Le Dogue d'Eire, Les Egarés
Le crissement des lames l'une contre l'autre. Les invectives. Les cris des blessés. Les ordres qui résonnent dans son esprit. Le goût du fer sur ses crocs. Le reflet de la mort dans ses yeux. Le rouge poisseux du sang sur sa fourrure. Le poids des corps qui tombent aux sol. Le regard vide de ceux qui sont déjà parti.
Pourtant, la haine et l'adversité sont absentes. Seules l'horreur et l'angoisse restent. La souffrance de combattre ceux qui ont un jour été des êtres chers. Et enfin, la douleur bien réelle d'une lame s'insinuant dans la chaire. Le froid du métal, la déchirure des muscles, et celle du coeur. Ce furent les genoux d'un homme qui touchèrent le sol et lorsqu'il leva les yeux, c'est les orbes d'un ami qu'il vit.
§
Un bruit mat retentit dans la pénombre d'une chambre.
"-Merde..."
Une silhouette se redressa sur le plancher en passant une main sur son dos endolori. Elle poussa ses cheveux en dehors de son champ de vision et chercha à tâtons l'interrupteur. Trente bonnes secondes plus tard, une lumière dorée illumina la pièce. Sur le parquet se trouvait un jeune homme d'une vingtaine d'année, il avait la peau légèrement hâlée et des cheveux châtains foncés qui lui arrivaient à la nuque. Ses yeux étaient marrons très clairs, presque jaunes. Il était grand mais semblait surtout fin. Ses jambes étaient enroulées dans un drap qui provenait visiblement du lit.
"Saloperie de cauchemars... On dirait que les somnifères ne marchent plus."
Il mit un instant avant de se rappeler où il était.
"Ah, oui c'est vrai... Colocation forcée."
Dans la journée d'hier, il avait appris que ses parents lui avaient caché son adoption. Il n'était pas du genre à mal réagir, il était d'une nature plutôt calme, mais ça ajouté à ses insomnies répétées... Bref, mauvaise réaction ajoutée à un appartement supprimé égal colocation d'urgence avec un pote. Heureusement que son meilleur ami était à la même université que lui.
Le brun jeta un regard blasé au réveil qui se trouvait sur la commode. Les chiffres 4 : 58 brillaient sur l'objet. L'étudiant soupira et se releva, rejetant le drap détaché sur le matelas. Il attrapa un T-shirt qui se trouvait sur le fauteuil du bureau avant de partir dans la cuisine en quête de café.
Presque une demi-heure plus tard, alors qu'il était assis devant la table entrain de vérifier ses cours sur son téléphone, il entendit les furieux bips d'une alarme de réveil. Il eut un sourire narquois et se releva pour refaire du café.
Quelques instants plus tard la porte s'ouvrit sur un jeune homme avec des cheveux bruns qui lui arrivaient aux épaules. Ces derniers étaient à moitié dans son visage, cachant en partie ses yeux marron et sa légère barbe.
"-T'es beaucoup trop matinal pour moi..." salua t-il en essayant de se réveiller.
"-Bonjour à toi aussi Gwaine et te plains pas, j'fais le café." Répliqua son colocataire avec un sourire amusé.
Il lui tendit une tasse remplie du liquide brun qui avait l'air brûlant.
"-Certes. Rappelle moi pour quoi est-ce que tes parents ne veulent plus de leur fils prodigue ?" demanda Gwaine en attrapant la tasse.
"-Adopté le fils prodigue, adopté." Corrigea son meilleur ami en haussant les épaules. "Tu prends à quelle heure aujourd'hui ?
-Serait-ce une tentative ratée de changement de sujet "? Railla son interlocuteur. "Seth, tu devrais me connaitre depuis le temps !"
Ce dernier leva les yeux au ciel :
"-Rappelle-moi pourquoi on est ami déjà ?
-Probablement à cause de mon charme irrésistible." Répondit Gwaine avec un air narquois.
Une demi-heure plus tard, les deux étudiants se retrouvèrent dans la voiture de Seth en direction de leur université. Comme d'habitude, le parking qui cernait le vieux bâtiment de Woodford était surchargé de véhicules et d'étudiants dont la plupart avait entre vingt et trente ans. Ce qui faisait de Seth et Gwaine des personnes de la moyenne, le premier ayant vingt-quatre ans et le second vingt-cinq. L'université était composée de plusieurs anciens bâtiments entourant un petit parc. Près du parking se trouvait un large lac artificiel.
Ils sortirent de la voiture et Seth vit son meilleur ami prendre le chemin inverse à celui de l'amphithéâtre.
"-Me dis pas que tu vas encore sécher ?!" S'exclama le premier.
"-Faut bien que l'un de nous deux s'amuse !" répliqua le brun en s'éloignant.
Seth secoua la tête en levant les yeux au ciel. Il connaissait Gwaine depuis le collège, il ne voyait pas pourquoi le comportement de ce dernier continuait de l'étonner.
La cloche du campus retentit, le jeune homme soupira et se dépêcha de rejoindre sa salle.
"J'me lève à quatre heure et je suis pas foutu d'arriver à l'heure !"
Ruminant ses pensées, il ne fit pas attention à la fille qui se trouvait devant lui. Il la bouscula, faisant tomber ses livres à terre.
"-Désolé !" S'excusa t-il en se penchant pour les ramasser.
"-C'est de ma faute, je ne regardais pas où j'allais." fit la jeune femme en écartant ses excuses d'un mouvement de main.
Il s'agissait d'une fille à la peau mâte aux yeux noisette avec un joli sourire.
"-Puis-je connaitre le nom de mon agresseur ?" S'enquit l'étudiant en lui tendant ses livres.
"-Gwen Greidawl et quel est celui de ma pauvre victime?" Répondit simplement la brune.
La cloche sonna une deuxième fois, faisant grimacer l'étudiant.
"-Seth Moore et j'aurais apprécié discuter plus longtemps, mais je vais encore finir en retard." Salua t-il en partant à reculons.
"-À plus tard alors." Fit Gwen en le saluant d'un signe de main.
En partant, Seth se fit la réflexion que le visage de la jeune fille lui était familier.
"-Tu le connais ?" demanda un autre étudiant en s'approchant de Gwen.
Il était plutôt grand, peut être un peu moins que Seth et Gwaine, avait des cheveux châtains sombres courts et des yeux marrons presque noirs.
"-Non... Mais je suis sûre de l'avoir déjà vu quelque part..." murmura la jeune femme.
L'autre étudiant haussa les épaules :
"-L'université est grande, tu l'as peut être déjà croisé.
-Tu as surement raison." Répondit la brune en se tournant vers son petit ami avec un sourire aux lèvres.
Celui-ci l'embrassa rapidement avant de reprendre :
"-Dépêche-toi avant de finir en retard.
-Oui Lancelot, j'y vais de ce pas." répliqua l'étudiante en histoire avec un air narquois.
Ce dernier grimaça.
"-Tu sais que je n'aime pas qu'on m'appelle comme ça.
-Vas falloir t'y habituer, parce que moi, j'adore ce prénom." S'amusa la brune avant de s'éloigner.