Reliance
- Jack… Jack ? JACK ? Répondez-moi, hurla Miranda la saisissant par les épaules tout en la secouant légèrement dans l'espoir qu'elle réagisse.
Combien de temps s'était écoulé ? C'était-elle assoupie ? Etait-elle morte ? L'angoisse de Miranda grandissait.
- Hein… ouais… quoi ? demanda Jack en sursautant, surprise de se trouver face à Miranda, accroupie devant elle, le regard anxieux. Elle ne m'a pas abandonnée, laissé crever seule dans cette grotte miteuse, se dit-elle soulagée.
- Vous étiez assise le regard dans le vide. J'avais beau vous appeler, vous ne me répondiez pas, lui expliqua Miranda, d'une voix émue.
- Ah ! fut sa seule réponse, assommée parce qu'elle venait de lui apprendre.
- Accrochez-vous à moi. Je vais vous aider à mieux vous installer, suggéra Miranda d'une voix remplie de bienveillance.
Elle l'enlaça délicatement l'aidant à se pencher en avant de telle sorte qu'elle puisse ajuster le sac rempli dans l'intention de caler son dos de façon plus confortable.
- Merci, Princesse, dit Jack d'une voix émue, remplie de reconnaissance par toutes ces attentions.
- Je vous en prie… Par contre, s'il vous plaît. Ne m'appelez pas Princesse, lui demanda Miranda dont l'intonation de la voix trahissait les blessures que provoquait ce terme. Je préférais même quand vous m'appelez pom-pom girl. C'est vous dire, ajouta-t-elle avec un sourire forcé.
- Votre enfance fut si douloureuse que ça ? demanda d'une voix sincère Jack.
Miranda prit un instant avant de répondre.
- Pas douloureuse, comparé à vous. Non, c'était juste sur le plan psychologiquement, lui confia Miranda.
- Raconter moi, Miranda, demanda Jack. Utilisant pour la première fois son prénom, ce qui n'échappa pas à la jeune femme qui en fut touché.
- Que dire… J'ai vu le jour et grandis dans les désirs d'un mégalomane. Physiquement, je fus créée génétiquement pour incarner l'être humain parfait dans l'objectif d'assurer la pérennité de l'empire fondé par mon père. Puis il a voulu me façonner à son image psychologiquement. Il m'a imposé une vie très stricte, m'interdisant toute vie sociale normale. Tout comme vous, aucun d'ami ne mettait accordé, tout ne tournait qu'autour de ce qu'il voulait. Et lorsque je croyais réussir à obtenir quelque chose de lui, je me rendais vite compte que s'il accédait à mes requêtes, c'était parce que cela servirait ses desseins. Il m'a toujours poussée à atteindre des buts impossibles. Malgré mes efforts, il n'a jamais montré de fierté à mon égard. Je n’étais pas sa fille ; je représentais une déception de plus pour lui. Vous savez, je ne fus pas sa première création, il en créa d'autres avant moi. C'est pour cela qu'il a fait Oriana. Dans le dessein de me remplacer. Cette pression constante, son manque d'affection m'ont poussée à renoncer à tout pour m'enfuir.
- Est-ce la raison pour laquelle vous vous êtes enfui avec elle, de sorte que personne ne puisse vous remplacer ? questionna Jack.
- Non… oui… peut-être, avoua Miranda surprise que Jack sut déchiffrer cela. Mais surtout, j'avais vécu une sorte d'enfer, je ne pouvais pas laisser un être innocent vivre la même chose. En tant que grande sœur. Je me devais de la protéger de la folie mégalomane de notre père.
- Pourquoi acceptez-vous alors que Cerberus en fasse à d'autres enfants ? Parce qu'ils ne sont pas votre sœur ? l'interrogea Jack.
- Je ne l'accepte pas, avoua-t-elle, pour la première fois de sa vie, d'une voix presque inaudible, honteuse de faire partie d'un groupe ayant exercé de telle pratique sur des enfants.
- Toutefois, vous continuez à nier l'implication de l'Homme trouble dans le mal qu'il m'a été fait et celui fait à l'encontre de tous les autres qui ont laissé leurs vies dans ce maudit complexe, la contredit Jack.
- Jack. S'il vous plaît, sa voix l'implorant.
- Je vais crever, vous pouvez au moins être honnête avec moi, la supplia Jack à son tour.
- Vous n'allez pas mourir, vous avez compris ? répondit d'une voix ferme Miranda.
- Vous m'prenez pour une conne. Vous êtes aimable, gentille, aux ptits soins pour moi. Putain vous croyez que j'ai pas compris que j'suis fichu. Sinon pourquoi feriez-vous tout ça pour quelqu'un que vous haïssez ? lui demanda Jack.
- Je ne vous haïs pas, Jack, lui confessa Miranda.
- Quoi ? demanda Jack, surprise par l'aveu de Miranda.
- Vous êtes vulgaire, rude, rentre dedans, sans aucune éducation, un peu folle sur les bords. Il faut bien l'avouer. Néanmoins, je n'ai en réalité aucune raison de vous haïr Jack.
- Putain, s'emporta Jack. Je vous interdis de ressentir de la pitié pour moi. Vous m'avez comprise, lui répondit-elle sur un ton menaçant.
- Je n'ai pas pitié de vous, d'accord ? Et je ne vous hais pas, d'accord ? Désolé si cela vous dérange, mais c'est ainsi, répondit Miranda en haussant sa voix d'un ton ferme.
- Pourquoi ? interrogea Jack. Totalement déstabiliser par l'aveu de Miranda.
- Pourquoi, répéta pensivement Miranda poussant un long soupir avant de lui répondre… Parce qu'il est plus facile de garder les yeux fermés que de les ouvrirent et d'accepter ce que l'on découvre… Si j'ai été hostile à votre arrivée, c'est parce que vous êtes ce que Cerberus a fait de pire à l'humanité. Enlevée une enfant à ses parents, la séquestrer, la droguer, la torturer physiquement et psychologiquement. Ils ont détruit toute humanité en ne vous montrant que le pire de l'être humain. En travaillant pour eux, j'ai quelque part cautionné leurs agissements et même trouver des excuses pour l'inexcusable… Aujourd'hui, vous n'êtes qu'une enfant prisonnière dans ce corps d'adulte, dans une galaxie qui n'a eu de cesse que de lui montrer tous les mauvais côtés dont il peut être constitué. Nous sommes tellement différentes et en même temps tellement semblables. Aucune de nous n'a connu l'amour d'une mère, on nous a torturées chacune de manières différentes. Nous avons dû nous battre pour survivre, nous enfuir pour gagner notre liberté. Vous avez perdu foi en l'humanité et moi j'ai accordé la mienne à un homme qui n'a eu de cesse que de me mentir, visiblement. Pourquoi vous haïr ? Ce serait me haïr moi-même !
Jack fut décontenancé par tant de sincérité. Pourquoi n'avaient-elles pas fait cela dès le départ, simplement se parler. Pourquoi maintenant qu'elle savait qu'elle allait mourir. Pourquoi toujours attendre qu'il soit trop tard.
- Jack, il faut que vous vous reposiez maintenant, indiqua Miranda voulant mettre fin à cette conversation. Elle, toujours maître de ses émotions, venait de s'ouvrir à nouveau à Jack.
- Pour une fois qu'on se parle honnêtement, répondit Jack.
- Je vous propose que l'on continue après votre somme, d'accord ? lui demanda-t-elle un sourire tendre aux lèvres.
- OK, accepta Jack juste avant de fermer les yeux et plonger dans le sommeil.
Miranda resta un long moment à la contempler, elle était si jeune, si belle, la vie l'avait tellement blessée, elle ne méritait pas de mourir maintenant, elle avait tellement à… à… A quoi se demanda soudain Miranda. La vie n'a été que cruauté et déception vis-à-vis d'elle. Qu'est-ce qui changerait pour elle si elle survivait ? Qu'est-ce qui l'attendrait si elle survivait, hein ? Une mission-suicide ! Belle perspective d'avenir en effet. Miranda comprit enfin ce que voulu lui dire un jour Shepard alors qu'elle discutait de Jack. Toute sa vie ne se résumait qu'à une chose. La Mort. Celle de ceux qui avaient joué aux cons avec elle, comme elle dirait. Et la sienne dans cette stupide mission pour sauver une galaxie qui se foutait éperdument d'elle. Miranda se sentit envahir de tristesse pour cette femme qui bien qu'elle la déteste, n'a pas hésité une seconde à se jeter devant une balle qui était pour elle. Elle qui malgré son intelligence supérieure n'avait pas su voir la femme, enfin l'enfant prisonnière dans ce corps de femme et toutes ses blessures.
Miranda bouleversée se releva, se précipitant à l'extérieur dans l'intention de laisser couler ses larmes de regrets et de remords. Elle s'appuya contre un arbre dont elle roua de coups. Puis au bon d'un moment fini par prendre appui contre celui et s'écroula au sol, se recroquevilla sur elle pour enfouir son visage entre ses genoux et continuer à pleurer à chaudes larmes. Impossible de dire combien de temps elle resta ainsi, sans bouger à laisser couler sa peine. Quand son attention fut attirée par une voix faible l'appelant, elle savait que cela venait de Jack, cependant elle était méconnaissable. Elle se releva, essuya son visage, car il ne fallait surtout pas qu'elle se rendît compte qu'elle venait de pleurer. Il fallait qu'elle reste forte pour que Jack ne perdît pas courage et continue de se battre. Puis elle se précipita à son chevet.
- Putain, j'ai cru… que vous m'aviez abandonnée, dit-elle dans un soulagement. Miranda remarqua aussitôt le teint extrêmement pâle, les yeux vitreux, elle ne tiendra plus très longtemps.
- Comment pourrais-je abandonner un si mignon petit chaton, plaisanta Miranda dans l'espoir de continuer à lui cacher son angoisse.
- J'suis… pas mignonne, réfuta Jack.
- Si vous l'êtes et rien chez vous n'a été pensé et composé. Vous êtes mignonne naturellement, répliqua Miranda.
- Pom-pom girl… vous voulez… savoir (elle avala sa salive, il devenait de plus en plus difficile pour elle de parler)… pourquoi j'hais les butariens ?
- Si vous désirez me le confier, oui bien sûr, acquiesça Miranda.
- Quand j'me suis enfuie… (avalant sa salive difficilement) j'suis tombée sur un vaisseau de… Butarien. J'croyais qu'ils allaient m'aider, mais ces enc… (avalant à nouveau sa salive) ces enculés m'ont violé et… (Miranda eut le cœur qui se serra à l'évocation de cette blessure supplémentaire, décidément rien ne lui avait été épargné) m'ont vendu comme esclaves ! Il m'a dit que j'étais mignonne… mes tatouages sont mon… mon histoire et ne permettent plus… à personne de dire que je suis mignonne, expliqua Jack. Une larme coula sur sa joue, mais elle ne sembla pas s'en être rendue compte.
- Vos tatouages sont magnifiques, Jack. J'ai pu les admirer tout à l'heure. Du très beau travail. Vous les avez faits en une seule fois ou plusieurs ? demanda Miranda souhaitant changer de sujet, ne sachant pas quoi lui dire.
- Plusieurs fois, répondit presque dans un souffle Jack.
- Toujours par la même personne visiblement, le dessin est régulier et s'imbrique bien avec les autres ce qui fait une harmonie du tout.
- Non, plusieurs.
- Ah bon, s'étonna Miranda. Pourtant, le trait est régulier comme si le dessin avait été fait par une seule personne.
- Oui, répondit-elle, un très léger sourire aux lèvres. Moi !
- Vous dessinez, fut surprise Miranda.
- Il y a… (parler devenait de plus en plus dur) de l'eau s'il…
- Oui, bien sûr, se précipitant sur la gourde pour l'amener aux lèvres de Jack. Elle eut beaucoup de mal à avaler et recracha une grande partie, reprit son souffle et ferma les yeux laissant échapper un long soupir.
- JACK, hurla Miranda.
Jack sursauta et ses yeux s'ouvrirent surpris par ce hurlement horrible ou elle sentit toute la peur et l'angoisse de Miranda.
- Ouais… ouais… j'suis encore là.
- Restez avec moi, vous avez compris ? C'est un ordre, Jack.
- Pom-pom… girl… j'ai jamais… obéi, dit-elle dans un rire qui la fit tousser.
- Tenez le coup, Jack. Vous devez vivre, la supplia Miranda, dont une larme lui échappa et coula le long de sa joue.
Jack le vit et désirait l'essuyer, mais toutes ses forces l'abandonnèrent.
- J'ai… j'ai réussi à fai… faire fondre… la… Reine des glaces, furent ses derniers mots. Juste avant que son cœur ne cessa de battre. Le visage serein, peine et douleur envolée, laissant seule Miranda complètement bouleversée.
Elle prit son pouls et constata qu'elle n'en avait plus, rapidement elle fit voler les couvertures et se mit à lui faire un massage cardiaque, puis vérifia si elle respirait à nouveau. Toujours aucun pouls, aucune respiration, Miranda reprit le massage en alternant avec un bouche-à-bouche. Miranda la suppliait de revenir, de ne pas la laisser, elle hurlait son prénom, rien n'y faisait. Jack semblait être partie pour de bon. Pourtant, elle s'acharnait entre les massages et le bouche-à-bouche lorsque soudain, elle la vit respirer à nouveau. Le pouls faible et filant, la respiration précaire. Miranda savait bien que ce n'était gagné, que sa vie ne tenait qu'à un fil, il faudrait un miracle pour qu'elle s'en sorte.
- Jack, je vous en supplie, restez avec moi. Battez-vous, la pria Miranda.
Elle se tenait à genoux auprès de Jack, lui tenant la main et se mit à prier toutes les divinités de l'univers de lui venir en aide. Il ne pouvait pas le lui refuser, elle n'adressait pas cette prière pour elle, elle était totalement désintéressée. Tout ce qu'elle voulait c'est qu'elle vive.
Miranda sentit son avant-bras vibrer alors que son omnitech clignotait. Elle l'enclencha, laissant apparaître un holo de Shepard.
- Bonjour Miranda, la salua Shepard. Est-ce que tout va bien ? demanda-t-elle en voyant la tête de Miranda.
La liaison n'était pas bonne, alors Miranda se releva d'un bond et sortit précipitamment de manière à obtenir une meilleure communication.
- Shepard ! Jack est grièvement blessé. Elle ne tiendra plus longtemps si vous n'arrivez pas très vite avec le Dr Chakwas, l'informa-t-elle.
- Joker vient de trouver votre position, nous sommes là dans deux minutes, s'empressa de la rassurer Shepard.
- Faites vite, Shepard. Son cœur c'est déjà arrêté de battre une fois, l'informa Miranda de la situation grave dans laquelle Jack se trouvait.
- Prévenez le doc de préparer son matériel, elle vient avec nous, entendit-elle Shepard hurler ses ordres.
- Miranda, le Kodiak ne peut pas se poser là où vous êtes. Il y a une petite clairière à l'ouest de votre position. Pouvez-vous y aller avec Jack ? demanda anxieuse Shepard.
- J'y vais tout de suite. SHEPARD, cria Miranda, faites vite ! la supplia-t-elle.
Miranda repartie en courant auprès de Jack à peine en vie malgré un pouls de plus en plus faible. Elle l'a pris délicatement dans ses bras, la souleva et se mit en route. Sur le chemin Miranda ne cessa pas de lui parler.
- Tenez bon, Jack. Les secours sont là. Vous allez vous en sortir, vous êtes une battante. Vous ne pouvez pas mourir ici sur cette planète de merde. Vous valez mieux que cela.