Red Memories / Tome 1 : Tainted Love
21 Sanchez Street, San Francisco, 15h10.
La Citroën DS stoppa net devant une maison jaune en haut de la très pentue Sanchez Street. Jane et Lisbon en descendirent, montèrent les escaliers qui menaient à la porte d'entrée et frappèrent à la porte pour signaler leurs présences.
- Allez, répondez-moi !
- Je ne vous dirai rien. Et ne me regardez pas comme ça, vous ne faites pas peur. Vous êtes toujours aussi impatiente ?
Teresa n'eut pas le temps de lui répondre : la porte venait de s'ouvrir, révélant un homme d'une soixantaine d'années, les cheveux grisonnant, l'air déconcerté :
- C'est pour quoi ?
- Natasha Owen, c'est bien ici ? demanda Jane.
- Oui, qu'est-ce que vous lui voulez ?
- Lui parler de sa fille, Daniel.
- Je regrette, elle n'est...
- Sheldon ! gronda une voix au fond de la maison. Tu vas laisser entrer ces gens, enfin !
Patrick et Teresa passèrent devant le vieil homme, et entrèrent dans la maison. Une décoration simple, un intérieur sans prétention, et assise dans le canapé, une vieille femme aux traits familiers pour Patrick. Il reconnaissait un peu Daniel en elle, notamment son regard. Elle le sinvita à s'asseoir sur le canapé en face du sien.
- Désirez-vous boire quelque chose ?
- Non merci.
- Comme vous voudrez. Vous vouliez donc me parler de ma fille ?
- Exact...
- Qu'est-ce qu'elle a encore fait ?
Ce ton froid fit gronder au fond de Patrick un sentiment de rage. Teresa sentit comme une tension soudaine entre ces deux personnes, et elle commençait à se demander de plus en plus ce qu'elle faisait là.
- Elle a été empoisonée à l'arsenic, elle a faillit mourir.
- Ça ne m'étonne pas d'elle.
- Je vous demande pardon ?
- Daniel a tenté deux fois de se suicider.
- Je le sais, mais dans ce cas-là, on a attenté à sa vie.
La vieille femme eut un rictus suivit d'un ricanement. Tout en prenant sa tasse de café, elle lança à Patrick :
- Je ne vois pas l'intéret de la tuer...
Le blondinet resta un moment comme sur "Pause". La mère de Daniel ne semblait pas très émotive à cette nouvelle, et continuait de siroter sa boisson.
- C'est tout l'effet que ça vous fait ?
- Quoi, vous voulez que je pleure peut-être ? Bien sûr, ça me fait quelque chose, c'est ma fille après tout...
- Oui c'est vrai, après tout...
- Daniel et moi n'avons jamais été en très bon termes.
- Si vous ne l'aviez pas séparée de son père, il en aurait sans doute été autrement.
- Je n'ai fait que la protéger. J'avais déjà perdu mon fils... Vous ne savez pas ce que ça fait de perdre un enfant.
- Si, je le sais.
La vieille femme eut soudain l'air mal à l'aise. Lisbon ne dit rien, accordant un bref regard à Patrick, qui retenait ses larmes, revivant une fois de plus le soir où il avait retrouvé sa petite fille éventrée par sa faute...
- Votre visage me rappelle quelqu'un... Quel est votre nom ?
- Patrick Jane.
- Ah oui, c'est donc vous, le fameux médium...
- Ex-médium.
- Je sais pour ce tueur en série et ce qu'il a fait à votre famille. Mes condoléances.
- Je fais avec.
- Vous devez être le nouveau petit ami de Daniel ?
- Surtout le père de sa fille.
- La voilà maman en plus, dit-elle en levant les yeux aux ciels.
- Vous n'étiez pas au courant ? demanda Lisbon.
- Non, pas le moins du monde... Vu les circonstances dans lesquelles nous nous sommes quittées...
- Et si vous oubliez le passé ? Votre fille est malade, elle a besoin de vous.
Natasha regarda Patrick dans les yeux. Il y vit monter des larmes et comprit à quoi elle pensait.
21 Sanchez Street, 20 janvier 2002.
Alors qu'elle s'affairait dans son jardin, Natasha vit s'arrêter un taxi et elle reconnut la voix de Daniel :
- Attendez-moi, je reviens dans cinq minutes.
Elle l'entendit monter les marches de l'escalier mais elle se manifesta :
- Je suis en bas. Qu'est-ce que tu veux ?
Daniel resta debout sur les marches :
- Je m'en vais. Je voulais au moins te dire au revoir.
Sa mère abandonna ses gants de jardinnage et la rejoignit devant sa maison :
- Tu es vraiment sûre de toi ?
- Oui. De toutes façons...
- ...ce que je dis ne te fera pas changer d'avis, je le sais. Tu pourrais rester encore un peu.
Daniel baissa les yeux vers sa main gauche où brillait encore une bague de fiançailles. Natasha se rapprocha d'elle et la prit par les épaules :
- Tu ne le fera pas revenir...
- Non, c'est vrai. Mais toi, pour oublier Papa, tu es bien partie loin de la maison, non ? Pourquoi je ne ferai pas pareil ?
- Danny chérie, ne remets pas ça sur le tapis. On en a déjà parlé, ça n'a rien à voir...
- Tu devrais essayer de me comprendre, au moins une fois dans ta vie.
Natasha sentit une blessure à son orgueil, elle adressa un regard noir à sa fille.
- Mais au fond c'est vrai, tu n'as jamais vraiment essayé.
- Ne dis pas ça, c'est toi qui...
- Oui, c'est moi. Bien sûr. C'est toujours moi. J'étais venue parce que je pensais te faire plaisir en t'informant de mon départ, mais bon, je me suis encore trompée.
Daniel allait repartir vers son taxi mais sa mère la retint par la main et la serra contre elle en lui murmurant :
- Ne te mets pas encore en colère, pas aujourd'hui. J'espère que tu seras heureuse là-bas.
Daniel brisa cette étreinte et regarda sa mère, qui se sentit presque honteuse.
- Tu sais, c'est à cause de toi si j'ai été malheureuse jusqu'à maintenant.
Elle n'ajouta rien, détourna les talons et redescendit les marches pour regagner le véhicule jaune. Alors qu'il prenait la descente de la Sanchez Street, la dernière chose que Daniel vit de sa mère fut un visage innondé de larmes de remords...
Hôpital de Bethesda, Washington DC, 17h40.
Nosh restait seul, une main posée sur la vitre qui le séparait de la chambre stérile de sa fille. A l'intérieur, Tony subissait une nouvelle prise de sang et en profitait pour draguer l'infirmière. Mais ce qui importait Nosh se situait derrière cette scène burlesque, dans le lit voisin où le visage de Daniel reflétait toujours un sommeil sans fin.
- Comment elle va ? demanda Tony à l'infirmière, en se tournant vers Jones.
- Ses analyses de sang sont bonnes. Mais elle est encore trop faible pour la remettre en chambre normale.
- Je resterai avec elle dans ce cas.
Il déposa sa main sur celle livide de Daniel qui eut un léger soupir. Nosh commençait à désespérer...
- Tu aurais pu m'appeller, dit une voix derrière lui.
Il fit volte-face et découvrit son ex-femme. Dans un premier temps, il crut à une hallucination, mais il réalisa qu'elle était bel et bien là, à ses côtés.
- Natasha...
- Ne dis rien. J'ai parlé avec son mari, il m'a demandé de venir.
- On dirait que ça t'embarasse plus qu'autre chose.
- Arrête avec tes bêtises. Il s'agit de notre fille. Elle est dans le coma ?
- Non, juste endormie. L'intervention l'a beaucoup fatigué.
- Qui est cet énergumène avec elle ?
- Son sauveur. Il lui a donné sa moelle osseuse, sans lui elle serait morte. Il s'appelle Anthony DiNozzo et travaille avec elle depuis huit ans.
Natasha n'ajouta rien et se tourna vers la chambre d'où l'infirmière venait de partir. Pourtant, Nosh ne lâchait pas son ex-femme des yeux. Il la sentait anxieuse, discrètement, il glissa ses doigts à l'intérieur de sa main, comme pour la soutenir. Tony sentit frémir les doigts de Daniel sous sa main. Il eut un sourire de soulagement lorsqu'il la vit ouvrir les yeux.
- Bien dormi ?
- Oui... Toujours un peu fatiguée mais bien reposée...
Elle leva les yeux vers la vitre, adressant un sourire à son père qui parut fou de joie d'enfin apercevoir les yeux noirs de sa fille. Mais le regard de Daniel changea, elle cherchait dans sa mémoire - quelque peu embrouillée par les derniers évènements- qui était cette personne debout à ses côtés. Elle eut un éclair de lucidité et prononça d'un ton étonné :
- Mais... c'est ma mère ?