La guerre magique n'aura pas lieu

Chapitre 1 : La guerre magique n’aura pas lieu.

Chapitre final

4885 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 6 jours

Cette fanfiction participe en deuxième chance au défi « Le crossover improbable » (janvier-février 2022) du site Fanfiction.fr

 

 

Au mont Ida, trois déesses

Se querellaient dans un bois :

Quelle est, disaient ces princesses,

La plus belle de nous trois ?

Evohé, que ces déesses

Pour enjôler les garçons

Evohé, que ces déesses

Ont de drôles de façons.

 

La Belle Hélène

(Opéra-bouffe - composée par Jacques Offenbach en 1864)



 

Au sommet du plus imposant gratte-ciel d'une métropole de renommée internationale nichait la société « Olympe ». Cette entreprise, loin de toute activité de production ou de commerce tangible, se consacrait principalement aux opérations boursières, avec quelques incursions dans les domaines de banque et d'assurance. De plus, bien que jamais ouvertement admis, elle s'adonnait à de discrètes opérations de blanchiment de capitaux.

 

À la direction de cette organisation siégeait un individu au tempérament despotique, fruste et irascible, dont les accès de colère, auxquels il succombait avec une fréquence alarmante, paraissaient presque se manifester par des éclairs tangibles. Les collaborateurs, faisant allusion à ces traits de caractère - que certains n'hésiteraient pas à qualifier de vices - le surnommaient Zeus en catimini. Par voie de conséquence, sa vice-présidente et conjointe se vit attribuer le sobriquet d'Héra.

 

La secrétaire de direction, une jeune femme d'une beauté saisissante, n'échappa pas à ce jeu de surnoms. Des rumeurs malveillantes insinuaient que sa seule fonction était d'agrémenter le bureau du patron, étant donné son incompétence notoire, même pour des tâches aussi simples que la préparation de café. Ainsi, le nom d'Aphrodite lui fut naturellement attribué.

 

Le service de sécurité fut dirigé, de manière peu conventionnelle, par une femme, ce qui faisait l'objet de murmures feutrés parmi les employés. On chuchotait qu'elle provenait soit des services secrets, soit de l'armée, mais qu'elle en aurait été évincée en raison de sa rigueur excessive, voire de son sadisme envers ses subordonnés. C'était ainsi que la dénomination d'Athéna, empreint d'un respect teinté de crainte, lui fut donné et resta associé à sa personne.

 

Nul ne pouvait plus se rappeler les vrais noms de tous ces personnages, pour tout le monde ils étaient désormais : Zeus, Héra, Aphrodite et Athéna. Et c'était fort bien vu !

 

Les trois Mégères, ainsi que Zeus les désignait parfois avec une affection teintée d'ironie, entretenaient une tension permanente de « guerre froide », qui dégénérait fréquemment en véritables hostilités. En ces jours tumultueux, seuls les plus audacieux osaient s'aventurer dans l'antre de la direction. Lorsque les éclats de voix retentissaient, mêlant des références « Troie », « Pâris », « La pomme » et, de façon inexplicable, puisque cette personne n'était nullement employée par le consortium Olympe, « La belle Hélène », il était préférable pour l'entourage de chercher refuge ailleurs, là où l'atmosphère serait plus clémente.

 

***

 

En ce jour fatidique, qui marque le commencement de notre récit, la guerre froide se muait en affrontement ouvert entre les belles protagonistes. Héra, d'ordinaire la plus posée des trois Grâces, poussait des cris d'une intensité surprenante. Sa chevelure, comme animée d'une vie propre, ondulait autour de son visage empourpré par la fureur, lui conférant une ressemblance saisissante avec Méduse la Gorgone.

 

-       Toi, l'aguicheuse qui ne sais que tortiller de cul, tu avais pipé les dés ! Aucun homme n'est capable de te résister, il lui suffit de regarder tes fesses, tes seins et en dernier ton minois, mais en général deux premiers suffisent, pour te donner tout ce que tu désires ! Et ce naïf berger Pâris t'avait offert la pomme sans réfléchir, ou plutôt en laissant parler une partie de son anatomie peu adaptée à la réflexion !

 

Athena manifesta son assentiment aux propos de sa consœur en plantant avec véhémence la lance qu'elle avait fait surgir de l'éther dans le parquet du bureau de la Direction. On pouvait s'estimer heureux que ce ne fût point le AK-47, sa nouvelle arme de prédilection.

 

-      Tu es une manipulatrice ! siffla-t-elle d'un ton venimeux. La chute de la splendide cité de Troie, désormais vaincue et anéantie, prouve que tu n'étais point la plus belle. Et c'est par ta faute que ce désastre s'est produit !

 

La colère déforma les traits, par ailleurs fort séduisants, de l'Aphrodite en un masque effroyable, digne d'une harpie. Elle emplit ses poumons d'air et vociféra avec l'intensité d'une sirène de pompiers :

-      Je suis la plus belle d'entre nous trois ! Et vous n'êtes que de viles envieuses ! Je n'avais ni triché, ni aguiché, et j'avais offert à Pâris une juste récompense pour son intégrité. Est-ce ma faute s'il s'est montré trop faible ou trop sot pour la conserver ? De plus, la Belle Hélène n'était qu'un prétexte, Troie était trop opulente et trop bien située ! Allez-vous me tenir responsable de l'avidité des hommes ? Vous n'êtes que des mégères et des menteuses !

 

Elle conclut sa harangue passionnée en se précipitant sur Héra pour lui crépir le chignon, au sens littéral du terme. En représailles, Héra tenta de lui crever les yeux, n'y parvint guère et se contenta de mettre en lambeaux le tailleur Dior hors de prix de son adversaire. Athéna ne demeura pas impassible et se jeta tête baissée au cœur de la mêlée tonitruante formée par les deux corps entrelacés qui se battaient au sol telles des chiffonnières ou des clochardes, nombreuses dans les rues de la Cité.

 

Zeus contempla un instant cette bacchanale en silence, mais constatant que la situation dépassait les limites acceptables et percevant l'édifice osciller subtilement sous la pression des courroux divins, se dressa, frappa du pied sur le sol, puis du poing sur la table. Les éclairs jaillirent, l'enveloppant d'une aura surnaturelle. Qu'était donc advenu du dirigeant moderne d'une grande entreprise ? Face aux - osons le terme - femmes, se dressait le dieu suprême de l'Olympe, qui tonna en faisant voler en éclats les baies vitrées, pourtant conçues en verre à l'épreuve des balles :

 

-      Vous me fichez une migraine, réellement divine ! Si vous ne vous calmez pas le treizième mois et la participation aux bénéfices vous ne les verrez pas plus, que vos oreilles sans miroir et ce pour le restant de vos jours, et cela risque d'être long...Très long...Interminable…Éternel !

 

Les dames, nullement impressionnées par l’ire divine à laquelle elles étaient accoutumées de longue date, mirent néanmoins fin au tumulte. Peut-être était-ce par compassion envers la migraine sacrée, ou bien par crainte de perdre leurs avantages.

 

Elles se redressèrent avec grâce, ajustèrent leurs coiffures et lissèrent leurs tenues, sur lesquelles les accrocs et les taches s'évanouirent comme par enchantement, ou peut-être même par intervention céleste. Elles ravivèrent leur maquillage et prirent place au bureau, rivant sur leur supérieur des regards emplis d'attention et de dévouement, qu’on aurait presque pu croire sincère. Ce dernier exhala un soupir de contentement face au calme et à la quiétude retrouvés, puis s'exprima d'un ton presque affable :

-      Je suis exténué par vos querelles, qui entravent le bon déroulement des affaires et occasionnent des dommages particulièrement coûteux.

 

D'un geste ample, il désigna les baies vitrées fracassées, les débris de verre et les sièges renversés qui jonchaient le tapis oriental d'une valeur pour le moins extravagante. Ce faisant, il fit preuve d'une perte de mémoire sélective, omettant de mentionner que la majeure partie des dégâts était son œuvre.

 

-      Je constate, par ailleurs, que le jugement de Pâris ne satisfait plus les deux tiers de cette noble, osons le dire, divine assemblée. Peut-être une élection de Miss Cité, puis Miss Univers…

-      Non ! s'exclamèrent les belles antagonistes dans une communauté d'opinion inattendue et quelque peu surprenante.

-      Dans ce cas, je propose de désigner un autre arbitre ! Vous l'élirez selon les critères qui vous conviennent ! Et vous vous engagerez à accepter sa décision, quelle qu'elle puisse être ! ajouta-t-il en levant l'index.

 

Puis il mit en marche l'ordinateur, lança un logiciel au nom simple, néanmoins assez évocateur, « La population », et déclara :

-      Brainstorming !

 

 Athéna et Héra s'exclamèrent d'une seule voix :

-      Ce ne saurait être un homme ! Il suffirait à cette séductrice au regard bovin de battre des cils pour que l'histoire se répète.

Suivi, à un millième de seconde d'intervalle, de :

-      Ce ne saurait être une femme ! Toutes des jalouses… des envieuses…

Et toutes les trois, telles un chœur antique :

-      Et surtout pas un dieu ou une déesse !

 

Zeus leva les yeux au plafond, faute de pouvoir les lever au ciel, l'atmosphère se remplit d'ozone, les mini-éclairs, pour l'instant assez timides, coururent dans sa chevelure et il chuchota :

-      Pas un homme, pas une femme, pas une divinité...Voilà qui “simplifie” singulièrement la tâche ! Qui alors ?

Sa voix monta en crescendo passant d'un murmure à un ton qui, sans atteindre la vocifération, s'en approchait dangereusement. Il se mit alors à marteler frénétiquement les touches de l'ordinateur. L'appareil, bien qu’habitué à ce traitement, mais pas vraiment prévu, pour un tel déchaînement, émit d'abord un crépitement, puis une légère fumée, voulut rendre l'âme, mais, pour ne pas s'attirer les foudres de colère divine, se ravisa et continua de fonctionner.

 

-      Un enfant, précisa Héra, car de la bouche d'un enfant jaillit la vérité !

 

« Pas trop jeune ! », « Pas trop âgé ! », s'exclamèrent simultanément les deux autres protagonistes.

 

Leur patron compta jusqu'à dix pour se maîtriser et ne pas consumer, dans son emportement, le reste du mobilier de la pièce. Il siffla entre ses dents :

-      Des précisions ?

-      Pas moins de sept ans, l'âge de la raison, déclara Aphrodite.

-      Pas plus de treize ans, car au-delà, ils deviennent d'insupportables adolescents. Exception faite de ceux qui fréquentent les écoles militaires ou les maisons de correction, renchérit Athéna.

 

Et cette déclaration fut suivie par un concert des voix : « Ni elfe, ni gnome ! Pas de centaure, encore moins de sirène ! »

Aphrodite porta le coup de grâce à la patience de Zeus en ajoutant :

-      Et certainement pas un humain non plus !

 

Un éclair traversa la pièce et vint se ficher dans le parquet en chêne du bureau, le carbonisant instantanément. Zeus, bouillonnant de colère, sans grand espoir intégra rageusement les données complémentaires dans la fonction de recherche du programme. Une minute plus tard il contempla avec l’incrédulité l'écran, où s'affichait le résultat des exigences énoncées, puis déclara :

-      Il ne nous reste donc que des chamans et des sorciers ! Ils ne sont pas totalement humains, enfin le programme de mon fidèle assistant cybernétique l’affirme.

Zeus caressa délicatement l'unité centrale de l'ordinateur, murmurant à peine audible "Merci, l'ami". En réponse, la machine émit un doux ronronnement empreint de compassion.

 

-      Chaman ? Fi ! s'exclama Aphrodite, toutes ces danses sauvages et ces fumigations, quelle vulgarité !

-      Tous ces sacrifices d'animaux innocents, renchérit Héra avec indignation.

-      Ce ne sont que des junkies, leur place est dans le bataillon disciplinaire, ajouta Athéna d'un ton péremptoire.

Zeus effleura presque tendrement les touches du clavier et conclut :

-      Dans ce cas, optons pour un sorcier ou une sorcière !

-      Un enfant sorcier, rappela Héra.

 

Zeus entra promptement la nouvelle variable dans le programme et annonça :

-      Cinquante mille enfants sorciers dans le monde dans cette tranche d'âge. Poursuivons...

 

...Cœur noble et vaillant !

...Puissance magique considérable !

...Probité !

 

Les suggestions fusaient de toutes parts, Zeus pianotait frénétiquement sur le clavier, l'ordinateur émettait des sons étranglés et envisageait de plus en plus sérieusement de se mettre hors service...

 

-      Cent cinquante, annonça Zeus en lisant le résultat, c'est encore trop...

-      Un vrai combattant à mon image, proposa Athéna après réflexion.

-      Il respecte les valeurs familiales, comme moi, prononça Héra.

-      De beaux yeux verts et des cheveux bruns, tout comme moi, minauda Aphrodite en battant des cils.

-      Parfait ! Il n'en reste qu'un ! (1)

 

Zeus repoussa le clavier d'ordinateur, qui sembla soupirer de soulagement, et annonça triomphalement :

-      Harry James Potter - 4, Privet Drive, Little Whinging, Surrey, Angleterre.

 

***

 

En ce trois juillet 1993, Harry Potter, petit magicien de presque, mais pas tout à fait treize ans, marchait dans une ruelle peu fréquentée de Little Whinging. Son humeur était des plus radieuses : les Dursley l'avaient chargé de faire quelques emplettes, Pétunia manquant de sucre et de farine pour confectionner le gâteau dominical. Dudley dormait encore et ne risquait pas de l'embêter, tandis que l'oncle Vernon, retranché derrière son journal, ne prêtait aucune attention à son neveu détesté. De plus, Miss Figg lui avait offert une belle pomme rouge, qui rien qu'à la voir semblait succulente. Si seulement cette vieille fille sentimentale s'était abstenue de lui ébouriffer les cheveux et de l'appeler « pauvre orphelin »...

 

Harry tenait fermement dans sa main gauche les pièces de monnaie et la liste succincte des courses, Pétunia n'accordant guère de crédit à sa mémoire. De sa main droite, il lançait et rattrapait avec dextérité une pomme, tout en fredonnant l'air entendu ce matin-là à la radio réglée, seul Merlin savait pourquoi, sur la station française Nostalgie. Les paroles étaient naturellement en français, langue dont il n'avait qu'une connaissance des plus rudimentaires, voire moindre encore, mais suffisante néanmoins pour saisir qu'il s'agissait d'une chanson évoquant les trois déesses.

 

Harry n'était pas seulement un petit sorcier, mais également un gamin aimant la lecture. Il convient de préciser que cette passion était née de la nécessité. À l'école primaire, il se réfugiait souvent dans la bibliothèque afin d’échapper à son cousin Dudley et sa bande pour qui cet antre du savoir demeurait un territoire inexploré, voire proscrit. Afin de justifier sa présence dans ce sanctuaire de la connaissance, il s'emparait invariablement d'un bouquin. Un jour, il découvrit les mythes de la Grèce Antique et l'Iliade, et, ainsi, le récit tragique du Jugement de Pâris et le destin funeste de Troie lui devinrent suffisamment familiers pour établir un parallèle avec les couplets entendus le matin même. La mélodie, particulièrement entêtante, tourbillonnait dans son esprit tel un poisson dans son bocal, manifestement résolue à ne pas le quitter.

 

Potter pour échapper à cette ritournelle obsédante finit par claironner :

 

-      Evohé, que ces déesses ont de drôles de façons. (2)

 

Trois événements survinrent quasi simultanément et semblèrent faire suite à ces paroles : un grondement de tonnerre résonna, puis un éclair majestueux fendit le ciel dépourvu de nuages, et trois femmes se matérialisèrent dans la ruelle, lui bloquant efficacement le passage.

 

Harry cligna des yeux, se demandant si son exclamation n'avait pas, par quelque prodige, fait apparaître les déesses de l'Olympe. Néanmoins, en les examinant plus attentivement, il conclut que ces dames, bien que d'une grande beauté, n'avaient guère de ressemblance avec les divinités antiques. De surcroît, lui-même n'était pas encore un magicien suffisamment puissant pour les faire venir par le simple pouvoir de sa voix. Non, il ne pouvait raisonnablement envisager des déités déambulant dans les rues de Little Whinging en plein jour, d'autant plus que l'une d'entre les nouvelles venues arborait un treillis de camouflage et tenait fermement dans sa main droite un objet évoquant de façon troublante une mitraillette.

 

Les trois beautés posèrent sur Harry leurs regards perçants, arborant des sourires qui n'étaient pas sans rappeler ceux de piranhas. Elles s'exclamèrent à l'unisson, créant une cacophonie à peine intelligible :

 

« Harry ! L'Élu ! La Pomme... Comme il lui ressemble… Quel freluquet… Il est mignon… » 

 

-      Que me voulez-vous ? balbutia Harry, reculant prudemment de quelques pas. Il envisageait, sans honte aucune, la fuite, face à leurs expressions manifestement carnassières.

-      Tu ne nous reconnais pas ? susurra la beauté brune en ajustant délicatement sa coiffure.

-      Tu es sot, mal éduqué et inculte ! maugréa la soldate. L'armée, rien que l'armée, ils te remettront promptement les idées en place…

-      Qui sont tes parents et n'éprouvent-ils pas de la honte à te laisser sortir si mal accoutré, mon pauvre enfant ? renchérit la ravissante blonde en ébouriffant, la chevelure déjà malmenée par Miss Figg, de Harry.

-      Mais enfin, qui êtes-vous ? s'exclama Harry, acculé contre les poubelles débordantes en ce samedi matin, dans l'attente du passage des éboueurs le lundi.

-      Peu importe, grommela la militaire. Tu nous observes, tu sélectionnes la plus séduisante, tu lui offres la pomme, et ciao !

 

Harry pressa la pomme contre sa poitrine, son esprit tournant à vive allure. Il soupesait ses options : dévorer immédiatement le fruit, l'offrir à ces cinglées qui semblaient vouloir rejouer la scène du jugement de Pâris, ou bien tenter une évasion, peut-être même se téléporter - après tout, n'était-il pas un magicien ? Néanmoins la panique commençait à l’envahir.

 

-      Ne crains rien, prononça celle qui avait décoiffé Harry et qui, pour lui, incarnait le plus l'image maternelle. Je suis Héra, la déesse du mariage et de la famille. Celle qui s'agrippe à son Kalach comme à une bouée de sauvetage, c'est Athéna, et celle qui darde sur toi ses yeux globuleux de poisson mort c'est Aphrodite.

 

« Je n'ai pas des yeux globuleux ! », « Ce n'est pas un Kalach, mais un Kalachnikov AK-47 », s'écrièrent les deux autres protagonistes en même temps. Suivi de peu par : « Vous êtes dingues » de la part de Harry.

 

Potter, se remémorant l'adage selon lequel il est préférable de ne point contredire les fous, ajouta mentalement à cette maxime qu'il convenait d'autant plus de s'y conformer lorsque lesdits fous - en l'occurrence, des folles - étaient au nombre de trois, nettement plus robustes que lui, et que l'une d'entre elles brandissait un « Ka-Ka 47 ». Il s'exprima alors d'une voix calme, comme s’il s'adressait à un animal effrayé :

-      Alors vous êtes des Déesses et vous attendez de ma part l’arbitrage sur votre beauté ? Je crains de ne pas être un expert...De plus je crois me rappeler qu'à votre juge précédent, Pâris, vous avez offert quelques bonus pour le motiver...

-      Ah ! Tu veux une motivation ? Qu'en dirais-tu d'une semaine au mitard ? Est-ce suffisant pour t’inspirer ? grinça des dents celle qui se faisait appeler Athéna.

-      Du calme, dit d'une voix apaisante Héra, le petit a raison...

 

Elle ébouriffa encore les cheveux de Harry, l'agaçant profondément par ce geste. Puis, tel une vieille tante, elle lui pinça la joue en souriant et poursuivit :

-      Si tu me choisis, jeune sorcier, je te promets mariage et grande famille.

 

Aphrodite battit des cils, prit une pose séduisante et minauda :

-      Élis-moi, l'Élu, et la plus belle femme du monde t'appartiendra !

-      Mais voilà que cette catin écervelée récidive ! s'exclama Athéna, sortant, et ce littéralement, ses griffes.

Sous les yeux ébahis de Harry, la main gauche de cette - disons - jeune femme se métamorphosa en une patte de rapace dotée de redoutables serres.

Puis, Athéna, fit un effort remarquable et même prodigieux compte tenu de son tempérament volcanique, pour se calmer, rentra les griffes et en prenant une profonde inspiration déclara:

-      Si c'est moi que tu fais gagner, gamin, je te rendrai victorieux dans la guerre magique dont les Moires ont déjà tissé la trame !

Harry les observa tour à tour avant de prendre la parole. Ses lèvres semblaient animées d'une volonté propre, et il eut l'impression qu'une entité plus sage et plus mûre s'exprimait à travers lui :

-      Votre générosité me touche profondément, et je vous en suis infiniment reconnaissant. Cependant : Héra, je n'aspire pas à une famille nombreuse, mais plutôt à un foyer uni et chaleureux. Aphrodite, je ne recherche pas la femme la plus belle aux yeux du monde, mais celle qui sera la plus resplendissante rien qu’à mes yeux. Athéna, je ne souhaite pas triompher dans une guerre, car la guerre la plus victorieuse est celle qui n'a jamais eu lieu.

 

Héra frappa dans ses mains et déclara avec solennité :

-      Qu'il en soit ainsi !

Puis elle lui ébouriffa les cheveux – « Encore », songea Harry avec résignation - avant d'ajouter :

-      Bravo, tu fais preuve d'une sagesse qui dépasse ton apparence juvénile, notre choix d'arbitre s'est avéré fort judicieux. Alors, à qui offriras-tu la pomme, jeune magicien ?

 

Harry se sentit profondément flatté, car jamais auparavant on ne l'avait qualifié de « sage ». Il aurait ardemment souhaité que le professeur Rogue fût témoin de cet instant ; nul doute qu'il en aurait avalé le Choixpeau de dépit. Ainsi, Potter résolut de persévérer dans cette voie de bon sens, bien qu'il perçût que la présence adulte et raisonnable qui s'était exprimée à travers lui semblait s'être évanouie. Un sourire espiègle se dessina sur ses lèvres tandis qu'il extrayait de sa poche un petit canif pliant. Avec dextérité, il découpa la pomme en trois parts égales qu'il offrit à la ronde, déclarant :

-      Vous êtes toutes très, très belles. Différentes, mais merveilleuses, chacune à sa manière ! Je vous offre volontiers cette pomme, bien qu'elle fût destinée à mon petit-déjeuner…

 

L'atmosphère se troubla soudainement, ondoyant comme sous l'effet d'une chaleur intense. L'air vibra d'une énergie mystique qui faisait vaciller les contours de la réalité. Harry, les yeux écarquillés et le souffle coupé, assista à une métamorphose saisissante dans l'apparence des « excentriques ».

 

Soudain se dressèrent devant lui trois véritables déesses.

 

Aphrodite, la sublime, vêtue d'une tunique diaphane qui semblait tissée de rayons de lune et d'écume marine.

 

À ses côtés se tenait Athéna, la glorieuse, drapée dans une armure étincelante. Sa lance, tenue fermement dans sa main droite, irradiait une lueur bleutée qui pulsait au rythme d'un cœur invisible.

 

Enfin, Héra, la majestueuse, se dressait avec une prestance royale, parée d'atours dignes d'une reine antique. Un sourire bienveillant illuminait son visage d'une beauté mature et sereine, dégageant une aura de chaleur maternelle.

 

***

Harry battit des paupières et, lorsqu'il rouvrit les yeux, la ruelle était déserte.

« Voilà que je m'endors en marchant maintenant, c'est bien la première fois que cela m'arrive. Et pourquoi donc suis-je accolé aux poubelles, au lieu de faire les courses ? »

Il fit un pas en avant et manqua de s'étaler par terre. Baissant les yeux pour identifier l'obstacle qui avait failli le faire chuter, il aperçut un petit panier contenant trois magnifiques pommes rouges. Une carte de visite était fixée à l'anse.

 

Il saisit machinalement la corbeille et en détacha la carte sur laquelle était inscrit : Consortium Olympe, suivi d'une adresse et d'un numéro de téléphone. Il la retourna et lut : « Cher Mister Potter, vos talents diplomatiques nous ont vivement impressionnés. Nous vous convions à prendre contact avec nous une fois vos études achevées. Un poste au sein de notre société vous est d'ores et déjà réservé. P.S. En témoignage de la gratitude pour ma quiétude retrouvée, veuillez accepter ces fruits et ne vous privez plus des petits-déjeuners. Président-Directeur Général, Z. Eus. »

 

 

 

Épilogue

 

 

Dans un ailleurs inconcevable, au-delà des frontières de la réalité tangible, les Moires, obéissant aux ordres d'Athéna, dénouent lentement la trame quasi achevée, défaisant brin par brin le destin peu enviable qui menaçait d'engloutir le monde magique dans les ténèbres. Le fuseau tourne à l’envers, réécrivant l'avenir...

 

…Harry se frotte le front, constatant avec stupéfaction l'absence de sa cicatrice en forme d'éclair, si familière à ses doigts.

 

…Dans les profondeurs d'un coffre-fort de Gringotts, une coupe d'une grande beauté exhale une fumée sombre avant de se liquéfier, ne laissant qu'une mince flaque dorée.

 

…Au cœur d'une sinistre masure, une bague massive explose soudainement, sa pierre ornementale se fendant en deux.

 

…Dans la demeure ancestrale des Black, l'elfe de maison Kreattur verse des larmes de joie en contemplant le médaillon orné d'un S se briser net.

 

…Au milieu de la mystérieuse Salle sur Demande de Poudlard, un diadème se tord violemment avant de choir du buste qu'il paraît, se métamorphosant en un cerceau déformé et inutile.

 

…Dans les tréfonds d'une forêt dense, un serpent colossal s'assoupit, inconscient du changement brutal qui l’affecte. Ses songes ne sont plus emplis de meurtres et des rêves de pouvoir, mais des lapins bien dodus.

 

…Quelque part dans l'éther, l'âme rebelle de celui qui se faisait appeler Voldemort pousse un cri lugubre avant de rejoindre l'Au-delà.

 

La guerre magique n'aura pas lieu. (3)

 

FIN

 

 

Notes :

 

  1. Il n'en reste qu'un ! - Périphrase d’une citation de film Highlander : A la fin, il n'en restera qu'un.
  2. Evohé, que ces déesses ont de drôles de façons. - Strophe tirée de l’Opéra-bouffe La Belle Hélène composée par Jacques Offenbach en 1864.
  3. La guerre magique n'aura pas lieu - Périphrase du titre de la pièce de Jean Giraudoux La guerre de Troie n'aura pas lieu jouée pour la première fois en 1935.

 

 

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