ARRANGEMENTS AVEC LA REALITE : Prémices.

Chapitre 4 : AKATSUKI

2356 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 16/03/2023 10:22

AKATSUKI

(Qui a éteint la lumière…?)

 

 

L'ambiance est étouffante dans la vaste salle où seul l'éclairage d'urgence laisse deviner plusieurs dizaines de silhouettes sombres massées et attentives.


Les dispositifs de secours produisent moins de lumière que d'ombres, qui s'étirent sur les visages fantomatiques de l'assistance tendue.


De temps à autre, un raclement de gorge crève le silence pesant, suivi d'une cascade d'autres qui contaminent la foule divisée en deux groupes de part et d'autre d'un pupitre au fond de la salle.


Un Modok dépouillé de son exosquelette prend place derrière le pupitre sous le seul projecteur fonctionnel, juste devant la Brute, dont la stature gigantesque semble l'intimider.


Le corps atrophié du scientifique aux membres tordus est sanglé tout de guingois sur un siège mécanique à propulsion dont la fonction primordiale est d'empêcher ses cervicales ridicules de céder sous le poids monstrueux d'une boite crânienne qui pourrait contenir trois fois l'eau du bain.


L'ultracéphale peine à trouver ses marques... Pour la cinquième fois, il ajuste maladroitement sa position de ses mains tremblotantes, à l'aide des manettes du fauteuil...


Ne pas apercevoir les réactions du maître des lieux à son discours prochain semble le plonger dans un désarroi considérable.


Le micro fixé au pupitre crachote au moment où il prend la parole, ce qui semble accroître encore sa nervosité :


— Vous savez que Monsieur Richards ici présent, ne souhaite pas que nous perdions notre temps en réunions, mais il a estimé ce bilan nécessaire. Comme vous en avez entendu parler, depuis que nous avons investi Subterranea, notre organisation compte plusieurs centaines de méta-mercenaires. Des équipes d'une vingtaine d'agents ont été constituées et placées sous les ordres des Leaders de Terrains qui se tiennent sur le promontoire à ma gauche...


L'annonce de Modok n'a aucun effet notable sur la bonne dizaine de personnes désignées qui restent alignées dans l'immobilité la plus stricte, au repos conventionnel, sur une avancée métallique surplombant le sol de quelques mètres. L'obscurité est si intense dans leurs rangs qu'on n'aperçoit des détails de la silhouette que d'un ou deux d'entre eux.


Visiblement décontenancé par l'absence de réaction de ce parterre d'ombre chinoises, le corps famélique du scientifique se tortille inutilement sous une tête fixe pour s'orienter vers sa droite, en direction du groupe plus éclairé de l'autre côté du pupitre. A la lueur jaunâtre des panneaux de secours à son aplomb, on distingue une petite foule dans un agencement plus disparate. Au nombre important de blouses blanches, on reconnait sans hésiter des scientifiques dont certains sont lourdement entravés. La plupart sont aisément indentifiables, comme le Sorcier ou le Penseur Fou, et certains portent ce qui ressemble à des colliers inhibiteurs, comme le Fantôme Rouge…


— A ma droite est réunie l'Unité Scientifique à laquelle je suis moi-même affilié. "Brain Death", comme se plaisent à la surnommer certains d'entre vous. Nous avons tou…


— Y'A D'LA LUMIÈRE NULLE PART, ICI ?? VOUS AVEZ OUBLIÉ LA FACTURE OU C'EST POUR DONNER UN GENRE À VOS MESSES NOIRES ?


Modok aurait aimé pouvoir rentrer la tête dans les épaules.


La voix a éclaté dans la foule, coté scientifiques. Sa propriétaire, une jeune femme d'une vingtaine d'années, lève un minois cerné des mèches crêpées de son abondante coupe afro en signe de défi.


Elle avance d'un pas malgré les imposantes menottes d'acier qui entravent ses chevilles et les pesantes chaines d'inox qui les relient à une paire de bracelets épais, pour aboutir encore plus haut au large collier de métal qui lui cercle le cou… La peau chocolat de ses bras est parsemée d'ecchymoses et le contour de l'un de ses yeux tire sur le jaune. L'une de ses immenses créoles chromées manque à l'appel et le bord de sa lèvre tuméfiée est fendu comme la chair d'une cerise trop mure. Ses longues mèches se soulèvent en un mouvement aérien, puis reviennent lentement à leur place comme un matériau à mémoire de forme, quand elle désigne vivement du menton la dizaine de personnes à l'attitude martiale dans le noir absolu du promontoire d'en face :


— C'EST QUI, EUX !? BRODEZ-LEUR DES PETITS NUAGES ROUGES SUR DES CAPES NOIRES, ÇA SERA JUSTE PARFAIT…


Le Chacal tire violemment sur la laisse de la jeune femme qui résiste à la traction :


— Mon équipe planche déjà sur le Kage Bushin…


— Hein ! …D'où t'as la réf, Papy-Boom ?? T'as au moins 300 piges…


La jeune femme est instantanément refroidie par un regard pesant qui croise le sien dans la foule qui l'entoure. Par les fentes de sa cagoule obscène, Lemuel Dorcas ne la lâche pas des yeux. Et ce ne sont pas les traits harmonieux de son visage qu'il dévore des prunelles qu'elle sent glisser sur ses formes comme des limaces dégueulasses… Une moue de dégout incrédule et de colère mélangés vient déformer le visage de la petite black. Dans le cliquetis de ses chaines, elle remonte son legging moulant en PVC rouge et déforme le cœur imprimé sur sa poitrine en tirant abondement le bas de son crop-top pour dissimuler son nombril annelé.


— PUTAIN DE TARÉS LUBRIQUES !!!


Modok affiche une grimace embarrassée et reprend, raide comme un piquet :


— Tu la bâillonnes quand tu veux Chacal…!! Profondément navré de cette interruption, Monsieur Richards… Ahem... Nous… venions de la réceptionner quand vous avez ordonné ce meeting... Pas le temps de l'emmener en cellule… Bien sûr, le courant sera rétabli dans l'heure, mais Passerelle est en pleine phase de récupération, et nous avons dû dériver la totalité des ressources énergétiques du complexe pour l'opération, à l'exception des systèmes de sécurité et de quelques projets vitaux que nous ne pouvions déconnecter du réseau… L'énergie est actuellement un handicap majeur, mais n…


— Epargne ta salive.


Dans la foule, le Chacal tente de maîtriser la jeune femme dont la masse capillaire virevolte pendant qu'elle se tortille comme un diable pour éviter le bâillon qu'on essaie d'enfoncer dans sa bouche…


Derrière elle, un Dorcas trop zélé la maintient à bras le corps de ses membres spongieux, la vue obstruée par sa touffe crépue, pendant qu'elle s'arcboute et prend appui sur lui pour repousser le Chacal des deux pieds, le bout de la semelle compensée de l'une de ses Air-Max rouges vernies enfoncé profondément dans la bouche de Warren, remontant douloureusement sous son menton le collier inhibiteur dont il est affublé…


Un vieil homme en blouse blanche serre le poing, tenté d'intervenir… un autre scientifique en fauteuil, dénoncé par son badge comme P. Horton, pose une main parcheminée sur ses poignets menottés de son confrère :


— …Suicidaire, Mac Lain.


Le scientifique indigné se ravise à regret alors que le Chacal patauge lamentablement :


— Putain, mais laisse-toi faire bordel de merde… AAAH !! La p'tite pute m'a mordu…!


— VOUS POURREZ FAIRE C'QUE VOUS VOULEZ, JE BOSSERAI JAMAIS POUR VOUS…!


Sous l'éclairage artificiel, Modok en sueur ose finalement jeter un regard par-dessus son gigantesque front perlé, anticipant avec angoisse la réaction de la Brute qui ne tarde effectivement pas :


— Il faut vraiment tout faire soi-même.


La Brute descend de l'estrade qui émet un crépitement de soulagement. A chaque pas, le sol métallique de la salle gémit sous la contrainte d'orteils monstrueux dans le silence de mort qui s'est installé dans la salle. Les scientifiques lèvent timidement les yeux au passage du colosse bleuté, aussi tendus qu'ils peuvent l'être… Le mastodonte fend leur petite foule qui s'ouvre comme un banc de sardines au passage d'une baleine tueuse, à mesure qu'il progresse vers l'instigatrice du tumulte…


C'est un véritable titan qui s'approche de la captive minuscule. Sa carrure est supérieure à sa taille. Sa cage thoracique hypertrophiée supporte une paire d'épaules massives taillées pour emboutir des murailles. Malgré l'épaisseur de l'épiderme violacé, on devine sur chacun de ses membres un réseau d'artères monstrueuses qui bossèle l'anatomie de cuisses et de biceps colossaux. Elles charrient les hectolitres de sang prune nécessaires à l'irrigation du tressage musculaire qui évoque des torons de câbles d'acier, et s'organise en faisceaux sous-cutanés dont la fibre est perceptible au plus infime changement d'assiette. Ses avant-bras surdéveloppés sont capitonnés à intervalles réguliers comme le cuir d'un énorme Chesterfield par des muscles non homologués, calibrés pour supporter des mains de la taille de godets d'excavatrices, aux ongles écaillés et morcelés. Le dos vouté de la Brute semble ployer sous sa propre masse laissant transparaitre des disques intervertébraux de la taille de balles de baseball, qui roulent entre d'énormes plaques osseuses, affleurant en cadence sous le derme bleu à mesure qu'il progresse…


La jeune femme cesse de se débattre. Elle lève les yeux vers le monstre, une mèche ondulée en travers du visage, le doigt du Chacal toujours entre les dents…


Son expression rogue s'efface immédiatement.


Un voile de peur passe sur son visage, rapidement balayé par l'expression d'une décontraction extrême. Elle contemple bouche bée la Brute avancer vers elle. Quand il arrive à sa hauteur et se plante devant elle, elle lève encore le menton, captivée. Dorcas continue de la ceinturer de ses bras d'étoile de mer baveux, collé à son dos comme un bigorneau dont la survie en dépendrait, alors que la prisonnière n'affiche plus de velléité de rébellion depuis longtemps…


Le scientifique cagoulé lève à son tour les yeux en direction de ceux de son maître, trois mètres plus haut, appréhendant soudain le ridicule de la situation. Il recule en relâchant la captive dont les poignets sont immédiatement entrainés par le poids des lourdes chaines inoxydables contre le simili rouge de ses cuisses moulées.


Les pupilles dilatées de la jeune métisse luttent pour faire le point, puis s'égarent en un léger strabisme. Ses narines se dilatent au rythme d'inspirations saccadées pour pomper l'air qui lui fait défaut sous la présence écrasante...


Son regard perd finalement sa lumière et ses yeux vitreux se révulsent, s'engouffrant sous ses paupières pour n'en laisser paraitre que le blanc. Du côté de sa lèvre fendue, par sa bouche entrouverte, un filet de salive s'écoule pour finir en tache sombre sur son crop pourpre.


Elle reste plantée là, immobile, la tête basculée en arrière, en direction de la Brute tout là-haut...


— Mademoiselle Williams votre fougue est divertissante, mais vous jouez un jeu dangereux. Vous êtes seule ici. Pas de règles pour vous protéger. Encore moins de plot-armor. Ouvrez grand la bouche et acceptez votre bâillon.


La jeune fille ouvre lentement la bouche, puis écarte les mâchoires à un point qui ne peut qu'être douloureux. Deux perles de cristal filent sur ses joues pour se rejoindre sous son menton. Le Chacal en profite pour enfoncer profondément dans la gorge offerte le volumineux dispositif gonflable englobant qui vient se refermer automatiquement derrière la nuque de la captive dans un pchiiit pneumatique hermétique. La masse gonflable remplit sa bouche jusqu'à lui distendre les joues et comprime durement le bas de son visage, pour ne laisser apparaitre que ses petites narines palpitantes au travers de zones translucides qui se troublent à chaque expiration.


Le Chacal vérifie méticuleusement que tout est en place :


— Voilà. Nous contrôlons jusqu'à la quantité d'air que tu respires. Tu ferais mieux d'être sage maintenant...


Avant de tourner les talons, la Brute passe deux de ses énormes doigts sur les cheveux bouclés et les y frotte en signe de renforcement positif :


— C'est beaucoup mieux. Conduis-la dehors, Warren.


À mesure que le colosse s'éloigne, la jeune femme retrouve doucement ses esprits. Ses iris noisette reprennent lentement leur place, puis leur éclat. Le voile de torpeur dissipé, elle semble réaliser, incrédule, ce qu'elle vient d'accepter docilement... Des larmes de frustration et une colère sourde s'insinuent sur son visage outragé, sans qu'un son ne puisse s'échapper de sa bouche pleine à craquer…


Le temps que la Brute retourne sur l'estrade, un tumulte muet a repris dans la salle. Un Chacal maladroit traine tant bien que mal vers la sortie la prisonnière aphone, qui se débat comme une furie sous le regard d'un Modok blanc comme un cierge :


— P… profondément désolé pour le comportement de cette pucelle impertinente, Monsieur Richards…


— J'ai plus de respect pour elle que je n'en aurai jamais pour votre clique de couards obséquieux. Termine ce que tu as commencé, ma patience a ses limites.


— Aah… Euh… Très bien…


Nous disions donc… Depuis que nous avons… investi Subterranea, plusieurs centaines de méta-mercenaires… Non… Les molloïdes… oui… Les molloïdes représentent bien la main d'œuvre anticipée... Ils sont corvéables à loisirs, infatigables, et bêtes comme leurs pieds… Ils extraient d'ores et déjà les ressources abondantes et variées des différents domaines souterrains. Les quartiers résidentiels seront bientôt achevés et permettront selon les désirs de notre bienfaiteur, de loger tout un chacun, quel que soit son rang, dans un luxe enviable... Subterranea se révèle bien la forteresse à l'abri des regards, facile à défendre, et nous livrant accès par l'intermédiaire de son réseau titanesque de grottes interconnectées à absolument toutes les régions du monde, depuis les cavernes du Wakanda jusqu'aux égouts de new York, en passant par les tréfonds des abysses atlantéennes et jusqu'à la Terre Sauvage… Rien en ce monde ne nous est inaccessible, tout est à portée de nos mains….


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