Butterfly Reflect
Chapitre 7 : Chap 5 : Ouverture
22326 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour il y a plus d’un an
— With your hand, you kept the real world outside…I hear you, and you hear me, throught the songs…fredonna Elliot tout en comptant sur ses doigts. Hm. Ça, ouai. Ça aussi. Ok. J’ai tout. Tout. Bon...souffla t-il ensuite en cochant des cases imaginaires dans les airs.
Puis, alors qu’il avançait en laissant machinalement ses jambes le porter, Elliot s’arrêta soudainement, surprenant la personne qui marchait derrière lui. Elle manqua de peu de lui rentrer dedans.
— Quoi. Tu veux ma photo, lui dit Elliot lorsque celle-ci passa devant lui en soufflant et en lui jetant un regard désapprobateur.
Elliot n'y prêta pas attention. Planté au milieu du couloir, il était occupé à sélectionner une musique, sans se soucier des autres passants dont il gênait le passage. Chanson trouvée, il se remit en marche, en marquant son pas du rythme de la musique et en claquant des doigts.
En le croisant, quelques personnes interloquées se demandèrent si l'hurluberlu qu’ils voyaient fredonner en dansant avait toute sa tête.
Sick with it - Moderat
https://www.youtube.com/watch?v=DKA68SSkb9c
— Come and see my perfect mediacenter, all my money, all my time I've spent on it.. All specialized, all reinvented, state of the art to enter the internet…I can hear my demons howling, into the cyberspace they're calling…Login the pass, pandora's box is open…chantait Elliot (sans se soucier du volume de sa voix) en arrivant sur son quai.
Il marcha jusqu’à son extrémité, une cigarette déjà au bec. Le cou tendu, il scruta les lieux. Parfait, aucun agent en vue. Bien que ce soit formellement interdit, Elliot alluma sa cigarette. Il la fuma en chanson, tout en faisant des aller-retour sur le marquage en bordure de quai, façon funambule.
— It makes you feel like ice cold winter, in this labyrinth of filth and sin. Some things are sweet and some even sweeter…Link by link the ice is getting thin. On my deadly journey right to the center, this dragging twister taking me under, I'm willing to survive, can't surrender, to the call of this phony splender…Waa-ha-ha-ha-ha-ha-ha-ha…!
— Maman, il a quoi le monsieur là- bas ? Demanda une fillette en croisant la route d’Elliot.
— Ne le regarde pas chérie…répondit la mère en se pressant pour s'éloigner le plus loin possible de ce qu’elle imaginait être un toxicomane complètement perché.
Par ici, il n’était pas rare d’en voir. Malheureusement, il était devenu banal de croiser la route d’âmes en peine, malades, SDF, sinon les deux.
Justement, un SDF se présenta à Elliot juste avant qu’il ne monte dans le train, lui réclamant une cigarette. Pas de bonjour, et pas de s’il vous plaît.
— Nan, lui répondit Elliot en haussant les épaules.
— Radin ! P’tit con va ! le houspilla le SDF en postillonnant.
—J’temmerde, répliqua Elliot en lui adressant un doigt d’honneur.
Pluie de salive évitée, heureusement. Elliot sauta à bord de son train. Les portes de la rame se refermèrent sur le SDF qui s'égosillait en gesticulant. Spectacle amusant deux minutes, mais dont Elliot se désintéressa complètement ensuite. Train en marche, il s’installa à l'écart des autres usagers au fond de la rame. Pourvu qu’on le laisse en paix, et surtout qu’on ne lui réclame rien.
Enfin, la seule chose qu’on aurait pu lui réclamer, c’était le silence.
— My head, my feet, my brain…Driving me insane. My blood, my lungs, my veins…Are burning up in flames…Call from a distance…Voices of bliss…Voice from a distance…Calling my name…Calling my name…Calling my name…Calling my name…Ha, repeat.
Heureusement pour les quelques passagers non équipés d'écouteurs, Elliot arrêta la sa prestation. La chanson, relancée, encore et encore, fut chantée muettement.
Il ferma les yeux, sans véritablement s’endormir, bien qu’il aurait largement eu le temps de faire une sieste. Sa destination ? Le bout de la ligne.
C’était long, un temps parfois mis à profit pour faire (bâcler) ses devoirs, bouquiner, ou griffonner sur un petit carnet. C’est cette dernière activité qu’Elliot décida de faire à la moitié du trajet. Il s’empara de l'objet, un format poche, avec une couverture et un lacet en cuir bien usé. Un peu comme Rei, Elliot y couchait ce qui lui passait par la tête, des pensées, des idées, griffonnées dans des pages au hasard, sans aucune application. S’y mêlait des notes prises à la volée, des mémos, donnant au tout un aspect particulièrement désordonné et brouillon. Un capharnaüm de mots dans lequel Elliot arrivait tout de même à se retrouver. “Un bordel organisé” comme il l’appelait, et qu’il était bien le seul à pouvoir comprendre et déchiffrer. A l’exception de ce graffiti, qu’il tenta de redessiner plusieurs fois. Forme vaguement reproduite, Elliot retourna le carnet dans tous les sens. Aucun ne fut trouvé à ce gribouillis. Peut-être n’y en avait-il simplement pas. Elliot exprima son incompréhension avec ce qu’il appelait un “pet de bouche Français”.
Regard jeté en direction du fond de la rame par les usagers, persuadés d’avoir entendu une véritable flatulence. Heureusement pour eux, aucune odeur ni aucun bruit ne vinrent les déranger jusqu’à destination.
— Ha, souffla Elliot en fermant d’un geste sec son carnet.
Il sauta hors du train, et s'étira une fois atterrit à quai. Avant de prendre la route de chez lui, il fit un petit détour. Une petite course dans la supérette du coin. Arrivé devant, un jeune interpella Elliot, probablement un collégien venu de l’établissement avoisinant. Grandes étaient les chances pour qu’il demande à ce qu’on achète de l’alcool pour lui. Hors de question de rendre ce service. L’ignorance fut de mise.
Pourquoi ? Pour préserver la jeunesse ? Non. Elliot n’en avait juste absolument rien à faire. Il n’y avait rien à gagner en rendant ce service. Puis, bien qu’il ne soit pas particulièrement sensible au sujet de l’alcoolisme juvénile, pas sûr que l'encourager puisse assurer un bon karma. Alors non, non vraiment, aucune raison de s’occuper de ce gamin en peine d’alcool.
— Putain ! Enfoiré ! s’exclama ce dernier.
Elliot s’arrêta net. Ah, là, là il fallait s’occuper du gamin.
— Ha ? Il a dit quoi le puceron ? demanda-t-il.
Ecouteurs encore dans les oreilles, sa voix porta plus que d’ordinaire. De quoi impressionner le gamin.
— P-pardon m’sieur..j’vous p-parlais pas heu…
— Ha ? A qui ? A ton halulu ? dit Elliot en se tapotant la tempe du doigt.
Le gamin était-il déjà ivre ? En manque ? Probablement, il était secoué de petits spasmes.
— N-non j’parlais tout seul…Hum…Hé, dites, v-vous voudriez pas…
— Nan. Nan j’veux pas nan. Rentre chez ta mère et casse pas les couilles.
Le gamin ne moufeta plus. Remontrance terminée, Elliot pénétra dans la supérette. Un magasin sommaire, lamentablement entretenu et pourtant cher. Elliot claqua de la langue en regardant les prix. Comme toujours, ils frôlaient l'indécence. Le chiffre d'affaires du tenancier devait reposer en grande partie sur l'étourderie des gens, bien content de trouver ce commerce ouvert jusque très tard dans la nuit. Avantage désavantageux pour le portefeuille.
Elliot reçut la note en faisant un petit bruit de succion avec sa bouche. Poche soulagé d’un billet, il quitta la supérette. Dehors, le gamin alcoolique était toujours là, mais il n’était plus seul. Une fille ( sinon une espèce de coccinelle humaine d’après Elliot ) agitait le doigt sous son nez.
— Tu recommence plus ça hein ! s’exclama-t-elle.
— Hinhinhin…ricanna Elliot en passant devant ce petit houspillage.
Scène appréciée, il reprit la route. Elliot ne fit que quelques pas. Il marqua un arrêt sous un panneau indiquant l’heure. Il la retint, lança mentalement un décompte, puis d’un coup, il se mit à courir à toute jambe. Elliot emprunta des chemins dépourvus de réverbères, et remplis d’obstacles sur lesquels il fit du saut de haies. Bon exercice pour entrainer la vision dans le noir. Pas mal, mais risqué. Le presque nyctalope manqua de se casser la figure en sautant par-dessus une barrière sélective. Elliot se réceptionna maladroitement, et reprit aussitôt sa course. Elle le mena dans une modeste résidence composée de petits pavillons grisâtres, peu entretenus, tous identiques, pour la plupart inhabités. Elliot suivit la petite route labyrinthique qui sillonnait entre les maisons, et il s’arrêta net devant le numéro 45. Précipitamment, il fouilla sa poche pour trouver ses clefs, et une fois la porte déverrouillée, il se jeta dans le hall d’entrée. Haletant, il consulta une horloge, fixée sur le mur de droite du petit vestibule.
— Han ! Tout pile…? Haleta Elliot.
Porte verrouillée à double tour, il rangea ses clefs dans sa veste, et s’empara du courrier abandonnées dans le vide poche. Brièvement, il jeta un œil aux enveloppes. Sans les quitter des yeux, il ajusta un cadre dépourvu de verre pour l' aligner aux autres. Après quoi, il s’enfonça dans la maison, mais s'arrêta net dans le couloir. Les lieux étaient beaucoup trop calmes. Hormis le son de la télé en fond, la maison était totalement silencieuse.
— Chelou, commenta mentalement Elliot.
D’un pas lent, il avança en direction de l’entrée du salon, située sur sa droite.
Dans la pièce, aucun signe de vie, si ce n’est une cigarette abandonnée consumée toute seule, reposant dans un cendrier disposé sur la table basse du canapé. Elliot l'écrasa, puis il s’avança dans la véranda qui jouxtait la pièce. N’y trouvant personne non plus, il rejoignit la cuisine, juste en face du salon. Elliot tourna sur lui-même à trois-cent-soixante degrés pour balayer la pièce du regard, mais n'y trouva pas âme qui vive non plus. Pourtant quelqu’un avait bien laissé une trace de son passage, notamment en abandonnant négligemment la vaisselle dans l'évier.
— P’tain… ! Andreï… fulmina Elliot en attrapant du bout des doigts une cuillère à peine rincée.
Il la jeta dans l'évier en soufflant.
Au grand dam d’Elliot, son frère ne partageait pas la même vision de l'hygiène de vie que lui, chose qui était source de conflit au sein de la maison. Son entretien laissait à désirer chaque fois qu’Elliot s’absentait. Or, ce dernier mettait un point d’honneur à ce que toute chose soit propre et rangée dans les lieux. Une volonté d’ordre visiblement trop extrême, voire maladive aux yeux du frère dont le son de la voix se fit enfin entendre, venue du fond de la maison.
— Elliot ? Elliot ! appela Andreï.
Il pesta quand un bruit de klaxon se fit entendre.
— Quoi ! Ho. C’est quoi ce putain de bordel ?? s’exclama Elliot en abandonnant ses courses et le courrier sur la table de la cuisine.
— Ramène toi ! C'est maman, elle fait sa crise…
— Elle est où, dit Elliot en rejoignant son frère.
— Dans le garage.
— P'tain ! Et pourquoi il était ouvert le foutu garage ??
— C'est bon...j'ai zappé de le refermer en allant chercher une conserve...
— Tu fais chier, ragea Elliot en se rendant au garage, bousculant son frère au passage.
— C'est bon…Le volet est fermé. Elle a voulu se barrer d’un coup, et elle s'est excitée sur moi quand j'ai refusé de l'ouvrir.
— Elle a voulu se barrer ?? T’as fais quoi !? Il s’est passé quoi p’tain !
— M’engueule pas, c’est de ta faute ! T’as vu l’heure ? Elle a du vriller parce que t’es pas rentré comme d’hab c’est tout ! Du coup elle a voulu prendre la bagnole, et elle s’est enfermée dedans…J’arrive pas à la faire sortir.
— ‘Fallait lui dire que j’allais arriver ! C’est pourtant putain de pas compliqué p’tain ! Si le putain de téléphone sonne pas, c’est que j’arrive ! répliqua Elliot en se tapotant énergétiquement le front du bout des doigts. Et pourquoi, mais putain, pourquoi, la bagnole était ouverte ?? Ajouta-t-il en tendant le bras en direction du garage.
— Me regarde pas comme ça ! J’y suis pour rien ! Qu’est ce que tu veux que j’y touche à cette caisse ?? J’ai pas le permis ! C'est le père qui a dû laisser ça comme ça !
— Putain de…commença Elliot.
Nouveau bruit de klaxon.
Elliot se précipita dans le garage ou il trouva sa mère dans la voiture, pleurant à chaude larme, installée derrière le volant qu’elle tentait visiblement d’arracher.
— Je te laisse gérer, moi elle m’écoute pas, dit Andreï, las.
Il s’en retourna dans sa chambre, laissant son frère à la gestion du problème.
— Mama, ouvre, ordonna Elliot en tapant d’une phalange la vitre côté conducteur.
— Milyy !! s’exclama sa mère en le découvrant.
Elle plaqua les mains devant sa bouche, les yeux grand ouverts de stupéfaction. A croire qu’elle venait d’assister à l’apparition d’un fantôme.
— Mama, tu sors, insista Elliot sur un ton plus ferme.
On ne lui obéit pas. Sa mère se tassa sur elle-même, avec l’expression d’un enfant qu’on venait de gronder. Elliot leva les yeux au ciel. Il soupira.
— Allez, viens, dit-il avec plus de douceur.
Comme les enfants, sa mère se tortilla sur elle-même, les poings serrés sur sa robe de chambre. Puis enfin, d’un geste sec, elle releva le loquet de la portière. Ce n’est pas pour autant qu’elle était décidée à sortir du véhicule. L’air de rien, elle s’installa côté passager, et elle attendit sagement. Qu’attendait-elle ? Qu’Elliot prenne le volant ? Il n’aurait pas dit non à conduire cette belle voiture, mais encore aurait-il fallut qu’il sache comment faire. Puis de toute manière, les clés n’étaient pas ici. Il ne savait pas conduire, en revanche, il savait un peu cuisiner.
— Tu viens ? Je vais faire à manger, dit Elliot.
— Tu m'emmènes où Milly ? C’est une surprise ? demanda sa mère sur un ton très normal.
Bien, la crise semblait passer. Mais attention, il ne fallait pas baisser sa garde.
— Haa…hum. Ouai. Un super restau. Là bas, répondit Elliot en tendant le bras vers la porte du garage.
Il se pencha, un bras reposant sur le toit, l’autre dans l’habitacle, main tendue. Erreur, l’invitation provoqua une nouvelle crise.
— Non... Moi…moi j-j’veux voir t-ton père, balbutia la mère d’Elliot d’une voix aigüe.
Deux grosses larmes échappèrent à ses yeux couleur azur. Le front contre le toit, Elliot soupira.
— Il est parti Mama. Souviens-toi…dit Elliot en faisant un moulinet avec une main, encourageant sa mère à recouvrer la mémoire.
Moulinet façon canne à pêche également. Lentement, Elliot s’enfonça dans l'habitacle. Il attrapa le bras de sa mère, et doucement, la tira vers lui. Elle se laissa faire en sanglotant.
— Il…il m'a abandonnée…P-pourquoi il m’a abandonnée…
— Mais non. Il t’as pas abandonnée. Il est…
— Il m’a laissée seule ! Seule !!
— Souviens toi…Décembre…dit Elliot en aidant sa mère à se mettre debout.
— Non !! Je le déteste ! Qu’il soit mort ! Mort ! couina-t-elle.
Nouveau sanglot. La mère d’Elliot se nicha au creux de l’épaule d’Elliot. Soupir. Ce soir était un soir sans.
— Tu veux manger ? proposa Elliot.
— Non. Dormir…dormir…Milly, Milly…répondit sa mère en écrasant sa tête dans le cuir du perfecto.
Elliot n’insista pas plus. Il ne fallait pas dans ces moments-là. Il accompagna la malheureuse dans sa chambre et l’aida à se coucher.
— Milly ? Miilly ?? Où tu vas ?? s’inquiéta-t-elle.
— Je reviens.
Petit passage dans la cuisine. Elliot s'accroupit devant un placard, tout en fouillant sa veste. Trousseau trouvé, il ouvrit la porte du meuble, puis déverrouilla celle d’un petit coffre dissimulé à l'intérieur. Il poussa plusieurs boîtes de médicament pour en attraper une, celle d’un puissant somnifère. Elliot pressa une capsule, puis cachet en main, il ferma soigneusement le tout. Avec un grand verre d’eau, il retourna dans la chambre de sa mère.
— Mama, dit Elliot à voix basse en tendant le verre d’eau et le cachet à sa mère.
Mollement, elle lui fit signe de le glisser dans sa bouche.
— Tiens. Ho, doucement. Bois doucement.
— Tu restes un peu Milyy ? Je suis triste.
— Hm, acquiesça Elliot en s’asseyant au bord du lit.
— Dit Milyy…comment je m'appelle Milyy…dis mon nom…chuchota la mère d’Elliot, les paupières lourdes.
— Bonne nuit, Yéléna, répondit Elliot.
— Hmmm…gémit Yéléna.
— Ha. Lenochka…?
Yéléna hocha la tête, sourire aux lèvres.
Assuré qu'elle dormait à point fermé, Elliot se leva et entreprit de ramasser les vêtements qui traînaient dans la chambre, particulièrement désordonnée aujourd’hui. Il rangea avec soin les belles robes dans la penderie, et forma un tas avec le reste. Elliot le déposa devant la chambre. Il irait à la buanderie une fois la chambre remise en ordre. Il ramassa divers objets, et vérifia qu’ils n’avaient pas été cassés. De même pour un cadre, qu’on avait visiblement jeté au travers de la pièce. Pas de casse, lui non plus n’avait pas de verre. Dans la maison, aucun cadre n’en avait. Il en fallait des résistants, car on avait la fâcheuse tendance à les prendre pour des frisbee. Résistant, oui et non. Celui qu’avait Elliot entre les mains avait légèrement souffert de son vol plané. Rien de grave, avec une petite pression, l’image s’encastrerait de nouveau dans le cadre. Petite résistance au départ, mais réparation minute accomplie. Elliot le raccrocha au mur, droit. Il claqua de la langue quand il glissa légèrement sur la droite. Décidement, ce que sa mère était désordonnée. Son portrait lui souriait d’un air mystérieux, et dans ses yeux bleu, un brin de malice. L’azur de son regard perçait au travers des mèches de sa longue chevelure, agitées par le vent. Un blond presque blanc, pareil à celui Elliot. “Polaire” était son nom. A l’image du décor en fond, et de toute cette fourrure, ébouriffée par un vent fictif, gelé par la photographie. Figée, c’est aussi ainsi que se trouvait aujourd’hui la mère d’Elliot. La notion du temps lui échappait complètement. Tout lui échappait.
Dans sa tête, elle pouvait être ici et ailleurs à la fois, dans le passé, dans le présent, le futur peut être même , qui sait ? “La Yéléna du turfu” s’amusait à penser Elliot parfois. Oui, dans sa tête devait se jouer une espèce de science-fiction bizarre où il lui était donné de voyager dans le temps. D'après Elliot, c’était souvent dans le passé que sa mère voyageait. Un passé lointain, enfantin. Elle était alors une petite fille, une gamine qui réclamait qu’on s’occupe d’elle. Une Lenouchka réclamant sa maman. Plusieurs fois Elliot avait dû lui dire qu’elle était morte. Et chaque fois, c’était pareil. Éclat de rire, suivi d’un : “ Tu racontes n’importe quoi Milly. ” . La vérité d’Elliot avait donc été prise pour de l’humour noir. Inutile d’insister. Puis la mort n’était de toute façon pas un sujet bon pour ce qu’elle avait. Dans d’autres circonstances, que ce soit dans la vie, où dans la télé, l’évocation de la mort provoquait de grosses crises de larmes. Dans ces moments-là, Elliot lui, était en crise de soupir. A quoi bon avoir peur, redouter la mort alors qu’elle était fatidique, inévitable ? Cependant, on lui avait fait part de la potentielle source de cette thanatophobie : lui.
Un jour sans, à demi-mot, sa mère avait dit d’Elliot qu’il était un mort-né. Bien, bonne nouvelle. Voilà pourquoi aujourd’hui il ne la redoutait pas. Il l’avait semble-t-il déjà expérimenté. Sinon, peut-être avait-il seulement tardé à pousser son premier cri. Quoi qu’il en soit, l'absence de vie dans son corps de nourrisson, si courte fut-elle, avait dû marquer sa mère. Une marque qui aurait certainement été moindre si elle même n’était pas rendue au stade de nourisson. Du moins, celui d’une petite fille qui réclamait qu’on s’occupe d’elle. Le “ mode Lenouchka” comme le disait Elliot. Un mode à plusieurs degré qu’il fallait gérer, contrôler. Tant que possible, car avant tout, c’est la maladie qui contrôlait.
Parfois, elle se faisait discrète, oublier presque même. Puis d’autres fois, comme ce soir, elle rappelait son existence. Yéléna se trouvait alors soumise à des crises où la désorientation atteignait un pic, bouleversant plus encore sa notion de la réalité et du temps. Un désordre qui se reflétait alors dans sa chambre, voire dans la maison entière. C’est pourquoi Elliot tenait tout particulièrement à ce que chaque chose soit rangée, et reste à sa place. Pour lui, maintenir l’ordre dans la maison, c'était aussi tenir celui de l’esprit de sa mère, ainsi que celui de sa mémoire, malheureusement, tous deux considérablement détériorés. C’est d'ailleurs ce qu’il était conseillé de faire, d’après Andreï, qui à défaut de s’occuper des tâches ménagères, se chargeait du suivi médical de leur mère. Il l’accompagnait parfois à l'hôpital de jour pour prendre connaissance des préconisations des médecins. Des “déblaterations de putain de gus en blouse blanche” pour son frère qui lui, avait une manière bien à lui de soigner sa mère. De toute façon, enfant effrontée qu’elle pouvait être, elle ne répondait qu’à l’autorité d’Elliot qui participait grandement à maintenir son fragile équilibre mental. Bien qu’il suive scrupuleusement le traitement médicamenteux qu’on avait prescrit à sa mère, il avait aussi trouvé comment la “traiter” d’une autre manière, et ça avait fait ses preuves. Mis à part quelques épisodes “down” comme les appelaient Elliot, et quelques crises, globalement Yelena se maintenait plutôt bien, ou disons autant que faire se peut, au vu de son état malheureusement irréversible.
— Ça, ça se “répare” pas, souffla Elliot en attrapant son tas de linge.
Du pied, il ferma de moitié la porte de la chambre de sa mère, puis il se rendit dans la buanderie pour lancer une machine. Après quoi, il troqua son perfecto contre un tablier de cuisine. Elliot organisa son plan de travail sur lequel il déposa les ustensiles nécessaires à la préparation du repas. De la vaisselle, et des couteaux (préalablement sortis d’un tiroir fermé à clef), déposés dans l’ordre d’utilisation, le tout, parfaitement aligné. Un ordre également tenu dans le frigo, parfaitement rangé, à l’exception d’une assiette à moitié pleine, négligemment posée sur l’une des étagères. Elliot souffla en la découvrant. Il la retira brutalement du frigo dont il ferma la porte avec la même énergie. Assiette en main, il s’en alla d’un pas décidé dans la chambre d’Andreï, occupé à jouer sur sa console.
— Ho ! C’est trop te demander de ranger derrière toi dans la baraque ?! le sermonna Elliot à voix basse.
— C’est bon…soupira Andreï sans quitter son écran des yeux.
— J’me suis fait chier à tout remettre en ordre p'tain ! Essaye de pas vivre comme un porc et ramasse ta merde !
Andreï se décida enfin à décrocher de son écran.
— Ah, parce que j'ai rien ramassé p’tetre, rétorqua-t-il en regardant son frère, droit dans les yeux.
Elliot le fusilla du regard.
— Baisse le son. La mère pionce, dit-il sèchement.
— Oui, oui…soupira Andreï en s’équipant d’un casque.
— Tss…Branleur, fulmina Elliot entre ses dents.
En attendant, lui, il ne fallait pas qu’il se branle. Il avait du pain sur la planche.
Quand bien même cela nécessitait du temps, Elliot se lança dans la préparation d’un plat apprécié par sa mère. De la “confort food” comme Elliot aimait à le dire. Un des soins “ à sa sauce “, mis en place il y à longtemps déjà. Parfois, la mémoire gustative aidait à l'entretien de l’esprit, elle le remettait sur les rails pendant un temps, et la nourriture, la bonne nourriture, soignait le corps. Un esprit sain, dans un corps sain. Adage suivit pas Elliot, à quelques exceptions près.
Il profita du temps de cuisson pour se rouler un joint. Cigarette assaisonné de verdure prête, il traversa le salon, puis la véranda. Elliot s’appuya contre le cadre de la porte fenêtre et il alluma son joint.
— P’tain de porc…marmonna Elliot en fouillant du pied les feuilles mortes.
Elles s'amoncellaient sur la pelouse dont l'entretien laissait à désirer. Le jardinage, ce n’était le fort de personne ici. Elliot ramassa quelques mégots de cigarillo jetés par terre. Il les balança dans le cendrier, sur lequel il déposa son joint. Une odeur briochée indiquait qu’il était temps de retourner aux fourneaux.
Une fois le plat prêt, Elliot dîna seul sur la petite table de la cuisine, écouteurs branché à un petit magnétophone.
— Un “chouilla”...p’tain…marmonna-t-il en faisant la vaisselle.
Ordre et propreté retrouvée, Elliot réserva une portion de son plat dans un tupperware. Le boite fut rangée dans le frigo, empilée sous d’autres, classées dans l’ordre dans lequel il fallait les manger. Pas de gaspillage dans cette maison. En parlant de gaspillage, il ne fallait pas non plus gaspiller le temps. Elliot termina son joint, puis après avoir vérifié que tout était bien fermé dans la maison, il s’en alla en direction de sa chambre. Il y récupéra son ordinateur portable, ainsi qu’un des disques prêté par Rei, choisis au hasard. De retour dans la cuisine, Elliot s’installa sur la petite table. Il observa le CD sous tous les angles, l’air curieux. D'après la jaquette il s'agissait de la bande originale d’un film. Inconnu au bataillon. Inconnu, pour la simple et bonne raison qu’Elliot n’en regardait jamais. Il n’était d’ailleurs jamais allé dans un cinéma de sa vie.
— Ok. Pourquoi pas, pensa Elliot en faisant un “u” inversé avec sa bouche.
Il glissa le disque dans la fente de l’ordinateur auquel il brancha ses écouteurs.
Elliot fronça les sourcils, troublé par le premier titre de cet album. Une introduction du domaine de l’ultrason, accompagné du bruit lointain d’un orage. Un bruit de vent en fond, couvrait une lointaine mélodie, faites de notes d’une longue lenteur. Puis soudain, un orgue. Elliot sentit un frisson lui parcourir l’échine. Bien, très bien, quel plaisir. Il soupira en se dégourdissant les doigts. Le cliqueti du clavier se joignit au tic-tac de l’horloge accrochée au mur de la cuisine. Un décompte également omniprésent dans l’album. Sa musique était parfois ponctuée de cette mesure hypnotisante, et soporifique. A mesure, la tête d’Elliot flancha, une fois, puis deux, puis trois… Le cliquetis du clavier se fit moins régulier, puis plus rien. Sans le réaliser, Elliot s’assoupit, jusqu'à ce qu’un fortissimo ne le sorte du sommeil.
-H-ha…? souffla-t-il en émergeant subitement.
Elliot pesta en regardant l’heure, puis son écran sur le lequel il était écrit : “...réseeeaaaaavvvbbbbhhhhhjjhfjdjkkjlsdfgkjfdskgkkkkkkkkkkkkkkkk…”. Sympa ce texte écrit par sa joue. Le clavier imprimé sur la moitié du visage, Elliot se redressa en grimaçant. Ses vertèbres devaient être au moins aussi contrariées que lui de s’être endormi. Étirement dans l’espoir d’un petit “cloc” salvateur, mais rien. Elliot s’empara du boîtier du disque en y posant un regard de reproche. Merci pour la découverte, mais il fallait le dire que cette musique avait les mêmes propriétés que les somnifères rangés dans le placard. De nouveau, le boîtier fut inspecté sous toutes les coutures. Il était joli, solide. Elliot aurait été tenté de le jeter façon frisbee pour tester la solidité de l’objet. Idée stupide que Rei n’apprecierait probablement pas. Une fissure, et c’était la garantie d’assister à l'éveil du fauve, Elliot en aurait mis sa main à couper. Il fit la moue en ouvrant, refermant, encore et encore le boutier. Il meumeuma, en faisant pianoter ses doigts sur le compartiment ou s’encastrait le disque, le temps de lancer le téléchargement. Extraction faite, Elliot vérifia qu’il n'avait pas abîmé le boîtier.
— Tick-Tock…souffla Elliot en rangeant soigneusement le disque.
Claquement de langue en tic-tac, Elliot rangea le disque dans une poche de sa veste, prévoyant de l'écouter encore une fois, ailleurs, et de jour cette fois-ci. Perfecto et ordinateur sous le bras, il éteignit toute les lumières . Veste sur cintre et ordinateur bien rangé, il se rendit à la salle de bain. Douché, Elliot se fit couler un bain dans lequel il prévoyait de rester jusqu'à ce que l’eau devienne froide. Avant d’y entrer, il posa son MP3 sur un tabouret, s'équipa d’un écouteur, puis il se glissa dans l’eau brûlante jusqu’au cou en soupirant de contentement.
“2:16”-HVOB
https://www.youtube.com/watch?v=ZFp2CQ4VVqQ
— Hm…Le monde… ? articula Elliot en créant des remous à la surface de l'eau.
En se tordant le cou, il balaya la pièce du regard. Il s’arrêta sur le mitigeur du lavabo qui goûtait à rythme régulier. En faisant des bulles dans l’eau avec sa bouche, Elliot se familiarisa au rythme auquel les gouttes tombaient. Mentalement, il engeagea un pronostic. Un nouveau pari. Coup d'œil à la petite pendule posée au-dessus du lavabo. Elliot attendit qu’une minute passe. Au gong, il se mit à compter les gouttes. compta les gouttes qui tombaient du robinet. Une fois le nombre voulu atteint, il regarda de nouveau l’heure.
-Haaa..? souffla Elliot en se redressant, Dix-huit en une.., chuchota t-il ensuite, surpris d’avoir remporté ce jeu qu’il avait volontairement choisit difficile.
Puis Elliot s’enfonça de nouveau dans l’eau, en attrapant son collier dont il fit glisser le pendentif sur le cordon en cuir.
-Spassiba…souffla t-il en posant la pierre sur ses lèvres.
Puis Elliot expira, lentement, jusqu’à ce que ses poumons soient vides, il se débarrassa de son écouteur, et il s’immergea dans l’eau.
Après avoir dîné, Izuku s’en alla se changer rapidement, et chose faite il dévala les escaliers à la hâte. En le découvrant, Irène renifla discrètement, émue de voir son fils paré de sa tenue spéciale concert, un ensemble qu’elle n’avait pas vu depuis bien trop longtemps. Pour ce type d’évènement, son fils troquait ses habituels hauts oversize contre d’autres plus ajustés, et ce soir Izuku avait choisis un simple tee shirt noirs aux manches longues et un jean slim noir auquel était accroché une petite pochette en cuir pour prendre avec lui le strict nécessaire. Irène pouffa en se rappelant que c’est depuis son tout premier concert qu’Izuku avait appris à s'équiper en conséquence et à ne pas s’encombrer. Sa première fois dans une salle, et là en l’occurence il sagissait même d’un stade, c’est Irène qui la lui avait offerte pour fêter sa rentrée en 6ème, et ils avaient assisté ensemble au show d’une légende de la chanson française qu’ils adoraient tous les deux : Mylène Farmer. Une des meilleures expériences d’Izuku d'après ce qu’il en avait dit, et aussi celle qui l’avait formée pour ses prochains concerts.
-Maman ? Tu sais où elle est ma veste ? Tu sais, celle avec la doublure en fourrure blanche…articula Izuku tout en laçant une paire de boots New Rock (très) compensée et coquée (indispensable pour évoluer dans la foule et voir la scène).
Irène gloussa en fouillant une armoire avant de donner une veste ajustée en cuir noir à son fils qui venait soudainement d’avoisiner le mètre soixante dix. Izuku enfila le vêtement et étira ses bras devant lui pour constater qu’il lui allait toujours, chose dont il était très content, car cette veste il l’adorait. Mais quelque part, c'était aussi un peu décevant pour lui : à son grand désarroi, il n’avait pas pris un seul centimètre depuis le collège. Après quoi, Izuku s’enroula dans son écharpe, embrassa sa mère, et il s’en alla. De retour dans le métro, il s'équipa de ses écouteurs, choisis de leur faire jouer un des titres du disque qu’Elliot lui avait rendu, et s’enfonça dans son écharpe, se sentant un peu nerveux à l’idée de faire sa première soirée depuis longtemps.
First step- Hans Zimmer
https://www.youtube.com/watch?v=HV1CMDhemt0
De retour dans le quartier qu’il avait visité l'après-midi et qui semblait encore plus animé la nuit, Izuku sortit son portable pour suivre le plan qui lui indiquait où se rendre. Il s'enfonça dans les ruelles où les entrées des bars étaient bondées de monde, avant de trouver celui indiqué sur le petit papier que lui avait donné Elliot : le “Lewis’s burrow”. Pas très sûr de lui à l'idée d'y rentrer seul, Izuku choisit de rester dehors en attendant l'heure du rendez-vous, tout en scrutant les alentours pour voir si quelque mèches blondes émergeaient de la foule. Mais à défaut d'une crinière blonde, c'est des cheveux bleus électriques qui l’interpellèrent en lui saisissant l’épaule.
-Ah ! Le garçon aux cheveux stylés ! s’exclama la nouvelle arrivante.
Izuku reconnut la gentille coiffeuse qui visiblement avait fait un changement radical de couleur comme de coiffure : ceux-ci étaient désormais coupés à la garçonne, chose qui allait à merveille avec ses yeux bleus, son look garçon manqué casual et coloré, ainsi que son maquillage pailleté.
-Huhuhu…Je reconnais toujours les cheveux que j'ai coupé. Izuku c'est ça ? Tu te rappelles de moi ? C'est Mila. Tu me suis ? Ah oui pardon , t’inquiètes c'est Elliot qui m'a dit que tu venais. Si ça te va, reste avec nous jusqu'à ce que ça soit l'heure, dit Mila en invitant Izuku à la suivre.
Surpris d’apprendre qu'Elliot connaissait aussi sa coiffeuse, Izuku suivit Mila en se demandant si en fait, sa vie n’était pas à une fiction de mauvaise qualité ou l'auteur aurait employé des facilités scénaristiques pour se faire rencontrer les personnages de son histoire. Néanmoins, il était rassuré d'avoir trouvé un visage connu ici, et c’est soulagé qu’il entra dans le bar qui avait des airs de pub anglais. Dans le lieu, le bois se mêlait à un style industriel, et c’était un véritable capharnaüm : des objets de toutes sortes décoraient l’établissement, et les murs étaient remplis de cadres dépareillés accrochés de façon désordonnée, ou encore de stickers et de diverses choses, comme des cartes de visites, ainsi que des sous-bock décorés de dessins, probablement affichés par la clientèle. En bref, l’endroit était atypique, tout ce qu’aimait Izuku qui en huma l'air où l'odeur de vieux bois se mêlait aux effluves d'alcool. Mais Izuku n’eut pas le temps de s’attarder plus dans cette salle qui avait tout l’air d’être un musée, car Mila lui fit signe de le suivre pour se rendre à l'étage du dessous. L'escalier les mena dans une salle bondée au plafond bas où se tenait une petite scène sur laquelle un groupe qui venait de finir son set saluait la foule. Mila saisit la main d'Izuku pour traverser la salle, s'assurant ainsi de ne pas le perdre en route, et tous deux rejoignirent un petit groupe de personnes toutes plus tatouées les unes que les autres, installé autour d’une table ronde. En se trouvant devant eux, Izuku se fit la réflexion qu’en fin de compte il n’avait pas vraiment menti à sa mère en lui disant qu’il serait accompagné d’adultes, car tous devaient avoir entre 18 et 25 ans. C’est celui qui semblait être le plus jeune qui se présenta le premier :
-Yo, moi c’est Soul, dis un garçon plutôt petit avec des cheveux blancs retenus par un bandeau, et dont la dentition rappelait beaucoup celle de Kiri.
D’ailleurs, de Kiri, Soul n’avait pas que les dents, mais aussi le look, à commencer par sa veste Teddy jaune et noir et son pantalons Dickies. Une marque également appréciée par un autre, visiblement le plus âgé de la bande et celui qu’Izuku avait vu en compagnie d’Elliot : Draken, qui se présenta également comme “le Boss”. Et effectivement, Izuku trouva que ce garçon immense, coiffé d’une grande tresse blonde, seule rescapée d’une chevelure en grande partie tondue qui dévoilait un crâne orné d’un immense dragon, avait tout le charisme dont avait besoin un patron. Toutefois, Izuku n’osa pas demander de quoi Draken était le boss, et de toute manière on ne lui en laissa pas le temps. L’une des membres du groupe, une fille menue d’allure androgyne aux sourcils et au crâne rasé avec des lobes si écartés que ses bijoux touchaient presque ses épaules, salua Izuku en lui faisant la bise.
-Hééééé saluuuut, moi c’est Jenn. Ça va ? T’as pas galéré à trouver le bar ?
-N-Non…ça va merci…balbutia muettement Izuku en se faisant la réflexion que Jenn devait réunir à elle seule tout les piercings qu’il était possible de faire, “Wah mais…Ils…Ils sont tous…Trop stylés.”, pensa t-il ensuite avant qu’une autre personne vienne se présenter à lui.
-Jenn, espèce de sauvage hihi… dit une fille en posant l’une de ses grande mains sur l'épaule de Jenn avant de poursuivre : “Rappelles toi, Elli nous a dit qu’Izuku était d’origine japonaise…Désolé pour la bise Izuku, je crois savoir que ça se fait pas trop au Japon…Moi c’est Froppy, parce que “Françoise”, j’aimais pas trop hihi, enchantée.”
-”Elli”..? songea Izuku, attendri par ce petit surnom, avant de signifier par le geste que ce n'était pas grave.
Froppy s’excusa de nouveau en s’inclinant brièvement, une attention qui toucha Izuku qui d'instinct savait déjà qu’il s’entendrait avec cette fille qui étrangement, lui faisait le même effet que sa sœur. Izuku ignorait si cette dernière le devait à sa longue chevelure raide et noire, parsemée de quelques mèches vertes, ou de son visage doux dont les yeux noirs, presque aussi grands que ceux d’Ochaco, étincelaient de bienveillance.
-Alright, pas de bise alors, mais on peut peut-être se serrer la pince. Salut, moi c’est Tim, dis un garçon noir avec des dread locks coiffé en palmier avant de tendre la main pour serrer celle d’Izuku.
-Ouah, la…la classe, pensa Izuku en tendant une main tout en s’imaginant le bruit que pouvaient faire les colliers, les bagues, et les bracelets dorés de Tim, “Olala…Pardon mais je vais te copier Tim…”, pensa t-il ensuite en décortiquant le style de ce dernier : une veste de costume oversize associé à un tee shirt xxl, un pantalon asymétrique très design dont la coupe rappelait un sarouel, et à des baskets montantes aux semelles chunky.
La poignée de main de Tim fut aussi chaleureuse que l'accueil auquel avait eu droit Izuku qui toutefois, bien qu’il se sente étrangement à l’aise avec ces inconnus, ne savait pas trop où se mettre, et surtout comment et à quel moment annoncer qu’il était sourd. Puis comme si elle avait lu dans ses pensées Mila s’adressa à Izuku :
-T’inquiètes, je leur ai dit que tu entendais pas, ce boulet d’Elliot y a même pas pensé, dit-elle en adressant un petit clin d'œil à Izuku qui posa sa main sur sa poitrine pour lui témoigner sa reconnaissance.
Soulagé de ne pas devoir faire un énième coming out, Izuku se sentit enfin un peu plus détendu, bien qu’il soit inquiet de ne pas encore trouver Elliot dans la salle. Espérant que ce dernier n’ait pas rencontré de problème sur le chemin, Izuku balaya l’endroit du regard avant d’être interpellé par Mila qui lui tapota doucement l’épaule.
-Tu viens ? On se rapproche, ça va commencer, lui dit-elle.
Effectivement, le début du concert était imminent : la foule s’était déjà avancée devant la scène, et des machines à fumée répandaient un épais brouillard dans la salle dans le même temps que l'éclairage s'éteignait. Mais avec l’aide de Tim qui ouvrit la route sans se soucier de déranger les gens, le petit groupe réussit à se frayer un chemin jusqu'à la scène, aux premières loges, pour le plus grand plaisir d’Izuku qui n’aurait pas pu rêver mieux pour ce tout premier concert depuis longtemps. Dans la pénombre et l'épaisse fumée, Izuku entraperçu les musiciens s'installer à leur place respective, et visiblement le chanteur fit une intervention qui galvanisa le public. Izuku se concentra pour ne rien rater de la musique, en espérant qu' Elliot finisse par apparaître prochainement à ses côtés.
I don’t wanna be me - Type O Negative
https://www.youtube.com/watch?v=hjlNzuB-cNQ
Dans la pénombre, Izuku sentit que la musique démarrait, rythmée par un riff de guitare. Un néon vert laissa entrapercevoir la silhouette du chanteur qui disparut ensuite subitement, en même temps qu’eut lieu un bref break qui plongea la salle dans l’obscurité. Quelques secondes de ténèbres, subitement repoussés par la batterie qui fit une entrée fracassante, dans le même temps qu’un flash lumineux qui aveugla Izuku. Ce dernier cligna des yeux plusieurs fois pour retrouver l’usage de sa rétine qui, visiblement, devait lui jouer des tours. Izuku cru tout d’abord que le choc aveuglant avait provoqué une hallucination, avant qu’il ne se pince la main pour réaliser qu’il était bel et bien dans la réalité, celle où se trouvait devant lui encore une fois, une apparition improbable et inattendue.
-Eh…Eeeeeeh ?! B-Batman…?? couina mentalement Izuku.
De toute évidence, Elliot n’avait pas rencontré de problème sur la route, c’est simplement qu’il jouait ici, ce soir, sur scène, derrière la batterie. Sous le choc, la mâchoire d’Izuku sembla se décrocher, et il se frotta les yeux pour s’assurer que là-bas se trouvait bien une capuche noire d'où ne sortait que quelques mèches blondes, devenues blanches à cause de l'éclairage. Toutefois bien que l’indispensable capuche soit encore et toujours là, Elliot avait troqué son habituel sweat pour un pull dont il avait dû lui même couper les manches, à raison, car sur scène la température devait avoisiner celle des enfers au vu de la sueur qui mouillait déjà ses bras. Sonné, Izuku déglutit en secouant la tête, et il se tourna en direction de Mila, qui dansait déjà en secouant la tête et en levant les bras pour faire des cornes avec ses doigts.
-WHA VAS Y ELLIOT, TU DÉCHIRES TOUUUUUT !!! hurla-t-elle en sautillant sur place.
-Whoohoooooo !!! C'est notre Elliot çaaaa !! ajouta Tim à l’adresse d’Izuku en agitant les mains.
-Hihi, bienvenue chez les fous, blagua Froppy avant de se retourner vers la scène.
Izuku l’imita, puis il pouffa en constatant que le peu de passages calmes du morceau avaient l’air d’être d’un profond ennuis pour Elliot qui préférait visiblement marteler cymbales et caisses de toute ses forces. Puis quelque chose envahit soudainement Izuku, une émotion qui l'émeut suffisamment pour qu’il interdise à une larme de couler : un bonheur, et une joie sans précédent, ainsi qu’une reconnaissance infinie envers Elliot qui aujourd’hui sans le savoir, lui offrait le plus beau cadeau qui soit. Une invitation à une soirée, un concert, pas n’importe lequel, le sien, un événement qui invitait aussi Izuku dans une autre partie du monde d’Elliot qui ce soir, s’ouvrait à lui. Et non seulement ce dernier venait de l’emmener dans son univers, mais il venait aussi de lui présenter ses proches, des amis, qui avaient tout l’air d’être une famille. Un intime d’Elliot, voilà comment se sentait Izuku qui, sans le réaliser, adressa son plus beau sourire à la batterie dans le même temps qu’un spot éclairait son visage. Un bref instant dont le batteur ne manqua rien, avant que la salle ne soit de nouveau plongée dans le noir. Puis, la foule réclama unanimement la suite, dans l'allégresse Izuku se joint à elle, et le groupe repartit en trombe sur le prochain morceau.
***
- Alors ? dit Mila en souriant de toutes ses dents à la fin du concert.
-Whao, articula Izuku en joignant son pouce et son indexe
Effectivement, le groupe avait totalement convaincu Izuku, et en plus le chanteur savait comment motiver son public à qui il avait même offert deux rappels. D’ailleurs après le dernier, Izuku avait rit , remarquant que comme pour les cours, Elliot disparaissait aussitôt qu'il avait terminé : il ne s'était même pas donné la peine de saluer la foule avec ses partenaires à la fin du concert.
-Allez viens, on va boire un verre, ça donne chaud le rock ! dit Mila en sautillant pour rejoindre une petite table haute.
-Vous buvez quoi ? Tournée du boss, je me sens d’humeur généreuse ce soir, même si vous le méritez pas, dit Draken.
-TG boss, c’est les pourliches qui payent. Espèce de rat, lui répondit Jenn.
-Hihihi…Bièèèère ! chanta Froppy.
-Ok, bière, bière, bière... et toi ? Tu veux quoi ? demanda Draken à l’adresse d’Izuku.
-Comme vous, une bière ? S’il vous plaît, écrit Izuku dans l’espoir que son âge ne soit pas pris en considération.
-Wah mais tutoies nous pitié, j’ai l’impression d'être un ieuv la. Aller zam, bière for everyone, dit Soul en accompagnant Draken au bar.
-Yattaaaaaaaa !!! couina intérieurement Izuku.
-Oh gros ! Prend en une pour Elliot, il va pas tarder, cria Tim.
-Alors, tu connaissais pas le groupe Izuku ? questionna Froppy.
-Malheureusement non. Et ça aurait été dommage de les rater. J'ai adoré, écrit Izuku.
-On devrait avoir un CD qui traîne. On te le passera si t'as bien aimé. C'est un petit groupe mais ils montent bien, argumenta Tim.
-Je leur en achèterai un, écrit Izuku.
-Oh t'es chou, dit Froppy.
-Normal…commença à écrire Izuku avant de faire un bond, surprit par deux mains qui lui saisirent les épaules énergétiquement, “Ça va pas ?! Tu m’as foutu une de ses trouilles !” articula-t-il ensuite à l’adresse d’Elliot qui s’installa à côté de lui en ricanant.
-Hey. J'ai failli pas te reconnaître. T'avais un corps sous toutes tes couches de fringues en fait, plaisanta Elliot.
-Hey. Et moi je suis soulagé de voir qu'en fait t'as pas fusionné avec ton perfecto, répliqua Izuku.
-Trop chaud, dit Elliot en secouant son col avant de prendre une grande lampée de sa bière.
-Ahaha ! C'est une pinte qu'on aurait du te prendre gros, dit Tim en voyant Elliot presque faire un cul sec.
-Je crame sous leur putain de spots à la con, répondit Elliot avant d’enlever sa capuche et de s’essuyer le visage avec son haut, “J’vais fumer une clope.” annonça t-il ensuite avant de faire signe à Izuku de le suivre.
-Je vous follow, trop envie d’une garo aussi, dit Tim.
-Hé les gars ! On se rejoint en bas ? leur dit Jenn.
-Ouai, répondit Elliot en joignant son pouce et son index avant de s’adresser à Izuku : “Ouai. C'est en bas que ça se passe ensuite. On était les derniers. Viens.”
Izuku suivit Tim et Elliot qui les invita à passer par les backstages pour éviter la foule de fumeurs qui devait déjà se trouver à l’entrée du bar, et faire un crochet par la loge pour y récupérer sa veste. Chose faite, Elliot salua très brièvement les membres du groupe qu’Izuku aurait aimé féliciter si sa timidité ne lui avait pas interdit. Toutefois, ne voulant pas partir les mains vides, il arrêta Elliot qui s'apprêtait à sortir par l’arrière court, et lui mima un carré avec ses doigts.
-Ha. Va voir le gus là-bas. Ouai le type avec le blouson clouté. Il tient le merch. Vas y avant qu’il remonte pour refourguer sa came.
Après avoir acheté le disque du groupe, Izuku rejoint Tim et Elliot en trottinant, content d’avoir un nouveau CD à ajouter à sa collection. Après quoi il rangea le précieux objet dans sa pochette, puis suivit les autres vers l'extérieur. Aussitôt sorti, Elliot alluma une cigarette dont il tira avidement une grosse bouffée avant de soupirer de contentement.
-Alors c'est ton groupe ? articula Izuku en tendant le pouce vers l’établissement.
-Nan. Je les dépanne de temps en temps, c'est tout.
-Tu les dépanne, t’es sympa toi, mieux que ça, tu leur a même arrangé les paroles de leur chanson d’ouverture…dit Tim avant de s’adresser à Izuku : “Et ouai, en fait leur batteur est un peu à la rue…C’est con il est bon le bougre, mais il déconne avec les prod’, et des fois ils se pointe pas…Alors Elliot le remplace. D’ailleurs gros, je sais pas pourquoi tu te lances pas dans un groupe. Genre sérieusement j’veux dire. Je suis sûr qu’ils seraient chauds pour te prendre. Tu chante grave bien aussi.”
-Ca serait génial ! articula Izuku.
-Bah grave. T’sais un coup comme ça on faisait la bringue chez Draken, le type à du matos lourd, et Elliot tout bourré il a poussé la chansonnette sur un son fait à la zob. Ben c’était grave stylé.
-Nan. J’ai autre chose à foutre, dit Elliot en écrasant son mégot sous sa semelle.
-Oh dommage…articula Izuku en se demandant où s’arrêtaient les talents d’Elliot.
-Et toi Izuku ? T'es amateur de musique aussi apparemment, tu joues d'un instrument ? demanda Tim.
-Houla non, désapprouva muettement Izuku en faisant “non” de la tête, “Le seul instrument que j'ai touché c'est la flûte Maped du collège, et c’était un enfer pour moi et pour les autres. J’en ai été dispensé du coup.”, écrit-il ensuite.
-Hahaha ! A ce point ? s'esclaffa Tim, “ Après normal, c'est chaud si t'entend pas ce que tu fais.”
-Non, je suis juste très nul, écrit Izuku avant de mimer des oreilles qui saignent.
-Bon ici t’inquiètes, en principe rien qui fasse saigner les oreilles, que du bon son, dit Tim en faisant quelques pas de danse avant d’inviter Elliot et Izuku à rejoindre les autres.
Après être retourné à l'étage de la salle de concert qui s'était bien vidée, le trio emprunta un autre escalier qui menait encore plus bas, et Izuku se demanda si le bâtiment s’engouffrait jusqu’au centre de la terre. Avant d’entrer dans les profondeurs de celle-ci, Elliot s’arrêta à un pallier devant une petite niche où une jeune femme tenait le vestiaire, et il fit signe à Izuku en agitant les doigts de se débarrasser de sa veste.
-T'as voulu te pendre avec ton écharpe ou quoi ? Y'a combien de tours ? plaisanta Elliot en récupérant la veste d’Izuku qu’il accrocha à un cintre avant d’y ajouter la sienne.
-Ou c’est pour étrangler les autres, articula Izuku l’air faussement menaçant.
Elliot pouffa en soufflant du nez avant d’inviter Izuku à le suivre d’un petit coup de tête. De nouveau, celui-ci clignat des yeux en arrivant dans la salle illuminée par des stroboscopes qui s'éteignirent ensuite pour lui laisser le loisir de découvrir le lieu. Izuku n’avait pas tout à fait eu tort en pensant rejoindre le centre de la terre, car c’est bien dans les profondeurs de celle-ci qu’il se trouvait désormais. A vue de nez, l’endroit avait dû être par le passé une vieille station de métro aujourd’hui recyclée en club. Des néons éclairaient l’espace par intermittence de leur couleurs flashy, et des spots ainsi que des lasers parcouraient la salle, dévoilant un plafond en voûte, fait de pierre. Encore un endroit insolite dont le charme plu à Izuku qui comprit aussi que comme l’avait annoncé Tim, la musique était prometteuse.
-Pinte ou demi ? demanda Elliot à Izuku lorsqu'ils eurent rejoint les autres.
-Pinte, articula Izuku qui était enchanté d’avoir trouvé un endroit qui fermait les yeux sur l'âge de ses consommateurs.
Des plaisirs qu’Izuku avait perdu, celui de la bière faisait partie de ceux qu’il avait connus au collège, où comme tout adolescent aujourd’hui il avait bien évidemment bravé les interdits. D’ailleurs Izuku pouffa en se rappelant sa solide capacité à supporter l’alcool, il s'était déjà pris une cuite et avait lui-même été surpris par la quantité qu’il avait dû boire pour se faire. Mais Izuku se rappela aussi que des suites de cette gueule de bois, il s'était promis de ne pas recommencer.
-Bah…C’est pas quelques bières qui vont me saouler, pensa Izuku en attrapant le verre qu’Elliot lui tendait.
-Oh ! Vous trinquez ou quoi ?? intervint Soul avant de percuter violemment son verre avec celui d’Elliot.
-Fais gaffe p’tain ! Mon futal va sentir la vieille tise avec tes conneries, fulmina Elliot en palpant son pantalon pour voir si il était mouillé.
-Olala…La précieuse…Oups ! ricana Soul en faisant mine de renverser son verre.
-Ha, mais t’es chiant p’tain ! C’toi la précieuse d’mes cou…marmonna Elliot en reculant avant de s’interrompre sentant qu’il avait marché sur quelque chose, ou plutôt quelqu’un, “Ha, merde”, dit- il ensuite à l’adresse d’Izuku.
-T’inquiète j’ai rien senti, articula Izuku en levant une jambe pour montrer ses boots coquées.
-Pf, tricheur, pouffa Elliot en regardant la semelle.
-Wah t'es souple mec ! s'étonna Tim en attrapant la jambe d'Izuku.
-Lâche-le. Il va se péter la gueule, dit Elliot en frappant sèchement le bras de Tim.
Izuku haussa les épaules, et rassura Elliot en montrant qu'il pouvait largement lever sa jambe plus haut si il le voulait. La bouche d’Elliot forma un “u” inversé lorsqu'il se rappela qu’effectivement la souplesse d’Izuku avait bien failli lui casser le nez un jour.
-Ahahaha ! Vas y, je vais t'appeler «Mr Fantastique», ton corps c'est de la gomme, s’esclaffa Tim.
-Ça me va, j'aime bien les comics, écrit Izuku.
-Ah, si t'aime bien ça, c'est à Soul que tu dois parler. Mais j’te préviens, quand il commence, il s’arrête plus, répondit Tim
-Ho gros ! T'as deux minutes ? intervient Draken en faisant signe à Elliot de le suivre.
Elliot jetta un bref regard à Draken par-dessus son verre avant de finalement le rejoindre en faisant signe à Izuku qui allait revenir. Ce dernier les regarda s’éloigner du coin de l'œil avant de se tourner vers la piste de danse sur laquelle son corps entier lui ordonnait de se rendre sur le champ. Izuku vérifia que tout le monde était occupé à discuter, et finit sa bière d'une traite avant de céder à son envie. Il se fraya péniblement un chemin dans la foule pour aller se mettre devant les baffles, et resta immobile quelques instant, le temps de s'imprégner de l'ambiance et de laisser la musique pénétrer ses entrailles. Izuku soupira de contentement en la sentant s’insinuer en lui, amenant avec elle un sentiment de bien être qu’il n’avait pas expérimenté depuis longtemps et qu’il n’aurait peut être plus jamais connu si il n’avait pas prit la meilleure décision de sa vie en rejoignant Elliot sur le pont. Le “lucky strike” d’Izuku, ce garçon qui lui avait ouvert les portes d’un monde dans lequel il se sentait comme un poisson dans l’eau, dans son élément, car cet univers était aussi le sien, il lui ressemblait, et il s’y sentait bien. Et plus encore ici, sur la piste, plongé dans le brouillard des machines à fumée et dans cette foule d'inconnus, où Izuku était un étranger pour tout le monde, et où il devenait alors comme tout le monde. En cet instant, il n’y avait plus de handicap, plus de pensées, plus rien, juste son corps qui se laissait ballotter doucement dans cette mer humaine. Et ce soir plus que jamais, Izuku aurait voulu que le temps s’arrête, qu’il le garde ici, avec la musique, et Elliot son ami, le seul, mais le meilleur qui soit.
-...Mais suspendre le temps pour un mot…Tout se dilate et cède à tout…Et c'est là l'innamoramento…Tout son être s'impose à nous, trouver enfin peut-être un écho…chantonna mentalement Izuku les yeux fermés en balançant doucement son corps, englouti par la marée humaine.
-Bah il est où Izu, s’inquiéta Draken qui venait de remarquer l'absence d'Izuku.
Comme réponse, Elliot pointa du doigt la piste de danse où du coin de l'œil il avait vu Izuku filer en catimini.
-Ah ouai…Il traîne pas pour s'ambiancer. Ni pour finir son verre, répondit Draken en constatant que la pinte d’Izuku avait été vidée de son contenu, “Ah…Elle est belle la jeunesse.” soupira-t-il avant de lever les sourcil en voyant Elliot vider son verre d’une traite.
Après quoi, ce dernier s’essuya la bouche, et plongea lui aussi dans la foule, sous le regard stupéfait de Draken.
-J’suis sur le cul, commenta ce dernier en voyant la crinière d’Elliot disparaître dans l’épaisse fumée et les ténèbres de la salle.
-Oh god, elle est dingue cette chanson…! pensa Izuku en attrapant son portable afin d’activer l’application Shazam qui ne tarda pas à trouver le titre qui se jouait.
Inception - CHVRN
https://www.youtube.com/watch?v=CrDN9cARbcQ
Puis, alors qu’il enregistrait la trouvaille, la tête baissée sur l'écran de son portable, des pieds chaussés de rangers entrèrent dans le champ de vision d’Izuku qui leva alors la tête.
-Hey, articula Elliot.
-Hey, répondit Izuku en souriant.
-Lourd, souffla Elliot en commençant lui aussi à se balancer doucement sur la musique tout en levant un doigt pour en marquer le tempo.
Puis il ferma les yeux, et ses sourcils se froncèrent, annonçant la reprise imminente du rythme endiablé de la musique. De plaisir, Elliot se mordit la lèvre inférieure, et il ferma encore plus fort les yeux pour laisser la musique le posséder, plaisir auquel se joint Izuku qui imita Elliot pour s’abandonner dans la houle. Dans le même temps, leur tête bascula en avant, et la tempête musicale les emporta tous les deux.
-Il est bourré ? demanda Jenn à Tim en regardant la piste de danse, les yeux plissés.
-Nope. Puis ça serait étonnant, c’est quand même rare de le voir éclatax. A mon grand regret, c’est trop marrant.
-Il est de bonne humeur alors ?
-De bonne humeur ? T’es sérieuse toi ? C’est un truc qui existe pas chez lui, répliqua Tim en regardant Jenn comme si elle avait dit quelque chose de stupide.
-Mais…C'est déjà arrivé…?
-Pas à ma connaissance.
-Hihi…Je vois que vous partagez ma surprise de voir Elli se sociabiliser, intervint Froppy.
-Elliot qui change ses habitudes, c’est trop chelou. Limite ça me fout les jetons. C'est la fin du monde demain c'est ça ? s’inquiéta Jenn.
-Héééé…Arrêtez…Ca fait plaiz’ de le voir s'ouvrir un peu, kiffez les gens. Il grandit…il évolue tel…tel un Pokémon. Paf, notre Chrysacier devient Papilusion…C'est pas tous les jours qu'on voit une chenille devenir un papillon, c’est beau, dit Mila en faisant une accolade à Jenn et Tim.
-T'as fumé un joint ? demanda Jenn à Mila qui acquiesça, l’air coupable.
-Tiens la chenille...commença Tim.
-Le papillon wsh !! l’interrompit Mila.
-Roh. Ok, le papillon revient, poursuivit Tim en pointant du pouce Elliot et Izuku qui s’extrayaient de la foule.
Après quoi, le papillon et son invité rejoignirent le petit groupe en s’essuyant le visage, et Draken leur offrit une nouvelle pinte pour se rafraîchir. Ce dernier tenta de démarrer un conversation avec Izuku qui malheureusement ne reussit pas à lire sur les lèvres de Draken car l’ingénieurs des lumières décida à ce moment de les plonger dans le noir. Désolé de ne pas pouvoir comprendre ce qu’on lui disait, Izuku rédigea rapidement un message pour s’excuser, et après que les autres l'aient lu, la lumière revint à leur table.
-Ahah, je disais : t'es arrivé tout timide, mais en vrai tu kiffe faire la bringue toi. Et c'est bon t’inquiètes, les gens passent leur temps à nous juger, à nous traiter de marginaux…Tout ces trucs là quoi. Alors c'est pas nous qui allons te péter les couilles parce que t'es sourdingue. Ici c’est comme au mcdo gros, tu viens comme t’es, dit Draken.
-Puis au moins on a pas à gueuler comme des cons à cause de la musique quand on te parle, ajouta Tim avec humour.
Touché par ce que Draken et Tim venaient de lui dire, Izuku renifla discrètement en se demandant si son cœur allait réussir à contenir un tel concentré de joie. Un bonheur qu’il partagea aussi avec sa mère en lui envoyant rapidement un message (bourré de smiley aux yeux remplis d’étoiles) avant de prendre part aux conversations, souhaitant faire connaissance avec chacun des amis d’Elliot. Le temps passa sans qu’Izuku ne s’en rende compte, jusqu'à ce que Soul interpelle tout le monde.
-Hey les gens, avant que j'ai plus de thune parce que vous êtes des rats et que je vous paye des tournées, je propose qu'on fasse after chez moi, cria t-il.
-Vas y t’es marseillais ou quoi ? Abuse pas, tout le monde a mis la sienne. Mais bon, puisque t’insiste, go hein. Chaud, dit Jenn.
-J’te garanti pas de pioncer confortablement ce soir, dit Elliot à Izuku.
-Je m'en tape, articula Izuku en haussant les épaules avant de suivre Elliot pour qu’ils récupèrent leur veste.
-T’es une tortue ou quoi ? dit Elliot une fois dehors en voyant Izuku se tasser dans son écharpe et croiser les bras avant de l’imiter en remontant son col pour s’y enfoncer.
-C'est mieux qu'un putain de poisson, répliqua Izuku en imitant Elliot et sa cigarette.
-Hinhin, t’es con. Hm…Une tortue beaucoup mieux sans sa carapace hein ? articula Elliot en mettant un petit coup d’épaule à Izuku.
-Heu…? Be…Bah heu…balbutia muettement Izuku avant de s’interrompre quand Mila interpella tout le monde.
-Attendez les gens ! Il nous en manque deux. Notamment notre hôte hein, ce relou, Soul, et aussi Froppy. Ils sont portés disparus, je répète...Soul et Froppy sont portés disparus, dit-elle en scrutant l'entrée du bar.
-Ils branlent quoi ? demanda Elliot en cherchant son briquet dans sa poche.
-Pf, ils cherchent des meufs pour les branler ouai, comme d'hab, soupira Tim.
-Ha. Donc, j'ai largement le temps de m'en rouler un.
-Vas-y fais toi plais'. Le temps que Soul arrive à convaincre une nana de l'accompagner, on sera momifié. Quoique il y arrive toujours ce vieux charo là, j’sais pas comment il fait.
En attendant que les deux portés disparus ne reviennent, le groupe remonta la petite rue pavée pour s’installer sur la berge d’un canal où Izuku s’assit à côté d’Elliot en observant scrupuleusement ce qu’il faisait. Ce dernier glissa une cigarette derrière son oreille, puis il fouilla la doublure de sa veste pour en sortir des feuilles, un petit pochon d’herbe, et un tas de ticket de métro. A la faible lueur des réverbères, Elliot jura en essayant de voir lesquels avaient déjà été utilisés, puis après en avoir choisit un, il le déchira pour faire un petit tube avec le bout de carton. Izuku pencha la tête l’air curieux, se faisant la réflexion qu’il était étonnant pour un habitué des transports d’user de tickets plutôt que d’une carte. Puis il pouffa en regardant Elliot ranger son tas de tickets dans l’une des poches de sa veste qui semblait avoir la même faculté que le sac magique d’Hermione Granger dans Harry Potter : le Bat-perfecto semblait être équipé d’un nombre infini de poches, et le tout sans limite de stockage.
-Hehe…Accio le Bat-pétard ! plaisanta mentalement Izuku en convulsant de rire discrètement.
-Charge pas trop si tu veux pas être shlag pour le boulot demain ahaha ! dit Jen en regardant Elliot s'affairer à la préparation de son joint.
-Je taff avec eux les week-end, expliqua Elliot devant l'expression curieuse d'Izuku.
-Ouai, il troue des gens, plaisanta Jenn.
Izuku fit un lien malheureux entre le verbe “trouer” et les rumeurs qui circulaient au lycée, mais heureusement, Elliot précisa de quoi il s'agissait en tirant l'anneau en spirale qu'il avait à la lèvre pour expliquer ce qu'il faisait en vérité. En fait, Elliot trouait bien des gens, mais pas de la manière dont pensaient les élèves du lycée.
-Génial ! articula Izuku qui se demandait quand il arrêterait d’être surpris par son ami qu’il découvrait pierceur.
-On t’as booké vénère demain gros, dit Draken qui se roulait aussi un joint.
-Pareil qu'aujourd'hui ? demanda Elliot.
-Pire, répondit Draken, l’air menaçant en léchant sa feuille, “ Mais t’inquiète tu commences avec un petit nombril des familles, oklm.”
-Ouai. Pas avec un gus à l'hygiène douteuse comme l’autre coup j’espère.
Izuku fit une grimace en voyant les mots “hygiène douteuse” se former sur la bouche d'Elliot.
-Rohlala cette anecdote Izuku…Le type, le client j’veux dire, tiens toi bien, tellement dégueu, que genre dans son nombril il y avait du moisis t'sais…expliqua Jenn en se saisissant du joint que Draken lui tendait.
Izuku fit de nouveau une grimace, et Elliot frissonna comme s' il avait entendu des ongles sur un tableau.
-...Elliot l'a tej’ du shop hahahaha ! “Va t’doucher p’tain !!” il a dit. Et je suis presque persuadée qu'il est allé dégueuler après.
-Je sais pas si il a dégueulé mais je me suis demandé si la peau de ses mains allait tenir : il les a lavé milles fois. Le mec sentait le gel hydroalcoolique à 20 kilomètres après, ajouta Draken.
-Nan mais attend, c'est pas le pire. Une fois pour un capuchon...continua Jenn
-“Capuchon ?”, articula Izuku, pas sûr d'avoir bien interprété ce que Jenn avait dit.
-Ha ! Vos gueules ! les interrompit Elliot en frissonnant encore, “J'vais dégueuler avec vos conneries.”, ajouta-t-il avant de lécher sa feuille pour la coller.
Puis Elliot alluma son joint avant de lancer Jenn qui elle était tatoueuse, sur ses pires anecdotes clients. Elle finit elle aussi par exprimer un profond dégoût faisant comprendre à Izuku que son ami s’était vengé. Puis pendant qu'ils débattaient sur la propreté approximative de certains clients, Izuku huma l'odeur de la fumée blanche que recrachait Elliot en se demandant ce que l'herbe pouvait bien faire. Bien qu’il soit en théorie initié à la chose grâce à ses multiples recherches internet, il n’avait jamais essayé de fumer.
-Ha ptain…Ils se magnent les deux là ou quoi ? se plaint Elliot en basculant la tête en arrière avant de regarder Izuku pour vérifier qu’il ne se soit pas momifié, “Tu veux ?”, proposa-t-il ensuite en voyant que celui-ci avait l’air très intéressé par ce qu’il tenait entre les doigts.
Izuku acquiesça timidement en se tassant sur lui-même et en haussant une épaule.
-T'as déjà fumé ? Nan ? Une petite alors, dit Elliot en donnant son joint à Izuku.
Izuku l’attrapa prudemment du bout des doigts, et le porta à ses lèvres pour en tirer une petite bouffée. La fumée lui brûla tant la gorge qu’il fut pris d’une violente quinte de toux, et ses autres tentatives ne rencontrèrent pas plus de succès.
-Ouch, souffla Elliot en grimaçant et en riant avant de récupérer son joint, “Ça donne ça un Björk qui tousse alors hinhin…”, pensa-t-il ensuite.
-Beuh…Ca veut pas…C’est pas mauvais pourtant, articula Izuku dont les yeux étaient devenus larmoyants.
-Attends, dit Elliot avant de porter le joint à ses lèvres pour en tirer quelques petites bouffées.
Après quoi, il vérifia l’état du pétard qui allait bientôt devenir un mégot, et s’installa en tailleur en face d’Izuku qu’il invita à l’imiter. Ce dernier s’exécuta, l’air curieux.
-Laisse toi faire. Juste, t‘inspire au moment où je souffle, dit Elliot.
-Ok…? Heu…articula Izuku l’air dubitatif en voyant Elliot caler le joint entre ses dents de sorte à ce que le carton soit vers l’extérieur.
En le voyant faire, Izuku se demanda si son ami n’avait pas bu une pinte de trop car à tout moment il risquait de se brûler. Mais alors qu'il s’apprêtait à interpeller Elliot pour lui dire qu'il s’était peut être trompé de sens, celui-ci saisit son visage et l'approcha du sien avant de former une barrière entre leurs bouches avec ses mains chaudes. L'action failli provoquer un AVC à Izuku qui se rappela juste à temps qu’il devait inspirer au moment où Elliot soufflait. Il ferma fort les yeux en sentant le souffle d’Elliot contre ses lèvres, et il s'exécuta non sans craindre une autre quinte de toux. Mais c’est sans brûlure qu’il sentit la fumée pénétrer sa gorge ainsi que ses poumons, dont il bloqua la respiration par réflexe dans le même temps que les mains d’Elliot quittèrent ses joues d’une caresse. Ce dernier récupéra le joint dans sa bouche, et le porta une dernière fois à ses lèvres pour le terminer avant de tapoter le genou d’Izuku qui n’avait pas bougé d’un iota, et qui semblait vouloir battre un record d’apnée.
-Respire. Tu vas tomber dans les vapes, dit Elliot en pouffant, “Mieux ?”, ajouta-t-il ensuite en adressant un petit coup de menton à Izuku.
Izuku acquiesça, puis prudemment, il recracha lentement la fumée, sans tousser, en se demandant par quel miracle il avait pu la supporter.
-Hinhin...Ca va donner quoi une tortue chéper ? dit Elliot en observant Izuku de plus près.
-Mystère, articula Izuku en levant les mains avant de replonger dans son écharpe, pour y dissimuler ses joues qu’il sentait enflammées, et qui fort heureusement devaient passer inaperçues grâce à la faible lumière des réverbères.
-Gros, je crois que demain c'est vraiment la fin du monde, commenta Jenn en chuchotant à l’oreille de Draken.
Puis enfin, les portés disparus montrèrent enfin le bout de leur nez, accompagnés de deux autres filles dont une avec des couettes et une jupe écossaise qui tenait Soul par le bras. Cette dernière avait l’air plutôt timide comparé à sa copine, une jeune fille brune aux allures latino qu’Izuku devina être d’une nature plutôt extravertie. Même sans l’entendre, il n'était pas difficile de comprendre qu’elle devait parler plutôt fort, et elle n’eut aucun mal à se sentir à l’aise avec tout le monde. Étant par nature complètement en opposition avec ce type de caractère qui le mettait plutôt mal à l’aise, Izuku choisit de plutôt se joindre à Froppy qu’il trouva un peu déprimée.
-Oh…Je me suis faite jeter…expliqua Froppy en voyant l’air inquiet d’Izuku.
Apparemment, la fille qui plaisait à Froppy avait décliné son invitation sans se donner la peine de le faire avec douceur. D’après Soul, la fille en question avait même été insultante, et il avait été à deux doigts de l’embrouiller sérieusement si Froppy ne l’en avait pas empêché.
-C’est pas grave Froppy, tu vois, même si elle était jolie, à l'intérieur elle était moche. Tu mérites mieux que ça, écrit Izuku.
-Hm…Je sais pas trop ce que je mérite mais merci, tes mots me font du bien Izuku, répondit Froppy en demandant par le geste si elle pouvait prendre le bras d’Izuku.
Izuku leva le coude pour inviter Froppy à s’y accrocher, et ils suivirent les autres en direction du métro. Après quelques stations, le petit groupe remonta à la surface pour prendre un tramway dans lequel les effets du joint commencèrent à se faire sentir pour Izuku qui se sentit alors léger comme une plume, voire un peu mou, et aussi étrangement euphorique. Le thc accentuait même cette sensation qu’Izuku avait depuis le début de la soirée, celle d'être dans un rêve éveillé. De nouveau il se pinça la main pour bien s’assurer de la réalité des choses, puis il souria en balayant du regard la rame du tramway, se sentant prêt à aimer tout ce qu’il y verrait, y compris les quelques fêtards passablement alcoolisé qu’y s’y trouvait. En repérant des gens qui semblaient le regarder lui et les autres, Izuku pencha la tête l’air curieux, mais avant de réussir à identifier qui que ce soit, Elliot vint s'asseoir lourdement à côté de lui.
-T'es ok ? demanda-t-il à Izuku qui se mima en train de flotter pour expliquer l’effet ressentit après avoir fumé.
-Et toi t'es ok ? articula Izuku ensuite
-Toujours, affirma Elliot.
-Les gens ! On est arrivé ! Bougez votre cul ! les interpella Soul en les pressant pour qu’ils descendent, remarquant qu’Izuku et Elliot étaient dans la lune.
Le groupe marcha ensuite jusqu'à arriver devant un immeuble délabré en cours de restauration, et après avoir monté plusieurs étages dans un vieil escalier en colimaçon, Soul invita tout le monde à rentrer dans son appartement, lui aussi encore en travaux. Le sol n’était pour l’instant fait que de dalles de béton sur lesquelles Soul avait mis des tapis, visiblement de la récupération, comme les fauteuils et le canapé qui avaient été rapiécés par ses soins. L’endroit était meublé du strict minimum, avec un mobilier dépareillé, et éclairé essentiellement de luminaires à pieds ou de lampes donnant au tout une lumière douce et tamisée. Pour personnaliser un peu les lieux et enjoliver des murs encore dépourvus de peintures, Soul avait quand même accroché quelques posters ainsi que des photos, et nombreuses d’entre elles devaient être issues de soirées avec tout le petit monde qu’Izuku venait de rencontrer ce soir. Toutefois, Elliot n'était présent sur aucune d’entre elles, si ce n’est un bras ou une jambe, voire une touffe de cheveux qui apparaissaient par ci par là.
-Hihi…Tu cherches Elli ? demanda Froppy en se joignant à Izuku, “Il fuit mon appareil photo comme la peste ce petit gremlins. C’est formellement interdit de le prendre en photo, il est pénible hein ? Mais un jour je l'aurais, avec ou sans son autorisation, hihihi…Tu viens ? On va s’installer sur le canapé.”, ajouta-t-elle ensuite.
-Bon bah Izuku voila, bienvenue hein…Bon c’est pas grand chose…J’ai pas trop les moyens…T’sais ça paye pas tout de suite le tattoo, alors je me suis arrangé avec le proprio du bâtiment pour squatter un appart’ en échange de quelques travaux…Déso c’est un peu ghetto… dit Soul à Izuku en lui offrant une bière.
-Tu rigole c'est super. J'adore, s'empressa d’écrire Izuku avant de remercier Soul pour son accueil en s'inclinant.
-Ok, cool alors, bah fais comme chez toi, je vais caler un peu de son chill et j’arrive.
Otaku- Resonance (Soul Eater lo-fi)
https://www.youtube.com/watch?v=79Mj-Aqe4-4
Chose faite, et tout le monde installé dans le canapé, un pouf, ou un fauteuil moelleux, la deuxième partie de la soirée commença, et Izuku confirma ce que son intuition avait pressenti concernant Froppy : le sentiment qu’il avait eu à son sujet lui venait du fait que tout deux avaient quelques atomes crochus, et son caractère lui plaisait : Froppy était aussi gentille qu’elle était franche, une sincérité qui pouvait même être un peu déstabilisante. Mais à choisir, Izuku préférait cette catégorie de personnes avec lesquelles il était inutile de marcher sur des œufs. D’ailleurs globalement, les autres amis d’Elliot semblait eux aussi être plutôt des gens sincères et entiers, bien qu’Izuku n’ait pas eut le loisir de parler beaucoup avec tout le monde, notamment Soul qui entretenait une grande conversation avec la fille à couette qui elle aussi semblait très gentille, et avec qui Izuku avait pu brièvement discuter avant que celle-ci ne retourne auprès de Soul. En revanche, son amie latino ne réussit pas à convaincre Izuku qui décidément se sentait mal à l’aise avec elle, notamment parce qu’elle était très tactile. Fort heureusement pour lui, elle ne resta pas longtemps avec lui, car de toute évidence la raison de sa venue, c'était Elliot. Et ce dernier faisait visiblement tout pour l'éviter, faisant pouffer Izuku qui l’observa multiplier les stratégies pour s’en défaire. Et fort heureusement pour lui, c’est Draken qui le sauva des griffes de sa prétendante en proposant un petit blind test.
-C’est une bonne idée mais…Izuku pourra pas participer…On peut faire autre chose peut-être ? dit Mila.
-Si. C’est ok. Il comprendra, intervint Elliot en s’asseyant en face d’Izuku qui doutait fortement de réussir à deviner les chansons sans faire trembler les murs avec un son suffisamment fort.
Mais en fin de compte, bien que l’exercice ne soit pas évident, Izuku put s’amuser comme tout le monde, grâce à Elliot qui réussit l’exploit de traduire ce qu’il entendait par le mime, avec ses mains, voire son corps entier, tout en articulant les paroles quand il y en avait. Et à la surprise générale, Izuku réussit à deviner bon nombre de musiques, des classiques qui de toute évidence avaient été choisis pour lui faciliter la tâche.
-Wah putain tu nous défonce, t’es aussi accro de zik qu’Elliot ou quoi ? Bon la suite…Vas y c’est ton tour Froppy, dit Tim en tendant le téléphone pour que cette dernière choisisse un morceau.
Je t’aime mélancolie - Mylène Farmer
https://www.youtube.com/watch?v=qE7JnLP9Wgg
-Ha, facile, dit Elliot avant de s’adresser à Izuku : “Je te guette…Tu me donnes…Ton ivresse, comme personne…”
-WHA !! C’EST MYLÈNE !!! s’empressa d’articuler Izuku le doigt tendu vers le plafond en se levant soudainement pour danser sur cette chanson qu’il connaissait sur le bout des doigts et que sa mémoire joua aussitôt dans sa tête.
Le voyant aussi motivé, Froppy décida de laisser la chanson en entier, et c’est aussi à ce moment, celui ou Elliot était dos à elle, qu’elle s’empara de son portable en gloussant pour prendre quelques photos, profitant que le petit gremlins ne soit pas sur ses gardes et qu’il fasse un duo en playback avec Izuku. Une prestation dont Froppy ne manqua rien, amusée de voir les deux garçons s'imprégner de leur rôle et se passer le relais à chaque couplets et refrains.
-J'ai comme une envie de voir ma vie au lit, comme une idée fixe qui me poursuit la nuit, la nuit, la nuit, je savoure la nuit, l'idée d'éternité. La mauvaise herbe nuit, car elle ne meurt jamais…chanta Elliot avant de passer le relais à Izuku :
-Quand tout est gris, la peine est mon amie, un long suicide acide, je t'aime mélancolie… Sentiment qui, me mène à l'infini, mélange du pire, de mon désir, je t'aime mélancolie…Quand tout est gris, la peine est mon amie, j'ai l'âme humide aussi… Tout mon être chavire…Oh, viens, je t'en prie, c'est ton amie aussi, c'est l'élixir de mes délires, je t'aime mélancolie…chanta muettement Izuku avant de tendre les doigts en direction d’Elliot.
-...J'ai comme une envie de voir ma vie en l'air, chaque fois que l'on me dit, c'est de la mauvaise herbe, et moi je dis qu'une sauvage née vaut bien d'être estimée, après tout elle fait souvent la nique, aux trop bien cultivées…
-...Et toc ! articula Izuku en même temps qu’Elliot en mettant un petit coup de pouce sur son menton. “...C'est bien ma veine, je souffre en douce, j’attends ma peine, sa bouche est si douce…”
-...J'ai comme une idée de la moralité, comme une idée triste, mais qui ne meurt jamais. En somme c'est ça : pour plaire aux jaloux il faut être ignoré, Mais là, mais là, mais là, pour le coup, c'est Dieu qui m'a planté, alors…? poursuivis Elliot avant d’entonner le refrain en même temps qu’Izuku : “...Quand tout est gris, la peine est mon amie, un long suicide acide…Je t'aime mélancolie, sentiment qui me mène à l'infini, mélange du pire, de mon désir, je t'aime mélancolie…Quand tout est gris, la peine est mon amie...j'ai l'âme humide aussi, tout mon être chavire, oh, viens je t'en prie, c'est ton amie aussi, c'est l'élixir de mes délires, je t'aime mélancolie…
Pour les dernières minutes de la chanson, tout le monde chanta avec Elliot et Izuku, et s'ensuivit un melting pot des grands classiques de la variété française ou chacun choisit à son tour un morceau. Puis la fatigue commençant à se faire sentir car la nuit était déjà bien entamée, tout le monde s’installa sur un fauteuil tandis qu’Elliot invita Izuku à l’accompagner sur le balcon. Ce dernier frissonna en s’y rendant, et il s’installa sur une chaise de jardin en plastique blanc tandis qu’Elliot ouvrait deux bières à l’aide de son briquet. Une fois servi, Izuku tendit machinalement son portable à Elliot pour qu’il y choisisse une musique, une habitude prise depuis qu’ils se voyaient chaque dimanche au pont.
-Ha, souffla Elliot en voyant que le fond d'écran avait changé, “J’aime bien ça. C’est noir. Ça rappelle tes dessins.”
-C’est le print d’un artiste tatoueur. J’aimerai trop me faire tatouer par lui un jour, expliqua Izuku.
-Jenn bosse le blackwork, tu vas aimer. Demande lui de te montrer. Viens demain. Ouai, on bosse tous demain. P’tain t’es chiant… Nan ça fera chier personne. Au pire tu poses ton cul et tu dessines, y’a tout ce qu’il faut là bas. Bah, ça tiendra compagnie à Mila.
-Mais…Elle est plus coiffeuse ? demanda Izuku, déçu de perdre celle à qui il avait fait confiance pour sa tignasse.
-Si, la semaine. Le week-end elle fait l’accueil et de la paperasse au shop. Alors ? Tu viens ?
Izuku acquiesça, impatient de découvrir ce que ce week-end fabuleux lui réservait encore comme surprises, et dont pour commencer, il voulait profiter jusqu’au bout de la nuit. C’est à une heure avancée de celle-ci que le froid eut raison d’Izuku qui suivit d’Elliot, rentra dans l’appartement devenu calme. Tout le monde était endormi, à l’exception de Soul et de la fille à couettes qui s’embrassaient passionnément sur le canapé. Contre sa volonté, Izuku remarqua que la main de Soul glissait sous la jupe de sa conquête, et gêné, il détourna aussitôt le regard en sentant ses oreilles et ses joues prendre feu.
-Ha p’tain…J'veux pas voir ça, marmonna Elliot en faisant une grimace, “Viens.”
Tout en appliquant ses mains glacées sur ses joues, Izuku suivit Elliot jusqu’à une petite pièce éclairée par la lumière des réverbères, et qui devait faire aussi bien office de débarras que de chambre car un matelas seulement couvert d’une fine couverture s’y trouvait.
-Je pionce la quand je viens ici. Ha, je t'avais dis que ça serait pas le luxe, dit Elliot en se débarrassant de ses chaussures avant de s’allonger tout habillé sur le matelas
-Heu…Be...Mais…balbutia muettement Izuku en restant planté devant le matelas.
-Bah quoi. T’es un poney ? Tu dors debout ?
Izuku fit “non” de la tête, puis timidement, il enleva aussi ses chaussures, et rejoignit Elliot qui lui souleva un pan de la couverture pour qu’il s’y glisse avant de se tourner dos à Izuku. En s’allongeant dans le matelas glacé, ce dernier regretta aussitôt de ne pas être sorti avec son tout nouveau manteau qui aurait pu faire office de plaid, et il se replia en chien de fusil pour loger ses mains gelées entre ses jambes dans l’espoir de les réchauffer. Puis sentant du mouvement à côté de lui, Izuku leva la tête pour voir qu’Elliot tapotait son propre dos. Bien qu’il ait comprit le message, Izuku ne bougea pas, et Elliot se retourna pour s’adresser à lui.
-Comme les pingouins. Ouai les pingouins. Quand ils se gèlent les couilles, ils se collent les uns aux autres pour avoir chaud, dit-il avant de se retourner.
-Comme…les pingouins…? articula Izuku en se tassant sur lui-même.
Izuku connaissait bien cette habitude qu’avaient les pingouins, car quand il était petit il avait vu un documentaire avec sa sœur, et ils s’étaient tous deux pris d'affection pour cet animal qu’ils avaient choisi de mimer quand les nuits étaient fraîches. Un souvenir lointain et une habitude perdue qui provoqua l'émotion d’Izuku qui malheureusement aujourd’hui ne pouvait plus étreindre sa sœur. Alors, pour se réchauffer et aussi se consoler un peu, Izuku céda à la proposition d’Elliot et s’approcha doucement pour être tout près de lui, sans pour autant s’y coller, et comme ci celui-ci avait été un radiateur, Izuku sentit une douce tiédeur le protéger du froid. Dans le noir, il sourit, en repensant à l’image qu’il s’était faite d’Elliot, Calcifer, le petit feu de cheminé qui rependait sa chaleur et son parfum tout autour de lui. Izuku ferma les yeux en humant l’odeur de cuir et de cigarette du perfecto d’Elliot, et il se laissa bercer par le rythme régulier de la respiration de son ami, une berceuse qui l’emmena doucement dans les bras de Morphée.
***
-Mmmmmh…gémit Izuku de mécontentement en se faisant tirer des bras de Morphée par un rayon de soleil.
Peu enclin à vouloir sortir du lit, il s’enroula un peu plus dans la couverture pour s’y enfoncer jusqu’au nez. En y reniflant une odeur familière, Izuku soupira de contentement, avant d’ouvrir un œil et de se redresser sur un coude, réalisant qu’il n'était pas chez lui. Encore un peu groggy, il observa les alentours encore flous, et constata qu’il était seul dans le lit et en plein milieu de celui-ci.
-Olala…J'espère que je l’ai pas poussé…pensa Izuku avant de se frotter les yeux.
Puis il s’effondra dans le matelas pour s’autoriser encore quelques minutes de répit, et remonta sur lui la couverture devenue étrangement lourde. Le bras d’Izuku émergea de celle-ci pour la tatonner, et c’est du cuir que sentit sa paume : visiblement Elliot avait fait don de sa veste à Izuku pour le garder au chaud, avec succès, car le perfecto avait visiblement toutes les propriétés d’un isolant.
-Ah…La magie du Bat-perfecto…Hehehe…pensa Izuku avant d’enfin consentir à s’extirper de la couverture.
Une fois assis, Izuku s’empara du Bat-perfecto pour le plier soigneusement, et il pouffa en réalisant que sa théorie sur le blouson d’Elliot n'était pas si éloignée de la réalité. La doublure était équipée d’un grand nombre de poches dépareillées sans doute cousues par Elliot lui-même.
-Pf, c’est un sac de voyage le truc ou quoi ? plaisanta mentalement Izuku en soupesant le perfecto, amusé par l’originalité d’Elliot.
Puis la lourde veste sous le bras, Izuku sortit de la chambre et il rejoignit le salon où tout le monde était réveillé à l’exception de Froppy qui dormait encore profondément, blottie dans un fauteuil. En passant devant elle, Izuku couina mentalement en la découvrant ainsi, et il ajusta le plaid dans lequel elle était enroulée avant de partir à la recherche d’Elliot.
-J’sais pas…J’en sais rien. J’sais que dalle…répondit Soul lorsequ’Izuku lui demanda où son ami se trouvait.
-Wah la déprime…commenta Jenn avant de s’adresser à Izuku sur le ton de la confidence : “Le prend pas pour toi hein…J’crois qu’il s’est fait tej’ par sa nana hier. Ce matin elle était plus là et sa copine non plus. Piouf ! Disparues ! Si tu veux mon avis, vaut mieux éviter le sujet…Ah, et Elliot est là bas.”
-Ah d’accord…Le pauvre…articula Izuku sincèrement peiné et à la fois étonné, car les choses avaient plutôt eut l’air de bien se passer pour Soul la veille.
Après quoi, Izuku rejoint la salle de bain où se trouvait Elliot qui s’affairait à se brosser les dents, et il frappa à la porte qui était ouverte pour signaler sa présence.
-Ha. T’chais revellech', dit Elliot en s'adressant au reflet d'Izuku dans le miroir.
-Merci…Mais fallait pas… articula Izuku en lui rendant sa veste.
-Blblll…Ché cru qu’t'allais entrwer en hypotchermie p’tain. T’chu s'rais morw sans t’rendre compte. T’chu dors comme unch loir t’choi.
-Heu…Pardon ? Tu peux la refaire ? articula Izuku en riant.
-Ha merdwe, répondit Elliot avant de cracher le dentifrice qui rendait impossible la lecture sur les lèvres, “Je disais : tu dors comme un loir. Rien te réveille. Pf, j’ai cru que t’étais dans le coma.”
-Ah on en est pas loin, articula Izuku en hochant la tête.
-Bon mec t'as finis tes ablutions là ? J'aimerai bien me rincer vite fait, s'impatienta Tim dans l’encadrement de la porte.
-Ha, deux secondes p’tain. Excuse moi de pas vouloir avoir les dents pourries.
-Deux secondes ? Mais t’y passe la vie gros ! Tu vas te poncer les gencives en fait. Allez décales que je me lave viteuf.
Comme seule réponse, Elliot se contenta de fixer Tim en reprenant son énergique brossage de dent.
-Il a une brosse à dent chez chacun de nous, et au shop. Pour te dire ou ça va, dit Mila à Izuku en entrant dans la salle de bain pour se maquiller.
-Han putain mais viens pas avec ta trousse avec tout le Sephora toi aussi laaa !! J’me lave la raie quand moi ?? Et Elliot espèce de taré, c’est bon la, tes dents elles sont aussi polies que le crâne de Mr Propre ! Laissez moi me laver le ionf merde ! s’exclama Tim.
-P’ftain, ch'tenmewrde, une bouche cewt plus crad’ qu'un twrou du cul ! J’butte lech bactwries ! rétorqua Elliot en faisant un doigt d’honneur, “Cwrevez bactewrie ! Cwrevez !” cria-t-il ensuite pour motiver son énergique brossage de dents.
Une fois ce petit litige de salle de bain réglé, Izuku s’en alla réveiller Froppy qui était aussi difficile que lui à sortir du lit, puis une fois que chacun ait eu le temps de faire sa toilette, tout l’équipe s’en alla en direction du shop. C’est en chemin qu'ils prirent un petit déjeuner à emporter dans une boulangerie, à l’exception d’Elliot qui avait préféré prendre une gaufre, son péché mignon, comme Izuku l’avait deviné un jour.
-C’est noté : des Lucky Strike, des gaufres et du thé noir pour Elliot, ça fera sa joie, plaisanta mentalement Izuku.
- Vas y tu fais les caf’ grosse ? dit Draken à Mila en ouvrant la grille du shop.
-Tu veux pas les faire toi- même ? J’suis pas ta secrétaire non mais ho.
-Ben si un peu en fait.
-Ouai bah secrétaire, pas boniche monsieur le boss. Je vais caler mon meilleur molard dans ta tasse. Bon bref, tout le monde veut sa dose de caféine ?
-Non merci, articula Izuku.
-Ha ? Pas de café ? s’étonna Elliot.
-Non, pas besoin.
-Tu veux du thé alors ? Mais on a que celui d’Elli, il est un peu fort, c’est du thé noir, proposa Froppy.
-Ca sera parfait, merci, articula Izuku
-Tu prends quoi habituellement Izuku ? demanda Froppy.
-Du thé vert au jasmin, écrit Izuku.
-Ha !! Voila ! Le jasmin ! Le-pu-tain-de-jas-min, s'exclama mentalement Elliot qui put enfin donner un nom à cette odeur de fleur blanche qu’Izuku portait sur lui.
-Fais comme chez toi le temps qu’on prépare tout ça, dit Froppy en s’adressant à Izuku qui en profita pour regarder la grande vitrine dans laquelle étaient exposés des bijoux.
Puis alors qu’il s’émerveillait devant les articles présentés, Izuku sursauta en sentant que quelqu’un soulevait un de ses épis.
-T'aime aussi les piercings ? dit Jenn en regardant les anneaux d’Izuku.
-Ah ? On a un futur client ? intervint Draken en tendant l’oreille.
-J'adore, articula Izuku avant de complimenter Jenn sur ses bijoux, notamment ceux qu'elle avait aux joues et qui lui dessinaient de jolies fossettes.
-Héhé…C’est canon hein ? Tu veux les même ?
-Non, à part les oreilles, j'ai pas trop envie que ça se voit, écrit Izuku.
-Ah bon ? Tu te ferais trouer où alors ? dit Draken.
Curieux de savoir où il voulait se faire trouer, ou plutôt décorer, Elliot se joint à eux pour observer Izuku qui montra par le geste où il envisageait de se faire piercer. Ce dernier tira d’abord la langue en faisant le nombre deux avec ses doigts.
-Ha. Le “serpent tong”. Stylé, mais pas conseillé. Si ça foire t’es paralysé de la langue, hinhin…commenta Elliot.
-Bah moi tu m’as pas foiré, dit Jenn en tirant la langue.
-Nan mais, toi on s’en bat les couilles, t’as déjà la langue coupée en deux. Et oui, si c'est moi qui le fait le bordel, ça foire pas pfufufu... plaisanta Elliot, “Quoi d’autre ,” demanda t-il ensuite à Izuku.
Ce dernier tapota du doigt son nombril, puis après un court instant de réflexion, il posa timidement ses mains sur sa poitrine avant d’aussi montrer sa nuque en signifiant toutefois qu’il hésitait pour celui-ci.
-Hinhinhin…Pas compatible avec tes 800 mètres d'écharpe c’est ça ? dit Elliot.
-Si tu veux du piercing caché fait plutôt ceux-là, suggéra Draken en ricanant.
Draken tapota d’une phalange la vitrine où sur une étagère se trouvait un reposoir en silicone en forme de pénis qui servait de démonstration pour les piercings génitaux. A côté de celui-ci se trouvait également un autre reposoir en forme de vulve, et Izuku sentit ses oreilles rougir en comprenant enfin ce qu'était un capuchon.
-Alors ? demanda Draken en haussant les sourcils.
-Pourquoi pas, c’est même une bonne idée, écrit Izuku en haussant les épaules.
-Mec t'es sérieux, ça t’inquiète pas de te faire pourfendre la bite par une aiguille genre, dit Draken.
Izuku fit « non » de la tête car au contraire, c’était une idée qui lui plaisait plutôt bien.
-Oh Elliot ! Vas-y on sort le matos ! se réjouit Draken en tapant des mains.
-Heu…J’ai pas 18 ans…articula Izuku qui à choisir, préférait que ça soit une fille qui se charge de cette partie de son corps.
-T'inquiète je déconne Izu. J't'aime bien toi, t'as le feu en toi, dit Draken en passant son bras autour du cou d'Izuku pour lui faire une brève accolade, “Oh tu vas ou gros, t'as le temps avant de commencer.” dit-il ensuite en s'adressant à Elliot qui s’en allait en direction d’un escalier menant plus bas.
-Aux chiottes, répondit Elliot avant de disparaître au sous-sol.
-Ok va poser ta pêche oklm, plaisanta Draken avant d’appeler Froppy, “Hé fais faire un petit tour du proprio à notre guest, moi faut que j’aille faire la putain de déclaration à l’URSSAF pour qu’ils me rackettent avec mon consentement. Et Mila va encore gueuler parce que j’suis pas foutu de me rappeler de mes codes. Ça va être trop bien.”
-Avec plaisir, répondit Froppy avant d’inviter Izuku à la suivre.
La visite commença par la grande pièces ou ils se trouvaient déjà, couverte d’un carrelage en damier noir et blanc. L’espace avait été divisé en plusieurs parties, à commencer par l'accueil où la clientèle pouvait profiter d’un canapé Chesterfield ou de fauteuils moelleux, dont un rouge qu’Izuku trouva particulièrement joli car il lui rappela celui de Morpheus dans Matrix. Un peu plus loin se trouvait une grande banque d'accueil derrière laquelle Mila s’affairait déjà à consulter l’agenda et les mails, et derrière laquelle se trouvait un bel espace dédié au dessin. Tout y était à disposition pour la création : table à dessin, table lumineuse, outils informatiques, et une quantité formidable de stylos, de feutres et de crayons de couleur. Après avoir laissé le temps à Izuku de s'émerveiller devant les bureaux, Froppy l’invita à revenir sur leur pas pour se rendre dans une pièce qui jouxtait l'accueil, équipé d’une porte coulissante, et qui était la salle de travail de Tim qui préparait une table de massage en la couvrant de cellophane.
-Et voilà mon deuxième chez moi. Je te jure j’y passe plus de temps que nulle part ailleurs. Mais j’suis grave calé, j’ai ma petite déco et regarde, y’a un deuxième post pour les guest, ou pour des clients qui auraient besoin d’être dans l’intimité, dit Tim.
Effectivement la pièce de Tim était plutôt confortable et en plus baignée de lumière naturelle grâce à une grande baie vitrée couverte de film occultant ou le nom du shop avait été ajouté. Pour le reste, Tim avait pu décorer l’endroit selon son goût, chose qui donnait quelques indices sur la spécialité du tatoueur. Izuku devina en regardant les cadres accrochés au mur que Tim travaillait essentiellement l'ornemental, le tout dans un genre plutôt oriental, un style qu’il portait lui-même majoritairement sur la peau. Après avoir prit le temps de regarder les décorations aussi dorées que l'étaient les bijoux de Tim, Froppy et Izuku s’en allèrent en direction d’un escalier qui menait à une grande mezzanine dont le plafond était couvert de papier aux tracés violet et aux motifs plus divers et variés les uns que les autres.
-C’est des stencils. On l’utilise pour décalquer le dessin sur la peau, expliqua Froppy avant d’inviter Izuku à explorer l’endroit avant qu’il ne se fasse un torticolis.
La mezzanine était occupée par quatre postes de travail, et mis à part l’un d’entre eux qui devait également servir pour des guest, Izuku n’eut aucun mal à deviner qui travaillait où. Sans aucun doute, c’est Soul qui était installé au fond de la pièce, et celui-ci travaillait entouré d’affiches et de figurines représentant ses héros favoris. Izuku étouffa un rire en imaginant la tête d’Elliot sur l’une d’entre elle, un Batman issu de l’anime iconique de 92. Puis sans transition, la décoration changea pour devenir toute autre, celle de Jenn qui devait vouer une véritable passion pour les cabinets de curiosité. Des crânes, des cadres avec des papillons ou divers insectes ainsi que des corbeaux décoraient le mur, et certains dessins, probablement des pièces en cours, y étaient affichés. Loin du style edulcoré de Soul qui etait sans nul doute spécialisé dans la pop culture, Jenn elle n’utilisait qu’une couleur : le noir. Comme l’avait dit Elliot la veille, la tatoueuse était spécialisée dans le blackwork, et dans un style graphique voisin de celui de l’artiste qui occupait le fond d'écran d’Izuku : Jean luc Navette. Il était donc évident pour Izuku qu’il passerait sous les aiguilles de Jenn un jour, et en fait il confierait même une bonne partie de son corps à toute l'équipe, y compris Draken dont le style était quelque part un peu à l'image de son look (si il l’avait osé, Izuku aurait demandé à Draken ou il avait trouvé son kimono aux décorations géométriques noires et blanches). Ce dernier mêlait à la perfection la géométrie et le figuratif, et pour Izuku ses compositions avaient tout du génie. Des aplats noirs, des paternes minutieux, du portrait plutôt graphique, le tout travaillé avec un si bon équilibre que rien ne parasitait des compositions pourtant chargées. D’ailleurs visiblement, ce dernier devait être reconnu dans son domaine car il avait été récompensé lors d’une convention. Son trophée était affiché au mur : une magnifique planche de skate customisée à côté de laquelle était accrochée une photo de Draken et du client avec qui il avait remporté la compétition. Un tatoué courageux qui s'était fait encrer pour ainsi dire presque l'intégralité de l'arrière du corps et qui posait de dos le pantalon sur les chevilles en faisant un “v” de la victoire avec ses doigts. Izuku ne s’attarda pas plus sur le cliché, et il se retourna vers Froppy en reniflant les environs, sentant un agréable odeur mentholée.
- Ça sent bon, articula Izuku à Froppy en se tapotant le bout du nez.
-C’est le green soap, regarde, Jenn prépare une bouteille. Ça sert à nettoyer la peau. Tu viens ? Maintenant on va voir ou je travaille avec Elli hihi, dit Froppy.
C’est au sous-sol que se trouvaient les pièces destinées au piercing, et après avoir descendu un étroit escalier en colimaçon, Izuku arriva dans une salle d’attente circulaire équipée de chaises et de fauteuils. L’endroit donnait accès à d’autres pièces dont les toilettes, ainsi qu’une salle dédiée à la stérilisation, et une autre pour le stockage du matériel et où se trouvait également un cagibi pour ce que Froppy appela les DASRI. Mais ce que s’impatientait de montrer la pierceuse plus que les poubelles destinées à la récolte des déchets à risque, c'était les salles techniques, deux pièces aquarium aux vitres couvertes de film occultant, et elle commença par celle qu’elle occupait.
-Hihihi et voilà ! dit fièrement Froppy en tournant sur elle-même.
En découvrant l’endroit, Izuku comprit d'où était venu le surnom de Froppy qui était un habile mélange entre Françoise et “frog”, autrement dit “grenouille”, animal pour lequel Froppy vouait un véritable culte. Des grenouilles il y en avait partout, et sous toutes les formes, que ça soit de petites figurines et de petits gadgets divers ou même encore la table de massage recouverte d’un imprimé avec de petites têtes de grenouilles dans un style très japonisant et kawai. Le batracien était également mis à l'honneur sur un mur, dans un grand cadre où se trouvait un print représentant une grenouille munie d’un parapluie le tout travaillé en Irezumi, le style de tatouage traditionnel Japonais issu de la culture yakuza. A côté de cette œuvre qu’Izuku trouva fantastique, se trouvait aussi d'autres cadres destiné cette fois-ci à montrer le travail de Froppy qui poussait son métier à un tout autre niveau. Plus que du bodmod, il s'agissait là de véritables performances, aussi bien pour la pierceuse que pour ses modèles qu’elle décorait avec génie. Izuku resta béa devant des clichés (pris par Froppy elle même), d’une personne tenue en suspension dans les airs par des crochets fichés dans le dos, et d’autres, ceux d’une femme d’une grande beauté avec le cou paré d’aiguilles et de plumes. Après avoir vu ça, sans hésiter Izuku signifia à Froppy par le geste que lorsqu'il serait majeur, il participerait volontiers à l’un de ses shooting photo, à condition de cacher son visage avec un masque.
-Oooooh ! Tu ferais ça ? Avec plaisir ! J’ai déjà mille idées ! Du bodmod et du shibari par exemple…Oh oui…Et suspendu dans les airs…comme si tu volais…Mais on verra ça dans trois ans hihi. J'espère que d’ici la t’auras changé d’avis pour le masque hihi…Tu viens ? On va dans la salle d’Elliot maintenant. Ah ! Quand on parle du loup…Hé béh, c’était long hihi, tu faisais caca ?
-Tu veux les détails ? dit Elliot.
-Non ça ira, hihihi. Tu fais visiter à Izuku ?
-Ha ? Ouai, bah voila. C’est là, répondit Elliot en invitant Izuku à entrer dans sa salle.
Si le poste de travail de Froppy était richement décoré, celui d’Elliot en était l'exact opposé : froid, impersonnel et aseptisé, c'était une chambre d'hôpital en comparaison. Tout y était d’un blanc immaculé, et rien dans la salle n’était a l’image d’Elliot, si ce n’est un petit lecteur de disque à coté duquel se trouvait des CD, notamment quelques un, prété par Izuku. Ce dernier sourit en enfonçant les mains dans les poches de sa veste, content de voir qu’Elliot travaillait au son de sa musique.
-Et voilà ! On a fait le tour ! Bon maintenant si on allait boire nos cafés et nos thé froids ? Hihihi, dit Froppy.
Une fois les boissons bue, la clientèle commença à arriver et la journée de travail commença. Mila invita Izuku à s’installer aux bureaux destinés au dessin où Draken s’était déjà mis au travail. Un chantier fastidieux qui semblait lui prendre la tête.
- Putaiiin j'en chiiiie ! Y'a un truc qui va pas là. Comment ça me saoule ! se plaint Draken en jetant son crayon sur le bureau.
Izuku se pencha sur le dessin de Draken, une Médusa, et ce qui posait problème lui sauta aussitôt aux yeux. Pour signaler l’anomalie au tatoueur qui visiblement avait passé trop de temps sur son dessin pour en voir les erreurs, Izuku attira son attention et il se tapota le nez.
-Le pif ? Ouai j'avoue, il est cheum son pif .
Par le geste, Izuku signifia à Draken que c’est la perspective qui posait problème, puis il s’installa de sorte à prendre la même pose que la Gorgone pour servir de modèle à Draken. Après avoir tenté plusieurs corrections, ce dernier renonça, et il jeta sa gomme sur la table avant de s’affaisser sur son siège.
-Vas y ça me saoule, j’y arrive pas. J’vais me rouler une clope.
-Putain, vachement rassurant pour la personne qui va se le faire piquer, intervint Mila en attrapant la feuille.
-Bah fais le toi, au lieu de faire la maligne la.
-J’peux te faire un bonhomme bâton si tu veux. Mais demande plutôt à Izuku, il a l'air d'avoir l’œil.
Izuku secoua les mains et fit « non » de la tête.
- Bah si vas-y, j'ai plus rien a perdre gros, je vais finir par trouer ma feuille à force de la gommer, dit Draken en tendant son crayon à Izuku qui le saisit timidement, et s’attela à la tâche en prenant soin de ne pas trop appuyer sur la mine, “OK. Ok mais genre t'es un GENIE !”, s'exclama Draken en léchant sa feuille de cigarette.
-Tu dessines Izuku ? demanda Mila.
-Un peu…articula timidement Izuku.
-Vas-y frais, montre. Roh, fais pas ton timide, je viens de me taper l'affiche devant toi. Tiens : échange de bons procédés je te passe mon book pour que t’y jette un œil.
Izuku acquiesça, et non sans être gêné il montra quelque clichés de ses productions à Draken qui hocha la tête l’air convaincu en les regardant. Puis à son tour Izuku jeta un œil au book du tatoueur dont l’un des dessins lui tapa dans l'œil. Il tapota du doigt une illustration qui représentait une tête décapité au visage androgyne, la bouche grande ouverte d’où sortait un serpent, le tout composé avec un grand gestuel pinceau bien noir, et un patern en fond.
-Il te plait celui la ? J' ai en print si tu veux. Vas y Mila donne en lui un, dit Draken.
-N-non…Quand même…articula Izuku en sortant son porte monnaie.
-Mais range moi ça là..Tsss... T’inquiète, c'est pour te remercier pour le pif de ma Méduse. Tu lui as fait une super rhinoplastie. Prends mon Insta, comme ça tu pourras voir le résultat en tattoo, dit Draken en tendant sa carte et celle du shop.
-Vas y bouge mec, je prends ta table lumineuse. Faut que je fasse mon carbone pour genre dans 20 minutes. Et j'ai pas fais ma station encore…intervint Soul en jetant sur le bureau un dessin représentant un buste d’Iron-man.
-Vas-y, mais sois un peu professionnel toi aussi là... Bon t'facon je vais fumer. Ah, mais attends. Je pense qu'Izu peut te filer la main, t’inquiète le mec dessine vénère. Ça te botte Izu ?
-Heu…De quoi…? articula Izuku.
-Faire le stencil de Soul. Regarde, tu prends le dessin, tu le claque sur la table lumineuse, et sur une autre feuille tu décalques, mais tu fais juste le tracé, et du délimite les ombres. Regarde, comme ça. Juste tu fais des petits points à la place des petits traits pour les ombrages. Soul il préfère comme ça ce boloss. Vas y essayes.
-D-Daccord…balbutia Izuku muettement en attrapant un stylo la main tremblante.
-Han putain merci tu me sauve… dit soul avant de monter les escaliers deux par deux pour s'affairer à la préparation de son poste.
-Oh gros ! C'est la bonne taille ton dessin là ? cria Draken en s'adressant à la mezzanine après avoir récupéré le dessin préparé par Izuku.
Comme réponse, la main de Soul sortit des hauteurs et valida en collant son pouce à son index.
-Alright. Je vais sortir le stencil, tu veux voir Izu ?
Izuku acquiesça, sentant que sa soif de connaissance avait été réveillée, et Draken lui expliqua le procédé. Ce dernier prit une feuille de carbone dont il glissa le feuillet dans le clapet d’une machine, un thermocopieur, et dans la fente de celui-ci il glissa le dessin. Après quoi, il lança l’impression en proposant à Izuku de bien tenir le carbone sur lequel se matérialisa petit à petit le futur tatouage.
-Et voilà magie. Le bonheur de pas le faire à la main. J’te jure c'est grave chiant sinon.
-Merci, j’vous aime, dit Soul avant de découper le motif .
-Tu veux rester pendant le tattoo Izu ? proposa Draken.
-Je vais déranger…articula Izuku en tirant sur ses manches, bien que sa curiosité soit désormais inextinguible.
-Pas de problème pour moi, quand je pique j’suis ailleurs. Pf tant mieux d’ailleurs…bref. No problem, juste faut que je demande à mon client, dit Soul.
Une fois l’accord du client obtenu, Izuku s’installa à côté de la station de Soul en veillant toutefois à passer inaperçu, et une fois le stencil posé et le travail commencé, il ne bougea plus d’un iota, presque aussi concentré que Soul qui comme il l’avait dit, était totalement dans sa bulle. Une concentration toute particulière propre au tatouage, un art qu’Izuku avait toujours apprécié d’aussi loin qu’il se souvienne, et avoir l’opportunité aujourd’hui d’assister en direct à une session tattoo était une chance inespérée. Regarder des tatouages était une chose pour Izuku, mais observer de près le processus entier en était une autre, et voir le motif se matérialiser petit à petit sur la peau était fascinant. De tout le temps que dura le tatouage, Izuku ne manqua rien de chaque geste, chaque coup d'aiguilles qu’avait fait Soul, et il observa également avec attention la mise en place du pansement ainsi que les préconisations du tatoueur pour les soins post tatouage. Après quoi, Soul accompagna son client à la sortie, laissant Izuku sur la mezzanine d’où il observa Elliot qui faisait signer une décharge à un père, accompagné de sa fille aux cheveux violets.
-Hehehe…Spitz...pensa Izuku en se faisant la réflexion que vu des hauteurs, les cheveux d’Elliot faisaient effectivement penser au pelage de ces petits chiens tout touffu, et qu’ils avaient même presque l’air aussi doux.
D’Elliot, c’est tout ce que pu voir Izuku qui en fin de compte passa le reste de la journée sur la mezzanine après que Jenn lui ait proposé d’également assister à sa session tatouage. Izuku n’avait évidemment pas pu refuser l’offre, sa soif de connaissance n'était pas, et ne serait d’ailleurs jamais étanchée avec le tattoo, et celle-ci ne faisait même que s’amplifier. Puis après cette enrichissante après-midi, Jenn proposa à Izuku de s’installer confortablement sur le canapé pour discuter autour d’une boisson chaude, et une fois sa journée chargée terminée, Elliot se joignit à eux en se laissant tomber dans le canapé à côté d’Izuku.
-T'es ok ? dit Elliot.
-Mieux que ça, articula Izuku.
-Alors Elliot ? Bien ? Pas de moisis aujourd'hui ? ricana Jenn.
-Ha ! Recommence pas p’tain ! s'insurgea Elliot.
-T'as ramassé combien de numéro aujourd'hui gros ? demanda Tim en sortant juste la tête de sa pièce.
-M'en fou, marmonna Elliot.
-Un ! cria Mila depuis le comptoir en agitant un petit bout de papier.
-Ça fait combien avec ceux d'hier ? demanda Jenn.
- Heuuu...ça fait trois. Pas assez pour battre le record.
-P’tain vous faites chier. J'en veux pas de tes putains de numéros.
-Attend je les garde précieusement, on sait jamais si quelqu'un te tape dans l'œil.
-T'façon tu veux qu'il appelle qui, il a pas de portable, dit Draken en descendant de la mezzanine.
-Ah bon ? articula Izuku qui n’avait même pas envisagé de demander son numéro de téléphone à Elliot.
-Le mec vit au 18eme siècle, il est là avec sa petite carte prépayée pour utiliser, tiens toi bien, les cabines téléphoniques gros, dit Tim.
-C'est bon ? Vous avez fini ? Puis t'es con ou quoi ? Y avait pas de cabines au 18 ème, répliqua Elliot.
-En fait Elliot, c'est un ieuv, un ieuv caché dans la peau d'un lycéen, dit Jenn à Izuku sur le ton de la confidence.
-Ahahaha ! De ouuuuf, il est là, dans sa cabine téléphonique, avec ses petites habitudes, son journal, ses tickets de métro, et son p'tit thé, ajouta Draken en mimant une vieille personne tremblante en train de siroter une tasse le petit doigt levé.
-On lui avait proposé de lui donner un portable mais il nous a tej’, soupira Jenn.
-Mais lâchez-moi avec vos trucs à la con. Moi au moins j'suis pas dérangé toutes les 30 secondes par une notif’ ou j’sais pas quoi, répliqua Elliot.
-Nan mais je sais aps, ça peut être utile genre pour retrouver quelqu'un : si t'as une galère tu peux prévenir, argumenta Draken.
-Bah ils faisaient comment au “18 ème siècle” d'après toi ? dit Elliot en faisant des guillemets avec ses doigts, “Pas besoin de c’te connerie d’mes couilles. Tu donnes rendez- vous à un endroit, à une heure, point. Et si le gus se pointe pas, bah j’me casse c'tout.”, ajouta t-il ensuite.
-Mais imagine gros, tu donne rendez- vous à Izu par exemple, et le mec se fait enlever dans le métro. Toi tu vas juste te barrer et tu sauras jamais que ton pote il est dans la mouise, insista Draken.
-Mais toi t’as cru que les gus qui le foutrait dans la mouise il le laisserait envoyer un putain de texto genre : “Oui bonjour, navré hein, mais y’a des types qui m’embarquent, j’te préviens avant de me faire tirer mon portable, allez, bisou.”, répondit Elliot en se mimant en train d’écrire un message, “Et merde, chier. Je-veux-pas-de-votre-pu-tain-de-ma-chin-à-la-con. J’ai mon flair, ça me suffit. Surtout quand il s'agit de péter des mâchoires. Les galères (Elliot renifla en se touchant le nez)...je les sens à des kilomètres. Bon, sur ce, j’me tire.”, ajouta t-il ensuite.
Izuku suivit Elliot sur le départ, et il salua toute l'équipe en les remerciant platement pour leur accueil et leur temps. Avant de quitter les lieux, Izuku s’inclina encore une fois, et il se dirigea en direction de la porte, triste que le rêve éveillé soit passé si vite.
-Gros ! Appelle Izu, dit Draken à l’adresse d’Elliot qui tapota l’épaule d’Izuku, “Hé Izu, hésite pas si tu veux revenir. On peut t'engager pour faire des stencils si tu veux quelques ronds. Ça aidera Soul à être dans les temps pour une fois dans sa vie.”, proposa Draken.
En réponse, Izuku balbutia quelque chose d'incompréhensible, estomaqué par la formidable proposition qu’on venait de lui faire. En fin de compte, le rêve allait pouvoir durer.
-T'es un poisson ou quoi ? plaisanta Tim.
-Oui…Heu…Non. Enfin oui ! Oui, avec plaisir ! articula Izuku.
Après quoi, Izuku s’inclina tant que son nez toucha presque ses genoux, puis il suivit Elliot en direction du métro. Son allégresse le plongea dans un état proche de celui dans lequel l’avait mis le THC la veille, et il posa un regard rempli de reconnaissance au dos d’Elliot qui marchait en répandant la fumée de sa cigarette dans son sillage. Ce dernier se retourna, en continuant à marcher à reculons, et il signa “pont” à Izuku avant de se retourner et de s'équiper de ses écouteurs.
Change - Deftones
https://www.youtube.com/watch?v=A3ImpLn46MU
Arrivé sur les lieux, Izuku pouffa en se faisant la réflexion que les collègues d’Elliot n’avaient pas tout à fait tort : Elliot le petit vieux avait bien ses petites habitudes. Le rituel de son ami, Izuku le connaissait maintenant par cœur. Une cigarette qui se consumait toute seule sur le sentier et qui finissait dans un petit cendrier de poche, et une pierre ramassée pour le cairn. Toutefois, de son rituel Elliot avait perdu quelques habitudes notamment ce qu’il avait appelé “l’appel du vide”, et maintenant ce n’est pas deux, mais trois cigarettes qu’il fumait. Trois cigarettes, le temps pour Izuku et Elliot de parler du week-end, et de profiter du calme des lieux, ce petit monde, cette petite planète où il n’y avait qu’eux.
-“Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi…unique au monde…Peut-être…songea Izuku en repensant à l’un de ses livres préférés : “Le petit Prince”.
Apprivoiser Elliot, et surtout réussir à lui rendre ce qu’il lui avait offert le temps d'un week-end, c'était maintenant la préoccupation prioritaire d’Izuku qui ignorait encore comment il pourrait un jour offrir le quart de la moitié de ce que lui avait offert son ami qui allumait sa troisième cigarette, celle qui marquerait la fin imminente de ce week-end fabuleux.
-Quoi ? questionna Elliot en se sentant observé.
-Non rien…C’est juste que…je me disais que t’étais surprenant, articula Izuku avant d'ajouter mentalement pour lui même : “Et…J'aime bien les gens surprenants.”
-Tant que c’en est des bonnes. Des surprises, dit Elliot.
Izuku aqcieçca, puis il se raidit, voyant qu’Elliot le regardait par dessous sa capuche, l’air menaçant en amenant doucement sa main vers son nez duquel il sortit l’anneau dissimulé qu’il portait au septum. Izuku rit et asséna à Elliot une petite tape pour la frayeur.
-Surprise, dit Elliot avant de ranger son bijou dans son nez.
-Laisse le, ça te va bien, articula Izuku.
-Nan. Assez de surprises. Fini pour aujourd'hui, dit Elliot en s'appuyant sur ses bras avant de se tourner vers l’horizon.
-Hey…Elliot ?
-Hm ?
-Merci.
-De ?
-Pour ce week end. Je vais avoir du mal à être quitte.
-C'est bon. Pour les CD que tu me files.
-Non ça suffit pas… articula Izuku les sourcils froncés avant de lui aussi retourner à la contemplation du paysage.
C’est sur le fleuve que son regard s’arrêta, ces eaux qu’il avait dit être son monde, et qui faisaient naître une idée dans l’esprit d’Izuku. L’idée de prendre la main de son ami, pour faire un plongeon, et l'entraîner dans les profondeur avec lui, dans son palais à lui, autrement dit, sa coquille. Et curieusement, l’idée ne lui faisait pas peur, et en la matérialisant dans sa tête, Izuku la considéra même comme une évidence. L'évidence qu’Elliot y était le bienvenu, à condition toutefois de ne le laisser pénétrer que dans le hall d’entrée, les premiers mètres des eaux d’Izuku, là où ils auraient pied, et suffisamment loin des profondeurs abyssales. Izuku ferma les yeux, et dans son esprit il se visualisa lui-même, traçant du doigt une porte sur la coquille, et dans la paume du Izuku intérieur, une petite clef dorée se matérialisa.
-Go, dit Elliot en tapotant le cadre de la montre d’Izuku.
Izuku aqcieçca, sans sortir de ses pensées, et après avoir ajouté une pierre à son propre cairn, il suivit Elliot en direction de la gare. Dans le train, le Izuku intérieur contempla la petite clef tandis que le vrai Izuku regardait le tableau des stations par intermittence, comme si celui-ci était le décompte qui le séparait de sa prise de décision. Voyant que l'arrêt d’Elliot était imminent, Izuku pressa son esprit pour qu’il fasse son choix, et au moment où le train ralentit, la petite clef arrêta sa course dans la main gauche du Izuku intérieur qui la serra dans sa paume.
-See ya, dit Elliot en commençant à se lever.
-Attends ! articula Izuku en attrapant le bras d’Elliot, sans trop savoir comment formuler son idée.
Elliot pencha la tête, et enfin, Izuku osa poser la question qui lui brûlait les lèvres depuis le cours d’EPS :
-Tu…Tu danses…?
Elliot se figea un bref instant, et il se pencha pour être tout près d’Izuku. Un sourire en coin se dessina sur sa bouche et il souffla :
-Pourquoi tu poses la question, si tu connais la réponse…
Puis Elliot se redressa lentement, se dirigea vers la porte de la rame à reculons, et il descendit hors du train d’un petit bond. La porte de la rame se referma sur lui et sur Izuku à qui un sourire, presque imperceptible, était dessiné sur la bouche. Elliot ne bougea pas, jusqu’a ce que le train s’en aille, et une fois celui-ci disparu dans le tunnel, il chercha un titre sur son Mp3 dont il meumeumait déjà la mélodie.
-Play, souffla Elliot.
Une fois le morceau trouvé et lancé en repeat, Elliot étira ses bras devant lui, puis il pouffa avant de faire un tour sur lui même en claquant des doigts, et il s’en alla en dansant, ignorant les regards interloqué qui se retournaient sur son passage.
Mylenium (instrumental) - Mylène Farmer
https://www.youtube.com/watch?v=_oIEbrKXNwk
Notes et références :
- "Baggy le clown" fait référence à un personnage de "One piece", écrit par Eiichiro Oda.
- *Baito : Un petit boulot.
- Soul : inspiré d'un personnage du même nom, issu de "Soul Eater", écrit par Atsushi Okubo.
- Draken : inspiré d'un personnage du même nom issu de "Tokyo Revenger", écrit par Ken Wakui.
- Froppy inspiré de Tsuyu Asui (alias Froppy), issu de "My hero academia", écrit par Kohei Horikoshi.