Le Voyageur et le monde des Douze.

Chapitre 2 : Chapitre un : Le monde des Douze

5442 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 08:55

  C'était un beau matin d'Aperiel, le soleil montait doucement dans un ciel clair sur les Plaines de Cania, situées au nord du continent alors que deux voyageurs en provenance de Bonta, la grande cité des anges, de la justice et de l'honneur, marchaient gaiement sur le sentier.

Ils se rendaient aux Plaines Rocheuses, situées au coeur du pays et réputées autant pour leurs arrêtes rocheuses semblant jaillir de terre comme des arbres de pierre cherchant à pousser que pour leur Zaap, un portail magique permettant de voyager jusqu'à un autre Zaap, pour peu que l'on ait déjà touché le point d'arrivée par le passé. Léona éclata de rire, elle racontait l'aventure d'un type qui avait voulu repeindre son salon et qui s'était ouvert les veines pour ça, puis qui avait passé le pinceau jusqu'à s'évanouir à cause de l'hémoraggie. Une histoire très drôle...pour les Sacrieurs.

  - C'était plutôt dégueulasse commenta son ami en retroussant le nez .

  - Allez Angelo, même un Eniripsa peut trouver ça amusant !

Sa moue dubitative parla pour lui, sur le Monde des Douze, on trouvait très exactement douze classes. Les classes sont plus ou moins des races à part entière, avec des attributs particuliers, des pouvoirs et souvent un caractère propre, capable de se transmettre par hérédité tout autant que d'être acquises par un quidam quelconque. Angelo était un Eniripsa, un petit homme avec des ailes de chauve-souris, des oreilles pointues et usant de mots anciens et emplis de pouvoir pour guérir, protéger, ou au contraire agresser. Intelligents, ils sont généralement altruistes et pacifiques.

Particulièrement versé dans les soins de haut niveau et habile utilisateur du Mot drainant, il pouvait refermer les plaies les plus impressionnantes ou arrêter un homme normal sans lui faire le moindre mal d'un seul verbe...contrairement à Léona qui était elle une Sacrieur, une race de redoutables combattants craints non seulement pour leur aptitude à supporter la douleur et à l'utiliser à leur profit pour décupler leurs forces et porter des coups dévastateurs, mais aussi pour leurs pouvoirs de Transfert qui leur permet d'échanger leur place et celle d'une cible. Extrêmement robustes, ils savaient aussi encaisser les dommages à la place de leur alliés ou encore de leur transmettre une partie de leur phénoménale vitalité pour les aider à se remettre d'une blessure qui aurait pu leur être fatale. Contrairement aux Eniripsa, les Sacrieurs ont une fâcheuse tendance à aimer le combat, certains devenant même de furieux berserkers se jetant dans la mêlée et s'emportant à mesure que le sang coule, qu'il s'agisse du leur ou non.

Bien qu'ayant hérité de sa classe ses pouvoirs et un attrait certain pour la bonne bagarre, Léona avait au moins le mérite d'être une "gentille" Sacrieur, qui aimait tout autant rire et prendre soin des autres que se mettre sur la gueule. Angelo l'attrapa soudainement par l'épaule.

  - Il se passe quelque chose lâcha t-il, brusquement tendu.

Puis un roulement sourd se propagea à travers la plaine, l'air se mit à vibrer alors que les Corbacs s'envolaient en nuées paniquées. Un Craqueleur des plaines se releva, pareil à une montagne vivante sortant d'un lourd sommeil et porta son regard de pierre vers l'origine du bruit qui cessa d'un seul coup, laissant le monde se calmer aussi vite qu'il ne s'était agité.

  - C'était quoi, ça dit Léona.

  - Je ne sais pas avoua l'Eniripsa, tu veux qu'on aille voir ?

La Sacrieur hocha la tête et passa devant, les nerfs à vif et jetant des coups d'oeil vigilants partout autour d'elle. Un Porkass, un espèce d'homme-cochon monté sur...un sanglier, passa en trombe un peu plus loin, sa monture visiblement paniquée par le phénomène qu'ils avaient perçu il y a quelques instants. Les Plaines Rocheuses sont peuplées habituelles de Porkass, de Craqueleurs des plaines, gigantesques créatures de pierre et de Corbacs, des oiseaux entièrement noirs dont les cris stridents sont connus pour perturber la concentration au point que la plupart des gens ne sont plus capable de lancer un sortilège ou même de maintenir un envoûtement pendant un petit moment.

Elle était particulièrement nerveuse à cause des Craqueleurs, si ces monstres sont habituellement pacifiques du fait qu'ils n'ont aucun prédateur, et qu'ils peuvent écraser une maison sous leur pied pour les plus grands d'entre eux, ils peuvent se montrer très agressifs si un événement les conduits à s'agiter. Comme maintenant. Il y en avait un bon nombre ici, et un seul d'entre eux suffirait pour les envoyer tous les deux à la mort s'ils ne faisaient pas attention. Fort heureusement, ils paraissaient généralement être plus intrigués par la mystérieuse activité ou bien retournaient vaquer à leurs occupations sans se soucier plus de ce qui s'était passé.

Lorsqu'ils parvinrent à ce qu'ils estimaient comme étant la source du bruit de tout à l'heure, ils n'en menaient pas large, craignant à tout instant une catastrophe, une menace inconnue, une attaque surprise, d'autant plus qu'une odeur planait dans l'air, un parfum frais et que trop connu. Ce goût métallique qui se déposait au fond de la gorge à chaque respiration, une odeur de sang. Les Craqueleurs qui étaient venus jusqu'ici comme eux commençaient à s'en retourner, inintéressé par ce qui s'y passait.

  - Là cria Angelo en pointant du doigt un petit creux dans le sol d'où dépassait un objet brillant, le gantelet d'une armure scintillant sous le soleil.

S'approchant prudemment tout de même de la plaque luisante, ils découvrirent étalé au milieu de l'herbe encore fraîche un homme, de bonne taille, aux cheveux sombres assez longs, un début de barbe lui courant sur le menton, solidement bâti et à l'agonie. Il gisait dans son propre sang, son plastron déchiré laissant à nu de terribles plaies.

  Abandonnant toute prudence, Léona se précipita à ses côtés et palpa sa poitrine déchiquetée et fut horrifiée de ne pas ressentir sa vitalité. La Sacrieuse savait percevoir la force vitale des gens lorsqu'elle les touchait, ne pas la sentir signifiait que le sujet était mort, ou blessé au-delà de toute guérison possible. Même un Eniripsa aussi talentueux qu'Angelo ne pourrait pas le remettre sur pied. Elle secoua péniblement la tête pour informer son ami qu'il ne pourrait rien faire pour ce malheureux...

Puis en y prêtant attention elle ressentit quelque chose, la trace d'une dernière étincelle de vie. L'inconnu n'était pas encore mort, mais il ne tiendrait même pas une seule minute dans cet état. Sans perdre un instant, elle lui appuya sur la poitrine alors que ses veines se gonflèrent soudainement tandis qu'elle opérait un puissant Transfert de vie, un rituel Sacrieur utilisé par cette classe pour donner de leur propre vitalité à quelqu'un. Léona était particulièrement endurante, même pour une des siennes, et elle n'hésitait pas à sacrifier sa santé jusqu'à ce que son patient soit rétabli. En vérité, elle en avait même pris l'habitude...

Elle arrêta brusquement de donner sa vigueur au Planeswalker mourrant lorsqu'elle sentit ses forces l'abandonner d'une façon alarmante. Normalement, elle pouvait guérir une bonne demi-dizaine de personnes et continuer à tenir debout, pourtant elle venait de donner près de la moitié de sa force vitale sans que l'inconnu ne se soit remis. Si la Sacrieur n'avait pas été prise si vite d'un terrible épuisement, elle se serait très probablement vidée de son énergie.

  - Léona ! Qu'est-ce qu'il t'arrive s'alarma son ami qui l'avait vu soudainement pâlir jusqu'à en perdre toute couleur.

Angelo lui lança immédiatement un sort de régénération et usa d'un mot revitalisant pour l'aider à se remettre du choc avant de la serrer contre lui, puis s'intéressa à nouveau à l'étranger et lui lança une magie de reconstitution, un sortilège de guérison particulèrement puissant et éprouvant pour le lanceur. Si la jeune femme avait redonné la vie au mourrant, elle n'avait pas réussi à refermer ses plaies, l'Eniripsa en revanche le pouvait. Sa vitalité en partie restaurée et ses blessures cicatrisant à vue d'oeil, l'homme mystère ne devrait plus tarder à se réveiller bien que le guérisseur doute qu'il soit plus en forme que les deux amis en dépit de leur efforts pour le sauver.

 

  Tyraël retrouva lentement ses esprits et commença à s'agiter faiblement en quittant l'inconscience. Il sentit ses doigts remuer, ses jambes répondre à ses attentes, et sa tête paraissait sur le point d'exploser. Le guerrier toussa un peu et se jura qu'il ne transplanerait plus jamais dans un état critique, avant de se rendre compte que s'il avait à le faire c'est bien en ultime recours pour sauver sa peau.

  - Comment tu te sens lui demanda une voix de femme.

Le Planeswalker battit plusieurs fois des paupières pour habituer ses yeux à la nouvelle luminosité et finit par y voir à peu près clair. Au-dessus de lui se tenait un magnifique visage qui ne devait pas avoir dépassé la vingtaine depuis bien longtemps, au teint légèrement hâlé malgré sa pâleur actuelle, sans doute souffrait-elle de quelque chose supposa t-il un bref instant, aux lèvres fines et deux yeux d'un bleu azuré splendide, un front dégagé surplombé par une abondante chevelure d'un rouge carmin flamboyant attachée en une interminable tresse. Tyraël se raidit brusquement lorsqu'il fit attention aux joues de son interlocutrice : Chacune portait une paire de marques, l'une rouge l'autre noire, tel un tatouage tribal comme il en avait souvent vu au cours de ses voyages, le genre de rituel censé apporter la force et le courage...ou plus souvent vus sur Ravnica comme était le signe de la folie, l'emblème du Culte de Rakdos. Venant tout juste d'échapper à ses fanatiques, il n'avait pas la moindre envie de retomber entre leurs mains, en particulier aussi vite.

Il décocha à la Sacrieur un formidable crochet, étouffant une exclamation de douleur en serrant les dents, un tel geste mettait à mal son corps tout juste soigné, puis roula en arrière pour prendre de la distance. L'effort réveilla la souffrance qui se diffusa à travers toute sa poitrine et lui coupa le souffle.

  - Hé ! Mais vous êtes malade lui hurla un Eniripsa furieux qu'on traite ainsi son amie qui venait de payer cher pour le garder en vie.

Sursautant en remarquant la présence de cette petite créature, aux cheveux en bataille assez courts, à la peau plutôt brune, vêtu d'un gilet sans manche vert et d'un pantalon marron tenu par une épaisse ceinture à laquelle semblaient accroché tout un assortiment de potions, mais son attention fut surtout retenue par les deux ailes de chauve-souris qui dépassait de son dos. Pour le Planeswalker fraîchement réveillé et rescapé de justesse d'une périlleuse mission en territoire ennemi, la fée masculine ressemblait un peu trop à son goût aux diablotins que les cultistes adoptaient plus ou moins en guise de familiers. Ayant besoin de temps pour retrouver totalement ses esprits, il ériga aussitôt une Sphère de sécurité.

  - On s'est cassé le cul à te sauver, et c'est comme ça que tu nous remercie l'invectiva le guérisseur qui se redressait de toute sa minscule stature.

  - Ca va Angelo, le retint la Sacrieur qui se remettait du coup reçu.

  - Non ça ne va pas ! Cet abruti t'as mis une mandale monstrueuse alors qu'il te doit la vie !

  - Ce n'est pas grave lui rétorqua en souriant la jeune femme, il a juste du avoir peur.

Alors que l'Eniripsa s'emportait et tentait de dissuader son amie de défendre le sale type qui vient de lui mettre une torgnole, Tyraël analysa aussi efficacement que possible la situation. Il remarqua d'abord que son état de santé s'était considérablement amélioré, même si certaines plaies menaçaient à tout instant de se rouvrir il ne se vidait plus de son sang. De plus il avait le sentiment d'avoir récupéré une bonne partie de ses forces en dépit de l'état dans lequel il traversa les terribles Eternités Aveugles, et malgré la migraine qui lui rongeait le crâne il se sentait plutôt en forme maintenant, il lui suffirait certainement d'un peu de repos pour se remettre totalement de ses mésaventures.

Ensuite, tandis que Léona tentait patiemment de convaincre son ami que ce pauvre homme avait simplement paniqué à son réveil et que de toute façon elle en avait déjà vu des pires, le Planeswalker remarqua alors que ceux qu'il avait pris tout d'abord pour des cultistes étaient bien étranges. Le diablotin ne possédait rien qui puisse être un minimum menaçant. Même son visage avait l'air plutôt amical et confiant, lorsqu'il ne virait pas au rouge à cause d'une crise de colère, et ne représentait finalement à priori aucun danger. Il s'intéressa ensuite plus en détail à la femme qu'il avait frappé et remarqua qu'elle était presque aussi grande que lui, avec une poitrine assez généreuse cachée sous un simple bout de tissu et portant seulement un long pagne usé en guise de vêtement, elle avait aussi d'inquiétants tatouages d'un rouge un peu plus sombre que la longue tresse qui lui descendait jusqu'au niveau des chevilles et qui évoquait des flammes, ou alors du sang animé par une quelconque force mystique et dont les arabesques captivantes s'enroulait jusqu'au milieu de ses avant-bras. Elle avait aussi un tatouage au niveau de l'épaule gauche, mais le guerrier ne parvint pas à déterminer si ses motifs complexes entièrement noirs représentaient la vie ou au contraire la mort.

Lorsqu'elle se tourna vers lui avec un magnifique sourire après avoir réussi à plus ou moins calmer Angelo, l'Arpenteur, un autre nom des Planeswalkers, relâcha sa barrière magique. Une Rakdos, ou quiconque leur ressemblant d'une façon ou d'une autre, ne serait pas aussi paisible et ne sourirait pas avec une telle candeur.

  - Tu vois dit la Sacrieur en voyant la protection disparaitre, il a simplement paniqué.

En dépit du mince filet de sang qui s'échappait par la commissure de ses lèvres, Léona s'approcha doucement de l'inconnu puis lui tendit la main. A la fois gentille, solide, et pas rancunière pour deux sous, elle ne restait pas sur un simple malentendu, aussi musclé fut-il.

  - Salut ! Moi c'est Léona se présenta t-elle gaiement.

Tyraël émettait de sérieuses réserves à laisser s'approcher cette fille qui ressemblait un peu trop à ses ennemis d'un autre monde, et plus encore à la toucher. Toutefois il s'imposait une règle de vie stricte à suivre, faite d'honneur et de bonne éducation. Aussi finit-il par lui serrer la main, comme on le faisait dans pas mal de civilsation pour se saluer.

  - Je me nomme Tyraël lâcha t-il avec méfiance, excusez-moi pour le coup.

  - Oh ce n'est rien, ne t'en fais pas éluda t-elle.

  - Hé le Féca l'interpella Angelo, tu viens d'où ainsi équipé ? Et t'es tombé sur quoi pour finir dans un état pareil ?

Haussant un sourcil face au nom employé, l'intéressé regarda le petit diablotin en essayant d'organiser ses pensées. Il n'aimait pas dire qu'il est un Planeswalker, toutefois il abhorre encore plus de mentir. Aussi le plus souvent s'efforçait-il de trouver un moyen de détourner un peu la vérité sans la dénaturer.

  - De très loin répondit-il froidement, et j'ai eu des soucis avec une bande de fous.

Les deux points étaient tout ce qu'il y a de plus vrai et n'en disaient pas trop pour autant, ça lui convenait parfaitement. Il semblait en revanche que ça ne convainquait pas vraiment l'Eniripsa.

  - Pourtant il n'y a pas grand monde dans le coin fit-il remarquer avec suspicion.

Malin se dit Tyraël, fallait trouver quelque chose. De toute façon, s'il leur disait Salut ! Je viens d'un autre monde et j'ai changé de planète car j'étais poursuivi par des fanatiques adorateurs de démons qui voulaient ma peau, il y avait peu de chances pour qu'ils le croient.

  - Ah mais j'avais pas vu que le Zaap était aussi près s'exclama soudainement Léona en tendant le doigt.

Tournant la tête, l'Arpenteur regarda ce qu'elle avait appelé "Zaap". On croirait entendre un nom Izzet...reste à espérer que ça n'explose pas. La chose en question se présentait sous la forme d'une arche circulaire, composée de pierres taillées et gravées de runes. L'apparence du Zaap lui faisait étrangement penser à un autre Plan qu'il avait visité, il y a quelques années de ça, où la guerre faisait rage et où les ruses déployées étaient plus audacieuses les unes que les autres. L'un des camps possédait des artefacts ressemblant beaucoup à ceux-ci, qui permettaient en passant à travers de sortir par un autre artefact. Bien qu'ils ne soient que très peu utilisés, Tyraël en avait gardé un fort souvenir à cause de leur nom, "La porte des étoiles" qu'ils l''appelaient, car l'un des portails se trouvait dans une cité volant au-dessus des nuages et fut le premier à être utilisé.

  - Il s'est sûrement battu loin d'ici supposa Léona, puis il a traversé le Zaap quand il a sentit qu'il ne pourrait pas vaincre et est parvenu jusqu'ici.

Son ami resta sceptique bien que l'hypothèse tenait debout, si ses poursuivants n'avaient jamais mis les pieds aux Plaines Rocheuses alors ils auraient été incapable de le suivre, le Zaap ne les aurait pas fait sortir. De plus, dans l'espace entre deux portails aucune violence n'est possible. La raison l'expliquant est inconnue, mais on ne peut infliger aucune blessure dans "l'entremonde" comme l'appellent certains, donc si Tyraël avait traversé un premier Zaap, il aurait été sauvé.

  - Bon, je pense qu'on va tous avoir besoin de repos poursuivit la Sacrieur en brisant le silence qui s'installait, on a qu'à profiter du Zaap pour rentrer à Bonta et prétexter qu'il y a eu un événement exceptionnel pour justifier notre retour rapide !

Angelo eut une moue désapprobatrice. Ils avaient été envoyé en patrouille par la cité des anges, et une patrouille se doit normalement d'assurer le voyage du retour pour s'assurer de n'avoir manqué aucun détail, revenir par téléporteur risquait d'être mal vu par leur supérieur...mais d'un autre côté il est vrai qu'il les voyait mal faire le voyage de retour dans leur état, de plus il avait hâte d'avoir un peu d'aide pour surveiller l'autre cinglé bizarre. Voir qu'il cachait quelque chose était tout ce qu'il y avait de plus facile, mais ne pas savoir ce que c'était le dérangeait particulièrement. Tyraël lui avait simplement besoin de temps pour recouvrer toutes ses forces et retourner sur Ravnica, on ne peut pas transplaner sainement dans un intervalle de temps aussi court. Il a déjà eu de la chance de survivre à ce premier voyage, il n'allait pas tenter le diable et se relancer à travers l'univers dans son état.

  - Mais ne me laissez pas parler toute seule se plaignit Léona, oh et puis zut, moi j'me tire !

La jeune femme vexée de monologuer partit vers l'arche de pierre. l'Eniripsa lança un regard noir au Planeswalker, puis commença à la suivre, essayant comme il pouvait de garder un oeil sur Tyraël qui hésita un instant avant de se mettre à leur suite. Ils étaient son premier contact, et ne semblaient pas hostile. Le diablotin ne le traitait avec méfiance que parce qu'il avait manqué d'assommer son amie, amie qui elle en revanche ne se plaignait que du manque de loquacité de ces compagnons.

  - Au fait fit-elle en se retournant vers le voyageur d'un autre monde, euh...Tyraël c'est ça ? Tu es déjà allé à Bonta ?

Il secoua simplement la tête en supposant que c'était une ville, aussi il serait tout à fait normal qu'il ne s'y soit jamais rendu.

  - Et à Brâkmar cracha presque un Angelo rancunier.

Une nouvelle fois, le guerrier dénia la question. En revanche le ton de l'Eniripsa lui fit penser qu'il ne portait pas cette "Brâkmar" dans son coeur. Il sursauta quand la Sacrieur lui prit soudain la main et jeta une pièce d'or dans l'anneau formé par l'arche, la pièce disparut aussitôt alors qu'un voile opaque à la teinte bleutée s'étirait entre les pierres en déformant l'espace.

  - Surtout ne me lâche pas lui conseilla Léona.

Elle s'engagea à travers le voile qui sembla l'avaler. Son bras tenu par la jeune femme commençant à être aspirer lui aussi, Tyraël jeta un bref regard vers le guérisseur en se demandant pourquoi elle ne le tenait pas lui. Il se sentit un instant pris de panique, ce qu'ils appelaient "Zaap" ne lui inspira soudainement pas confiance mais il était trop tard et il fut à son tour englouti par le portail quand la Sacrieur le tira derrière elle, suivi peu après par Angelo.

  En tant que Planeswalker, Tyraël avait beaucoup voyagé, et au fil des mondes qu'il explorait il eut aussi l'occasion d'expérimenter plusieurs moyens de transports. Il avait même connu plusieurs types de téléporteurs, mais ces Zaaps rentraient dans une catégorie à part, ce n'était pas des téléporteurs, mais des portes entre deux dimensions.

L'ordre, les lois de la nature, et toutes les belles théories scientifiques n'existaient plus. Il existait une incroyable quantité de chemins, si tant est qu'on peut appeler un résidu assez vague de matière qui se distingue du reste de l'environnement un chemin, dont l'enchevêtrement défiait la logique. Certains s'entortillaient sur eux-mêmes, d'autres faisaient des virvoltes ou bien bougeaient par leurs propres moyens, quelques uns encore se retournaient carrément pour mener à des portes situés à ce qu'on aurait pu appeler un plafond si seulement il y avait eu moyen de définir des limites. L'univers était juste là, à portée de bras, au-delà des chemins menant à de nombreuses portes à l'âge éternel, il n'y avait que l'Espace. Il pouvait voir briller les étoiles d'un univers vide, les comètes filer à travers le vide en dispersant les poussières sidérales qui scintaillaient comme autant de nuages merveilleux et enchanteurs, l'obscurité dominait dans ce Plan d'existence sans vie, mais pas la peur. Il n'y avait aucun mal, aucune sournoiserie ou cruauté dans cette dimension, uniquement l'existence, le fait d'être, tout simplement. Un frisson remonta le long de l'échine du Planeswalker lorsqu'il remarqua l'absence de Mana de cet univers. Ce manque le terrifiait, mais expliquait pourquoi ce qu'il voyait lui semblait si parfait. Il n'y avait aucune loi, aucune infraction, aucune règle ni raison. C'était, et ça suffisait. Sans inflexibilité, sans violence, sans sauvegerie, sans désir, sans faim, c'était un univers parfait, tout simplement parfait. Il ne lui venait pas d'autre mot que celui-ci... Parfait...

  - Hé bien Tyraël, qu'est-ce que tu fais ?

Le guerrier sursauta quand Léona lui tira un peu le bras, l'arrachant presque douloureusement à sa rêverie. Retrouvant brusquement ses esprits, il secoua la tête en se disant que c'était dangereux de s'arrêter ainsi à la frontière des Plans. La Sacrieur se faisant insistante, il recommença à la suivre en maugréant intérieurement. Comment peuvent-ils passer devant une telle magnificence et ne même pas lui accorder un regard se demanda l'Arpenteur en continuant à régaler ses yeux du spectacle d'une si belle galaxie.

Ils suivirent un chemin quelconque, Tyraël n'y prêtait pas la moindre attention, en direction d'une grande porte d'un bois qui donnait l'impression d'être plurimillénaire. Quelque part, il avait une certaine hâte de quitter ce lieu, il s'y sentait mal à l'aise. Le <> est bien plus qu'enchanteur, et il sait que bon nombre d'Arpenteurs seraient prêts à passer une longue partie de leur simplement à contempler un tel domaine, mais en parallèle l'absence totale de Mana l'étouffait, le guerrier se sentait en péril, comme s'il marchait en équilibre au bord d'une gouffre dont il ne pouvait voir le fond. Une lumière vive lui fit plisser les yeux alors qu'une vague d'énergie blanche attira brusquement son attention, comme un prédateur humant l'odeur du sang Tyraël s'arracha à la contemplation d'une éternité immuable et se tourna vers la porte que traversait déjà la Sacrieur. Maintenant il regrettait de quitter cet entremonde, mais il avait besoin de la force qui se dégageait d'un Plan bien vivant, d'autant plus que la jeune femme continuait à le tirer derrière elle.

Lorsque son bras commença à passer le seuil de la porte, le Planeswalker se retourna et imprima une dernière fois les délices d'un univers entier dans son esprit avant de s'abandonner à la réalité et de traverser le portail vers le monde des Douze.

Quand il sortit du Zaap, il fut submergé par une telle déferlante de Mana blanc, surtout après subi son absence lors du passage dans l'entremonde, qu'il suffoqua un instant sous ce délicieux assaut alors qu'il se figeait brusquement.

  - Tyraël ? Qu'est-ce qu'il y a s'inquiéta Léona de le voir ainsi tétanisé

Retrouvant petit à petit sa liberté de mouvement alors qu'il s'accoutumait à l'intensité de l'énergie de la cité, l'Arpenteur sentit ses forces se reconstituer. Il ne pouvait pas espérer mieux pour se rétablir qu'une ville regorgeant de son Mana majoritaire.

  - Je crois que je vais me plaire ici sourit-il enfin à la Sacrieur, la santé semblant lui revenir à vue d'oeil.

Angelo sortit aussi du Zaap, se demandant ce qui lui venait d'arriver à l'étranger alors que la jeune femme lâchait enfin le bras du Planeswalker avant de faire quelque pas pour faire une mise en scène un peu plus théâtrale.

  - Tyraël, bienvenue à Bonta !

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