adolescente se tourna vers la forme sombre, qui attaquait désormais l’imposant yokaï. Bouche-bée, Hikari reconnut un loup, au pelage bleu sombre si épais dans la nuque qu’il formait une crinière hérissée de couleur prune.
“Okikurumi ?!”