Une lame

Chapitre 1 : Une lame

Chapitre final

1575 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 28/05/2022 19:23

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Retour en enfance - (mai juin 2022).



"Every time that I look in the mirror

All these lines on my face getting clearer

The past is gone

Oh, it went by like dusk to dawn

Isn't that the way?"

Dream On, Aerosmith



Lové au cœur de la nuit, bien au chaud de l'inconscient collectif sommeille un démon fait de mort et de rumeurs. Une étrange symbiose s'est installé au fil des décennies : la peur qu'il inspire redonne vie à Freddy, et ce pouvoir donne à Freddy la force d'inspirer la peur. Par le cauchemar et par le meurtre, Freddy Krueger s'est imposé en légende, en croque-mitaine pour les familles de Springwood. L'Ecorcheur d'Elm-Street, le tueur d'enfants, avait semé la frayeur de son vivant et une foule vengeresse avait fait tomber la sentence. Freddy Krueger fut brûlé vif par les familles de ses victimes. Mais ce n'est qu'après que le cauchemar avait commencé. S'infiltrant de le sommeil des adolescents, armé de son éternel gant aux lames tranchantes, se servant de la peur de ses proies, Freddy Krueger semait de nouveau la mort.

Cette nuit, bercé par le cri de ses victimes qui résonnaient toujours à ses oreilles, Freddy rêve. En boule, flottant au millieu du néant, dans l'attente d'un nouveau cauchemar où sévir, les bras croisés sur un vieux pull rouge et vert, son sommeil est agité. Ses paupières closes et brûlées s'agitent. Freddy rêve. Freddy se souvient.

Les murs beiges renvoyaient la lumière d'une fin d'après midi. Seul dans la salle de classe, un gamin chétif avait le sourire aux lèvres. Le petit Fred était puni. Les souvenirs sont confus, il doit avoir à peine 10 ans.

"Je les ai fait crier."

Lui qui n'avait jamais reçu que de l'indifférence, lui qui n'avait jamais été qu'un problème pour les adultes avait trouvé un moyen d'être quelqu'un, d'être autre chose.

"Je les ai fait crier," se répétait-il. Et il en était fier.

L'alignement des petits bureaux au millieu desquels il était assis lui rappelait une triste vérité : il devait entrer dans le rang. Les coups de ceinturon qui l'attendaient "chez lui" étaient là pour le lui rappeler également. Ce n'était pas "chez lui" d'ailleurs, juste un foyer d'accueil de plus parmi la longue liste des foyers qui l'avaient accueilli au cours de sa courte existence. Et cette fois-ci, ces adultes là n'avaient vraiment pas la main leste. Aujourd'hui celà n'avait plus d'importance: il les avait fait crier, les adultes de l'école, et quelques élèves aussi. Certains camarades avaient même rigolé. Bon, au dernier coup de maillet, lorsque le hamster avait fini de couiner, plus personne de rigolait.

"-Je les ai fait crier, se répétait-il satisfait, je les ai fait crier."

Lui qui ne provoquait que dédain, dégoût ou honte, avait soudainement provoqué l'excitation et la peur. Et ces nouvelles sensations lui plaisaient.

La maîtresse l'avait laissé là, seul, sans l'habituelle punition. Qu'aurait elle pu lui faire copier au tableau ? "Je ne dois pas écrabouiller le hamster avec un marteau."? A cette simple idée le petit Fred éclata de rire sur sa chaise. Elle allait en avoir des coups de téléphone à passer la vieille bique: les services sociaux, sa famille d'accueil... Les flics peut être ? Fred se leva, traversa la classe et s'assit au large bureau de la maîtresse, comme pour dominer à nouveau l'espace qui l'entourait. Au fond de la classe, la cage de Mr Poilu était vide. Au fond de la cage, les copeaux étaient tachetés de rouge.

"Je les ai bien fait crier."

Ses mains frêles ouvrirent le gros tiroir à sa gauche, machinalement, comme s'il eut s'agit de son propre bureau. Il contenait quelques copies a corriger, une petite trousse aux coutures couvertes d'encre et, dans un recoin, un petit objet jaune en longueur, équipé d'une molette. Il s'en saisit, puis d'un mouvement de doigts fit rouler la molette. Les rayons de lumière de cette fin d'après midi frappèrent le métal de la longue lame qu'il venait de sortir du cutter. Les reflets avaient l'aspect des flammes sur le tranchant, soulignant le reflet des yeux résignés du garçon. Il pensa à haute voix :

"Il reste un hamster dans la classe des grands."

Il se leva et sorti discrètement de la salle de classe.

Les cris et les rires (principalement des cris, soyons honnêtes) avaient fait place a un lourd silence dans le couloir. Le jeune Fred savait où se diriger. Gardant l'oreille aux aguets, il entendait au loin la directrice expliquer les évènements de l'après midi. La voix venait du fond du couloir droit devant lui. A mi-chemin se trouvait la classe des grands. Sous de larges vitres donnant sur les salles de classes, les crochets étaient tous vidés de leurs habituels manteaux et cartables. Seul sa veste rouge pendait encore. Alors qu'il cheminait à pas de loup, afin d'atténuer au maximum le crissement de ses baskets sur le revêtement linoléum, Fred se perdait en réflexion :

"Lilie a chouiné avant même que je frappe la bestiole. Mais Kyle et Bobby rigolaient encore quand la bestiole bougeait plus. Bobby est pas si nul en fait. En fait les pires ce sont les adultes. Ils valent pas mieux que des rongeurs. On devrait leur coller des coups de maillet ou des coups de cutter...".

Au bout du couloir, la voix se tut, le combiné fit cliquetter le téléphone, Freddy se figea. Le cadran se mit à tourner à nouveau, et la voix de la vieille bique reprit. Soulagé, Fred souffla et continua sa marche.

La porte de la classe des grands était ouverte. Il la poussa et se faufila â l'intérieur, puis referma doucement derrière lui, et resta immobile. Les pas de la directrice résonnèrent dans le couloir. Elle devait en avoir fini, et retournait voir si Fred se tenait sagement.

"Vas y, perd ton temps, vieille bique, se dit Fred."

Les murs étaient aussi beiges que ceux de sa classe, les tables alignées de la même façon. Freddy traversa la pièce jusqu'au fond. Sur un petit bureau, contre le mur, se trouvait une cage de métal. A côté de la cage rectangulaire, se trouvait une petite boîte de fruits secs achetée dans le commerce. Le garçon posa son cutter, toujours déployé, sur le bureau, saisi la boîte et fit tomber une poignée de nourriture dans la paume de sa main gauche, puis ouvrit la cage. Il vida sa main à l'entrée de la cage et attendit. La petite boule de laine et de coton qui se trouvait dans le coin se mit à frémir, et la petite créature en sortit. Le hamster, confiant, s'approcha et se mit à grignoter une petite rondelle de banane. Fred détaillait l'animal, de sa petite truffe à ses pattes roses et son pelage chocolat. La créature lui semblait si fragile, elle ne méritait pas de mourir. Si ce n'est pour faire passer un message, pour affirmer que Fred en était capable. Le garçon se remémorait les cris et les rires:

"-Les enfants ne sont pas tous pourri, se disait il. Les pires ce sont les adultes. On devrait mourir avant de devenir adulte..."

Il regardait la petite bête manger. Dans le couloir, la vieille bique hurlait son nom, ouvrant les portes une a une. Elle serait là d'ici quelques seconde.

Freddy leva la lame, la plaça au dessus du hamster, et quand la porte de la classe s'ouvrit en grand, il l'enfonça avec une facilité presque amusante. Le tranchant fit craquer puis céder quelques os, traversa très certainement un poumon et ressorti sous l'animal pour se planter dans le bureau, entre les interstices de la cage. La bestiole tremblante poussait de petit cri strident alors que son sang gorgeait les copeaux. Hystérique, la vieille bique saisit Fred par les épaules et le jeta au sol, loin de la cage. Elle hurlait de colère. Fred n'écoutait pas les mots, juste le son de sa voix. Il apprendrait bien plus tard que chaque hurlement était bien distinct d'une personne a l'autre. A plus forte raison lorsqu'il s'agissait de complainte et de douleur. La maîtresse saisit le cutter et d'un mouvement brusque le tira vers le haut. Il se dégagea du bois, mais le pauvre hamster resta pris sur la lame, gesticulant de douleur, envoyant du sang sur les lunettes de la vieille bique. Elle hurla de plus belle, et, de peur, lança la pauvre victime dans un coin de la classe. Fred, lui, riait aux larmes.

Il allait prendre des coups, être expulsé :

"-Ça valait le coup, se dit il, je l'ai fait hurler."

Ces pauvres rongeurs n'étaient que les premiers d'une longue liste, et les cris des élèves et de la vieille bique le début d'une effrayante symphonie. Ce soir, dans son néant, Freddy Krueger se demande s'il reste un peu de cet enfant en lui. Il se demande si ces événements ont réellement eu lieux.

A-t'il un jour seulement été un enfant ?


"Dream on

Dream on."





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