La flèche du destin
Le souffle infini du vent s’engouffrait entre les arbres. Le soleil transformait les feuilles en éclats d’or, comme si des joyaux étaient suspendus aux feuillus, alors que les dernières bribes de l’été luttaient pour ne pas être englouties. Des oiseaux voletaient ça et là, émettant des pépiements aigus. Des arbres aux troncs couverts de lierre laissaient flotter leur longue chevelure, et un tapis mordoré recouvrait le sol glacé, où pierres, morceaux d’écorce et pives crissaient sous les pas. Aux yeux d’Artémis, la nature valait plus que toutes les richesses de l’Olympe. Aucun artiste mortel n’aurait pu en égaler une telle beauté. Et… aussi froide et humide que fût la forêt, c’était son foyer.
Quand elle parvint à sa grotte, elle fut submergée par la joie de ses chasseresses, puis assaillie de questions. Ce n’est que lorsqu’elle se retrouva seule qu’elle remarqua que quelque chose lui manquait : le médaillon d’Actéon. Ses pensées volèrent à travers le temps, jusqu’au moment où elle avait pris un bain dans les appartements d’Aphrodite, ôtant le pendentif en même temps que sa tunique.
Elle eut l’impression d’être foudroyée de l’intérieur, comme durant le procès – la douleur en moins. Le symbole sur le pendentif ! Elle l’avait vu sur plusieurs vases et objets décoratifs chez Aphrodite ! Ce qui signifiait… qu’Actéon avait été lié à la déesse de l’amour, ce que Héra devait ignorer. Aphrodite avait ainsi profité de la quête chez Danaé pour récupérer le médaillon et effacer toute preuve, ne voulant pas subir le courroux de l’épouse de Zeus.
Comme quoi, le pouvoir pouvait prendre bien des formes, sous un voile de dissimulation. Toutes les femmes n’étaient finalement pas si impuissantes, même si elles ne semblaient pas en rébellion ouverte…
Puis Artémis se souvint d’un autre détail. Les yeux de Zeus, couleur orage. Un rire qui ressemblait à un aboiement lui déchira la gorge, tandis qu’elle comprenait enfin qui était le chat, et pourquoi il l’avait conduite jusqu’au lac. Son père lui avait tendu un piège, dans lequel elle s’était jetée avec enthousiasme. Tout cela pour se venger de sa femme en orchestrant la mort de son protégé Actéon. Décidément, la sagesse d’Athéna serait bien utile aux hommes tels que lui…