Qui succède à Zeus ?

Dans les appartements d'Éris, loin de l'Olympe.

Éris téléphone à Deimos, Phobos et à l'une des Kères. Elle exige qu'ils viennent immédiatement chez elle. Ils arrivent cinq minutes après son appel. Ils sont accueillis au salon de la Déesse. Et du nectar est bien sûr servi dans quatre verres.

Éris prend la parole une fois que tous ses invités sont assis sur des fauteuils en face d'elle.

Elle dit : – Vous saviez que vous venez ici pour discuter de choses sérieuses...

Tous hochent de la tête.

Éris poursuit : – … Et vous saviez que nous devons convaincre Arès d'établir une dictature militaire...

La déesse sourit à cette pensée. Elle continue son discours : – Pour ce faire, je propose soit de le piéger comme les Aloades l'ont déjà fait, soit d'exercer du chantage sur lui.

Deimos lève la main droite et dit : – À mon avis, il est possible d'exercer du chantage sur Arès : il suffit de lui rappeler les carnages dont il est responsable et de le convaincre de continuer à collaborer à l'augmentation du royaume d'Hadès. Ce dernier peut même lui offrir sa femme, puisqu'il ne faut pas oublier qu'Arès avait, dans sa jeunesse, un faible pour Perséphone.

Phobos intervient : – Frère, es-tu sûr de la réussite d'un tel chantage sans qu'Aphrodite ne s'en aperçoive ?

Deimos : – Oui, pourquoi pas.

Éris intervient : – C'est précisément pour ce point qu'a lieu la réunion d'aujourd'hui... Est-ce que quelqu'un à quelque chose de pertinent à proposer ?

Après dix minutes de silence lourd, la Kère prend la parole : – À mon avis, le meilleur moyen, c'est de le piéger puis d'exercer le chantage par l'entremise de Perséphone, qui pourrait alors très bien s'approcher de lui...

Éris : – Bonne idée ! Êtes-vous tous d'accord ?

Tous les acolytes hochent de la tête. Contents, ils vident leur verre de nectar d'un trait. Puis ils se quittent.

Pendant ce temps-là, appartements de Zeus et Héra.

Les vieux dirigeants font une tarte meringuée aux pommes d'or. Héra semble inquiète. Son époux le sait par son air pensif; il la questionne du regard. Elle lui répond : « Il me semble que plusieurs Olympiens et Divinités inférieures trament quelque chose... Sans doute un mauvais coup pour nos fils... » Zeus enlace tendrement son épouse par la taille; elle se blottit contre lui. Elle murmure : « Sans doute Éris qui ne pardonne pas à notre bru Aphrodite d'avoir remportée la pomme d'or pour la plus belle... » Et la Reine se ressaisit et embrasse chastement son époux sur les joues; il lui rend ses bisous.

Pendant ce temps-là, dans les appartements d'Arès et d'Aphrodite.

Arès est allongé sur l'un des canapés au salon; il se repose d'un entraînement militaire matinal (il essaie quand même de se comporter comme un mortel, pour les fois où il va sur la Terre). Il regarde avec plaisir son épouse dans la cuisine. La Déesse de la beauté prépare des pierogis (farcis à l'ambroisie, bien sûr). Lorsque les pierogis se cuisent au four, elle s'assied sur un canapé face à son époux. Arès se lève et s'assied à ses côtés. La coquine est vêtue d'une robe moulante laissant voir ses formes féminines... Ce n'est pas son mari qui lui résiste... Et il soulève Aphrodite et l'amène dans leur chambre. La porte de leur chambre fermée, laissons-les bien profiter de leur présence mutuelle. Ils sont interrompus par le son du minuteur qui indique que le temps de cuisson des pierogis est terminé. Ils s'habillent en vitesse, courent en vitesse vers la cuisine, sortent les pierogis du four et les laissent un peu refroidir sur un grillage avant de manger. Et le couple s'attable quinze minutes plus tard, leur verre de nectar devant eux.

Pendant ce temps-là, dans les appartements d'Athéna et d'Héphaïstos.

Athéna est assise sur un fauteuil, occupée à un projet de tricot. Son époux la regarde discrètement. Pour le midi : des vareniki à l'ambroisie. Accompagnés de la crème sûre, les vareniki ont meilleur goût !

Le soir, tout l'Olympe dort, à l'exception de Zeus... d'Hadès et Perséphone. Le couple des Enfers commencent leur journée. Il exige une rencontre avec Hécate, afin de savoir qui est le successeur du vieux couple dirigeant. La Déesse lance plusieurs dés et osselets : aucune conclusion possible. Elle se concentre et appelle Nyx à l'aide. Et les deux sombres déesses pratiquent d'autres méthodes divinatoires. Elles parviennent à conclure que les successeurs de Zeus et Héra sont... Arès et Aphrodite.

Le couple infernal remercie leurs collaboratrices et celles-ci se retirent de la salle des trônes. Dans les Enfers, il y a un palais d'obsidienne et une salle des trônes où siègent Hadès et Perséphone, pour montrer aux âmes et aux démons qui sont les maîtres dans ce lugubre royaume. Les deux divinités réfléchissent à un plan occulte pour affaiblir Arès (en lui prenant sa force comme il le fait dans Hercule avec le Héros, sauf qu'il sera beaucoup plus prudent) et l'obliger à travailler pour eux. Bref, faire de lui leur espion sur l'Olympe... Hadès pense pour cela bénéficier de la précieuse collaboration de Deimos, Phobos et Érichthonios (qui sont très près de lui et de son épouse).

Le Roi des Enfers se demande comme dans ce même dessin animé mentionné « Comment on tue un dieu ? »

Perséphone répond : « En le rendant mortel ! »

– Mais comment on rend un dieu mortel ?

– En l'éloignant de la source d'immortalité, loin du nectar et de l'ambroisie.

– Mais comment faire ?

– En le retenant sur Terre...

Deux jours plus tard, Deimos et Phobos, en tant qu'écuyers d'Arès, lui affirment vouloir discuter de quelque chose d'important et lui donnent rendez-vous à une adresse sur la Terre. Le Dieu, se doutant bien d'un piège, feint d'avoir oublié le rendez-vous. Il pense : « Ses écuyers ne sont que des misérables vers de terre qui se croient très malins... Franchement, on ne laisse pas avoir deux fois au même piège ! » Inutile de dire la déception de Deimos, de Phobos, d'Éris, de Perséphone et de la Kère. Ils se réunissent quelques jours plus tard pour fomenter un autre complot, informés que leur victime est le successeur de Zeus.

Deimos et Phobos tentent de parler de tout et de rien avec Arès alors qu'il dirige son armée d'hommes (il est quand même le Général en chef de l'armée grecque), mais ils échouent dans leurs tentatives. Après une journée sur Terre, le Dieu de la guerre revient pour le souper sur l'Olympe. Un jour, alors qu'il devait rester un peu plus longtemps que prévu, Hadès se matérialise et lui propose un pacte, lui rappelant qu'il augmente généreusement son Royaume. Arès lui réplique qu'il a passé cette phase-là; avec la compagnie d'Athéna comme conseillère, il a appris avec le temps, à développer certaines tactiques militaires. Le Dieu des Enfers lui propose une entente (et comme dans Hercule, il n'a pas le temps d'entrer dans les détails) : il lui donne sa force en échange de pouvoirs pour mieux effrayer ses ennemis sans trop d'efforts. Arès, méfiant, refuse son offre.

Dans les appartements de Dionysos et d'Ariane.

A moitié allongé sur un divan, Dionysos sirote son verre de vin. Il réfléchit à un plan pour arriver au pouvoir. Il relit pour une énième fois les Hymnes orphiques puis laisse reposer le livre (on imagine une édition de 1950 publiée chez Les Belles Lettres) sur la table basse devant lui. Il dit : « Ma chère Ariane, qu'est-ce que je peux faire à ton avis ? Les enivrer ? »

Ariane, d'une voix douce : « À moins de séduire Héra ? »

– Je pourrais essayer... Mais à condition d'être certain de réussir. Que je revienne à mon idée d'enivrer Héphaïstos et Arès... Si j'ai bien réussi une fois (pour ramener l'aîné sur l'Olympe), je peux bien réussir une autre fois ! Et ils ne douteront de rien si je glisse de la vodka dans leurs verres de nectar, non ?

– Je suis d'accord avec ton idée...

– Alors, ma chérie, buvons un verre à notre santé !

Et Dionysos se lève de son divan et cherche une bouteille de vin et un verre pour sa femme. Il lui verse un fond de verre, et un verre plein pour lui-même.

Quelques semaines après, alors qu'Arès revient d'un entraînement militaire sur Terre, Dionysos arrive au-devant de lui, lui tendant un verre de nectar mélangé avec de la vodka, qu'il fait passer, bien sûr, pour un verre de nectar pur. Il ne faut pas oublier que les Dieux savent si le breuvage immortel est corrompu ou non. Ayant cette intuition, Arès refuse le verre; il préfère que sa femme le serve. De même lorsque Dionysos remet un verre de nectar et de vodka à Héphaïstos deux semaines plus tard. Les deux frères ne sont pas dupes; l'aîné pense : « S'il m'a eu une fois, je ne tombera pas dans le même piège une seconde fois... J'apprends de mes erreurs ! » Dionysos essaie par la suite deux autres fois, mais à chaque fois, un refus. Arès le foudroie même du regard. Le dieu du vin revient chez lui, déçu; il en informe son épouse.

Sous la Mer Égée, dans le palais sous-marin de Poséidon et d'Amphitrite.

Poséidon et son épouse sont assis sur leurs trônes de coquillages. Poséidon réfléchit : « En réalité, le seul moyen pour arriver au pouvoir, c'est d'être l'amant d'Héra... Par ailleurs, c'est vrai qu'elle est mignonne... Mais comment la séduire ? » Il songe alors à tous les moyens de séduction possibles, car il veut être certain de son plan... Ainsi, il peut se vanter de réussir là où Ixion à échouer, car, entre dieux, il est impossible de se tromper avec des fausses apparences.

Le Dieu des eaux essaie alors, aux cours des prochains mois, des petits jeux subtils de séduction... Inutile de préciser la réaction d'Héra et de Zeus, qui sont simplement choqués de son audace. Mais le couple a toujours un moyen pour sauver l'honneur de la Reine : envoyer devant le prétendant une copie parfaite d'Héra en nuages et de bronze (comme avec Ixion), pour paraître aussi vivante que la Déesse sur l'Olympe (car le corps des Dieux est d'une nature différente que celui des hommes). En plus de commander à Hébé de verser spécialement pour Poséidon un peu de vodka dans son verre. Le prétendant, trop occupé à séduire Héra, ne remarque pas que son nectar est corrompu. De ce fait, il ne remarque pas non plus la Héra en nuages. Poséidon, trompé par cette image, pense qu'il a réussi à être l'amant de la Reine (et ainsi devenir le Roi). D'ailleurs, il la connaît alors que Zeus est occupé avec la météo. Après, Héra se pointe devant la porte, faisant en sorte que Poséidon tombe nez à nez avec la Déesse. Étonné, il la regarde. Elle rit et s'exclame : « Tu oublies que je sais ce qu'est la fidélité ! » Avant qu'il ne dise quoi que ce soit, Héra disparaît dans un flot de lumière et rapporte le fait à son mari. Déçu, Zeus décide de punir le prétendant en lui interdisant l'accès à l'Olympe pour les prochains deux millénaires. Penaud, Poséidon lui jette un regard noir et revient dans son monde sous-marin. Il informe Amphitrite de l'insuccès de son plan.

Plusieurs mois après ces atteintes contre ses fils et contre la fidélité de sa femme, Zeus est intrigué de savoir lequel de ses deux fils est son légitime successeur. Il sort sa balance en or, celle-là même qui a pesé le destin d'Hector et d'Achille lors de la Guerre de Troie, il y a maintenant des millénaires...

« La balance du Destin a ramassé beaucoup de poussière depuis sa dernière utilisation », pense le Dieu, « Voilà l'occasion de la dépoussiérer... » D'un geste sûr de la main droite, il ôte la poussière qui s'est accumulée. Puis, il inscrit « Héphaïstos » et « Arès » sur deux feuilles de papier lignée. Il dépose une feuille sur un plateau, l'autre sur l'autre plateau... Zeus pense : « Qui est mon successeur ? » Puis il fixe attentivement la balance. Et la balance du Destin penche pour...