Brooklyn au bout du fil
Chapitre 1 : Brooklyn au bout du fil
1800 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 31/10/2023 20:46
Brooklyn au bout du fil
Cette fanfiction participe au Défi d’écriture du forum Fanfictions .fr : Le fil du destin - (septembre octobre 2023).
Pendu à son fil, le monde à l’envers, comme si la gravité n’avait plus d’emprise sur son corps, la ville lui paraissait pourtant tellement naturelle ainsi. Les gratte-ciels devenant des gratte-sols, le ciel et ses nuages rosés en cette magnifique soirée tel un parterre de coton tout droit sorti d’un rêve, les voitures que l’on pourrait prendre pour des vaisseaux spatiaux… Un monde si vivant et une vision si étrange, et lui seul en était le témoin, en tout cas dans cet univers. Malgré l’image paisible de cette ville retournée, Miles ne pouvait pourtant pas ignorer la vie émanant de son quartier natal, la culture et la douce musique latine qui caressait ses oreilles depuis le jour de sa naissance, comme si Brooklyn même lui offrait son plus réconfortant te quiero, mijo.
Le jeune garçon inspira un grand bol d’air et recouvrit son visage de son masque à nouveau. Il était l’heure de souhaiter bonne nuit à son quartier avant de rentrer chez lui, afin de faire danser ses papilles au rythme de la divine cuisine de sa mère, pour la fête qu’elle avait organisée sur les toits de son voisinage. Il pouvait se permettre un retard de temps à autre, mais pas ce soir. Pourtant, fallait-il vraiment qu’il délaissât son rôle de Spider-Man ne serait-ce qu’un soir ? Après avoir rencontré les autres, il s’était vite rendu compte que Spider-Man pouvait être n’importe qui et que le genre, l’ethnie, la famille ou l’âge n’importaient pas. Mais il était leur araignée sympa du quartier, et ce rôle était le sien. Abandonner ses habitants, des gens comme lui, lui paraissait si injuste. Quoi qu’il en fût, l’heure n’était pas à l’indécision, mais à l’action.
Dans un bond qui le propulsa à toute vitesse vers le sol, Miles réalisa quelques acrobaties et lança son premier fil, l’amenant au-dessus d’un parc où semblait se dérouler un concours de danse endiablé. L’âme de Brooklyn résidait en ses habitants, et ces pas de danse, effectués sur des sonorités hip-hop, mirent feu à l’esprit du jeune homme. Spider-Man décida d’atterrir auprès des danseurs et applaudit les participants. Non sans surprise, les habitants se mirent à vouloir inviter le jeune homme au centre du cercle. Après quelques secondes d’hésitation, Miles réalisa un salto avant pour se retrouver au milieu de la foule. Il haussa les épaules et adressa quelques paroles à l’homme assis près de l’enceinte.
« Eh, l’ami. Y’aurait moyen de nous mettre de la salsa ?
– C’est parti, Spider-Man ! »
Le jeune homme se pencha sur son téléphone et démarra rapidement Cienfuegos du Cuba Quartet qui retentit sur la place. Il était l’heure de rendre fière la grande Rio Morales et des heures passées à danser avec son père et elle. S’ils savaient que Spider-Man était portoricain... Dans un déhanché endiablé et un jeu de jambes impressionnant, les âmes de la foule environnante s’enflammèrent et les applaudissements se mirent progressivement à couvrir la musique. Miles invita ceux qui le voulaient à le rejoindre, ce qui amena une foule à se masser autour de lui, dansant et chantant sur le rythme entraînant de la chanson. Dans cet instant où la chaleur de la foule se mêlait à l’excitation d’un tel évènement, le jeune homme ne put s’empêcher de sourire sous son masque, car pour lui c’était ça, Brooklyn. Il prit une grande inspiration et reprit conscience du temps qui lui restait. Il lança une toile qui l’amena au-dessus de la foule, et lui adressa quelques mots avant de continuer son chemin.
« Continuez sans moi, les amis ! C’était cool, je reviendrai la prochaine fois ! »
La fanfare de la musique et des applaudissements qui accompagnèrent sa sortie sembla rapidement s’estomper, mais l’important, c’était que derrière lui, le souffle de la vie continuait à s’incarner dans les rues de son quartier. Ses toiles l’amenèrent ensuite sur les toits, où de nombreux artistes étaient en train de peindre à l’arrière du panneau publicitaire. Les notes de couleur, soufflées par un aérographe, se mêlèrent à merveille avec le fond que ces hommes et ces femmes avaient dû terminer des heures auparavant. Aux yeux de Miles les peintures de maîtres étaient certes magnifiques, mais ces graffitis possédaient ce charme authentique, indéniablement lié aux fabuleuses idées émanant de ces artistes à qui seule la rue osait donner une voix. Il imprima cette image dans son esprit, en silence, pour ne pas les déconcentrer. Malheureusement pour lui, et heureusement pour les artistes qu’il ne souhaitait pas déranger, ces derniers le remarquèrent. L’une d’eux se trouvait être une de ses amies, Hailey, qui avait appris son identité secrète et envers laquelle il n’était pas tout à fait indifférent. Elle allait requérir l’aide d’un de ses compagnons pour parler à Spider-Man car elle était sourde et muette, mais le jeune héros commença à lui parler en langue des signes, qu’il avait apprise pour elle. Il examina les artistes autour de Hailey et n’en reconnut aucun. Il décida donc de relever son masque et de laisser apparaître sa bouche, afin qu’elle puisse également lire sur ses lèvres pendant qu’il signait, Miles n’étant pas encore un maître de la langue des signes. Il lui demanda ce qu’elle voulait lui dire, et Hailey lui répondit qu’elle voulait que l’araignée signât son graffiti avec eux. Miles acquiesça et descendit de son antenne pour atterrir auprès de Hailey. Celle-ci lui présenta une mallette pleine de bombes de différentes couleurs. Le jeune homme en prit une noire et une rouge puis souffla sommairement le design de son masque sur le graffiti. Une explosion de joie se fit ressentir autour de lui, inscrivant de manière indélébile cette fresque de la marque du héros, en espérant que cela pouvait rajouter quelques bûches sur le feu de la vie de Brooklyn. Il signa un « au revoir » à Hailey et ses amis puis reprit sa route, de fil en fil, de bâtiment en bâtiment, en recouvrant de nouveau ses lèvres.
Le temps commença à manquer au jeune héros, mais comment était-il possible de ne pas s’arrêter devant tant d’exemples de la vie débordante de son magnifique quartier ? Être l’araignée sympa du quartier ne signifiait pas seulement crimes, personnes en danger ou chats coincés dans les arbres. Il s’agissait aussi de se rendre compte que, malgré les super-pouvoirs et leurs super-responsabilités, il était également un habitant comme un autre participant à la vie du quartier, à la fois en tant que Miles Morales mais aussi en tant que Spider-Man. Quand il vit quelques enfants du quartier jouer au basketball dans le terrain à deux pas de chez lui, il s’arrêta net et les regarda jouer, avant de les interpeller.
« Hé, les gars ! Les araignées sont autorisées à marquer deux ou trois paniers ? Promis, pas de toiles ni de grimpettes sur les murs !
– Trop bien, c’est Spider-Man ! Oui, s’il te plaît, viens quelques minutes avec nous ! »
Le jeune homme eut du mal à cacher sa joie et sauta à côté du panier. S’engagea alors un match de la plus haute importance entre Spider-Man et le gang des gamins de Brooklyn, eussent-ils envie comme la plupart des enfants de jouer aux héros et aux méchants. Miles laissa évidemment sa chance aux enfants, étant tout de même surpris de l’agilité de certains d’entre eux. Malgré ses efforts, il marqua deux premiers paniers assez aisément. Le match avait attiré l’œil des enfants du skate-park et des terrains de sports voisins. À mesure que l’heure de la fête approchait à grands pas, Miles s’aperçut que même le plus grand des super-vilains ne le retiendrait pas s’il devait au final affronter la déception et la tristesse sur le visage de sa mère. Il se craqua les phalanges et s’exclama :
« Bon, je vais devoir y aller. Mais avant que je parte, ça vous dit un petit panier façon Spider-Man ? »
Après de telles paroles, les cris des enfants retentirent jusqu’aux oreilles de Rio, qui venait d’ouvrir la fenêtre pour laisser refroidir le gâteau pour l’anniversaire de son fils. Miles emplit ses poumons d’air, prit le ballon entre ses mains et s’envola grâce à ses toiles, bien au-dessus du terrain de basketball. Arrivé au point culminant de son bond, le jeune homme prit le temps de donner le respect et l’amour qu’il devait à sa ville. Dans un moment qui dura pourtant quelques petites secondes à peine, il admira les reflets du coucher du soleil sur l’eau et au loin, le pont de Brooklyn. Il accorda également toute son attention à ses habitants : les parents avec leurs enfants qui avaient la chance de grandir dans un tel quartier, les travailleurs rentrant à la maison auprès de ceux qu’ils aimaient, les artistes musicaux ou picturaux, embellissant le décor et l’ambiance sonore du quartier… Tant de temps passé à tutoyer le danger, à répondre aux appels de détresse, nuit et jour, pour offrir à sa communauté des jours comme ceux-ci, où la paix et la sérénité régnaient. Il pointa son nez vers le sol et redescendit à toute vitesse, en effectuant moultes acrobaties, puis, à quelques secondes de l’impact, lança la balle dans le panier pour marquer son ultime point. Il s’accrocha aux grillages du terrain tandis que les enfants l’applaudissaient. Peut-être avait-il crée de futurs héros, ou peut-être avait-il juste amusé les enfants de son quartier. Il vit les filets du panier, telle une toile d’araignée, tressauter à la suite de son lancer et se rendit compte qu’aujourd’hui, de fil en fil, il fit vibrer les vies des habitants du voisinage, partageant sa joie et son amour, afin que même si le lendemain était une moins bonne journée, chacun pouvait se rattacher à ces instants de bonheur en attendant les prochains.