Reliance
L'obscurité n'allait plus tarder, il faisait déjà sombre dans la grotte. Il devenait urgent qu'elle termine vite leur installation avant la nuit.
- Je vais chercher du bois pour le feu, l'informa-t-elle.
- Mouais ! C'est ça. Vous me traînez ici, dans ce coin paumé dans le but de me laisser crever et que Shepard ne puisse pas me retrouver, l'accusa Jack sur un ton agressif.
- Oui bien sûr. Et c'est pour cela que je vous laisse le sac de vivres, la trousse de soin et votre omnitech pour contacter Shepard, ironisa Miranda en lui adressant un sourire, avant de s'éclipser sans même attendre de réponse.
La première chose que fit Miranda, fut de revenir sur leurs derniers pas de sorte à effacer toutes traces. Retarder leur progression le plus possible dans l'intention de gagner du temps. Peut-être qu'ainsi Shepard arriverait à temps pour les sortir du guêpier dans lequel Jack les avait mises. Sur le chemin de retour, elle ramassa assez de bois pour le feu. Arrivant à quelques mètres de l'entrée de la grotte, elle tendit des pièges destinés à les prévenir au cas où un intrus souhaiterait leur rendre une visite surprise.
En revenant dans la grotte, elle la retrouva allongée au même endroit, légèrement groggy, le teint toujours très pâle. Inquiétant Miranda, néanmoins elle ne laissa rien paraître en s'affairant à dresser un feu tout près de Jack de façon qu'elle n'ait pas froid et ne soit pas obligée de devoir la déplacer.
- Qu'est-ce que vous avez foutu ? Vous avez été longue, chercha à savoir Jack qui la fixait du regard depuis qu'elle l'avait entendu revenir.
- Pourquoi, je vous manquais ? ironisa Miranda.
- Ca vous amuse que je sois dépendante de vous ? N'est-ce pas pom-pom girl, s'enquérir Jack d'un ton acerbe.Miranda, qui s'occupait non loin d'elle à allumer le feu, pris un moment avant de lui répondre.
- M'amuser n'est pas le terme que j'aurais choisi. Toutefois, c'est plaisant de vous voir tel un petit chaton qui sort ses griffes pour manifester son mécontentement, au lieu de cette tigresse qui plante ses crocs sur tout ce qui bouge. J'avoue ! répondit Miranda d'un ton calme et posé.
- Ouais, ben, profitez-en bien ! Car ça se payera à un moment, s'exclama amèrement Jack qui ne supportait pas de se sentir diminué ainsi, surtout face à l'une de ses pires ennemies.
- Jack, dois-je vous rappeler que je ne suis pas responsable de cette situation ? Si nous en sommes là c'est bien de votre faute, me semble-t-il ? Non ? demanda Miranda.
- De la merde ouais, j'y suis pour rien, s'emporta Jack.
- Nos ordres consistaient à nous replier dans le complexe. En aucun cas nous ne devions lancer l'assaut. Donc oui, c'est bien de votre faute, argumenta Miranda pour de défendre son point de vue.
- Allez-vous faire foutre. C'étaient des terroristes. Il fallait les buter, se défendit farouchement Jack.
- Jack, j'ai appris à connaître vos regards et les lueurs qui s'animent en fonction des diverses situations. Celle qui brillait dans vos yeux s'avérait remplie d'un mélange de fureur et de haine, la rendant plus personnelle. Même lorsque vous me regarder, l'intensité n'est pas aussi forte, rétorqua Miranda d'un ton assuré.
Jack détourna son regard et resta un instant toute penaude, tel un enfant prit en faute. Miranda était fine observatrice dut admettre Jack, ce qui ne fit qu'accentuer sa colère qui l'envahit de nouveau avant d'exploser.
- Et merde, allez vous faire foutre ! Vous et Shepard. Vous faites comme si vous ne saviez pas, alors qu'elle vous a tout bavé, hurla-t-elle hors d'elle.
Sa réaction fut si violente qu'elle en déconcerta complètement Miranda.
- Raconter quoi ? Vous pensez qu'elle me répète toutes vos conversations ? questionna Miranda pantoise.
- Pourquoi, c'est pas le cas ? la questionna à son tour Jack tout en se radoucissant, surprise que Shepard eut gardée pour elle ses confidences.
- Heureusement non ! Cela signifierait qu'elle répèterait à tout le monde ce qu'on lui confie, répondit-elle d'un ton allégé.
Jack marmonna quelque chose entre ses dents parfaitement inaudibles pour Miranda, pourtant elle sentit un certain soulagement chez Jack.
Miranda ayant fini par obtenir de bonnes braises, commençait à préparer de quoi manger. Puis se leva et partit s'asseoir en face de Jack, s'activant avec des grandes branches pour les croiser et assembler qui une fois muni de feuilles pourraient servir à bloquer l'accès de la grotte, mais aussi à empêcher le froid de trop s'engouffrer. Le silence s'installa entre elles, chacune faisant en sorte d'ignorer l'autre. Cependant, Miranda jetait de rapide coup d'œil sur Jack afin de vérifier son état qui ne semblait pas s'améliorer. Peut-être après avoir mangé, cela lui permettrait de reprendre des forces, espérait-elle.
Jack s'avérait si faible qu'elle peinait à lever le bras pour apporter sa cuillère à sa bouche, cependant Miranda n'osa proposer son aide de peur qu'elle ne s'emporte à nouveau contre elle. Alors qu'en ce moment son état nécessitait surtout du calme. Miranda s'étonna de tant se soucier de cette femme qui ne lui suscitait que des sources de problèmes depuis son arrivée sur le Normandy. Jack remarquant l'un de ses regards persistants, s'emporta.
- Quoi ? Qu'est qui y a ?
- Rien, pourquoi ? demanda innocemment Miranda.
- Vous croyez que j'ai pas remarqué votre regard insistant sur moi ? s'énerva Jack.
Miranda n'avait aucune envie que Jack puisse tirer profit et s'enorgueillir qu'elle occupe autant ses pensées, décida de trouver un sujet à discussion, dans la précipitation, elle dut réfléchir très vite et…
- Ok ! Je me demandais ce que pouvait être vos griefs personnels contre les Butariens, dit-elle en espérant que le retour à ce sujet n'envenimerait pas plus la situation.
- J'vous l'ai dit, y a rien de personnel, mentit Jack légèrement irritée que le sujet revint sur le tapis. Cerberus m'a appris à tuer, alors je tue. Un point c'est tout.
- Tiens, cela faisait longtemps que cela n'avait pas été la faute de Cerberus, ne put s'empêcher de s'agacer Miranda.
Jack resta interdit un instant, ne comprenant pas cet acharnement à ne pas vouloir reconnaître les atrocités faites par Cerberus à tous ces enfants. Pourquoi ne pouvaient-ils pas l'admettre, après tout ils n'en étaient pas à une monstruosité près.
- Vous étiez bien sûr Teltin avec nous ? Vous avez vu l'arène ? Les taches de sangs versés pendant les combats où l'on m'obligeait à tuer ? Vous avez vu la morgue ? Les cellules remplies de lit d'enfants ? Ma chambre avec cette vitre sans tain en vue de me pousser à haïr tous ces enfants qui m'ignoraient ? Vous avez vu les holos de ce scientifique expliquant ses expériences ? Que vous faut-il de plus pour reconnaître que Cerberus a torturé et drogué d'innocents enfants dans l'intention de les pousser à s'entretuer ? Tout ça dans l'objectif d'accroître mes pouvoirs biotiques, énumérant ainsi chaque argument dont elle disposait pour prouver la véracité de ses dires.
- Oui, répondit d'une voix fluette Miranda. En effet j'ai bien vu tout cela. Mais comme je vous l'ai déjà dit. Cerberus finançait bien ces recherches, mais il n'avait aucune idée de ce qui se tramait réellement là-bas.
- Putain, s'emporta comme toujours Jack lorsque Miranda niait l'implication de l'Homme trouble dans les horreurs qu'elle avait endurées. Ils vous ont lobotomisé le cerveau ou quoi ? Je vous croyais supérieurement intelligente ? Vous pensez qu'il n'était pas informé de tout ? Depuis que je suis sur ce vaisseau, il a toujours eu un coup ou deux d'avance sur le Conseil ou l'Alliance, et vous croyez qu'il était dans l'ignorance ?
Jack vit Miranda se décomposer devant son argument juste avant que celle-ci ne se ressaisisse.
- Je travaille avec lui depuis des années. Je suis son bras droit. Il ne me mentirait pas, répondit Miranda qui visiblement cherchait plus à se convaincre elle-même que Jack.
- Merde, mais vous êtes naïve. Vous croyez qu'on arrive au sommet en disant la vérité ? demanda Jack caustiquement.
Jack venait de la mettre devant une vérité qu'elle refusait tant celle-ci lui faisait dégoût. Elle ne pouvait admettre que l'Homme qui l'aida à sortir des griffes de son père, celui qui permit à sa sœur d'avoir une vie normale, celui qui l'encourageait à aller de l'avant, à se surpasser, pouvait lui avoir menti et acceptait que l'on fasse de telles expériences sur d'innocents enfants. Et s'il lui mentait sur un sujet comme Jack, pour laquelle elle n'éprouvait que de l'indifférence, sur quoi d'autres pouvait-il lui mentir ? Elle acceptait que la fin justifiait les moyens, mais pas au point de faire des expériences aussi monstrueuses que celles réaliser sur Teltin, et surtout sur des enfants.
- Vous refusez d'admettre la vérité, elle vous dérange. Cela vous obligerait à remettre en cause tout ce en quoi vous croyez ou qu'on a voulu vous faire croire en rejoignant Cerberus. En fuyant votre père, vous avez juste changé un mégalomane pour un autre. Mais vous, pourriez-vous accepter que votre enfant serve de cobaye, qu'on le drogue, le torture ? Seriez-vous ce genre de mère ? l'interrogea Jack.
Jack vit Miranda blêmir, elle eut même du mal à ne pas laisser ruisseler les larmes qui affluèrent au bord de ses yeux.
- Je n'ai pas d'enfant de toute façon, répondit Miranda dont le timbre de la voix était rempli de tristesse.
- Oh ! s'exclama ravie Jack. Aurai-je touchée un point sensible ?
- Vous savez quoi, Jack. Allez-vous faire foutre, s'emporta violemment Miranda.
Jack resta interdit devant autant de hargne et surtout que Miranda puisse perdre ainsi son flegme alors que ce n'était pas la première fois qu'elles s'échangeaient des vacheries à la tête.
- Vous croyez être la seule à souffrir ? Je suis génétiquement modifiée pour être parfaite. Parfaite la bonne blague. Je suis tellement parfaite que je ne peux pas avoir d'enfant. N'est-ce pas amusant ça, Jack ? demanda-t-elle la voix âpre, ne pouvant plus contenir ses larmes qui jaillirent le long de ses joues, laissant Jack honteuse.
- C'est bon, je ne voulais pas vous mettre dans un état pareil, s'excusa maladroitement Jack.
Miranda pleura encore un moment sans que Jack ne sache quoi faire pour atténuer sa peine dont elle était responsable. Au bout d'un certain temps, Miranda s'arrêta de pleurer laissant place au silence à nouveau revenu dans la grotte. Toutes deux, épuisées par cette dernière joute verbale, préféraient en resta là.
Il était tard et toutes deux étaient fatiguées. Miranda installa sa couverture près de Jack de manière à pouvoir profiter du feu qu'elle venait de réalimenter pour que la température ne tombe pas trop durant la nuit. Car autant les journées pouvaient être chaudes, que les nuits dans les rocheuses pouvaient être froides. Elles ne mirent pas trop longtemps à s'endormir, tant cette journée avait été éprouvante autant physiquement que moralement.