Le temps d'un mariage

Chapitre 2 : Premier chapitre

Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:21

Premier chapitre

 

 

 

 

 

Jamais, ça n'allait fonctionner, songea Sakura, déprimée. Jamais personne ne croirait que l'escorte qu'elle avait embauchée était vraiment son fiancé. Mais, au fond, qu'est-ce que ça pouvait lui faire ? Si elle avait eu le choix, elle ne serait même pas allée à ce mariage. Jusque-là, sa mère n'avait pas réussi à trouver le bon compagnon, et elle doutait que ce fût le cas cette fois-ci. Elle n'arrivait pas à l'imaginer, elle, si folâtre, turbulante et parfois inconvenante, au milieu des membres de la famille de Math tels qu'elle les lui avait décrits dans ses courriels : il lui semblait qu'elle ne pourrait être que malheureuse parmi eux.

Ce mariage ne durerait pas cinq minutes...

Qu'elle idiote elle faisait ! Comment avait-elle pu se laisser persuader de jouer le rôle de la fille modèle, parfaitement heureuse en amour, devant ces gens pour qui elle éprouvait déjà une certaine antipathie ? Comme toujours avec sa mère, il avait sans doute été plus facile de céder que de discuter.

Le seul sujet sur lequel elle n'avait jamais fléchi dans sa résolution, c'était son refus de se marier. Jamais, s'était-elle promis, elle ne tomberais dans ce piège. Jamais elle ne serait amoureuse.

- Mais voyons, ma chérie, comment peut-tu dire ça ? s'était exclamée sa mère quand Sakura lui avait fait part de sa décision. Tout le monde a envie d'être amoureux de quelqu'un. C'est dans la nature humaine.

- Et que se passe-t-il le jour ou je sens que mon amour pour ce quelqu'un s'est dissipé, ou que lui ne m'aime plus ?

- Facile, tu en trouves un autre.

- Et donc je divorce, et je me remarie, encore et encore, chaque fois que ça ne va plus... Non merci, maman.

Et pourtant, ne cherchait-elle pas l'âme soeur, elle aussi, cet être unique à qui elle pourrait s'offrir sans retenue, devant qui toutes barrières qu'elle avait élevées pour se protéger de la douleur d'aimer pourraient tomber ? Un homme assez fort pour croire à leur amour et démolir tous ses doutes, assez noble pour mériter son respect, assez humble pour lui révéler sa propre vulnérabilité. Et bien sûr, il fallait aussi qu'il soit charmant, beau à tomber et plein d'humour. Vraiment rien d'exceptionnel, songea Sakura avec ironie. Ce genre d'homme courait les rues ! D'ailleurs, pourquoi ne le demandait-elle pas au Père Noël, cette année ?

"" Reprends-toi "", s'ordonna-t-elle durement. Son "" fiancé "", qui n'était certainement pas son âme soeur, allait arriver d'un instant à l'autre. Elle n'était pas tranquille. Elle avait envoyé un courriel à cet homme pour lui expliquer exactement en quoi sa tâche allait consister : tenir de façon convaincante le rôle de son fiancé, en public, et seulement en public. Hina avait beau eu lui répéter qu'engager une escorte était une solution très raisonnable et tout à fait respectable, elle n'était pas encore convaincue.

Elle avait pu, sans difficulté, prendre congé pour le mariage, car elle n'était pas partie en vacances pendant l'été. Elle pensa aux jeunes banquiers stagiaires qui travaillaient sous ses ordres, à leur irréductible tendance à la grivoiserie. Comment réagiraient-ils s'ils savaient ce qu'elle s'apprêtait à faire ?

Entourées d'autant de jeunes hommes, beaucoup de femmes, à sa place, auraient eu l'agréable sensation de se trouver dans une confiserie avec le droit de tout goûter. Mais Sakura, elle, en présence de ses stagiaires, ne pensait jamais à autre chose qu'à les materner.

Elle tressaillit en entendant sonner la porte.

Enjambant sa valise, Sakura se dirigea vers la porte et l'ouvrit d'un mouvement qu'elle voulait souple et plein d'assurance. Mais rien ne l'avait préparée à la vague de désir qui déferla alors en elle. Paralysée, la main crispée sur la poignée de la porte entrouverte, elle observa l'homme qui se tenait devant elle.

Il n'était pas seulement beau, se dit-elle en déglutissant péniblement, sous le choc. Il était... Il était... En un éclair, un chatouillement léger et sensuel, semblable à celui de milliers de petites plumes, parcourut tout son corps. Elle dut fermer les yeux et compter jusqu'à cinq cent avant d'oser les rouvrir. Il émanait de cet homme une sorte de menace sensuelle incroyablement excitante. Sakura était fascinée. Cheveux noirs, très grands, carré d'épaules, et d'oté d'iris noirs glacier et pénétrant avec de longs cils noirs, il la fixait d'un air à la fois impatient et nonchalant, et ne semblait pas le moins du monde ému pas sa présence.

- Sakura Haruno ? demanda-t-il un peu sèchement.

- Non... Enfin oui, mais, euh... Tout le monde m'appelle Saku.

Bon sang, qu'allait-il penser d'elle ? Elle se comportait comme une adolescente, pas comme une femme presque trente ans à la tête de tout un service dans l'un des millieux professionnels les plus masculins qui soient !

- Sasuke Uchiwa, dit l'homme.

- Sasuke ? répéta Sakura après une hésitation. Mais, dans vos courriels, vous...

- Sai est mon deuxième prénom, l'informa-t-il d'une voix calme. Je l'utilise pour ma correspondance électronique.

Ce qui n'était pas tout à fait faux, songea Sasuke : il se servait vraiment de son deuxième prénom, qui était Susake et non pas Sai, associé au nom de jeune fille de sa mère, Oushi, pour signer ses articles.

- On ferait bien d'y aller, dit-il. Le chauffeur n'avait pas l'air ravi de devoir attendre en double file. C'est votre seul bagage ?

- Oui, mais je vais m'en occuper, merci.

Sans lui prêter attention, il attrapa la valise et la souleva comme si elle ne pesait rien.

- Vous avez tout ce qu'il vous faut ? lui demanda-t-il. Passeport, billets, clés, argent...

Sakura sentit ses joues se mettre à chauffer, en proie à un mélange de confusion, de désir physique d'une puissance phénoménale et de surprise incrédule. Pourquoi ne ressentait-elle aucune irritation à le voir tout prendre en charge ? Pourquoi avait-elle l'impression bizarre de reproduire le comportement de sa mère, pourquoi diable perdait-elle tous ses moyens devant cet étranger ?

Etait-ce l'approche de Noël, la résurgence d'images chargées d'émotions, installées chacun de nous par le grand dieu de la publicité : familles heureuses assises au coin du feu dans l'immenses salons croulant sous les décorations, ou batailles de boules de neige entre amoureux, interrompues par des étreintes passionnées qui donnent l'occasion de remarquer, brillant au doigt de la jeune femme, le diamant d'une bague de fiançailles...

Mais au-delà des pièges tendus par la société de consommation, la raison pour laquelle les gens aiment tant Noël, c'est qu'ils gardent tous, au fond de leur coeur, l'espoir enfantin de trouver sous l'arbre, au réveil, le cadeau de leurs rêves. Et ce cadeau, chez les adultes, correspond sûrement à l'amour, donné et reçu librement, sans réserve et sans retenue : un cadeau partagé, qui ravit les deux amants et suspend le temps, le fige dans un moment de grâce, tandis que, sans qu'ils s'en doutent, les désaccords, les regrets, la destruction les guettent, prêts à fondre sur leur bonheur.

Sakura était bien placée pour le savoir. Alors, comment pouvait-elle être assez bête pour espérer malgré tout que, cette année, Noël lui apporterait enfin ce qu'elle attendait ? Allons, inutile de rêver : cet homme n'était rien d'autre que son employé, et à imaginer qu'il ait vraiment été son fiancé, jamais elle ne l'aurait laissé se comporter avec autant d'arrogance, alors qu'il n'avait même pas pris la peine de l'embrasser...

L'embrasser ?

Sakura s'immibilisa et regarda Sasuke, le coeur battant à tout rompre.

- Quelque chose ne va pas ?

Ses yeux noirs ne laissaient rien deviner, se dit Sakura.

- Non, tout va très bien, assura-t-elle en lui adressant son sourire le plus professionnel, avant de passer la porte en hâte.

- Clés ? demanda Sasuke.

Cette femme n'avait pas besoin d'escorte, mais de quelqu'un pour tout faire à sa place, songea-t-il, perplexe, en la regardant fouiller fiévreusement dans son sac à la recherche de son trousseau, puis introduire tant bien que mal la clé dans la serrure. Heureusement, en fin du compte, que ce n'était pas Sai qui l'accompagnait : à eux deux, ils auraient forcément oublié quelque chose.

Il se posait tout de même une question : pourquoi Sakura avait-elle ressenti le besoin d'engager une escorte ? Avec ce visage et ce corps, elle ne devait pourtant pas manquer de prétendants plus disposés à lui rendre ce service... D'ordinaire, il aimait plutôt les femmes grandes, minces et sophistiquées, les femmes fatales à la française, qui déployaient une stratégie de séduction digne des grands maîtres des échecs. Mais celle-ci, avec son mètre soixante-cinq, ses cheveux roses et soyeux, ses yeux verts émeraudes, ses douces lèvres roses et ses formes délicieuses, l'attirait de façon irrésistible.

Son frère, beaucoup trop impressionnable, n'aurait jamais réussi à garder ses distances. Non pas, bien sûr, qu'il éprouvât lui-même de la difficulté à le faire... Et de toute façon, il n'était là que pour essayer d'obtenir de Math Alvarez les informations dont il avait besoin : il n'allait pas prendre le risque de tout compromettre en cédant aux charmes de cette Sakura.

Bon Dieu, que lui arrivait-il ? se demanda Sakura avec angoisse. Elle avait vingt-huit ans, elle était mûre, responsable, sensée, et elle ne se comportait jamais ainsi avec les hommes. Il est vrai qu'ils ne lui faisaient jamais autant d'effet que celui-ci... Mais c'était la situation, et non pas lui, personnellement, qui était à l'origine de cette étrange réaction. Avec un peu de gêne, elle repensa à la vague de chaleur soudaine et délicieusement érotique qui l'avait inondé quelques instants plus tôt. Elle en gardait une sorte de fourmillement, qui s'intensifiait chaque fois qu'elle s'approchait un peu trop de Sasuke. C'était comme si elle ne pouvait s'en empêcher : il l'attirait comme un aimant.

Elle leva les yeux vers le ciel gris de décembre et fit la grimace. Il s'était mis à pleuvoir et le bitume du trottoir était mouillé... Et donc dangereusement glissant pour qui avait le malheur de porter des escarpins à semelles de cuir, comprit-elle en perdant soudain l'équilibre.

Sasuke la retint juste à temps. Elle sentit la force de sa poigne à travers le tissu de son manteau et du pull léger qu'elle portait en dessous. Elle sentit aussi sa chaleur... Et elle eut brusquement du mal à respirer. Qui aurait cru qu'un subtil parfum d'eau de Cologne, si subtil qu'elle devait sans cesse se retenir de se pencher vers Sasuke pour mieux le humer, puisse l'étourdir à ce point ?

Sakura leva la tête pour le remercier. Il avait le visage baissé vers elle. Ellr cligna des paupières et ne put s'empêcher de regarder son nez, sa bouche... Elle avait elle même les lèvres si sèches, tout à coup, qu'elle fut tentée de les humidifier du bout de la langue.

- Je n'ai pas toute la journée, hein...

La voix impatiente du chauffeur ramena Sakura à la réalité. Elle remercia Sasuke et monta dans le taxi, dont il lui avait ouvert la portière. Il s'installa côté d'elle.

Sai n'aurait jamais su comment réagir face à cette femme, se dit Sasuke comme le taxi démarrait. Bon sang, la façon dont elle venait de regarder sa bouche avait déclenché en lui le genre de réaction physique qu'il n'avait pas connu depuis l'adolescence. Une fois assis dans l'ombre opportune de la voiture, il ajusta discrètement sa veste de façon à dissimuler le haut de son pantalon, et la manifestation trop concrète de son excitation.

- Vous devriez me confier votre passeport et les billets, suggéra-t-il. Après tout, je suis votre escorte.

- Mon fiancé, corrigea Sakura.

- Votre... Pardon ?

- Vous avez reçu mon courriel, n'est-ce pas ? Celui dans lequel je vous expliquait la situation, et le rôle vous devriez jouer ?

Sasuke remarqua tout à coup qu'elle portait un solitaire au majeur de la main gauche.

- J'avais compris que vous m'engagiez comme escorte, répliqua-t-il froidement. S'il y a du changement...

Sakura n'aimait pas ce qu'elle lisait dans ses yeux, ce cynisme qui n'impliquait ni respect, ni affection pour elle. Mais elle ne perdit pas son sang-froid.

- J'ai besoin que vous vous fassiez passer pour mon fiancé, expliqua-t-elle. C'est la raison même pour laquelle nous partons ensemble à Konoha.

- Vraiment ? Je croyais que nous y allions pour assister à un mariage.

Il avait décidé de se montrer contrariant.

- Nous y allons, en effet, pour assister à un mariage, répliqua-t-elle. Le mariage de ma mère. Le problème, c'est que, pour une raison qui m'échappe, elle a cru nécessaire de raconter à son futur époux que j'avais un fiancé. Résultat, bien sûr, il nous a invités tous les deux à la cérémonie, mon fiancé fantôme et moi, et ma mère a l'impression qu'elle est perdue si je ne viens pas accompagnée.

- Je vois, lâcha Sasuke.

Il ne s'était pas trompé, la situation n'était pas nette.

- Et c'est tout ce que vous me disiez dans ce courriel, ou est-ce qu'il contenait d'autres informations essentielles ?

- Aucune, dit Sakura en relevant le menton. Ma mère connaît la vérité et, naturellement, je lui ai demandé de nous donner des chambres séparées.

- Naturellement ? Vous trouvez naturel qu'un homme et une femme fassent chambre à part lorsqu'ils sont fiancés ?

Sakura songea que s'ils avaient vraiment été ensemble, Sasuke n'aurait sans doute jamais accepté de dormir loin d'elle. Aussitôt, des images d'un érotisme troublant envahirent son esprit et la forcèrent à détourner le regard.

- Ce que nous faisons en privé ne regarde que nous, répondit-elle très vite en se sentant rougir.

- Je vous dépose à quel terminal ? demanda le chauffeur.

- Nous prenons un avion privé, dit Sakura en tentant de se ressaisir. Nous devons aller...

Elle fouilla nerveusement dans son sac et en sortit les billets, qu'elle faillit lâcher quand Sasuke les lui prit des mains et que leurs doigts se touchèrent. Elle se comportait comme une parfaite idiote, se réprimanda-t-elle tandis que Sasuke se penchait vers le chauffeur pour lui indiquer leur destination.

Elle n'allait jamais y arriver. Il ne correspondait pas du tout à l'idée qu'elle se faisait d'une escorte : elle avait pensé qu'il serait plus jeune, un peu dans le genre de ses stagiaires, et ne s'était pas douté une seconde qu'il dégagerait autant de sensualité. Comment diable allait-elle le convaincre qui que ce soit, les filles de Math en particulier, que cet homme était son fiancé alors qu'ils dormaient dans des chambres séparées ? Ce n'était tout simplement pas le style de Sasuke de se plier à ce genre de règles, et aucune femme normalement constituée ne pouvait choisir de dormir loin de lui. Sakura se raccrochait à l'espoir de faire passer cette décision pour un signe de respect vis-à-vis de leur hôte, très attaché à la morale.

- Nous y sommes, annonça Sasuke comme le taxi s'arrêtait. Dès que nous serons à bord, vous pourrez tout m'expliquer.

Tout lui expliquer ? Elle venait de le faire...

Mais elle n'eut pas le loisir de protester : il s'était déjà détourné pour payer le chauffeur.

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