Comme le monde est tout petit !

Chapitre 1 : Rencontre inattendue

Chapitre final

3819 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 27/03/2019 08:39

L’année 452 en Chine, s’achève sur un hiver qui a été très rude, laissant ainsi place au printemps, annonceur de renouveau dans la nature. La température de l’air monte peu à peu, la neige des montagnes commence à fondre, la floraison des plantes et des fleurs des arbres de cerisiers, apporte de nouvelles couleurs et odeurs qui ravivent tous nos sens…

               Cependant, c’est aussi le moment où les animaux en hibernation se réveil… Et celui du grand Nian Shou, qui a lieu tous les ans à la même période, n’y fait pas exception. C’est donc après une longue année de repos, que dans une caverne située sur les hauteurs des plus grandes montagnes, le monstre reptilien craint de tous, s’éveil avec une faim de loup. Sans plus attendre, il sort de sa tanière, et s’élance vers le village le plus proche.

***

               L’invasion de la Chine par les Huns a été repoussée grâce à Fa Mulan, qui a guidé l’armée impériale d’une main de maître. Cette jeune fille s’est engagée dans l’armée déguisée en homme, à la place de son père blessé. Aujourd’hui, Mulan s’est fiancée et a repris le rôle demandé aux femmes de son pays, c'est-à-dire rester calmement et docilement à la maison, tout en faisant preuve de subtilité. Cela est tout le contraire de ce qu’elle est, mais elle est consciente qu’après avoir comblé d’honneur sa famille actuelle, elle se devait de faire de même pour son fiancé et sa famille future.

               Mushu, un petit dragon rouge et jaune, qu’on pourrait aussi confondre avec un lézard au vue de sa modique taille, a accompagné en tant que guide et protecteur Mulan. Très confiant et plutôt impulsif malgré son léger handicap, il a tout fait pour qu’elle devienne un véritable héro de guerre. D’ailleurs cela lui a permis de monter son statut d’un grade, passant ainsi d’un simple poste de sonneur de gong au poste de Gardien de la famille Fa.

               Depuis, Mushu passe son temps à dormir et faire la fête. Il faut dire que maintenant que la Chine a été sauvée de l’invasion des Huns, la vie est plutôt calme. Il contemple pour la énième fois son reflet dans la pierre tombal du plus ancien des ancêtres, en effectuant des moues tantôt séducteur, tantôt méchant, quand les tambours impériaux résonnent au loin à un rythme lent et mesuré. Cela n’a pas l’air de le déranger outre mesure, c’est pourquoi le défunt doyen apparaît.

« MUSHU !, crie-t-il de sa voix toute aussi sépulcrale que tonitruante. »

               Le reflet du dragon s’efface aussitôt pour laisser place à l’imposante silhouette fantomatique qui sort de sa pierre tombale, faisant chuter Mushu de surprise en arrière, dévalant ainsi les marches de l’autel pour finir la tête la première sur le sol dallé de pierre. De sa longue barbe blanche flottante, sur des joues ballantes, le doyen des ancêtres s’exclame :

« Mushu ! Ce n’est pas parce que tu as contribué au sauvetage de la Chine, que tu dois te reposer sur tes lauriers !

—    Bien sûr, voyons, je le sais… pfff !, répond le petit dragon avec un air légèrement insolent.

—    Est-ce que tu entends les sons dehors ?

—    Oui mais…

—    Sais-tu ce que sont ses sons ?

—    Les tambours impériaux mais…

—    Et sais-tu ce qu’ils sont censés annoncer ?

—    Une urgence…

—    ALORS QUE FAIS-TU ENCORE ICI ?, hurle-t-il soudain.

—    Oui, j’allais y aller !, répond prétentieusement Mushu. Vous pouvez compter sur moi, après tout je suis un grand gardien maintenant…

—    FILE !, coupe brutalement le fantôme. Mulan est déjà sur le point de partir !

—    D’accord ! »

                Sans chercher à vanter ses mérites plus longtemps, il se précipite jusqu’à la maison de Mulan. D’ailleurs il n’a pas le temps de rejoindre la demeure, que la jeune fille déjà en selle, lui passe sous le museau. Il a tout juste le temps de s’accrocher à l’étui de l’épée au passage, mais il lâche prise pour partir en roulée boulée dans la foulée du vent. Il réussit néanmoins à se rattraper in-extremis à la queue du cheval. Le criquet porte bonheur que grand-mère Fa a remis à Mulan, Cri-Kee, est quant à lui déjà bien installé et en sécurité sur la croupe de la monture.

« Tsss… Je vois qu’il y a des privilégiés !, fait remarquer le dragon vexé. »

               Le criquet de couleur violet, se contente alors de répondre par stridulations saccadées et frénétiques, exprimant probablement une grande satisfaction. Le dragon monte ensuite sur l’épaule de Mulan et s’agrippe au tissu de son kimono, ses oreilles et ses deux fines moustaches jaunes dans le vent, il s’écrie :

« Qu’est ce que tu comptes faire ?

—    Je ne sais pas…

—    Quoi ?, commence à s’exciter le dragon d’une voix étranglée. Tu t’élances comme ça sans avoir de plan ? Mais c’est de la folie !

—    Je comptais profiter du trajet pour y réfléchir !, se dédouane Mulan. »

« Bin voyons ! Voilà qu’elle remet ça ! S’élancer comme ça sans réfléchir ! Ok c’est comme ça qu’elle a réussis à venir à bout de ce psychopathe là, comment il s’appelait déjà : Shan Yu. Mais cette fois elle ne sait même pas ce qui l’attend !, pense inquiet Mushu. »

« Cri-Kee !, reprend-t-il à haute voix cette fois. J’espère que tu portes toujours autant bonheur ! »

               De nouvelles stridulations retentissent mais cette fois cela reflète de l’incertitude.

« QUOI ?, s’étrangle le petit dragon. Comment ça « Peut-être que oui, peut-être que non » ?, mime-t-il en grimaçant et gesticulant. Pfff… Voilà ce que c’est de bosser avec des amateurs !, ajoute-t-il en posant une de ses pattes devant ses yeux. »

               Mulan est effectivement une jeune femme déterminée et plutôt ingénieuse. Son courage la fait souvent foncer dans le tas, sans au préalable réfléchir à un plan. Cela a d’ailleurs tendance à agacer son fiancé, le général Shang, qui lui, est plus réfléchis. Mais son courage et sa témérité en plus de sa beauté, sont quand même des atouts non négligeables qu’on ne retrouve chez aucune autre femme du pays, et cela Shang en est conscient puis ça le rend plutôt fier aussi.

               Au fur et à mesure de son chemin parmi des champs de riz d’un côté et de bambous de l’autre, Mulan entend des rugissements qui se font de plus en plus proches. Elle est persuadée que ça ne peut être que le fameux Nian, qui selon les différents légendes, apparaît à la veille de la nouvelle année. Sentant qu’elle n’allait pas tarder à croiser son chemin, elle estime qu’il est plus prudent de continuer à pied, et de se cacher dans les fougères et bambous des alentours. Comme elle s’est doutée, le monstre marche d’un pas décidé, la bave tellement dégoulinante sur le sol, qu’on peut le suivre à la trace.

« Voilà le fameux Nian Shou, pense Mulan. »

                Elle est étonnée de constater qu’il n’a rien à voir avec les images des nombreuses histoires qu’on raconte. Il n’a pas du tout la tête d’un lion et le corps d’un taureau. Cela dit, il n’en reste pas moins effrayant pour un dragon : Des petits yeux mauvais de couleur doré aux pupilles rouge sang prêt à le glacer, des dents aussi fines qu’aiguisées, probablement capables de déchiqueter une peau humaine, comme un couteau entrerait dans du beurre. Ses nombreuses cornes, disposées du haut de son museau jusque sur sa tête, peuvent t’embrocher comme un porc au caramel grillé au feu de bois. Puis sans oublier sa taille impressionnante, qui rivaliserait avec au moins deux charrues.

               Malgré la peur, Mulan pense à ce qu’un tel monstre pourrait faire à son village et à sa famille, c’est pourquoi, elle prend son courage à deux mains et décide de faire face à la bête, armée de son épée, héritée de sa victoire contre Shan Yu. A sa vue, l’animal lance un hurlement accompagné d’une déflagration dans les airs, tout en se levant sur ses énormes pattes arrières assorties de grosses griffes acérées. De quoi décapiter Mulan d’un seul coup.

« Dégage de mon chemin !, crie le Nian d’une voix rauque. Sinon je te réduis en cendre ! »

               La jeune fille n’est pas dupe et remarque tout de suite que la bête n’a pas une position d’attaque, mais juste une attitude d’intimidation. Persuadée qu’il ne l’agressera pas, enfin du moins elle l’espère, elle range alors son épée pour lui signifier qu’elle non plus n’a pas l’intention de lui faire du mal. Ses deux mains levées en l’air pour appuyer son abdication, Mushu en profite pour grimper sur son épaule et s’écrie :

« Ca alors ! Impossible ! C’est toi le fameux Nian ? Nian Shou ? J’aurais dû m’en doutais !, s’exclame de joie le petit dragon.

—    Qui es-tu misérable créature !, gronde l’autre.

—    Quoi ? Tu ne me reconnais pas ! C’est moi ! Mushu ! »

               Le monstre se rapproche pour pouvoir distinguer au mieux le petit être. Mulan retient légèrement son souffle prête à esquiver si nécessaire, et se retrouve alors nez à nez au monstre.

« Impossible !, s’écrie-t-il alors dans un mouvement de recul. Comment se fait-il que tu sois resté si petit ?, charrie-t-il.

—    Hey ! C’est à toi qu’il faut demander pourquoi tu es si grand ?

—    Ah ça ! C’est la génétique mon pote !, répond-t-il d’un rire guttural.

—    Mon pote ?, répète éberluée Mulan.

—    Mais oui ! On était dans la même école d’apprentissage pour devenir gardien des familles ! »

               Mulan reste abasourdie.

« D’ailleurs qu’est ce que tu nous fais là, grande canaille ! Pourquoi cherches-tu à attaquer les villages et leurs habitants ?, demande Mushu.

—    Quoi ? Ca n’a jamais été mon but voyons ! Dans la montagne où je vis, il y a très peu de nourritures. Je veux juste glaner quelques trucs à manger !, se plaint-il. Il tourne la tête de droite à gauche puis croise la monture de Mulan. Tiens ! Comme ce cheval là bas ! »

               Il est sur le point de se précipiter sur l’animal quand Mushu l’interpelle pour l’en empêcher.

« Non, non, non, rit-il jaune, tu ne peux pas le manger celui-là…

—    Ah bon ? Mais pourquoi ?

—    Ca ne se mange pas c’est tout… Puis sa viande est loin d’être tendre… Ecoute ! Il se permet de grimper jusqu’à son oreille et s’y accoude. Si c’est juste la faim qui t’amène, on pourrait t’apporter de la nourriture ! Mais de la bonne nourriture !

—    C’est vrai ! Tu peux faire ça pour moi ? »

               Le petit dragon regarde Mulan pour avoir son approbation, quand soudain une flèche passe entre Mushu et l’oreille de l’énorme bête. Nian Shou s’enfuit aussitôt dans la forêt de bambou, son ami accroché à l’une de ses cornes. Mulan aperçoit alors son fiancé, le général Shang. Grand, costaud et bel homme, il s’avance sur son cheval avec trois de ses soldats, que la jeune femme connaît très bien, puisqu’elle s’est retrouvée dans leur régiment lorsqu’elle s’est engagée dans l’armée impériale.

« Qu’est ce que tu fais là Mulan ?, demande mi-figue mi-raisin Shang en descendant de sa monture pour faire face à sa fiancée.

—    Je suis venue à la rencontre du monstre, répond-t-elle de but en blanc.

—    Et qu’est ce que tu espérais ? Pouvoir en venir à bout toute seule ?, commence-t-il d’un ton dur.

—    Ecoute, je suis désolée, mais c’a a été plus fort que moi, il fallait que je voie de quoi il s’agissait et si je pouvais aider ! »

               Après un petit instant de réflexion, Shang se ravise et répond plus calmement cette fois :

« Bon, au moins tu es saine et sauve ».

               Il la serre dans ses bras.

« Rentre chez toi maintenant, ordonne-t-il fermement. Soldats ! Rattrapons ce monstre ! »

               A peine remonté sur son cheval, Mulan le retient.

« Non Shang attend ! Ce monstre n’est pas méchant… Laisse-moi m’en occuper s’il te plaît.

—    Non Mulan, il en est hors de question !

—    Mais Shang !

—    Ecoute Mulan, on a convenu qu’après la bataille contre les Huns, tu ne risquerais plus ta vie en te joignant à l’armée.

—    Mais je ne suis pas avec l’armée là ! Et je ne risque rien puisque le Nian ne m’attaquera pas ! Mushu est avec lui ! Il a juste faim et cherche à manger…

—    Mulan !, souffle Shang. Ne joue pas sur les mots.

—    Fais-moi confiance ! S’il te plaît ! »

               Son regard brun étiré et déterminé, encadré de longs cheveux noirs comme l’ébène, se plante dans celui du général. Il soutien son regard les sourcils froncés pendant un instant puis fini par céder, mais à la condition qu’il aille avec elle.

« Yao ! Ling ! Chien Po !, interpelle-t-il. Allez porter main forte au groupe resté devant le village au cas où le Nian se présenterait ! »

               Les trois soldats obéissent immédiatement aux ordres, tandis que le couple part à la recherche des deux dragons.

               Pendant ce temps, Mushu resté sur l’épaule de Nian Shou durant sa fuite, réfléchit à un plan pour que les gens comprennent qu’il n’est pas méchant.

« Comment peux-tu être le gardien de telles créatures ?, demande le Nian dégouté par tant de méchanceté.

—    Ils ne sont pas tous mauvais tu sais. Regarde Mulan ! Le problème c’est que la plupart des gens ne regardent pas plus loin que le bout de leur nez. J’étais comme ça moi aussi, égoïste et faisant passer mes intérêts avant les autres.

—    Et qu’est ce qui t’as fait changer ?

—    Lorsque Mulan s’est engagée dans l’armée impériale, l’assistant de l’empereur a appris que c’était une femme et il a voulu immédiatement l’exécuter. Mais heureusement, le général Shang lui devait sa vie, alors il a décidé de l’épargner. C’est à ce moment là que je me suis rendu compte, que c’est mon égoïsme qui avait faillit lui coûter la vie. C’est moi qui ais tout manigancé pour qu’elle parte au combat au plus vite. Depuis j’essaie d’être un peu moins individuel et d’aider Mulan au mieux.

—    Le premier jour où je me suis aventuré dans un village pour chercher de la nourriture, raconte à son tour le Nian. Les humains n’ont pas hésité une seconde à m’attaquer. Pour me défendre je n’ai pas eu d’autre choix que d’incendier et même de blesser des gens. Une fois sans défense devant moi et animé par la faim, je n’ai pas pu m’empêcher de les dévorer, avoue-t-il honteux.

—    Quoi ? Tu as donc mangé de l’humain ? Beurk… J’ai mordu des fesses une fois ! Et tu peux me croire, je n’en mordrais plus jamais ! C’était trop dégueulasse.

—    Je te l’ai dit, la faim était plus forte que tout ! L’année d’après, quand je suis revenu, ils ont réussis à m’effrayer avec des bruits étranges qui éclataient de toutes parts, ca faisait des « Pif, Paf, Pan » de partout autour de moi. En plus de cela il y avait des « Big, Bang, Boum »… L’horreur ! Et tout ce rouge flamboyant… Brrr… Quand j’y pense j’en ai des frissons… Regarde mes écailles ! »

               Effectivement celles-ci sont relevées de façon à ce que Nian Shou ressemble à un énorme hérisson. Remis de ses émotions il reprend :

« Enfin voilà. Pour me remettre de tous ces états d’âmes, j’ai dû hiberner une année entière. Quand je me suis réveillé, j’ai essayé d’aller dans un autre village, mais au fur et à mesure des années, ils s’étaient tous donnés le mot ! Tous ses artifices me faisaient peur. Du coup j’ai dû me contenter d’herbes, de branches et de feuilles.

—    Tu aurais dû chasser des animaux sauvages !

—    Impossible ! Tu as vu mon gabarit ? Comment tu veux que je passe inaperçu… 

—    Oui c’est sûr qu’on a déjà vu plus discret… »

               Durant tout le récit de Nian Shou, Shang et Mulan sont restés caché dans la forêt de bambous qui les entoure. C’est ainsi que Shang comprit, ce que sa fiancée a tenté de lui expliquer plus tôt.

               Le soir même, le couple explique au village la véritable histoire et leur demande de donner de la nourriture au monstre. Certain sceptique acceptent à contrecœur, mais si cela permet au Nian de ne plus pointer le bout de son museau, ils sont prêt à le faire.

               C’est ainsi, qu’un petit pourtour de terre entre la montagne et le village, a été désigné et baptisé « Au bon appétit du Nian » pour que tous les villageois puissent y déposer toutes sortes de nourritures. Mushu en profite pour passer le voir et ressasser ainsi le bon vieux temps de leur jeunesse.

               A partir de maintenant, à chaque veillée de chaque nouvelle année, toutes les familles se réunissent et marchent jusqu’à ce petit bout de terre, pour offrir divers mets, allant de la simple viande de porc au délicieux canard laqué.

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