Les Chroniques d'un shinobi

Chapitre 13 : Sarouh Tsumyo

2107 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/01/2025 14:59

Opening : https://www.youtube.com/watch?v=DDjPc51fR8Y

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Le Chuunin aux cheveux bleus ne put retenir un sourire narquois. Après avoir passé un voyage merdique, il avait bien besoin de se détendre avant que ne commence véritablement cette mission. Le duel permettait un tout en un. Si l’escouade de la Cascade devait officiellement défendre un festival, il fallait officieusement décrédibiliser les Chikarates, tout en s’assurant de ne pas les laisser faire de même.

— Voyons ce que tu peux faire face à une lame invisible.

Le Genin qui lui faisait face se tendit. Pas doué pour les illusions ? Il était mal tombé. Le nanika, qui venait de rendre invisible sa lame pour le Chikarate, commençait déjà à attaquer les réserves de Chakra du Chuunin qui ne perdit pas de temps. Il frappa d’estoc tout en changeant sa lame de main en un même mouvement que Tokri esquiva d’une pirouette sur le côté mais, trop lent, ne vit pas venir le pied du Gensouard. Touché en plein visage, il percuta violemment le sol.

Si leur niveau se valait au taijutsu, voire même avantageait l’Utak, le sabre invisible inversait violemment l’équilibre des forces. Le Genin ne pouvait pas esquiver la lame et se protéger tout en menant l’agression. Le Chikarate commençait à perdre pied, et fit une seconde erreur qui se paya d’une fine estafilade sur l’avant-bras gauche.

— J’imagine que tu es naze en genjutsu ?

— Quelle perspicacité, répondit Tokri, acide. Je dois dire que je m'attendais à mieux de la part d’un Chuunin.

— Pas eu le temps de m'entraîner depuis mon passage au grade supérieur, rétorqua froidement Sarouh, l'orgueil piqué par la provocation.

Ils se tournèrent autour, attentifs au moindre mouvement de l’adversaire, la tension palpable autour d’eux. Malgré l’interdiction de leur camarade, les Genins hésitaient à intervenir. Des villageois observaient le combat qui troublait leur routine quotidienne, certains avec passion et d'autres inquiet des potentiels dégâts sur la voie publique.

— Seul le travail sur soi-même fait la différence en combat, récita le Tsumyo en un murmure, plus pour lui-même que pour son adversaire, qui souffla du nez.

— Tu parles trop, répliqua sèchement l’Utak.

Son sourire s’étira quelque peu, avant que Sarouh ne repasse à l’attaque. Le sifflement du sabre invisible lacérait l’air, imperceptible à l’oreille humaine. Les sens aiguisés par sa formation shinobi, Tokri sentait le danger glisser sur sa peau comme un courant glacé, le forçant à reculer près d’un point d’eau. Grisé par le combat, le rictus carnassier du Tsumyo s’élargit encore, alors qu’il provoquait une fois de plus son vis-à-vis.

— J’espère que tu es aussi résistant que tu en as l’air.

— Pardon ?

L’objectif n’était pas de tuer l’Utak. Le jeune homme aux cheveux bleus testait simplement l’éventail de ses propres compétences dans une optique d’entraînement, raison pour laquelle il gaspillait autant de Chakra. Contrairement à ce que s’imaginait le Genin, ils ne jouaient pas dans la même cour.

La lame redevint apparente, ce que le Chikarate prit à tort pour un signe de faiblesse. Il se rua sur le Gensouard, qui eut le temps de faire les signes pour son prochain tour. Tel une lance aqueuse, un trait d’eau condensé fila jusqu’à exploser contre la jambe de Tokri, qui chuta pitoyablement au sol.

Sarouh fit plusieurs bonds en arrière pour se donner le temps de réfléchir à sa prochaine action. En apparence, le Chuunin maîtrisait complètement la situation, mais le coût se faisait ressentir, sa réserve de Chakra étant dangereusement basse depuis sa dernière attaque. La domination du Gensouard minait le moral d’un Tokri qui avait l’impression de revivre son dernier duel.

Décidant d’en finir, il se contenta d’un clone avant de se dissimuler derrière un arbre en une fraction de seconde, échappant à la vigilance d’un Utak qui se relevait avec peine.

Une fois qu’il eût repéré ce qu’il pensait être Sarouh, Tokri fonça, bien décidé à retourner la situation. En une feinte habile, il réussit à placer au substitut un coup de pied sous la mâchoire, le faisant décoller violemment du sol. Il sauta pour le saisir aux chevilles et eut la surprise de sentir ses mains ne rencontrer que le vide. Décontenancé, la panique le submergea. A peine eût-il posé pied au sol que Sarouh apparut dans son dos, frappa à l’arriere du genou endolori et retint le Chikarate par l’épaule tout en posant un kunaï sur sa jugulaire.

— Tu es mort.

La seconde qui suivit fut blanche, tandis que Tokri intégrait lentement l’information dans une douleur tant physique que mentale. Le Tsumyo lui laissa le temps d’encaisser ce moment, qu’il avait lui-même vécu tant de fois depuis le début de sa carrière, ne connaissant que trop le goût amer de l’échec.

Il lui tendit finalement la main pour l’aider à se relever. Tokri refusa l’offre et s’appuya sur son genou moins fatigué, affichant un sourire amer.

— J’en avais fait autant face à un étudiant.

— Je n’en doute pas, lui assura sincèrement Sarouh. C’était un beau combat.

— C’est cela, marmonna l’Utak.

Le Genin aux cheveux de jais enfonça ses mains dans les poches, l’air sombre, et se traîna vers ses alliés, ignorant les remarques inquiètes des deux kunoichis et l’air taquin du rouquin. L’Utak l’intéressait beaucoup, s’admit le Tsumyo en son for intérieur, bien qu’il ignorait encore pourquoi.

Sarouh avait besoin de repos et décida qu’il n’y avait nul besoin d’informer les autres membres de son équipe de ses frasques. La partie officieuse de la mission avait avancé et cela ne devrait interférer en rien avec la surveillance à venir. Il quitta la ruelle sans jeter un œil aux Chikarates, rêvant déjà de la fin d’une mission qui s’annonçait bien longue.

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Honteux et furieux envers lui-même, Tokri passa en silence devant ses camarades sans même les regarder, d’un pas boiteux. Emplis de compassion, leurs regards ne parvenaient qu'à le brûler un peu plus. Devant la mine déconfite de l’Utak, Izul et Nika firent de leur mieux pour lui remonter le moral. Leur optimisme lui donna du baume au cœur, mais rien n’y faisait. Bien plus grave que sa fierté brisée, un grand nombre de villageois avait assisté à la victoire écrasante de Sarouh Tsumyo, offrant un point pour les Gensouards.

Enfouis au fond des poches de son pantalon, ses poings étaient crispés de frustration, chaque échec s’entassant douloureusement dans sa poitrine. Ses pensées devenaient une boucle tortueuse en son esprit, litanie de reproches incessants.

Durant leurs entraînements, Mutika et lui faisaient bien souvent jeu égal, l’avantage tournant de plus en plus fréquemment en faveur de l’Utak. Mais depuis sa rencontre avec Toshirô, son estime de lui-même n’avait cessé de se déliter.

Une sensation de vertige s’empara de lui alors qu’il imaginait le nombre de combattants infiniment supérieurs à sa maîtrise si frêle, alors qu’il se débattait tel un insecte dans la toile d’une multitude d’araignées.

Perdu dans le tumulte de ses pensées, Tokri suivait machinalement ses compagnons. Abattu, il ne s’aperçut même pas de l’attention que Gomaki lui porta instinctivement lorsqu’ils arrivèrent à l’auberge. Izul expliqua à leur sensei leur rencontre avec les Gensouards et l’affrontement qui en avait découlé.

Tout en écoutant la kunoichi d’azur, le Juunin fixa longuement l’Utak, qui évita le regard de son professeur, honteux. Gomaki pria ses compagnons de s’installer dans les chambres qu’il leur avait réservées peu avant leur arrivée. Les trois jeunes gens obéirent, laissant Tokri seul avec leur mentor.

Sans un mot, il se leva et lui fit signe de le suivre, d’un geste lent mais ferme, comme pour lui montrer qu’aucune discussion n’était nécessaire. Malgré les regards interrogateurs que lui jeta Tokri, Gomaki garda le silence durant le trajet. Le Juunin stoppa sa route non loin d’un arbre imposant.

— Je pense savoir ce dont tu as besoin, affirma t-il sereinement.

Soudainement, il se munit d’un kunai et, fendant l’air en un sifflement, le projeta pour transpercer l’écorce en un mouvement précis et assuré.

— Il s'agit de l'une des techniques les plus courantes du Fuutonien, lui expliqua le Myô.

Impatient d'ajouter cette capacité à son arsenal, l'Utak avait d'ors et déjà sorti un kunai.

— Il faut que tu saches que ton Chakra prend les fonctions de ton affinité selon la visualisation mentale que tu en fais, expliqua le professeur en souriant face à l’empressement de son élève. En général, un ninja passe d'un Chakra dit pur à son élément sans même s'en rendre. Tout dépend de ce qu'il compte en faire.

Face à Tokri, Gomaki leva un projectile au niveau de son visage, duquel se dégagea un Chakra blanc. Sans même regarder sa cible, il projeta l’arme à une vitesse qui coupa le souffle de l'Utak et transperça à nouveau l'arbre.

— La base devrait vite te venir, affirma Gomaki avec confiance. La grande différence avec ton Chikara Sen’puu réside dans le fait que tu dois extérioriser ton Chakra autour de ton arme.

Le Genin ferma les yeux et procéda à la fusion de ses énergies, provoquant en lui des sensations de chaleur et de froideur qui se mêlérent en une fraîche tiédeur. Tokri en fut agréablement surpris, son Chakra n’ayant été auparavant qu’un contact glacial. Un changement se produisait-il en lui ?

Il caressa la lame du bout des doigts, le contact réveillant un frisson qu’il réprima d’un souffle.

— Imagine que tu es en train de l'aiguiser par ton énergie, lui conseilla Gomaki en un murmure.

Lorsqu'il ouvrit les yeux, il envoya sans ménagement son arme se planter dans l'arbre. Ne constatant aucune différence avec un lancer normal, le Genin souffla d’exaspération. Contrairement à son sensei, Tokri n’avait même pas été capable de matérialiser son Chakra à l'œil nu.

— Tu as déjà acquis la procédure, le rassura Gomaki en posant une main sur l’épaule de Tokri. L'application n'est qu'une question de pratique et de maîtrise.

Le Juunin retira sa main et s'alluma une cigarette. L’odeur de la cigarette de Gomaki se mêla à celle de la mousse humide recouvrant les arbres alentour.

— Pour ce que ça vaut, je suis pleinement satisfait de vos progrès, lui confia le Myô après avoir expiré une première bouffée. Mutika et toi aviez tous deux un cran de retard que vous avez su combler en très peu de temps.

— Ca ne m'empêche pas d'enchaîner les défaites, maugréa Tokri envers lui-même.

— Comme nous tous, soupira Gomaki en faisant filer un second trait de fumée.

Gomaki lui tapota l'épaule, avant de le laisser seul à son entraînement en lui donnant un dernier conseil :

— Ce Sarouh a plusieurs années d'expérience de terrain, inutile de te comparer à lui.

Suivant la philosophie de son mentor, Tokri tenta de se concentrer sans penser au fossé le séparant du Gensouard. Lorsque l'après-midi toucha à sa fin, plusieurs arbres étaient criblés de projectiles. Après examen, l'Utak constata qu'il commençait à les planter au-delà de ce que sa force lui permettait naturellement.

Après une courte session de méditation pour restaurer un minimum ses réserves de Chakra, il rentra à l'auberge le cœur plus léger que lorsqu'il l'avait quitté. Tokri croisa Gomaki, sirotant un verre au comptoir. Avant de monter à sa chambre, il lui adressa un sourire de remerciement auquel le Myô répondit d’un hochement de tête satisfait. Ayant retenu la leçon du jour, l'Utak s'endormit en se jurant de faire de chaque défaite une nouvelle force.

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Ending : https://www.youtube.com/watch?v=TqFkv1ib1FU


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